21 millions de victimes du travail forcé dans le monde selon l’OIT

Selon de nouvelles estimations de l'OIT, 3 personnes sur 1 000 dans le monde sont prises au piège d’emplois qui leur ont été imposés par la contrainte ou la tromperie et qu’elles ne peuvent quitter.

Communiqué de presse | 1 juin 2012
GENÈVE (Nouvelles de l’OIT) – Près de 21 millions de personnes sont victimes du travail forcé dans le monde, prises au piège d’emplois qui leur ont été imposés par la contrainte ou la tromperie et qu’elles ne peuvent quitter, indique une nouvelle étude de l’OIT.

La région d’Asie-Pacifique représente le plus grand nombre de travailleurs forcés dans le monde – 11,7 millions (56 pour cent) de l’effectif global, suivie de Afrique avec 3,7 millions (18 pour cent) et de l’Amérique latine avec 1,8 million de victimes (9 pour cent).

Nombre de victimes du travail forcé par région


Beate Andrees, à la tête du Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé du BIT indique qu’eu égard aux progrès méthodologiques réalisés depuis la dernière estimation mondiale (2005) cette nouvelle étude s’appuie sur des données plus affinées : «Nous avons fait beaucoup de chemin au cours des sept dernières années, depuis que nous avons produit pour la première fois une estimation du nombre de personnes soumises au travail ou service forcé dans le monde. Nous avons également fait des progrès significatifs en veillant à ce que la plupart des pays soient dotés d’une législation qui considère le travail forcé, la traite d’êtres humains et les pratiques assimilables à l’esclavage comme des infractions pénales».

Les chiffres du travail forcé

  • 3 personnes sur 1 000 dans le monde sont victimes de travail forcé
  • 18,7 millions de travailleurs (90 pour cent) sont exploités dans l’économie privée, par des individus ou des entreprises. Parmi eux, 4,5 millions (22 pour cent) sont victimes d’exploitation sexuelle et 14,2 millions (68 pour cent) sont victimes du travail forcé dans des activités économiques comme l’agriculture, la construction, le travail domestique ou la production manufacturée.
  • 2,2 millions (10 pour cent) sont concernés par des formes de travail forcé imposées par l’Etat, par exemple en prison dans des conditions qui sont en violation aux normes de l’OIT, ou exercent des activités imposées par l’armée nationale ou par des forces armées rebelles.
     
  • 5,5 millions (26 pour cent) ont moins de 18 ans.
  • C’est dans la région qui comprend l’Europe centrale et du Sud-Est et la Communauté des Etats Indépendants ainsi qu’en Afrique que le nombre de victimes pour 1 000 habitants est le plus élevé, avec respectivement 4,2 et 4 pour mille habitants. Il est plus faible dans les économies développées et l’Union européenne, avec 1,5 pour mille.
  • Cette prévalence relativement élevée dans la région qui comprend l’Europe centrale et du Sud-Est et la Communauté des Etats indépendants peut s’expliquer par le fait que la population est bien moins nombreuse qu’en Asie par exemple mais, parallèlement, les rapports faisant état de trafic de main-d’œuvre à des fins d’exploitation économique et sexuelle et de travail forcé imposé par l’Etat sont nombreux dans la région.
  • Les économies développées et l’Union européenne abritent 1,5 million de travailleurs forcés (7 pour cent)
  • Les pays d’Europe centrale et du Sud-Est et de la CEI représentent 1,6 million de personnes (7 pour cent)
  • On estime à environ 600 000 (3 pour cent) les victimes au Moyen-Orient
Mme Andrees souligne que l’attention devrait dorénavant se porter sur une meilleure identification et une poursuite plus efficace du travail forcé et des délits connexes tels que la traite humaine. «Réussir à mener des poursuites à l’encontre des quelques individus qui entraînent dans la misère tant de victimes demeure difficile – cela doit changer. Nous devons aussi nous assurer que le nombre des victimes n’augmente pas avec cette crise économique qui fragilise de plus en plus les gens face à des pratiques détestables», ajoute-t-elle.
 
 

Aller plus loin


Le travail forcé est le terme utilisé par la communauté internationale pour décrire des situations dans lesquelles les personnes impliquées – femmes et hommes, filles et garçons – doivent travailler contre leur gré, contraints par leur recruteur ou leur employeur, par exemple en utilisant la violence ou la menace de violence, ou par des moyens plus subtils comme le surendettement, la confiscation des papiers d’identité ou des menaces de dénonciation aux services d’immigration. Ces situations peuvent aussi relever de la traite d’êtres humains ou de pratiques comparables à l’esclavage, qui sont similaires même si elles ne sont pas identiques au sens juridique. Le droit international stipule que le fait d’exiger du travail forcé est un crime et doit être puni par des sanctions qui reflètent la gravité du délit.

 Conventions de l'OIT
  • Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930: Cette convention fondamentale interdit toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, qui est défini comme «tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré». Des exceptions sont prévues: le travail exigé dans le cadre du service militaire obligatoire ou des obligations civiques normales; comme conséquence d’une condamnation prononcée par une cour de justice (à condition que le travail ou service en question soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que la personne qui l’exécute ne soit ni recrutée ni mise à la disposition de particuliers, d’entreprises ou d’associations); en cas de force majeure; et pour de menus travaux d’utilité collective exécutés par des membres de la communauté dans l’intérêt de celle-ci. La convention prévoit aussi que l’exigence illégale du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et que les Etats qui la ratifient devront s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
     
  • Convention (n° 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957: Cette convention fondamentale interdit le recours au travail forcé ou obligatoire comme moyen de coercition ou d’éducation politique ou comme sanction pour avoir tenu ou exprimé certaines opinions politiques ou qui manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi; comme méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique; comme mesure disciplinaire au travail; comme punition pour avoir participé à des grèves; comme mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
     
  • En outre, le travail forcé ou obligatoire des enfants âgés de moins de 18 ans est l’une des pires formes de travail des enfants comme le spécifie la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.

Voir également: