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Parlons franchement de la santé mentale au travail
Alors qu’au travail, beaucoup de gens souffrent des conséquences psychologiques de la pandémie, la santé mentale ne doit pas rester un sujet tabou.
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Manal Azzi, Spécialiste principale sécurité et santé au travail (SST) à l’OIT |
C’est pourquoi il est essentiel d’évoquer la santé mentale de manière claire et ouverte.
Le télétravail est devenu la nouvelle normalité. Il a occasionné de nouvelles formes de stress pour les travailleurs, ces derniers se retrouvant isolés ou à devoir jongler entre leurs responsabilités familiales et professionnelles. Lorsqu’ils travaillaient depuis leur domicile, ils ont aussi vu les frontières s’estomper entre vie professionnelle et vie privée. Le phénomène s’est révélé si soudain et si considérable qu’il n’existe aucune règle en matière de télétravail qui puisse assurer une protection suffisante.
Celles et ceux qui sont en première ligne, comme les personnels de santé et des services d’urgence, mais aussi ceux qui travaillent dans la production de biens essentiels, les livreurs et les transporteurs ou encore ceux qui assurent la sûreté et la sécurité des populations, sont également confrontés à des situations stressantes en raison de la pandémie.

De nombreuses personnes ont aussi fait l’objet d’attaques physiques. Une des histoires les plus préoccupantes dont j’ai eu l’écho concerne le cas d’un épicier, au Pakistan, qui a été frappé à coups de bâton par des clients parce qu’ils lui reprochaient une pénurie de farine dans son magasin.
Tout cela a pour effet de nuire gravement à la santé mentale et au bien-être des travailleurs.
Pour ajouter encore à la situation, beaucoup ont peur de perdre leur emploi. Des licenciements massifs touchent tous les secteurs de l’économie. Alors que le chômage est au plus haut depuis la «Grande dépression», il n’est pas étonnant que nous nous posions des questions sur notre avenir.
S’ils ne sont pas évalués et pris en charge de manière appropriée, ces risques psychologiques peuvent déclencher ou aggraver la souffrance et se transformer en de véritables problèmes de santé mentale.
Pour protéger le bien-être au travail en ces temps de crise, l’OIT publie un nouveau guide destiné à la fois aux travailleurs, aux employeurs et aux dirigeants d’entreprise intitulé Managing work-related psychosocial risks during the COVID-19 pandemic (Gérer les risques psychosociaux relatifs au travail pendant la pandémie de COVID-19).
Ce guide répertorie dix domaines d’action sur le lieu de travail, couvrant à la fois les périodes de confinement et le retour au travail.
La publication comprend des conseils au niveau de l’organisation de l’environnement physique des lieux de travail, y compris à propos des aménagements et des points d’exposition aux agents dangereux dans le contexte spécifique du COVID-19. Elle évoque aussi la manière d’évaluer la violence et le harcèlement et met en évidence comment un leadership fort et efficace peut avoir un impact positif sur le personnel.
Le guide explique également comment se protéger contre les licenciements abusifs lorsqu’une personne refuse de travailler par peur que sa vie ou sa santé ne soit en danger.
Il est très difficile de vivre avec cette pandémie. Beaucoup d’entre nous sommes confrontés à cette situation pour la première fois. Nous ne savons pas comment procéder, nous n’avons pas l’expérience et pas de modèle auquel nous pourrions nous fier. C’est pourquoi il est essentiel de disposer de directives et d’évoquer ce problème de la santé mentale au travail. Ainsi, nous pourrons briser ce tabou.
Par Manal Azzi, Spécialiste principale sécurité et santé au travail (SST) à l’Organisation internationale du Travail (OIT)