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Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Rapport général


 

Convention no 95: Protection du salaire, 1949

Russie, Fédération de (ratification: 1961). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le ministère du Travail et du Développement social de la Fédération de Russie souhaite informer l'OIT des mesures prises par le gouvernement en vue de résoudre la question des arriérés de salaires dans les organisations dont le financement est assuré par le budget de l'Etat. Il s'agit ici de faire suite à la réclamation présentée au BIT par le Comité central du Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie concernant les violations, par la Fédération de Russie, des dispositions de la convention (no 95) sur la protection des salaires, 1949.

Suite à une réunion entre les représentants des organes fédéraux concernés du pouvoir exécutif, les dirigeants de la Fédération des syndicats indépendants de Russie («FNPR») et le Comité central du Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie, le ministère du Travail et le ministère des Finances ont résumé les propositions de l'ensemble des parties intéressées visant à résoudre la question des arriérés de salaires dans les organisations financées par le budget de l'Etat.

Prenant en compte ces propositions, le ministère du Travail et le ministère des Finances ont élaboré deux projets de décrets présidentiels -- «sur les mesures supplémentaires destinées à garantir le paiement des salaires des employés du secteur financé par le budget et à assainir les finances de l'Etat et des municipalités», et «sur les mesures destinées à assurer le contrôle syndical sur le paiement à temps des salaires» -- et les ont soumis au gouvernement de la Fédération de Russie.

Au cours de l'élaboration de ces projets de décrets, une attention particulière a été accordée au fait que la procédure de paiement des salaires a été entravée par la ventilation, sans contrôle, des fonds au niveau local, ainsi que par des décisions prises en coulisse par les autorités régionales et locales en vue de la résolution du problème. Afin d'améliorer le contrôle sur le règlement des arriérés de salaires et de garantir un paiement rapide des salaires dans l'avenir -- tout en assurant une plus grande responsabilité publique et une plus grande transparence dans la procédure --, il est proposé de faire appel au concours des syndicats.

Le projet de décret présidentiel «sur les mesures supplémentaires destinées à garantir le paiement des salaires des employés du secteur financé par le budget et à assainir les finances de l'Etat et des municipalités» contient des dispositions pour:

Le projet de décret présidentiel «sur les mesures destinées à assurer le contrôle syndical sur le paiement à temps des salaires» prévoit la création de groupes syndicaux dans les entreprises, institutions et organisations des territoires, en vue d'assurer un contrôle sur le paiement à temps des salaires et la diffusion d'informations nécessaires à ces groupes.

En vue de la coordination des activités des groupes syndicaux de contrôle et pour la collecte rapide d'informations sur les obstacles au paiement des salaires, l'institution d'une commission présidentielle sur les questions afférentes au paiement à temps des salaires a été proposée. Le projet de décret a été auparavant examiné et coordonné avec le FNPR.

En outre, le vice-président du gouvernement de la Fédération de Russie a approuvé un plan visant à résoudre les problèmes concernant le paiement rapide des salaires aux employés des organisations financées par le budget de l'Etat. Ce plan prévoit, en particulier:

De l'avis du ministère du Travail, ces mesures contribueront à la résolution du problème des arriérés de salaires des employés de l'ensemble du secteur financé par le budget de l'Etat.

En outre, un représentant gouvernemental de la Fédération de Russie a déclaré que la Russie fait rapport sur l'application de la convention no 95 pour la première fois depuis qu'elle est devenue Membre de l'OIT. La convention a été ratifiée par son pays en 1961. L'attitude de la Fédération de Russie est normale vis-à-vis des observations qui lui sont adressées par les organes de contrôle de l'OIT, ce qui n'était pas le cas de l'URSS. A cette époque, lorsque la commission d'experts formulait une demande directe, l'attitude était extrêmement négative. Toute observation des organes de contrôle était considérée comme une atteinte aux fondements mêmes de l'Etat. Aujourd'hui, la Fédération de Russie souhaite coopérer de manière constructive avec les organes de contrôle de l'OIT. Le gouvernement est ouvert au dialogue et il souhaite le poursuivre avec tous les organes de contrôle de l'OIT.

Le Conseil d'administration a mis un terme en novembre 1997, à sa 270e session, à la procédure prévue par l'article 24 de la Constitution sur la réclamation qui était adressée à la Russie à propos de l'application de la convention. La Fédération de Russie a également pris connaissance des commentaires de la commission d'experts qui la concernaient et a fourni des informations sur ce sujet. Le représentant gouvernemental espère que la commission d'experts aura tenu compte de la portée de ces informations et de leur objectivité.

Malheureusement, la situation est très complexe. Le pays est en transition vers l'économie de marché. Cette période de transition est très difficile pour une société où il existait un monopole du pouvoir, de l'idéologie et de l'économie. La restructuration de la société se fait dans tous les sens. A l'évidence, cette situation complexe ne va pas sans inconvénients ou erreurs. Autrefois, le pays se trouvait dans un isolement presque complet et il se souciait dans une grande mesure de diffuser son idéologie. Aujourd'hui, il revient à une forme civilisée de développement et il est davantage ouvert sur le monde, lequel est de plus en plus interdépendant.

Les préoccupations des syndicats russes, à propos des arriérés de paiement des salaires, sont complètement partagées par le gouvernement de la Fédération de Russie qui déploie des efforts énormes pour remédier à cette situation. Le représentant gouvernemental en veut pour preuve que, parmi les premières personnalités que le nouveau chef du gouvernement russe a rencontrées au moment de prendre ses fonctions, on compte M. Shmakov et d'autres dirigeants syndicaux du pays.

Aujourd'hui, le montant total des arriérés de salaires s'élève à 62,8 milliards de roubles, somme qui comprend les arriérés entraînés par le financement insuffisant des budgets fédéraux et régionaux, qui représente 9,5 milliards de roubles. La dette du gouvernement fédéral ne dépasse pas 30 pour cent.

Le représentant gouvernemental rappelle les principales raisons qui ont entraîné la crise des salaires.

D'abord, la situation financière précaire du gouvernement est due à ce qui suit:

a) l'inefficacité de la collecte des impôts;

b) l'accroissement des non-paiements mutuels;

c) la faiblesse des activités d'investissement.

Les non-paiements, en ce qui concerne les obligations mutuelles (53,3 milliards de roubles), sont dus à la situation financière difficile de nombreuses entreprises et entités. A la fin de 1997, la proportion d'entreprises non rentables dans les principaux secteurs s'élevait à 47,6 pour cent, à 58,6 pour cent dans le secteur des transports, et à 40,9 pour cent dans le bâtiment.

Dans les entreprises, la situation des paiements est difficile, et
15 pour cent seulement des paiements sont effectués sous une forme monétaire.

Au-delà des raisons objectives, l'insolvabilité des entreprises, en particulier leur incapacité de payer les salaires, découle souvent d'une mauvaise gestion industrielle et financière et d'une privatisation inefficace dans le cadre de laquelle les nouveaux propriétaires des entreprises ne se soucient pas en priorité de la stabilisation économique et des activités industrielles. Malheureusement, de nombreux dirigeants d'entreprises préfèrent ne pas payer les salaires pour résoudre leurs difficultés financières, au détriment de l'Etat et des travailleurs. Cela peut être expliqué par le fait que les sanctions économiques, disciplinaires et administratives prévues par la loi sont largement compensées par les profits que les entreprises peuvent tirer en agissant de la sorte. A ce sujet, le gouvernement prend des mesures spécifiques: le personnel des entreprises peut suivre des cours intensifs de formation, y compris à l'étranger, pour mieux gérer l'entreprise dans les conditions économiques qui prévalent aujourd'hui. Par ailleurs, ces mesures visent à éliminer les carences de la législation. Le gouvernement compte sur l'efficacité de ces mesures pour renforcer la discipline fiscale et financière et pour réduire les dépenses budgétaires.

Le représentant gouvernemental fait état du programme de la Fédération de Russie pour 1998 en matière de projets de lois, programme qui prévoit l'élaboration de 75 projets de lois fédérales. Nombre de ces projets portent notamment sur les domaines social et du travail, sur les conditions de travail, sur le paiement des rémunérations et salaires, sur la sécurité sociale, sur la sécurité et la santé au travail et sur la protection des activités syndicales.

La Russie continue d'enregistrer des pertes économiques en raison du nombre élevé de chômeurs officiellement enregistrés. Le coût du chômage s'élève à 63,8 milliards de roubles (les fonds pour le paiement des salaires, les recettes tirées des impôts sur le revenu et les cotisations n'atteignant pas les montants escomptés). Si l'on applique les méthodes de calcul de l'OIT, ces pertes s'élèvent à 128,6 milliards de roubles, soit deux fois plus.

Bien que la Russie ne soit pas à part entière un acteur économique à l'échelle mondiale, elle est déjà considérablement et directement influencée par cette évolution. En raison de la chute des prix internationaux d'un certain nombre de biens exportés par la Russie, notamment les carburants, les sources d'énergie et les métaux ferreux et non ferreux, les pertes de la Russie s'élèveront à quelque deux milliards de dollars en 1998. Le montant total du fonds pour les salaires du secteur pétrolier tombera à 5,4 milliards de roubles et, dans l'industrie du charbon, à 1,4 milliard de roubles. Des pertes économiques considérables seront enregis-
trées dans la fourniture de gaz naturel, de bois et de caoutchouc synthétique.

En Russie, la situation économique subit également, à n'en pas douter, les contrecoups de la crise financière asiatique. La situation difficile du marché financier russe a obligé le gouvernement et la Banque centrale de Russie à accroître fortement le taux de refinancement des obligations privées. Si la Russie n'avait pas agi de la sorte, il aurait fallu dévaluer la monnaie nationale de 30 pour cent. Les mesures qui ont été prises ont permis de revenir à un taux analogue à celui qui existait avant la crise.

Le problème des arriérés de salaires est directement lié aux réformes structurelles, car il n'existait pas de solution économique facile et rapide si l'on tient compte de la particularité de la situation russe. Ces réformes sont effectuées en coopération, dans une certaine mesure, avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, institutions qui, généralement, minimisent l'importance de l'aspect social du problème.

En ce qui concerne l'endettement des entreprises financées sur des budgets régionaux et locaux en 1997, il a pratiquement disparu grâce à l'aide financière, d'un montant de 20 milliards de roubles, qui a été accordé à ces entreprises. En janvier 1998, seules cinq régions de la fédération avaient encore des dettes au titre de salaires non versés.

Quelle est la politique actuelle du nouveau gouvernement de la Russie pour résoudre le problème des arriérés de salaires? Il y a deux solutions: d'un côté, la confrontation avec les partenaires sociaux, les accusations mutuelles, mais ce serait s'éloigner de la démocratie qui s'implante en Russie avec bien des difficultés; de l'autre, la coopération, le dialogue et l'action conjointe, c'est-à-dire ce qui est prôné par l'OIT et suivi désormais par la Russie. La coopération a eu de bons résultats: des programmes techniques ont été menés avec les partenaires sociaux et l'OIT, et les conventions de l'OIT qui ont été ratifiées jouent un rôle essentiel dans les progrès de la législation nationale. A la fin de 1997, une conférence a réuni à Moscou, la Confédération internationale des syndicats libres, l'OIT et les syndicats russes sur la question du paiement des salaires. En avril 1998, une réunion s'est tenue sur la même question avec les représentants de diverses administrations (ministères du Travail, des Finances et de l'Education), les dirigeants des syndicats des travailleurs de l'éducation et du secteur scientifique et la Fédération des syndicats indépendants de Russie. A ces deux occasions, des recommandations ont été adressées au gouvernement russe. En particulier, on a suggéré de recourir aux syndicats pour renforcer le contrôle du paiement des salaires. Récemment, le 5 mai 1998, le Président de la Russie a pris un décret sur les mesures supplémentaires visant à garantir le paiement des salaires des travailleurs par les services budgétaires et à améliorer la situation financière. Ce décret établit les modalités de l'assistance financière apportée par le budget fédéral aux régions qui composent la Fédération de Russie; le gouvernement est tenu de conclure dans un délai de deux mois un accord avec ces régions sur l'octroi de cette assistance. On notera également qu'il a été tenu compte du paiement en temps voulu des salaires dans les accords tarifaires d'ordre général et par secteur, ainsi que dans les conventions collectives.

Malheureusement, les informations fournies par le gouvernement ne sont pas toutes contenues dans le rapport de la commission d'experts sur l'application de la convention no 95 en Russie. Ces données portent sur la supervision, par l'inspection du travail, de la législation relative aux salaires. A ce sujet, le représentant gouvernemental rappelle qu'en 1997 l'inspection du travail, les services du procureur, l'inspection fiscale, le ministère des Finances et le ministère de la Police ont mené à bien des inspections dans 45.000
entreprises en Russie. Ces inspections ont fait apparaître plus de 27.000 cas de violation de la législation en matière de salaires, et un montant de près de six milliards de roubles a été consacré au paiement des salaires dus aux travailleurs. Pendant les cinq premiers mois de 1998, plus de 16.000 inspections ont été effectuées et
1,7 milliard de roubles ont été consacrés au paiement de salaires. Les entreprises qui ont violé la législation en matière de salaires et

qui ont fait un usage abusif des ressources budgétaires sont passibles de sanctions administratives et disciplinaires. Le gouvernement a également soumis au parlement des projets de lois visant à modifier le droit du travail, le droit administratif et le droit pénal afin d'alourdir les peines sanctionnant les infractions à la législation sur les salaires. Ce projet de loi a été soumis il y a plus d'un an et le parlement ne l'a pas encore adopté, pas plus qu'il n'a adopté le projet de loi visant à mettre un terme aux infractions systématiques de la part des banques commerciales, infractions qui ont des conséquences directes sur l'arriéré des salaires. Des informations détaillées sur
ces mesures et sur les inspections seront apportées à l'OIT.

Le gouvernement russe attache une grande valeur au dialogue avec les partenaires sociaux et est décidé à résoudre la crise. A ce sujet, il importe non seulement de préserver les liens tripartites avec les partenaires sociaux, mais de les développer davantage. Le gouvernement compte sur le soutien et la coopération des partenaires sociaux, au-delà des critiques dont il reconnaît le bien-fondé. Il souhaiterait également bénéficier de l'assistance technique de l'OIT, ce qui est expressément mentionné dans les recommandations du Conseil d'administration relatives à la réclamation formulée au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT. Ces recommandations ont été examinées par le gouvernement qui, bien sûr, en tiendra compte. L'orateur espère que les recommandations de l'OIT déboucheront sur des résultats positifs. Le nouveau gouvernement de la Russie considère que la question des arriérés de salaires a un degré élevé de priorité et qu'elle ne sera résolue que par le dialogue avec les partenaires sociaux, dans le cadre du tripartisme. En conclusion, il espère que le comité tiendra compte du fait que le nouveau gouvernement n'a pris ses fonctions qu'il y a deux mois et que les difficultés que connaît la Russie pour appliquer la convention no 95 ne revêtent pas un caractère purement formel ou juridique mais qu'elles sont dues à la situation économique difficile du pays qui se trouve en période de transition.

Les membres employeurs ont relevé le climat différent dans lequel se sont déroulées les discussions avec le représentant gouvernemental. Bien que ce climat se soit amélioré, le cas reste très grave. A plusieurs occasions, la commission d'experts a formulé des observations concernant ce cas qui a été examiné par la Commission de la Conférence en 1995. Beaucoup de réclamations en instance allèguent le non-paiement ou le retard dans le paiement des salaires. Le Conseil d'administration a adopté des recommandations priant instamment le gouvernement d'assurer la pleine application de la convention et, en l'occurrence, le paiement rapide des salaires. Le gouvernement a également été instamment prié de renforcer le contrôle du paiement des salaires par le renforcement des activités de l'inspection du travail, et d'empêcher le détournement, pour des motifs illicites, des fonds destinés à payer les salaires. Se référant au tableau dressé dans le rapport de la commission d'experts, les membres employeurs soulignent l'ampleur du problème dans la pratique. Bien que le représentant gouvernemental ait indiqué l'application des mesures de contrôle et des sanctions, il y a un retard considérable dans le paiement des salaires dus. Les membres employeurs estiment qu'il y a un manque de planification et de calendrier dans la gestion du problème. En outre, de nouvelles allégations de syndicats nationaux et internationaux font état d'un scénario inquiétant dans la mesure où les données reflétées dans ces rapports affectent le sort d'êtres humains. Le représentant gouvernemental a fait référence à plusieurs décrets présidentiels et règlements. Toutefois, étant donné qu'ils restent toujours à l'état de projet, il y a lieu d'élucider les mesures à prendre en vue de la résolution du problème. Revenant au document écrit communiqué par le gouvernement, fournissant des informations complémentaires, les membres employeurs relèvent que ces informations concernent encore une fois des projets de législation et autres, et n'établissent pas que des mesures concrètes aient été appliquées en vue d'une résolution rapide du problème. Le représentant gouvernemental aussi bien que la commission d'experts dans ses commentaires antérieurs ont indiqué que le problème des arriérés de salaires était lié à la situation particulière du pays en transition vers une économie de marché. Les membres employeurs estiment cependant que le non-paiement des salaires n'est pas une illustration de l'économie de marché, même si ce phénomène peut être dû à la transition vers une telle économie. Parallèlement, beaucoup trop d'éléments d'une économie planifiée subsistent dans le pays, et une transition plus rapide vers une économie de marché allégerait le problème. Par ailleurs, les membres employeurs indiquent que, dans un régime de droit civil, services et contreparties vont de pair. Si les travailleurs fournissent des services, le fait que l'employeur n'ait pas rempli son obligation de payer les salaires en temps voulu n'est pas en conformité avec les principes du droit contractuel, En conséquence, un cadre juridique fiable couvrant les procédures judiciaires doit, le cas échéant, être institué afin de garantir le paiement des salaires. Ainsi le gouvernement doit être instamment prié d'élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux, un cadre juridique destiné à garantir le paiement rapide des salaires.

Les membres travailleurs ont appuyé les déclarations des membres employeurs en ce qui concerne le changement positif de l'attitude du gouvernement envers l'OIT par rapport à des époques antérieures et ont remercié le représentant du gouvernement pour les informations reprises dans le document communiqué. Ils ont rappelé que ce cas a déjà été discuté en 1995. L'année dernière, les membres travailleurs avaient proposé de l'inclure dans la liste des cas individuels. Mais, vu l'introduction d'une réclamation de l'article 24 de la Constitution et vu les pratiques et les règles de procédure concernant le non-cumul entre les procédures spéciales en cours et les procédures générales, cette commission n'avait pas été en mesure de discuter le cas. Entre-temps, le Conseil d'administration de novembre 1997 a adopté le rapport et les recommandations du comité désigné pour examiner la réclamation. La commission d'experts et cette commission sont maintenant en mesure de suivre la mise en œuvre des recommandations adoptées par le Conseil d'administration et de discuter également des évolutions en droit et en pratique par rapport à l'application de la convention pour tous les secteurs et toutes les régions de la Fédération de Russie. Les membres travailleurs ont estimé que le principal problème est le manque de paiement régulier des salaires, c'est-à-dire le paiement en retard ou le non-paiement. Le manque de paiement des salaires est un problème très important dans la Fédération de Russie. En effet, des millions de travailleurs et leurs familles souffrent du non-paiement ou des retards considérables dans le paiement de leurs salaires. Dans la réalité, les problèmes sont encore plus graves que les chiffres, en provenance du gouvernement, le montrent et qui sont repris dans le rapport de la commission d'experts. Les problèmes affectent tous les secteurs et non pas seulement le secteur de l'enseignement ou des soins de santé. Les informations reprises dans le document communiqué par le gouvernement couvrent seulement certains secteurs publics mais pas le secteur privé et les secteurs parapublics. Les problèmes sont dus, en partie seulement, à la transformation de l'économie. Il existe également des problèmes sérieux quant à l'efficacité de la législation nationale, quant à l'effectivité et à la transparence du système décisionnel au niveau des entreprises, des autorités locales, régionales et nationales
dans leur ensemble, quant au système fiscal et quant au système juridique.

Les membres travailleurs ont souligné que le gouvernement a déjà pris des mesures suite aux demandes de l'OIT et cela malgré les tensions sociales de plus en plus importantes. Malheureusement, les mesures prises n'ont pas été suffisantes pour garantir le paiement régulier des salaires. Les informations disponibles amènent à conclure qu'il n'y a pas de preuve d'une amélioration décisive. La commission d'experts note d'ailleurs qu'en dépit des mesures prises jusqu'à ce jour rien n'indique une amélioration claire de la situation. L'exemple: la diminution totale des arriérés de salaires n'atteignait pas 2 pour cent en juillet et en août 1997. Ceci est inquiétant vu la déclaration du représentant gouvernemental en 1995. Le gouvernement admet également qu'il y a de sérieux problèmes quant à l'efficacité de la législation nationale et du système juridique. Les membres travailleurs se sont dits très préoccupés par la gravité de la situation et les conséquences sociales graves. La commission d'experts et le comité institué par le Conseil d'administration partagent également cette préoccupation. Ils ont donc demandé que la commission tienne compte de leurs grandes préoccupations dans les conclusions.

Concernant la situation des travailleurs employés par les organisations dont le financement est assuré par le budget de l'Etat, comme les enseignants et les travailleurs du secteur des soins de santé, le gouvernement se réfère, dans le document communiqué par écrit à deux projets de décrets présidentiels. Les membres travailleurs ont mentionné également l'existence dans ces mêmes projets de décrets d'un plan visant à promouvoir le paiement rapide des travailleurs dans les organisations financées par le budget de l'Etat. Les membres travailleurs ont estimé que ces mesures ne semblent pas apporter d'éléments réellement nouveaux. De plus, les informations ne sont pas concrètes comme demandé par la commission d'experts et le Conseil d'administration. L'idée d'impliquer les syndicats dans la supervision est positive en soi, mais il faut veiller à ce que le gouvernement et les employeurs n'utilisent pas la présence des syndicats pour échapper ou pour se libérer de leurs obligations de payer les salaires à temps et en respectant les modalités de la convention no 95.

Les membres travailleurs ont insisté pour que le gouvernement communique sans retard des informations détaillées sur le nombre de travailleurs et entreprises concernés, la nature des entreprises concernées, sur les inspections réalisées, les sanctions imposées, le montant des versements effectués et l'évolution des paiements par rapport aux critères et un calendrier précis pour le règlement des arriérés de salaires. Ils ont demandé, une fois de plus, que la commission tienne compte de ces éléments dans ses conclusions.

Concernant les problèmes d'application de la convention dans tous les secteurs, le gouvernement doit s'engager à prendre des mesures énergiques par rapport à trois aspects: 1) les contrôles,
2) les sanctions destinées à prévenir et à réprimer les violations et
3) la réparation du préjudice subi. Le gouvernement doit informer la commission d'experts sur l'ensemble des mesures législatives et pratiques qu'il prend. L'information doit contenir des éléments concrets comme les contrôles effectués, le règlement des arriérés et l'indemnisation du préjudice matériel. Le gouvernement doit fournir des informations détaillées afin que les organes de contrôle soient en mesure de suivre la situation et les évolutions concrètes.

Finalement, les membres travailleurs ont déclaré que le gouvernement se doit de répondre aux questions de la commission d'experts concernant l'interdiction de payer sous forme de billets à ordre ou de coupons, l'interdiction du paiement en nature, et concernant les créances privilégiées des travailleurs en cas de faillite et les sanctions. La convention no 95 est une convention primordiale pour les travailleurs. Elle fixe des droits et principes importants pour la vie quotidienne des travailleurs et leurs familles. Ils ont donc insisté pour que le gouvernement et toutes les autorités publiques prennent d'urgence des mesures énergiques afin de respecter et de faire respecter la convention en droit et en pratique. Ils ont voulu être en mesure de suivre les développements de près et revenir devant cette commission l'année prochaine s'il n'est pas constaté de progrès substantiels.

Le membre travailleur de la Fédération de Russie, soulignant l'importance que revêt le problème du non-paiement des salaires et des arriérés de salaires pour des millions de travailleurs et leurs familles en Russie, a insisté sur le fait que les violations de la législation sur les salaires ne concernaient pas seulement le secteur financé par le budget de l'Etat mais aussi d'autres secteurs de l'économie. Aux termes de la convention n° 95, le gouvernement est responsable du paiement des salaires dans toutes les entreprises et pas seulement dans les entreprises du secteur financé par le budget. En ce qui concerne la position prise par les membres employeurs, selon laquelle les problèmes de paiement des salaires sont dus au fait que l'économie russe comporte toujours de nombreux éléments de l'économie planifiée centralisée et n'effectue que très lentement sa transition vers l'économie de marché, il s'agit là d'une vision déformée de la situation qui, bien au contraire, est caractérisée par une absence totale de planification et de coordination.
Et, c'est cette situation qui peut avoir en fait contribué à la dette salariale.

Quant à la suggestion d'impliquer les syndicats dans la surveillance du paiement des salaires, il importe essentiellement d'assurer la transparence des documents comptables des entreprises lorsqu'elles ne versent pas les salaires des travailleurs, et, dans ce cas, la participation des syndicats pourrait alors donner des résultats effectifs. La commission d'experts devrait s'intéresser à cette question.

La situation générale concernant le non-paiement des salaires s'aggrave de jour en jour. Lorsque le Conseil d'administration a examiné la situation en novembre dernier, le montant total des arriérés de salaires ne s'élevait qu'à 9 milliards de dollars, alors qu'en mai 1998 il atteignait déjà plus de 10 milliards. D'autres dispositions de la convention n° 95 ne sont pas respectées dans la mesure où certains salaires sont versés sous des formes illégales telles que des billets à ordre, des bons ou en nature. La présente commission a déjà examiné le cas de la Russie à plusieurs reprises, et pour la première fois en 1995, ce qui a conduit à l'adoption de quelques dispositions législatives visant en particulier à protéger les salaires en cas de faillite de l'entreprise. Toutefois, la constitutionnalité de ces mesures a été contestée par des institutions gouvernementales, et la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a annulé ces dispositions qui amélioraient la protection des salaires, en décembre 1997. Cette décision a provoqué une violation de l'article 11 de la convention n° 95 selon lequel, en cas de faillite, les salaires doivent être traités comme des créances privilégiées. De plus, l'appareil judiciaire, y compris la Cour suprême de la Fédération de Russie, refuse d'examiner les requêtes demandant une indemnisation pour le préjudice moral résultant du paiement tardif des salaires. Ces faits montrent que le gouvernement et les autres organes administratifs ne tiennent pas compte des décisions prises par la présente commission en 1995 et par le Conseil d'administration en 1997 en la matière. Dans le même temps, cette situation a entraîné des bouleversements d'ordre social et des désordres, ainsi que l'ont montré le récent blocage des voies ferrées par les mineurs et les poursuites judiciaires qui s'en sont suivies contre un dirigeant syndical, dans la ville d'Urga située dans la région du Kemerovo, qui avait ainsi défendu les salaires des travailleurs.

Il convient de souligner que le non-paiement des salaires ne concerne pas seulement les entreprises publiques et privées mais aussi quelques entreprises étrangères implantées en Russie, comme, par exemple, cette entreprise suédoise, établie à Segech en Karélie, qui n'a pas payé, depuis le mois de janvier 1998, les salaires de ses travailleurs dont le total s'élève à 6 millions de dollars. Par conséquent, les travailleurs russes appuient les conclusions de la commission d'experts priant le gouvernement de compléter ses déclarations d'ordre général par des mesures réellement concrètes et détaillées visant à liquider rapidement la totalité des arriérés de salaires. L'accord général en vertu duquel le gouvernement s'est engagé à liquider l'ensemble des arriérés de salaires avant le 1er juillet 1998 n'est pas respecté. Par conséquent, l'orateur prie instamment la présente commission de surveiller de plus près ce cas et de ne pas hésiter à utiliser tous les instruments à sa disposition si les mesures adoptées par le gouvernement sont insuffisantes pour améliorer la situation.

Le membre travailleur de la Fédération de Russie a remercié les organes de l'OIT concernés pour l'attention qu'ils ont portée à la réclamation présentée par l'Internationale de l'éducation et le Syndicat des salariés de l'enseignement et des sciences de Russie alléguant l'inexécution, par la Fédération de Russie, de la convention no 95 et pour les recommandations tout à fait justes qui ont été faites au gouvernement. Elle se rallie à la déclaration de l'orateur précédent selon laquelle les violations de la convention no 95 par la Russie ne sont pas limitées au domaine de l'éducation, car le non-paiement des salaires est devenu un problème général qui s'est étendu à beaucoup d'autres secteurs de l'économie. La situation relative au non-paiement des salaires dans le secteur de l'éducation s'est aggravée. En dépit de toutes les mesures prises par le gouvernement, le montant des arriérés de salaires a augmenté et s'élève actuellement à 1,5 milliard de dollars, cela signifie que le délai de paiement des salaires a encore été repoussé d'au moins trois mois. Quant au salaire lui-même, il est particulièrement bas. En effet, dans le secteur de l'éducation, le salaire moyen est compris entre seulement 90 et 100 dollars par mois. Cela veut dire qu'un jeune professeur ne peut pas s'attendre à recevoir plus de 30 à 50 dollars par mois, alors qu'un professeur d'université touchera de 100 à
150 dollars. La situation est aggravée par le fait que les enseignants ne sont pas sûrs de recevoir leur salaire avant le congé annuel de l'été. Les syndicats sont conscients du fait que le paiement de salaires et des arriérés de salaires incombe à des organes gouvernementaux de différents niveaux, toutefois, c'est au gouvernement qu'il appartient d'assurer la pleine application de la convention no 95 et de prendre les mesures pour réduire progressivement la dette salariale. Il s'agit de la responsabilité du gouvernement dans son ensemble. Les recommandations de la commission d'experts et du Conseil d'administration sont particulièrement claires à cet égard. Le fait que la situation ne s'améliore pas montre que la position du gouvernement, lorsqu'il mène des consultations et des négociations avec les syndicats, ne peut être reconnue comme étant constructive. Les bonnes intentions qu'il montre à la table des négociations n'entraînent pas l'adoption des mesures concrètes nécessaires. C'est la troisième fois que l'inexécution de la convention no 95 par la Fédération de Russie est examinée au sein de l'OIT. La situation ne va pas en s'améliorant, bien au contraire, dans les faits, elle se détériore et mérite d'être mentionnée dans un paragraphe spécial. Il faut espérer que, cette fois, le gouvernement de la Fédération de Russie prendra en considération les recommandations formulées par la présente commission et ne manquera pas de prendre des mesures concrètes pour les mettre en œuvre, dans le cadre d'un dialogue constructif avec les syndicats.

Le membre travailleur de la Norvège, intervenant au nom du groupe des travailleurs des pays nordiques, a déclaré qu'il était triste de voir que les travailleurs d'un pays, qui pourrait être parmi les plus riches du monde, n'étaient pas payés pour le travail effectué, ou l'étaient très tardivement. Il s'agit là d'une situation étrange pour les travailleurs de Russie habitués à des conditions de vie sûres, à recevoir leurs salaires en temps voulu, et à un système de sécurité sociale opérationnel. Les syndicats des pays nordiques ont suivi la lutte de leurs camarades du FNPR contre le gouvernement et les entreprises privées en vue d'assurer aux travailleurs de Russie le droit individuel le plus absolu -- celui d'être payé pour le travail effectué. Ils ont soutenu cette lutte moralement et financièrement et continueront de le faire. Ils souscrivent entièrement à la sombre analyse selon laquelle le pays est actuellement au bord de l'explosion sociale, à moins de prendre des mesures visant à payer les travailleurs. Nul ne peut vivre dans une société sans avoir de quoi se nourrir et assurer l'entretien des enfants et la famille. Les syndicats accomplissent un travail extraordinaire dans leurs efforts pour sauver le pays du chaos social. Sont témoins de cette situation les travailleurs de la Norvège et de la Finlande, pays voisins de la Russie qui ont coopéré avec leurs camarades de la région de Saint-Petersbourg et d'autres régions, et ont vu comment les syndicats ont agi envers le gouvernement tout en assurant les besoins quotidiens de leurs membres. Dans beaucoup d'endroits, les syndicats représentent actuellement le seul réseau sûr à la disposition des travailleurs. Toutefois, le problème du non-paiement des salaires ne peut être résolu par personne d'autre que le gouvernement et avec les moyens dont il dispose, c'est-à-dire un contrôle plus efficace, des sanctions appropriées, etc. Il doit être mis fin à la non-application de l'article 12 de la convention no 95. Il appartient au gouvernement de garantir le paiement des salaires, lesquels doivent être payés en temps voulu, de même qu'il lui appartient d'assurer une collecte suffisante d'impôts dans le secteur public. Toutes les mesures possibles doivent être prises dans tous les secteurs, notamment dans les secteurs de production. Il doit être mis fin à la violation de cette importante convention, dont la mise en œuvre paraît évidente pour la plupart des membres de la commission. L'oratrice rappelle que les travailleurs d'un pays représente sa ressource la plus importante et que le gouvernement de la Fédération de Russie ne peut pas se permettre de ne pas traiter décemment les travailleurs; et la décence signifie en l'occurrence: leur payer les salaires auxquels ils ont droit. La Russie ne peut se permettre une évolution vers le chaos social.

Le membre travailleur de l'Ukraine a rappelé que, deux ans auparavant, la présente commission avait examiné le même cas et que, entre-temps, en dépit des mesures prises par le gouvernement russe, le montant total des arriérés de salaires a augmenté. La pratique largement répandue qui consiste à ne pas payer les salaires en temps voulu, en violation de la législation du travail et des conventions collectives, s'est révélée être un facteur important de tensions sociales dans les entreprises, les industries et les régions. En avril 1998, la Fédération des syndicats indépendants de Russie a mené, au niveau national, une action de protestation appelant au paiement de tous les salaires, conformément à l'Accord général pour 1998 et 1999. Cette action a reçu le soutien de la Fédération des syndicats d'Ukraine qui a mené le même type d'action dans son propre pays où le problème du non-paiement des salaires, des pensions, des bourses et des autres allocations sociales est tout aussi aigu. Le problème a surgi en 1992 et est devenu depuis 1995 une caractéristique de l'économie nationale. De 1996 à 1998, le parlement, le président et le Conseil des ministres d'Ukraine ont adopté plus de 40 textes législatifs visant à assurer le paiement des salaires dans les temps. La majorité de ces textes ainsi que les échéanciers approuvés par tous les partenaires sociaux n'ont pas été appliqués. Le dernier accord dans cette matière fixe au 1er novembre la date de paiement de tous les arriérés de salaires mais, depuis, ces arriérés n'ont fait que s'accroître. C'est la principale raison pour laquelle, en Ukraine ainsi qu'en Russie, le processus d'accumulation primaire du capital prend les formes les plus monstrueuses de l'appropriation des fruits du labeur des travailleurs par d'autres. Le non-paiement des salaires conduit à une baisse du pouvoir d'achat de la population et finit par accroître le besoin de crédits étrangers. Les accords internationaux conclus à cette fin par l'Ukraine avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement contiennent de nombreuses dispositions défavorables. L'année passée, les syndicats ukrainiens ont demandé à l'OIT de prendre en compte l'ampleur du problème de la dette salariale dans le cadre de l'élaboration du prochain «Mémorandum of understanding» avec le Fonds monétaire international afin d'atténuer les restrictions sur le crédit et sur le budget de l'Etat, en vue d'aider les entreprises à reconstruire leur capacité de production. Cet appel n'a pas été entendu. En conclusion, l'orateur soutient les suggestions faites par la Fédération des syndicats indépendants de Russie.

Le membre travailleur de la France a estimé que le non-paiement des salaires dus n'était pas seulement lié à un manque au niveau de la trésorerie et à la crise économique. A cet effet, il s'est référé à l'observation contenue dans le rapport de la commission d'experts qui précise que, selon le Syndicat des travailleurs de la chimie et des industries connexes de Russie, les arriérés de salaires dans cette branche s'élèvent à 1.362 milliards de roubles et que, dans certains cas, on a constaté que les fonds étaient manipulés par les banques dans l'intérêt de certaines personnes au lieu d'être dépensés pour les besoins des entreprises. Il s'est également référé au paragraphe sur les mesures de contrôle qui fait état, selon les informations du gouvernement, de 14.500 cas de violations flagrantes de la législation sur les salaires constatées par l'inspection du travail de la Russie. A cet égard, l'orateur a rappelé un des principes fondamentaux de l'OIT, à savoir qu'il ne peut y avoir de paix civile et sociale sans justice sociale. Il a estimé que le non-paiement des salaires pour un travail et une production effective constituent l'acte le plus grave d'injustice sociale. Cela d'autant plus que, comme le souligne le rapport de la commission d'experts, les sommes destinées à payer les salaires sont souvent détournées au profit de certaines personnes. De plus, cette situation prévaut au moment où ce pays frappe à la porte de l'OMC et participe au sommet du G8. Enfin, le gouvernement se doit d'effectuer des contrôles dans les entreprises et doit adapter sa législation afin que tous ceux qui se livrent aux infractions de non-paiement des salaires soient dissuadés de persister dans cette voie.

Le membre travailleur du Pakistan a regretté le sort réservé aux travailleurs russes suite au non-paiement de leurs salaires légitimes pour une longue période de temps. Selon les informations reçues des organisations de travailleurs, la dette totale des arriérés de salaires se chiffre à 9 milliards de dollars des Etats-Unis. Ceci a causé de sérieuses difficultés au niveau économique et social pour les travailleurs et leurs familles. Selon l'information fournie par le gouvernement à la commission d'experts, près de 96.700 entreprises devaient des arriérés de salaires. De plus, certaines sommes ont été utilisées à d'autres fins qu'au paiement des salaires. Vu ces graves circonstances, le gouvernement doit être instamment prié d'observer les conclusions du Conseil d'administration et celles de la commission d'experts ayant trait non seulement au paiement régulier des salaires pris directement dans le budget fédéral, mais également au paiement des salaires de tous les travailleurs dans le pays à qui l'on doit des arriérés.

Le membre travailleur de la Chine a indiqué que les travailleurs chinois et les syndicats étaient profondément préoccupés par le non-paiement et le paiement tardif des salaires aux travailleurs russes. Il s'est demandé comment les travailleurs peuvent survivre sans salaires. De plus, ce phénomène touche plusieurs catégories de personnes incluant les membres des familles des travailleurs. Le gouvernement se doit de prendre des mesures décisives afin de régler ce problème et on ne devrait pas faire la promotion de l'économie nationale aux dépens des travailleurs. Bien qu'il ait reconnu que ce problème avait plusieurs aspects, le gouvernement détient la responsabilité principale de le régler. L'expérience chinoise démontre que la législation et un suivi juridique ont besoin d'être renforcés pour résoudre ce type de problème. Il a exprimé l'espoir que le gouvernement prendrait des mesures concrètes dans ce domaine.

Le membre travailleur de l'Espagne a souligné la gravité et l'urgence du problème du non-paiement des salaires en Fédération de Russie et s'est rallié aux raisons invoquées par les membres employeurs à ce sujet. Le montant des arriérés de salaires dépasse les 10 milliards de dollars et s'aggrave un peu plus chaque jour, causant la détérioration des conditions de travail et de vie des travailleurs et de leurs familles. Le prétendu manque de fonds contraste avec les fraudes, les détournements de fonds et les activités lucratives de la mafia que tous connaissent. Le dialogue social est nécessaire mais il deviendra inutile s'il n'a pas pour but le paiement immédiat des salaires et la façon de payer ces salaires. Ce problème doit trouver une solution avant l'année prochaine. Il a aussi exprimé le désir de voir ce cas faire l'objet d'un paragraphe spécial.

Le membre travailleur du Bélarus a relevé que, sous la pression des syndicats, le gouvernement russe avait pris des mesures permettant de diminuer les arriérés de salaires, qui avaient alors recommencé à s'accumuler et même à atteindre des niveaux supérieurs. Les gens du peuple sont en train de perdre tout espoir de percevoir un jour des salaires réguliers et d'être en mesure de s'occuper normalement de leurs familles. C'est pour cette raison qu'ils ont eu recours au blocage des voies de chemins de fer et ont manifesté contre les réformes économiques. La détérioration de la situation politique en Russie qui en résulte a une influence sur les pays voisins, en particulier sur le Bélarus, où il est de plus en plus fréquent de verser les salaires en retard. Pour ces raisons, l'orateur prie instamment la présente commission de continuer à suivre de très près la question du respect par la Russie de la convention no 95.

Le représentant gouvernemental de la Russie a remercié tous les orateurs, en particulier le membre travailleur de la Fédération de Russie, des commentaires et des critiques qu'ils ont formulés, et a souligné que ce type de dialogue illustrait bien le nouveau caractère du développement du tripartisme en Russie. Le gouvernement partage la préoccupation de la présente commission quant à la gravité de la situation. L'ensemble des recommandations de la commission seront portées à l'attention du gouvernement qui entend poursuivre le dialogue et la coopération avec les partenaires sociaux et l'OIT en vue de trouver une solution à la crise actuelle. Le gouvernement a l'intention d'informer régulièrement le BIT sur l'évolution de la situation.

La commission a noté les informations orales et écrites fournies par le représentant gouvernemental ainsi que la discussion qui a suivi. La commission a noté que les mesures mentionnées ainsi que la préparation de divers projets de lois incluant deux projets de décrets présidentiels ne semblaient pas apporter d'éléments nouveaux en comparaison de ce que le gouvernement avait déjà fait. La commission a noté avec regret que le gouvernement n'a fourni aucune information concrète et détaillée tel qu'il était demandé dans l'observation de la commission d'experts et également par le Conseil d'administration (nombre de travailleurs affectés, nombre de contrôles effectués, sanctions infligées, calendrier fixé pour le règlement des arriérés de salaires). La commission a noté avec une grave préoccupation qu'il n'existait encore aucune preuve claire d'une amélioration concrète et définitive de cette situation qui est d'ailleurs d'une gravité extrême et qui a des conséquences sociales très sérieuses. La commission a prié instamment le gouvernement de prendre un engagement clair afin de mettre un terme aux violations de cette convention et de prendre toutes les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, non seulement par l'adoption de décrets mais également en assurant leur mise en œuvre effective en pratique, en particulier par l'imposition de sanctions appropriées en cas de violation afin de garantir le paiement des salaires en temps voulu et le règlement rapide des arriérés de salaires. De plus, la commission a prié instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur toutes mesures prises et sur les résultats obtenus. Ces informations devraient inclure toutes les données statistiques requises par la commission d'experts, par exemple, le nombre de travailleurs affectés, la nature et le montant des salaires dus, le nombre d'inspections du travail effectuées, les sanctions infligées et le calendrier fixé pour le règlement des arriérés de salaires. Enfin, la commission a également prié instamment le gouvernement de fournir l'information requise dans les observations de la commission d'experts sur l'application des autres dispositions de la convention. La commission a exprimé le ferme espoir qu'elle sera, l'année prochaine, en position de noter une amélioration concrète et définitive de cette situation. 

Convention no 97: Travailleurs migrants (révisée), 1949

Malaisie (Sabah) (ratification: 1964). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Une équipe technique consultative du BIT a visité la Malaisie les 18 et 19 mai 1998 en vue d'examiner en profondeur les problèmes soulevés par le gouvernement au sujet de l'application de la présente convention (ainsi que de la convention no 19). L'équipe a rencontré le gouvernement et les représentants d'employeurs et de travailleurs, en discussions séparées. Un rapport sur les conclusions des discussions sera élaboré par l'équipe, dont copie sera transmise au BIT dès que disponible.

En outre, le représentant gouvernemental a rappelé que le gouvernement avait fourni des explications détaillées à la présente commission, l'année dernière, sur les allégations de discrimination dans le paiement d'une indemnité en cas d'accident du travail et d'invalidité à l'égard des travailleurs étrangers, conformément au système de sécurité sociale et à la loi sur l'indemnisation des ouvriers. Depuis lors, les 17 et 18 mai derniers, une équipe d'experts du BIT est venue dans le pays. Ils ont rencontré des représentants du gouvernement et des organisations d'employeurs et de travailleurs. Des informations objectives et détaillées ont été fournies lors de la réunion avec le gouvernement, et les experts de la mission ont exprimé leur satisfaction au cours de la réunion et apprécié les informations fournies. Un rapport est actuellement en préparation à l'équipe multidisciplinaire compétente sur la base des conclusions de la mission d'experts. Dans la mesure où il attendait la visite des experts du BIT, le gouvernement n'a pas été en mesure d'informer la commission d'experts de l'évolution de la situation.

Les membres employeurs ont relevé que c'était la troisième fois en trois ans que la commission se saisissait de ce cas. En dépit de la discussion détaillée et des conclusions de l'année dernière, la commission d'experts constate que le rapport demandé n'a pas été reçu, ce qui la conduit à répéter son observation antérieure. Cette année encore, le représentant gouvernemental s'est montré fort bref dans ses explications. La situation mise en cause par la commission d'experts est celle où, en cas d'accident du travail, les travailleurs étrangers perçoivent une indemnisation sous la forme d'un paiement forfaitaire, alors que les nationaux ont droit au versement périodique de cette prestation. Le gouvernement a décrit par le passé les avantages de la prestation forfaitaire pour des travailleurs auxquels il serait difficile de garantir le versement de prestations périodiques. La question est donc de savoir si la convention prévoit une égalité de traitement absolue en la matière. Elle dispose que les travailleurs migrants doivent bénéficier d'un traitement non moins favorable, ce qui peut impliquer un traitement égal, plus favorable, ou encore d'égale valeur. La comparaison entre la valeur de prestations périodiques et celle d'un versement forfaitaire est particulièrement délicate et technique. Le gouvernement estime qu'elle est équivalente. Comme le gouvernement n'a pas fourni de rapport, la commission d'experts n'est pas en mesure de proposer de nouveaux éléments. La seule information nouvelle dont on dispose aussi en forme écrite concerne donc la mission consultative menée récemment par une équipe du BIT. Le secrétariat pourrait informer la présente commission de l'esprit dans lequel s'est déroulée cette mission et des résultats qui en sont attendus. Car, pour le reste, aucun élément nouveau ne devrait amener la commission à modifier ses conclusions de l'année dernière.

Les membres travailleurs ont tenu à souligner que la commission discutait de ce cas pour la troisième fois consécutive. Le gouvernement aurait pourtant pu éviter que son pays ne figure de nouveau sur la liste des cas à examiner en envoyant un rapport contenant les informations demandées, tant par la commission d'experts que par la présente commission, sur le niveau des prestations effectivement servies aux travailleurs migrants au titre de l'indemnisation des accidents de travail. Le gouvernement avait pris ici même des engagements en ce sens l'année dernière. Compte tenu de ces engagements, de ses précédentes conclusions et de l'importance qu'elle attache au principe de non-discrimination, la commission ne pouvait que vouloir discuter à nouveau de ce cas. Les brèves indications écrites fournies par le représentant gouvernemental font seulement état d'une mission technique consultative du BIT en mai 1998 et de modifications législatives, déjà mentionnées dans le passé, qui viseraient à concrétiser le principe de l'égalité de traitement pour les travailleurs migrants. Il semble pourtant que ces modifications n'aient qu'augmenté le plafond des prestations forfaitaires, sans que le bénéfice de prestations périodiques ait été étendu aux travailleurs migrants. Le gouvernement se fonde sur des accords bilatéraux par lesquels l'Etat cocontractant aurait accepté l'exclusion de ses ressortissants du bénéfice de la loi sur l'indemnisation des accidents du travail. Or, comme l'a souligné la commission d'experts, de tels accords bilatéraux ne sauraient l'emporter sur le principe de non-discrimination inscrit dans une convention ratifiée. Dans le contexte de la mondialisation de l'économie, la portée universelle du principe de non-discrimination doit être réaffirmée, et les Etats comme la communauté internationale doivent en particulier veiller à ce qu'il soit respecté à l'égard des travailleurs migrants qui constituent un groupe très vulnérable. Le gouvernement s'est surtout référé à des problèmes d'ordre pratique. Les solutions techniques à ces problèmes ne devraient en aucun cas aboutir à une inégalité de traitement quant au montant des prestations versées. Il est indispensable que le gouvernement fournisse un rapport sur l'évolution de ce dossier à l'examen de la commission d'experts. Il devrait également transmettre la position des partenaires sociaux à ce sujet.

Le représentant adjoint du Secrétaire général a confirmé qu'une mission technique consultative de haut niveau s'était rendue en Malaisie les 17 et 18 mai 1998. Le rapport de mission interne a été reçu et fera l'objet de consultations dans le Bureau. La mission doit encore transmettre son rapport au gouvernement. Ce rapport servira de base à la poursuite de la discussion avec le gouvernement, en vue notamment de la préparation du rapport qui devra être communiqué pour être soumis à l'examen de la commission d'experts lors de sa prochaine session de novembre-décembre 1998.

Le membre travailleur de la Malaisie a indiqué que le Congrès des syndicats de Malaisie avait reçu la visite d'une équipe d'experts du BIT. Suite à cette rencontre, l'équipe d'experts devrait fournir à toutes les parties intéressées un rapport sur les résultats des discussions menées avec l'ensemble des partenaires sociaux. Il serait donc prématuré pour la présente commission de discuter de ce cas à ce stade.

Le membre travailleur du Pakistan a souligné que les travailleurs migrants sont l'une des catégories de la population que l'OIT a, depuis l'origine, vocation à protéger. Cette catégorie de travailleurs est particulièrement vulnérable en cas d'accident du travail car elle n'a pas de soutien familial et nécessite de bénéficier d'une plus grande attention. La Commission de la Conférence a déjà discuté de ce cas à trois reprises et la commission d'experts a insisté sur le fait que le principe de l'égalité de traitement entre nationaux et non-nationaux ne saurait faire l'objet d'un marchandage, même avec le consentement des travailleurs concernés. Dans le cas d'une longue maladie, le travailleur migrant a besoin, au même titre que toutes les autres catégories de travailleurs, d'avoir accès aux services de santé ainsi que de bénéficier du versement périodique d'une indemnité propre à assurer sa situation financière. En conséquence, le gouvernement est instamment prié de donner effet aux recommandations de la commission d'experts, tant dans le contexte de cette convention que dans celui de la convention no 19, également ratifiée, afin de parvenir à une solution du problème favorable aux travailleurs migrants.

Le représentant gouvernemental a déclaré avoir pris dûment note des observations formulées par les divers orateurs. Toutefois, dans l'attente du rapport de l'équipe d'experts du BIT, il ne peut faire aucun autre commentaire.

Les membres employeurs comme les membres travailleurs ont été d'avis qu'en l'absence de tout nouvel élément d'information de la part du gouvernement, et faute de détails sur les résultats de la mission consultative du BIT, la commission ne pouvait que reprendre ses précédentes conclusions, en exprimant l'espoir que la suite donnée à cette mission contribue à la solution des problèmes.

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui s'est ensuivie. La commission a regretté qu'aucun rapport n'ait été envoyé. Cependant, la commission a relevé qu'une mission consultative technique s'était rendue récemment dans le pays afin d'examiner les méthodes pour assurer aux étrangers un traitement non moins favorable qu'aux nationaux en matière d'indemnisation des accidents du travail. La commission a exprimé l'espoir qu'avec l'assistance technique du BIT le gouvernement et les partenaires sociaux parviendraient à une solution quant à la couverture des étrangers, soit en les plaçant de nouveau dans le régime de la sécurité sociale des salariés qui leur offrait auparavant les mêmes prestations qu'aux nationaux, soit en modifiant le régime d'indemnisation des travailleurs dont ils relèvent actuellement, afin de se conformer à l'article 6 de la convention. La commission a souligné l'importance fondamentale du principe de l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et étrangers stipulé par les conventions nos 97 et 19. La commission veut croire que le prochain rapport du gouvernement à la commission d'experts fera état d'évolutions positives à cet égard. Elle prie instamment le gouvernement de fournir un rapport détaillé sur chacun des points soulevés par la commission et de fournir en outre des informations sur la position des partenaires sociaux. Elle exprime l'espoir que les résultats de la mission d'assistance technique du BIT contribueront à résoudre le problème.

Convention no 98: Droit d'organisation et de négociation collective, 1949

Australie (ratification:1973). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Introduction

1. Par un courrier du 27 août 1997, le Directeur du Département des normes internationales du travail a transmis au gouvernement australien les commentaires que lui a soumis le Conseil australien des syndicats (ACTU) au sujet de l'application en Australie de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

2. Le 6 août 1997, le président de l'ACTU a écrit au Directeur général du Bureau international du Travail en faisant valoir que
« ... la préférence que la loi relative aux relations sur les lieux de travail de 1996 accorde aux droits de négociation individuelle par rapport aux droits de négociation collective ... constitue une grave violation de la convention no 98».

3. Les commentaires que le gouvernement australien a apportés sur les divers points soulevés par l'ACTU sont reproduits ci-après. En résumé, le gouvernement considère que l'accusation formulée par l'ACTU, à savoir que les dispositions pertinentes de la loi relative aux relations sur les lieux de travail («loi WR») violent la convention no 98, n'est pas fondée.

Contexte

4. Les commentaires de l'ACTU portent essentiellement sur la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail, partie qui traite de la négociation et de l'approbation des conventions australiennes relatives au lieu de travail («AWA»). Leur élaboration se fait directement entre l'employeur et l'employé(1). La partie VID de ladite loi est entrée en vigueur le 12 mars 1997. Elle faisait partie d'une importante révision de la législation fédérale sur les relations professionnelles. Ce mouvement a débuté lorsque le gouvernement a pris ses fonctions en mars 1996. La législation antérieure, la loi de 1988 sur les relations professionnelles («loi IR»), a été amendée de manière substantielle par la loi de 1996 portant amendement à la loi relative aux relations sur les lieux de travail et à d'autres questions («loi WROLA»). La loi ainsi amendée a été rebaptisée loi de 1996 relative aux relations sur les lieux de travail.

5. Pour la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, les dispositions de la loi «WR» sur les relations sur les lieux de travail relatives à la convention no 98 sont expliquées en détail dans le rapport du gouvernement australien fourni en vertu de l'article 22.

Champ d'application des commentaires de l'ACTU

6. L'ACTU prétend que la loi relative aux relations sur les lieux de travail accorde une «préférence» aux conventions relatives au lieu de travail par rapport aux sentences arbitrales et aux conventions collectives, et que les dispositions pertinentes de cette loi violent la convention no 98. L'ACTU affirme également que les conventions relatives au lieu de travail lèsent les employés. Le gouvernement australien fait savoir que ces accusations ne sont pas fondées.

7. Le gouvernement australien indique que l'ACTU s'appuie sur les conclusions que le Comité de la liberté syndicale (CLS) de l'OIT a adoptées dans le cadre d'une plainte présentée par le Conseil des syndicats de Nouvelle-Zélande contre le gouvernement de la Nouvelle-Zélande(2). Pour des raisons qui seront expliquées plus loin dans ces commentaires, le gouvernement australien ne croit pas que le cas néo-zélandais soit applicable à la loi australienne qui est contestée.

Réponse du gouvernement australien

Généralités

8. Le gouvernement australien, ci-après dénommé «le gouvernement», rejette l'affirmation selon laquelle les dispositions de la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail sont incompatibles avec l'article 4 de la convention. Cet article dispose que:

9. Au cours de ce siècle, l'Australie a le plus souvent mis en œuvre un système de conciliation et d'arbitrage qui, bien qu'étant en apparence obligatoire, était destiné, et dans la pratique a eu pour effet, de maintenir de grandes possibilités de recours à la négociation collective, que ce soit dans ou hors du cadre des systèmes officiels établis par la législation. Au fil des années, la négociation collective a pris plusieurs formes:

10. Les organes de contrôle de l'OIT n'ont jamais considéré que le système de relations professionnelles de l'Australie enfreignait de manière fondamentale les conventions concernant la liberté syndicale et la négociation collective. Le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration a reçu douze plaintes concernant divers aspects de la législation du travail de la fédération et des Etats. A l'exception du cas no 1559, aucun n'a abouti à la conclusion claire et absolue selon laquelle aucune disposition de la loi et de la pratique fédérales n'était compatible avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Même dans le cas no 1559, seule «l'exigence d'un nombre minimum très élevé de membres» aux fins de l'enregistrement au titre de la loi sur les relations professionnelles n'a pas été reconnue compatible avec les principes de la liberté syndicale.

11. Dans ce contexte, il est fait référence au cas no 1511 qui concernait des allégations de non-respect des conventions nos 87 et 98 à la suite d'un différend du travail de 1989 impliquant des pilotes de compagnies aériennes nationales. Le comité a considéré que les événements qui étaient contestés ne révélaient pas d'infraction aux principes de la liberté syndicale et a déclaré que:

12. Il résulte de ce qui précède que, depuis de nombreuses années, la négociation collective, sous ses diverses formes, est solidement enracinée en Australie et que les organes de contrôle de l'OIT ont accepté cette situation. La négociation collective, qu'elle se déroule dans ou hors du cadre des systèmes officiels établis par la législation fédérale et des Etats, est une des normes des relations professionnelles de l'Australie. De plus, le mouvement syndical australien qui est, en général, bien établi, structuré, bien organisé et qui dispose des ressources nécessaires, s'est engagé avec succès dans la voie de la négociation collective dans et hors du cadre des systèmes officiels.

13. La tradition et l'acceptation générale de la négociation collective en Australie, ainsi que l'enracinement du mouvement syndical, font partie des caractéristiques nationales que l'objectif du respect de la convention no 98 oblige à prendre en compte. Les dispositions de la loi concernant les relations sur les lieux de travail qui traitent des conventions relatives au lieu de travail doivent être perçues dans le contexte de l'ensemble des mécanismes de négociation qui sont applicables à l'intérieur et hors du système fédéral de relations professionnelles; la loi continue à encourager et promouvoir la négociation collective(5). Les conventions relatives au lieu de travail ne la remplacent pas, elles représentent simplement une alternative pour ceux qui ne désirent pas négocier de manière collective, hypothèse qui n'était pas envisagée auparavant dans le système officiel établi par la loi sur les relations professionnelles et les textes qui l'ont précédée. Cependant, il est également important de reconnaître que les conventions individuelles ne constituent pas une nouvelle caractéristique du système fédéral. (En effet, du point de vue juridique, chaque contrat de travail est un contrat individuel(6).) La partie VID met simplement en place un régime officiel d'élaboration et d'adoption des conventions individuelles qui complète les dispositions relatives au prononcé des sentences et à l'homologation des conventions collectives.

14. L'introduction de la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail était un volet d'une stratégie plus globale visant à cesser de privilégier le système fédéral de relations professionnelles au profit de la négociation au niveau du lieu de travail ou de l'entreprise. (Voir paragraphe 3 b) de ladite loi.) Sur ce point, il est pertinent de remarquer que, malgré l'évolution récente qui a été enregistrée en Australie en matière de réformes législatives et politiques tendant à dynamiser la conclusion de conventions au niveau du lieu de travail ou de l'entreprise, les conditions d'emploi d'environ 40 pour cent des travailleurs au sein du système fédéral sont, en vertu de la loi, simplement réglementées par une sentence; pour toutes sortes de raisons, les conventions officielles conclues sur les lieux de travail ont été peu nombreuses en Australie(7).

15. Le gouvernement considère qu'il est essentiel d'accélérer le passage vers la négociation sur les lieux de travail ou en entreprise afin d'augmenter la productivité et ainsi d'améliorer le niveau de vie des travailleurs australiens. Par conséquent, la loi relative aux relations sur les lieux de travail a prévu un plus grand nombre de possibilités de négociations ainsi qu'un système de sentences simplifié grâce auquel il apparaît de manière plus évidente qu'elles constituent des conditions minimales de renforcement des conventions.

16. Il est important de se pencher sur les dispositions relatives aux conventions collectives. La partie VIB de ladite loi autorise la conclusion de conventions collectives qui, sous réserve de satisfaire à certains critères objectifs, seront homologuées par la Commission australienne des relations professionnelles («l'AIRC») et auront donc force obligatoire aux termes de la loi. De tels textes peuvent être conclus entre un employeur et un (des) syndicat(s) enregistré(s) et représentatif(s) ou entre un employeur et certains de ses employés (mais il est prévu que les membres de syndicats puissent être représentés par le syndicat enregistré auquel ils sont affiliés et que ce syndicat puisse devenir partie à la convention)(8).

17. Les dispositions de la loi relative aux relations sur les lieux de travail concernant les conventions collectives accordent une très grande valeur à l'avis des employés en prévoyant que les conventions adoptées au titre de la partie VIB doivent être approuvées par une «majorité confortable» des employés qui seront soumis au texte(9). De plus, il existe des dispositions visant à empêcher la discrimination, notamment à l'encontre de travailleurs sur la base de leur affiliation (ou non-affiliation) à un syndicat enregistré(10). Cependant, il doit être souligné que la loi habilite toujours ces syndicats à entamer les négociations et rechercher l'adoption (y compris au moyen de l'action revendicative) de conventions collectives couvrant leurs membres. (De tels textes peuvent couvrir les employés actuels et futurs(11).)

18. Parmi les garanties supplémentaires établies par ladite loi figure celle du renforcement des conventions (conventions homologuées et conventions relatives au lieu de travail) par des sentences. Comme cela est dit ailleurs, les sentences prévoient des conditions minimales. Désormais, les sentences fédérales (c'est-à-dire celles qui sont rendues par l'AIRC) sont normalement limitées à une série de sujets déterminés(12) Elles concernent les aspects les plus importants en matière de salaires et de conditions d'emploi. Cependant, toutes les questions concernant les relations entre un employeur et un employé peuvent être incluses dans une convention, à l'exception des dispositions discriminatoires qui sont exclues par la loi relative aux relations sur les lieux de travail(13).

19. Les sentences sont particulièrement importantes dans le contexte de «la condition de non-désavantage» qui a été mise en place par la loi. Ceci fera l'objet d'une discussion ultérieure, mais il faut remarquer que, à quelques exceptions près, en vertu des sentences ou lois applicables dans le cadre de la fédération, de l'Etat ou du territoire, il est interdit que les conventions portent atteinte aux conditions globales de l'emploi des travailleurs concernés.

20. Un autre changement notable a été opéré dans le cadre de la loi relative aux relations sur les lieux de travail, qui renforce l'importance de la négociation; l'objet principal de la loi (article 3) reconnaît la nécessité d'encourager non seulement les conventions adoptées dans le cadre de la loi, mais également en dehors du cadre de la loi, par exemple, en vertu de lois des Etats ou par la voie de la négociation de conditions plus favorables à celles accordées dans les conventions soumises à approbation judiciaire.

21. Le gouvernement considère au contraire que l'article 4 de la convention peut prendre effet grâce aux dispositions de ladite loi concernant le prononcé de sentences et l'adoption de conventions homologuées, ainsi qu'à l'existence de la négociation collective en dehors du système officiel. L'introduction d'une forme supplémentaire de réglementation des conditions d'emploi, à savoir le renforcement des conventions individuelles par le système des sentences, fournit d'autres choix aux employeurs et aux employés au titre de la loi mais ne porte pas atteinte aux autres caractéristiques fondamentales du système fédéral de relations professionnelles.

L'adoption et l'approbation des conventions australiennes relatives au lieu de travail

22. Le rapport de la fédération sur la convention no 98 souligne les dispositions de la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail qui traitent de l'adoption et de l'approbation des conventions relatives au lieu de travail. En résumé, les dispositions clés de leur régime sont les suivantes:

a) La section 3 de la partie VID traite de l'adoption, de la modification et de l'expiration d'une convention relative au lieu de travail. Un tel texte peut être conclu entre un employeur et un employé(14). Il doit traiter de plusieurs questions déterminées, notamment des dispositions de lutte contre la discrimination et d'une procédure de règlement des différends(15) et, sauf circonstances exceptionnelles, il doit respecter le principe de la clause la plus favorable(16).

b) Un employé avec qui une telle convention doit être conclue doit, avant de la signer, en recevoir une copie au plus tard à l'expiration du délai prévu à cet effet (cinq jours pour un nouvel employé -- c'est-à-dire, une personne qui a signé la convention avant, ou au moment, de commencer le travail auquel le texte se réfère -- et 14 jours pour les autres employés), l'employeur doit lui expliquer quels sont ses effets(17).

c) L'employé concerné doit consentir de son plein gré à élaborer ce type de convention(18), et il est illégal de renvoyer un employé sur la base du refus de négocier, faire signer, étendre la portée, modifier ou mettre fin à une convention(19).

d) Si l'employeur n'a pas conclu un accord dans les mêmes termes pour tous les employés se trouvant dans une situation comparable -- c'est-à-dire des employés effectuant le même type de travail --, cela ne signifie pas qu'il l'a fait de manière inéquitable(20).

e) Un employeur ou un employé peut désigner une personne afin qu'elle soit son agent négociateur aux fins d'élaborer, approuver, modifier ou mettre fin à une convention relative au lieu de travail(21). Un employeur ou un employé doit reconnaître un agent négociateur qui a été régulièrement nommé par l'autre partie(22). Un employeur ou un employé ne doit pas contraindre, ou essayer de contraindre, l'autre partie de désigner, ou de ne pas désigner, une certaine personne comme agent négociateur ou bien de mettre fin à cette nomination(23). Une personne ou un groupe de personnes (y compris un syndicat) peut être nommé agent négociateur(24).

f) Un employeur doit fournir une copie de la déclaration de renseignements préparée par le bureau du conseiller juridique à l'emploi à l'employé avec qui il se propose de conclure une convention relative au lieu de travail(25) (voir ci-après). Cette déclaration énoncera les dispositions de la loi qui sont relatives à l'élaboration et à l'approbation de ces conventions.

g) La partie IVA de la loi crée le bureau du conseiller juridique à l'emploi. Parmi ses responsabilités figurent les fonctions relatives à l'enregistrement et à l'approbation des conventions relatives au lieu de travail, à l'enquête sur les allégations d'infractions à ces textes, sur les allégations de non-respect de la partie VID et sur toutes autres plaintes relatives à ces textes ainsi qu'à l'octroi de l'aide juridique, en vertu de la partie VID, à une partie à un procès, s'il considère que cela encouragerait l'application des dispositions de la partie VID(26).

h) La section 8 de la partie VID confère une immunité limitée à l'action revendicative engagée à propos de l'élaboration d'une convention relative au lieu de travail, sauf dans certaines conditions précisées dans la loi(27). Par ailleurs, la loi prévoit une protection contre le licenciement ou tout autre comportement contraire aux intérêts des membres du personnel entamant, ou ayant l'intention d'entamer, une action revendicative en faveur d'une convention relative au lieu de travail.

La clause la plus favorable

23. Indépendamment des autres conditions concernant les conventions relatives au lieu de travail, les employés sont protégés par la condition qu'une convention de ce type doit, sauf circonstances exceptionnelles, respecter le principe de la clause la plus favorable. Une convention remplit cette condition si elle ne lèse pas les employés quant aux conditions de leur emploi. Sous réserve de quelques exceptions déterminées(28), une convention lèse les employés quant aux conditions de leur emploi:

Une «sentence applicable» est une sentence (rendue par l'AIRC ou par un tribunal d'Etat) qui réglemente toute condition d'emploi de la personne à qui une convention s'appliquera. Une «sentence de référence» désigne une sentence que le conseiller juridique à l'emploi ou l'AIRC a jugée pertinente aux fins de déterminer si la condition requise était remplie pour une convention donnée(29). Le conseiller juridique à l'emploi doit rendre ce type de sentences lorsqu'il n'existe aucune sentence applicable au travail d'une ou plusieurs personnes dont l'emploi doit être couvert par une convention relative au lieu de travail(30).

24. C'est le conseiller juridique à l'emploi qui doit vérifier si la clause la plus favorable est remplie(31), et s'il a encore des doutes sur la question de savoir si une convention particulière réussit cette épreuve, la convention doit être transmise à l'AIRC(32). Il incombe alors à cette commission la responsabilité de déterminer si la condition est remplie et, dans la négative, si elle doit approuver la convention sur la base de l'intérêt général(33). Avant de commenter les accusations de l'ACTU, il est intéressant de remarquer que les conventions relatives au lieu de travail couvrant 4.177 employés avaient été approuvées dès le 5 décembre 1997 et que, aujourd'hui, les conventions homologuées couvrent 1.740.000 employés(34).

Commentaires sur les accusations de l'ACTU

25. Au paragraphe 6 a) de sa lettre, l'ACTU déclare qu'«une convention relative au lieu de travail se substitue à une sentence fédérale ou d'Etat qui, sinon, s'appliquerait à l'emploi en question». L'ACTU affirme que «les conditions négociées de manière collective peuvent être entièrement remplacées par d'autres accords élaborés sur une base individuelle». Au paragraphe 6 b), l'ACTU déclare qu'«une convention relative au lieu de travail se substitue à une convention homologuée ou à un autre instrument collectif adopté aux termes de la loi de l'Etat». Il semble que l'ACTU ait perdu de vue quelques caractéristiques importantes du régime législatif.

26. Dans le cadre de la loi relative aux relations sur les lieux de travail, un certain nombre de dispositions connexes ont pour rôle de garantir un équilibre adéquat entre la négociation collective volontaire et les conventions individuelles volontaires. Il est important de savoir que, lorsqu'une convention collective a été homologuée et qu'elle est entrée en vigueur, elle l'emporte sur une convention relative au lieu de travail contradictoire qui doit prendre effet au cours de la même période à moins que la convention homologuée ne stipule expressément que c'est l'autre qui s'appliquera(35).

27. Si une convention relative au lieu de travail est en vigueur avant qu'une convention homologuée ne prenne effet, la convention homologuée l'emporte si la première a dépassé sa date théorique d'expiration. Si elle n'a pas dépassé cette date, elle remplacera alors la convention homologuée(36) mais, une fois qu'elle sera arrivée à expiration, on peut demander à l'AIRC d'y mettre fin(37). Une fois la convention relative au lieu de travail abrogée, toute convention homologuée relative à l'employé s'appliquera conformément à ses dispositions.

28. Pour l'ACTU il est inquiétant de constater qu'une convention relative au lieu de travail peut être élaborée et l'emporter sur une convention homologuée qui a dépassé sa date théorique d'expiration. Le gouvernement considère qu'il n'est pas exceptionnel qu'une convention qui a dépassé la limite de validité que les parties lui avaient fixée en tant que convention «fermée»(38) soit remplacée par une autre convention, qu'elle soit collective ou individuelle.

29. L'ACTU critique le fait qu'une convention relative au lieu de travail se substitue à:

a) une convention homologuée;

b) des conventions élaborées en vertu d'une loi d'Etat; et

c) des sentences fédérales ou d'Etat.

30. La relation qui existe entre une convention relative au lieu de travail et une convention homologuée a fait l'objet d'une discussion, ci-dessus, au niveau des paragraphes 26 et 27. L'accusation formulée par l'ACTU selon laquelle une convention relative au lieu de travail remplace une convention homologuée n'est justifiée que dans les circonstances qui y sont décrites.

31. Une convention relative au lieu de travail en vigueur exclut effectivement les sentences rendues et les conventions élaborées au niveau de l'Etat et, sous réserve de quelques exceptions limitées, les sentences fédérales(39). Cependant, avant d'entrer en vigueur, elle doit respecter la clause la plus favorable. En d'autres termes, l'employé(e) ne doit pas, globalement, se retrouver dans une situation pire que celle qui lui incomberait en vertu de sentences applicables ou de référence ainsi que d'autres lois applicables.

32. Il faut également remarquer qu'aux termes de la Constitution australienne il est normal qu'une loi fédérale ou un texte adopté en vertu d'une loi fédérale l'emporte sur des lois d'Etat contradictoires. (Voir article 109 de la Constitution australienne.) Une exception importante est prévue (et pour des raisons constitutionnelles, soigneusement délimitée) aux paragraphes 152 3)-5) de la loi relative aux relations sur les lieux de travail qui prévoient expressément que des conventions adoptées en vertu des lois professionnelles d'un Etat peuvent remplacer des sentences fédérales. Selon l'article 152 5), une convention d'Etat peut avoir cet effet seulement si elle respecte le principe de la clause la plus favorable, si elle résulte d'une entente véritable et si elle couvre tous les employés qu'il serait raisonnable qu'elle couvre.

33. De l'avis du gouvernement, ces dispositions jouent le rôle d'un équilibre raisonnable entre la négociation collective volontaire et les conventions individuelles volontaires. De plus, elles mettent l'accent sur le fait que les sentences renforcent les conventions, en donnant ainsi une importance particulière à la négociation.

Le rôle des syndicats dans le système des conventions australiennes relatives au lieu de travail, etc.

34. Au paragraphe 6 d) de sa lettre, l'ACTU déclare que «le rôle limité des syndicats dans le système des conventions relatives au lieu de travail, combiné à l'absence de débats publics en matière d'approbation, en font un choix intéressant pour les employeurs sans scrupules».

35. La législation ne crée pas une situation dans laquelle les syndicats ne peuvent pas représenter de manière effective leurs membres, quel que soit le nombre de membres qu'il puisse y avoir sur un lieu de travail déterminé. Bien qu'un syndicat ne puisse pas être partie à une convention relative au lieu de travail (puisque c'est une convention individuelle entre un employeur et un employé), un employé peut désigner un syndicat pour le représenter au cours de la période de négociation(40). Comme cela a déjà été dit, un employeur ne peut pas refuser de reconnaître un agent négociateur régulièrement désigné par un employé et ne doit pas contraindre, ou essayer de contraindre, un employé de nommer, ou de ne pas nommer, un agent négociateur particulier ou bien de mettre fin à cette nomination. Dans ce contexte, les protections accordées à l'employé au titre de la partie XA de la loi relative aux relations sur les lieux de travail qui interdisent les mesures de rétorsion prises sur la base de l'affiliation sont également applicables. Par conséquent, cette loi prévoit et protège le droit de l'employé d'être représenté par des syndicats lors des négociations des conventions relatives au lieu de travail.

36. Comme cela a été dit précédemment dans cette réponse, le mouvement syndical australien est enraciné et bien structuré; par conséquent, il dispose des moyens nécessaires pour faire prendre conscience aux employés de leur droit d'être représentés par un syndicat aux fins de négocier les conventions relatives au lieu de travail et, pour ceux qui le souhaitent, faire en sorte qu'ils puissent accéder aux services d'un syndicat. Dans ce contexte, il est pertinent que la déclaration de renseignements sur les employés établie par la loi et à laquelle il est fait référence au paragraphe 22 ci-dessus définisse les droits des employés en matière de désignation des agents négociateurs. Comme cela a déjà été dit, les employeurs doivent fournir cette déclaration aux employés avec qui ils désirent élaborer des conventions relatives au lieu de travail. De plus, en tant que parties aux sentences, les syndicats peuvent jouer un rôle important dans le maintien des critères d'évaluation utilisés dans le cadre des clauses les plus favorables.

37. Par ailleurs, il est judicieux de remarquer que l'article 170 WF de la loi relative aux relations sur les lieux de travail, qui interdit les menaces ou intimidations aux fins d'entraver les négociations des conventions relatives au lieu de travail, met en évidence que l'interdiction ne s'applique pas au comportement qui est autorisé par la loi, et qui est adopté par, ou au nom de, un syndicat enregistré dans l'optique de négocier une convention homologuée.

38. Quant à l'absence de débats publics en matière d'approbation des conventions en question, le gouvernement remarque, d'abord, que les principes de la négociation collective ne requièrent aucune forme de débat public pour l'élaboration de conventions collectives (bien que cela soit prévu par la loi relative aux relations sur les lieux de travail). Vu le caractère individuel de ces conventions, cette condition semble inutile. Un tel texte ne confère pas de droits ou obligations à une personne qui n'y est pas partie (à l'exception des droits et devoirs du conseiller juridique à l'emploi). Deuxièmement, la section 5 de la partie VID de ladite loi contient des conditions spécifiques et détaillées concernant l'approbation d'une convention relative au lieu de travail par un fonctionnaire statutaire indépendant -- le conseiller juridique à l'emploi -- ou, dans des cas particuliers, par l'AIRC. Si ces conditions ne sont pas remplies, la convention ne sera pas approuvée. Le conseiller juridique à l'emploi est une personne indépendante et impartiale nommée par le Gouverneur général en vertu de la partie IVA de ladite loi. Il ou elle n'est pas soumis(e) aux directives du gouvernement en matière d'approbation des conventions (voir art. 83BC). De même, l'AIRC est un tribunal indépendant et impartial institué en vertu de cette loi.

39. Le conseiller juridique à l'emploi a plusieurs fonctions, notamment celle d'octroyer une aide et des conseils aux employés concernant leurs droits et obligations au titre de la loi relative aux relations sur les lieux de travail; à l'égard des conventions relatives au lieu de travail, conseiller les employeurs et les employés, au sujet de la sentence applicable et des droits qu'ils ont en vertu de la loi, ainsi que des dispositions pertinentes de ladite loi; enfin de s'assurer du respect des conventions. On lui demande de prêter une attention particulière aux besoins des travailleurs se trouvant dans une position de négociation défavorable (par exemple les femmes, les personnes provenant de milieux non anglophones, les jeunes, les apprentis, les stagiaires et les travailleurs à domicile).

Inexistence des dispositions relatives à la négociation collective

40. Au paragraphe 6 e) de sa lettre, l'ACTU déclare que «la loi ne stipule pas que les employeurs doivent négocier de manière collective, même si c'est ce que désirent les travailleurs». Au paragraphe 7, l'ACTU critique le fait que, dans la pratique, les employeurs puissent refuser de négocier collectivement. Que la législation permette cela est incompatible avec l'article 4 de la convention.

41 En réalité, la loi relative aux relations sur les lieux de travail établit un cadre qui facilite la négociation collective. En ce qui concerne les sentences, comme cela a déjà été dit, les organisations enregistrées peuvent chercher à obtenir des conventions négociées de manière collective et élaborées par l'AIRC comme les sentences obtenues grâce au consentement mutuel (la voie de l'arbitrage est possible pour les parties qui restent en conflit). En outre, ces organisations peuvent élaborer des conventions collectives avec les employeurs et les faire homologuer au titre de ladite loi. Elles peuvent organiser et mener une action revendicative aux termes d'une convention conclue avec un employeur (ou des employeurs) et, une telle action, engagée en vertu de la partie VIB de la loi, est exempte de la responsabilité civile(41).

42. Au cours d'une période de négociation entreprise dans le cadre de la loi (et au cours de laquelle l'exemption de responsabilité civile s'applique), l'AIRC ne peut pas jouer le rôle d'arbitre, mais elle peut aider à la négociation en exerçant ses pouvoirs obligatoires de conciliation.

43. Les syndicats enregistrés sont également libres de négocier de manière collective en dehors du cadre de la loi(42).

44. Bien que la loi relative aux relations sur les lieux de travail n'impose pas de négocier les conventions relatives au lieu de travail de manière collective, elle ne l'interdit pas ou ne l'empêche pas. La négociation collective est soutenue par l'existence du droit d'entamer une action revendicative exempte de responsabilité civile. De plus, l'article 170VE stipule clairement que ces conventions peuvent être négociées grâce à la méthode de la négociation collective. Cet article prévoit notamment que:

45. De l'avis du gouvernement, c'est une erreur de proposer que les employés qui ne désirent pas participer à la négociation collective devraient se voir refuser l'accès à une convention individuelle exécutoire, lorsqu'ils souhaitent vraiment devenir parties à ce type de convention. On ne peut pas envisager de manière raisonnable que ce type de texte soit incompatible avec l'article 4 de la convention no 98.

Commission du Sénat sur les affaires économiques -- Enquête sur le projet de loi de 1996 portant amendement à la loi relative aux relations sur les lieux de travail et à d'autres questions («projet de loi WROLA»)

46. Au paragraphe 9 de sa lettre, l'ACTU reproduit un extrait d'un texte présenté par le Centre international des droits syndicaux à la Commission d'enquête du Sénat sur le projet de loi concernant les relations sur les lieux de travail. Cet extrait met l'accent sur le fait que la législation «privilégie la représentation individuelle et les conventions individuelles».

47. Le gouvernement récuse que la loi relative aux relations sur les lieux de travail privilégie la représentation et les conventions individuelles, et renvoie au débat ci-dessus sur le régime des conventions relatives au lieu de travail et sur les rapports qui existent entre elles et les instruments collectifs.

48. Par ailleurs, il est important de remarquer que ce projet de loi a été considérablement amendé par le Sénat à la suite de l'enquête qu'il a menée et à laquelle l'ACTU se réfère. Les dispositions concernant les conventions relatives au lieu de travail ont été amendées de manière substantielle, notamment avec l'introduction du principe de la clause la plus favorable. Il en a été de même pour les dispositions relatives aux conventions homologuées. Les amendements du Sénat ont été approuvés par la Chambre des représentants, et le projet de loi a été adopté dans sa forme amendée. Il convient d'être très prudent avec les avis formulés par les membres de la Commission du Sénat ou par des personnes formulant des commentaires devant la commission, parce que ces avis se réfèrent au projet de loi tel qu'il a été introduit, c'est-à-dire, dans sa forme non amendée.

Cas n° 1698 (Nouvelle-Zélande)

49. Pour étayer son affirmation, à savoir que la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail est incompatible avec la convention n° 98, l'ACTU se réfère aux conclusions du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1698 dans le sens que la loi sur les contrats de travail en Nouvelle-Zélande viole les principes de l'OIT sur la négociation collective.

50. La comparaison entre les systèmes australien et néo-zélandais est difficile parce que chaque pays a des lois et des pratiques très différentes. La situation de l'Australie ne rentre pas dans le cadre des principes auxquels il est fait référence dans le cas
no 1698. On devrait notamment remarquer que:

51. Par conséquent, le gouvernement rejette l'affirmation faite par l'ACTU au paragraphe 15 de sa lettre, selon laquelle les conclusions du Comité de la liberté syndicale du cas no 1698 sont «d'autant plus applicables au système australien». De même, il rejette l'affirmation du paragraphe 15 selon laquelle «il est évident» que la loi relative aux relations sur les lieux de travail «privilégie les conventions individuelles par rapport aux conventions collectives». La loi ne privilégie pas les conventions relatives au lieu de travail par rapport aux conventions collectives. Comme cela a déjà été dit, les dispositions concernant les conventions relatives au lieu de travail ne remplacent pas la négociation collective volontaire de sentences ou de conventions homologuées, mais elles représentent pour les travailleurs une autre forme de négociation qui est renforcée par des sentences qui sont elles-mêmes l'aboutissement d'une forme de négociation collective.

Le cas Bell Bay

52. Au paragraphe 16 de sa lettre, l'ACTU fait référence à la décision d'une commission plénière de l'AIRC dans l'affaire Aluminium Industry (Comalco Bell Bay Companies) sentence 1983 (1994) 56 IR 403 («le cas Bell Bay») dans laquelle elle a rejeté la tentative d'un employeur d'introduire un système de contrats individuels. En l'espèce, la commission a conclu que la mesure était
« ... contraire à notre système de relations professionnelles qui, depuis son origine, a été basé sur les pratiques collectives ... dans lequel, les organisations d'employeurs et d'employés enregistrées et agissant en tant que représentants des parties font partie intégrante des négociations collectives qui sont applicables en vertu de la loi».

53. Pour le gouvernement, ce cas n'est pas applicable à la loi en vigueur. A cette époque, la loi applicable (loi sur les relations professionnelles) était bien différente sur un certain nombre de points fondamentaux. Elle reposait notamment sur une plus petite gamme de pouvoirs constitutionnels (d'où la référence de l'AIRC à la nature du système). Cette loi ne contenait pas de dispositions relatives aux conventions individuelles sous aucune forme et, de surcroît, dans cette affaire, l'employeur cherchait à exclure complètement les syndicats du processus de négociation de tels contrats. Comme cela a été préalablement expliqué, la partie VID de la loi relative aux relations sur les lieux de travail donne à un(e) employé(e) la possibilité de désigner un syndicat comme agent négociateur de sa convention relative au lieu de travail et cette nomination doit être acceptée par l'employeur. De même, un membre d'un syndicat enregistré a le droit d'exiger la participation de son syndicat à la négociation d'une convention homologuée si aucun syndicat n'y participe encore.

54. Il est cependant pertinent de remarquer que, dans un certain nombre d'autres cas, l'AIRC a approuvé des contrats individuels en vertu de la loi sur les relations professionnelles(44).

Etude du Centre australien pour la recherche et la formation en matière de relations professionnelles (ACIRRT)

55. L'ACTU affirme qu' «il existe des preuves du tort que les conventions relatives au lieu de travail causent aux employés» et, au paragraphe 23 de sa lettre, elle se réfère à l'étude qui a été réalisée à l'Université de Sydney par le Centre australien pour la recherche et la formation en matière de relations professionnelles (ACIRRT) au sujet de quelques-uns de ces textes. L'ACIRRT a publié ses conclusions le 6 juillet 1997 dans un rapport intitulé Rapport 13 sur le recensement et le contrôle des conventions (ADAM). Le gouvernement a étudié ce rapport et ne considère pas qu'il apporte des preuves solides du tort que ces textes occasionnent aux employés. En particulier, le gouvernement remarque que:

Autres questions

56. Au paragraphe 18 de sa lettre, l'ACTU affirme qu'il existe des preuves que les conventions relatives au lieu de travail sont utilisées pour affaiblir ou éliminer le rôle des syndicats ainsi que pour détériorer les conditions de l'emploi. On trouve une affirmation similaire au paragraphe 21 de sa lettre. Ces affirmations ne sont pas fondées. Elles ne s'appuient sur aucune des analyses qui ont été menées et approuvées pas le conseiller juridique à l'emploi au sujet de ces conventions.

57. Le gouvernement indique que le bureau du conseiller juridique à l'emploi entreprend actuellement un projet de recherche sur les conventions relatives au lieu de travail. Ce projet examinera leur évolution, celle de leur contenu, ainsi que l'expérience qu'ont acquis les employeurs et employés dans leur élaboration et leur mise en œuvre. Il comprendra un certain nombre d'études de cas au sein d'entreprises qui ont adopté ce type de conventions, en examinant des questions telles que la manière dont elles se sont développées, leur contenu et leurs effets -- notamment sur les employés se trouvant dans une position de négociation défavorable -- et l'évaluation de cette pratique par les personnes qui y participent. Une copie du communiqué de presse du conseiller juridique à l'emploi annonçant ce projet est reproduite en annexe. Des renseignements supplémentaires seront fournis, sur demande, lorsque les résultats de cette recherche seront disponibles.

58. Au paragraphe 22 de sa lettre, l'ACTU déclare que, en raison de la non-publication des conventions relatives au lieu de travail, il est difficile d'obtenir des renseignements précis sur leur contenu. Le gouvernement attire l'attention sur l'article 83BS qui prévoit que les renseignements qui indiqueraient le nom des parties à une de ces conventions ne doivent pas être révélés par un «fonctionnaire du système des conventions relatives au lieu de travail» (c'est-à-dire, le conseiller juridique à l'emploi ou un fonctionnaire qu'il aurait autorisé à agir ainsi) sauf s'ils relèvent du paragraphe 83BS 2). C'est le cas, notamment, lorsque la partie donne un accord écrit ou que le règlement le permet. A cet égard, l'article 8D du Règlement relatif aux relations sur les lieux de travail autorise la révélation de ces renseignements aux fins de:

Sous réserve des dispositions de l'article 83BS, le conseiller juridique à l'emploi peut publier ou tenir à la disposition du public des copies ou des extraits des conventions relatives au lieu de travail. Il faut également remarquer que les interdictions de révélation des renseignements ne s'appliquent pas aux parties à ces conventions, elles sont libres de révéler la teneur de leurs conventions comme elles l'entendent.

59. L'article 358A exige l'élaboration de rapports semestriels (à l'exception du premier rapport qui doit traiter de la période allant de l'entrée en vigueur de la loi au 31 décembre 1997) à l'intention du ministre des Relations sur les lieux de travail et de la petite entreprise. Ces rapports portent sur:

60. Outre ses obligations, établies par la loi, de présentation de rapports, le bureau du conseiller juridique à l'emploi a également publié des informations statistiques concernant les conventions relatives au lieu de travail.

Conclusion

61. Le gouvernement australien considère que l'accusation de l'ACTU consistant à affirmer que les dispositions de la loi relative aux relations sur les lieux de travail concernant les conventions relatives au lieu de travail ne sont pas compatibles avec l'article 4 de la convention no 98 n'est pas fondée. Comme cela a été souligné tout au long des précédents commentaires, ces conventions ne remplacent pas la négociation collective, mais fournissent simplement aux parties qui ne souhaitent pas négocier de manière collective une alternative au sein du système fédéral officiel. La loi relative aux relations sur les lieux de travail continue de promouvoir la négociation collective et reconnaît d'importants droits aux organisations enregistrées et à leurs membres. Ces droits doivent être respectés et prévoient notamment une protection lors de la négociation collective.

En outre, un représentant gouvernemental s'est déclaré déçu des observations de la commission d'experts concernant l'application de cette convention et, plus particulièrement, préoccupé par le processus suivi et les conclusions dégagées. Ses préoccupations se trouvent maintenant concrétisées par l'obligation de comparaître devant la présente commission. Les circonstances dans lesquelles le gouvernement australien a été prié de s'expliquer sont en effet des plus préoccupantes puisqu'il a satisfait à ses obligations de faire rapport et que la commission d'experts n'a pas encore examiné les éléments qu'il lui a communiqués. L'orateur espère que ceci ne deviendra pas une pratique systématique de la Commission de la Conférence. L'Australie est une fédération regroupant plusieurs Etats et territoires dotés chacun de leurs propres systèmes législatifs. Les observations de la commission d'experts ne concernent pas seulement la législation du Commonwealth, c'est-à-dire la législation adoptée par le parlement national, mais encore celle de plusieurs Etats constitutifs de l'Australie, à savoir le Queensland, la Nouvelle-Galles du Sud, l'Australie-Méridionale et l'Australie-Occidentale. Les observations ont été dûment transmises aux gouvernements des Etats concernés. Un projet de législation de l'un d'eux, l'Australie-Occidentale, a également fait l'objet d'une correspondance entre le Conseil australien des syndicats (ACTU) et le Bureau. Le gouvernement de cet Etat a communiqué la déclaration suivante: «Le 13 juin 1997, le Bureau international du Travail a adressé une réponse directe à l'ACTU concernant sa demande de commentaires sur le projet de loi modificatrice 1997 de la législation des relations du travail de l'Australie-Occidentale.» L'avis a été communiqué sans l'apport de la position du gouvernement de l'Australie-Occidentale concernant ces dispositions législatives spécifiques. Le gouvernement de l'Australie-Occidentale est gravement préoccupé par le bien-fondé d'une telle communication directe, par le BIT, de ses commentaires et considère que les commentaires ne doivent être formulés que dans le cadre de la procédure normale de rapport.

Le représentant gouvernemental a souligné que son gouvernement est attaché à respecter ses obligations en tant que Membre de l'OIT. A cette fin, il consulte les gouvernements des Etats et territoires et les principaux organismes représentatifs des employeurs et des travailleurs. Le gouvernement craint que cette pratique ne soit pas observée de manière adéquate dans le cas d'un examen prématuré et nécessairement incomplet des observations. Il se déclare en désaccord avec les commentaires de la commission d'experts. Il note que, dans le cadre de son examen du rapport gouvernemental, la commission était saisie des commentaires de l'ACTU, qu'il considère sans fondements. Le gouvernement y avait apporté une réponse dans une communication à la commission d'experts complétant le rapport déjà envoyé au titre de l'article 22. Or, comme elle l'a reconnu expressément, la commission d'experts a examiné ce rapport sans tenir compte de la communication complémentaire du gouvernement. Cette communication complémentaire a été diffusée pour information de la présente commission. Elle a été établie pour répondre aux réclamations de l'ACTU et doit être lue en conjonction avec le rapport soumis par l'Australie au titre de l'article 22. Elle ne constitue pas une réponse aux commentaires de la commission d'experts.

La législation du Commonwealth est nouvelle et complexe; elle exige un examen attentif et détaillé. Les dispositions visées dans l'observation doivent être replacées dans leur contexte. Ceci exige une analyse attentive des rapports entre les diverses dispositions de la législation du Commonwealth, l'application de la législation par les tribunaux australiens ainsi que les liens entre la législation pertinente des Etats et le droit jurisprudentiel. Le gouvernement est disposé à fournir à la commission d'experts de nouvelles informations pour lui faciliter cette tâche. Les modifications importantes et nombreuses qui ont été apportées à la législation ont pour but de renforcer la liberté syndicale et la négociation collective. La législation rend plus facile l'enregistrement des nouvelles organisations de travailleurs et l'accès aux avantages de cet enregistrement en droit fédéral. L'enregistrement est volontaire et ne constitue pas une condition préalable à la création ou au fonctionnement d'une organisation de travailleurs. Les conditions à remplir pour l'enregistrement sont désormais plus simples qu'avec la législation précédente. Il est également devenu plus facile pour les organisations enregistrées de modifier leurs statuts concernant l'éligibilité de leurs membres. En outre, la nouvelle législation se réfère à un plus vaste éventail de pouvoirs constitutionnels que la précédente. De ce fait, elle élargit le champ de la liberté syndicale, de sorte que les salariés sont désormais protégés dans un cadre plus vaste que ce n'était le cas jusque-là. Les nouvelles dispositions sont plus faciles à faire appliquer puisque ce sont désormais les règles de la preuve civile et non pénale qui s'appliquent. Elles prévoient également des mesures correctrices plus efficaces, allant notamment plus loin pour ce qui est des sanctions, telles les injonctions, la compensation et la réintégration. Une disposition expresse interdit à l'employeur de licencier un salarié ou de l'affecter à un emploi moins intéressant en raison de l'exercice d'une activité revendicative légale. Il semble que toutes ces dispositions aient été ignorées par la commission d'experts dans l'examen de la législation.

La référence à un plus vaste éventail de pouvoirs constitutionnels rend également plus facile pour les syndicats enregistrés conformément à la nouvelle loi de conclure des conventions collectives avec les employeurs. Antérieurement, une convention collective conclue par un syndicat ne pouvait être homologuée que dans le cadre du règlement d'un conflit. Ce système faisait appel à des règles juridiques complexes. La nouvelle législation renforce également les pouvoirs dont la Commission indépendante des relations du travail de l'Australie (AIRC) dispose pour aider les partenaires d'une négociation qui ne parviennent pas à un accord. Ces partenaires peuvent demander à l'AIRC de conduire les débats et formuler, pour faciliter la négociation, des recommandations contraignantes à l'égard de tous sur certains problèmes. Comme la précédente, la nouvelle législation encourage la conclusion d'accords au niveau du lieu de travail ou de l'entreprise. D'autres dispositions s'appliquent à l'homologation des accords auxquels plusieurs employeurs sont parties. Les conditions à remplir ne sont pas pour autant contraignantes: l'AIRC doit simplement s'assurer que l'homologation d'un tel accord est conforme à l'intérêt public. L'expérience a démontré que, dans les circonstances appropriées, il est immédiatement fait droit à de telles demandes. Il convient également de noter que les partenaires sont libres de négocier en dehors du système formel. La législation du Commonwealth, pour la première fois, reconnaît expressément la faculté, pour les partenaires, de négocier en dehors comme au-dedans de ce système formel.

La législation instaure un cadre formel de conclusion de contrats individuels, appelé «contrats australiens au niveau du lieu de travail». Les préoccupations que ce système suscite à la commission d'experts découlent apparemment d'une mauvaise compréhension de la législation. Les éléments communiqués par le gouvernement australien en réponse aux critiques de l'ACTU précisent les modalités de ces contrats individuels. Le gouvernement veut croire que, replacées dans leur contexte, ces modalités apparaîtront dans le droit fil des dispositions de la loi, laquelle encourage la négociation collective. Les contrats individuels ne prétendent pas remplacer la négociation collective mais simplement offrir une nouvelle solution dans le cadre du système formel à ceux qui ne veulent pas négocier collectivement. Près de 2 millions de salariés sont couverts par des conventions collectives homologuées. Il existe également un grand nombre de salariés couverts par d'autres types d'instruments collectifs tels que les conventions conclues dans le cadre de la législation des Etats, les accords conclus en dehors du système formel et les sentences arbitrales, qui sont des instruments collectifs émis par des tribunaux du travail indépendants par consentement ou par arbitrage. Depuis que les contrats australiens au niveau du lieu de travail existent, 17.500 salariés ont choisi cette formule. La loi interdit toute contrainte dans la conclusion de ces contrats. Chaque contrat de ce type s'appuie sur une sentence arbitrale et cette dernière sur un instrument collectif. Les sentences arbitrales lient employeurs et syndicats. Un contrat australien au niveau du lieu de travail ne peut pas défavoriser un salarié, sur le plan du salaire et des autres conditions, par rapport aux sentences arbitrales pertinentes. Autre caractéristique de ce système: de par la nature de la relation entre le contrat australien au niveau du lieu de travail et la convention collective homologuée, la relation, méconnue par la commission d'experts, que la loi instaure, prévoit que, lorsqu'une convention collective a été homologuée et est en vigueur, elle prime sur tout contrat australien au niveau du lieu de travail qui se révélerait incompatible avec elle au cours de cette même période. Le contrat australien au niveau du lieu de travail ne l'emporte que si la convention collective homologuée le prévoit expressément. Si le contrat est en vigueur avant que la convention collective ne le soit, la seconde devient prééminente lorsque le premier arrive à son échéance. Dès que le contrat parvient à échéance, il peut être révoqué sur demande adressée à l'AIRC. Toute convention collective homologuée applicable au salarié devient alors opérante.

Le gouvernement de l'Australie souhaite que la commission d'experts réexamine la législation. Il considère déplacé et prématuré d'être prié de comparaître devant la Commission de la Conférence avant que la commission d'experts n'ait pu procéder à l'examen de détail requis de sa législation. En outre, le gouvernement australien considère que, si les questions soulevées ne sont pas mineures, lorsqu'on les regarde objectivement, elles n'apparaissent pas d'une telle gravité qu'il faille les examiner d'urgence dans cette instance. Il entend répondre à l'observation de la commission d'experts conformément à la procédure normale dans son prochain rapport au titre de cette convention. Notant que la commission d'experts a déclaré que les effets de cette législation n'apparaîtraient pas tout à fait clairement avant plusieurs années et qu'elle souhaitait être saisie de rapports réguliers sur cette future évolution, le gouvernement s'engage à fournir de tels rapports, conformément à ses obligations constitutionnelles normales. Il veut croire que le fonctionnement dans la pratique de la législation démontrera
sa justesse et son équilibre et dissipera les craintes infondées de l'ACTU.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant du gouvernement pour son information ainsi que pour les informations reprises dans le document écrit communiqué par le gouvernement. Il est important que la commission d'experts ait pu rédiger ses observations sur la base du rapport reçu par le gouvernement et surtout sur la base de la législation. La commission d'experts a également reçu des commentaires du Conseil australien des syndicats et de la Chambre de commerce et de l'industrie. La commission d'experts a donc pu analyser ce cas sur la base des différentes sources d'information. Ce constat est fort important pour le déroulement des discussions dans la présente commission. Dans d'autres cas, la présente commission doit parfois baser ses discussions et ses conclusions pour une partie sur des sources d'information plus fragmentées. Les membres travailleurs se sont donc étonnés que le gouvernement se plaigne de l'examen de ce cas dans la présente commission puisque la commission d'experts a pu prendre en compte le rapport du gouvernement. Dans le document écrit qu'il a communiqué, le gouvernement réagit seulement par rapport aux commentaires soumis par le Conseil australien des syndicats le 6 août 1997. Ses observations ont été transmises au gouvernement le 27 août 1997. Apparemment, le gouvernement n'a pas répondu dans les délais raisonnables puisque la commission d'experts l'a reçu trop tard pour en tenir compte. Probablement, la réponse du gouvernement a été reçue pendant la réunion de la commission d'experts en décembre. Les membres travailleurs ont déploré vivement cette négligence de la part du gouvernement. Les réponses reprises dans les informations écrites du gouvernement sont complexes et longues et les membres travailleurs, dans l'attente d'un nouvel examen de la commission d'experts, se sont limités à faire quatre remarques par rapport auxdites informations. D'abord, le gouvernement semble perdre de vue que la commission d'experts a formulé de nombreuses observations dans son rapport. Le gouvernement ne répond pas non plus aux questions de la commission d'experts concernant des points spécifiques de la législation. Deuxièmement, la commission d'experts a constaté que la législation contient des lacunes notamment sur le champ d'application personnel de protection contre des discriminations antisyndicales. Le rapport ne nous fournit pas d'informations complémentaires sur ces points. Troisièmement, la réponse du gouvernement est limitée à un aperçu très théorique du fonctionnement et aux effets pratiques de la législation. Quel est par exemple le pourcentage des travailleurs qui font appel à un agent négociateur qui les assiste pendant la négociation d'une convention relative au lieu de travail? Est-ce que la nouvelle législation n'a pas pour effet qu'en pratique les employeurs cherchent à trouver une alternative à la négociation collective, même dans les entreprises où les syndicats sont établis depuis de longue date au lieu de compléter simplement le système des conventions collectives? Toute la presse et la communauté internationale ont pu suivre le conflit dans l'entreprise Patrick Stevedores. Le Tribunal fédéral et la Cour d'appel ont confirmé que l'entreprise concernée a essayé d'utiliser notamment des contrats individuels relatifs au lieu de travail en combinaison avec d'autres instruments pour contourner les négociations collectives. Quatrièmement, les membres travailleurs s'étonnent du ton et de l'approche de la réponse. Il semblerait que, au lieu de chercher le dialogue et la collaboration avec les organes de contrôle et les partenaires sociaux, le gouvernement cherche plutôt à polémiquer avec les syndicats de son pays et à obtenir coûte que coûte gain de cause.

La commission d'experts a analysé la nouvelle législation. Les lois sont accessibles pour tout le monde et il s'agit des sources d'informations objectives. Personne ne peut contester ce constat. La commission d'experts est composée de juristes éminents et très qualifiés et ses méthodes de travail sont basées sur les principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité. Les membres travailleurs se sont référés à cet égard au paragraphe 8 du rapport général des experts. La commission d'experts constate que la loi relative aux relations sur les lieux de travail est longue et compliquée, et elle formule des doutes quant à la connaissance de la loi, de ses mécanismes et de ses équilibres par les travailleurs et les employeurs concernés.

La commission d'experts constate d'abord que la loi exclut de son champ d'application des catégories importantes de travailleurs concernant la protection efficace contre des actes de discrimination antisyndicale. Il s'agit notamment des travailleurs des petites et moyennes entreprises, des employés dont la rémunération dépasse un seuil de rémunération et des contrats temporaires. De telles exclusions ne sont pas prévues par l'article 6 de la convention no 98. De plus, selon la loi, la protection contre des discriminations antisyndicales n'est que partielle quand il s'agit de la négociation des conventions collectives pour de multiples entreprises. Une différenciation pareille n'est pas prévue par la convention. Indirectement, la loi cherche à décourager des conventions collectives pour ces entreprises. Sur ces deux points, la commission d'experts demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires et la présente commission devrait reprendre ces demandes.

Les membres travailleurs ont demandé que leurs préoccupations figurent dans les conclusions. Le nouveau système, même en tenant compte des explications de la part du gouvernement, favorise dans son ensemble la conclusion des contrats individuels de travail et affaiblit la conclusion de conventions collectives, y compris dans les entreprises où les syndicats sont présents depuis longtemps. Les membres travailleurs disposent d'informations selon lesquelles dans la pratique le système affaiblit la négociation collective et n'assume pas son rôle complémentaire comme suggéré par le gouvernement. Dans une intervention dans un cas spécifique (Pacific Access versus Community and Public Sector Union), le ministre des Relations professionnelles a explicitement déclaré que la nouvelle loi autorise l'employeur de choisir s'il accepte la négociation collective et avec quel syndicat. De plus, dans la pratique, les nouveaux et jeunes travailleurs ont le choix entre un contrat individuel ou le chômage. La commission d'experts constate que la Commission australienne des relations de travail peut décider du niveau de négociation. Elle favorise plutôt les négociations au niveau de l'entreprise. Or l'étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 a confirmé qu'il appartient aux parties de décider du niveau de négociation. Les parties devraient être libres de décider de l'étendue des points à négocier. Aussi, sur ce point, la commission d'experts demande à juste titre que le gouvernement indique dans son rapport toutes les mesures prises pour modifier la législation afin d'assurer la promotion de la négociation collective, conformément à l'article 4 de la convention no 98. En outre, la commission d'experts demande des changements dans la législation et des initiatives de la part du gouvernement dans ce sens. La présente commission dans son ensemble a adhéré à ce point de vue. Les membres travailleurs ont demandé que l'on tienne compte de ces points de vue dans les conclusions de la présente commission. Le gouvernement devrait également fournir des informations détaillées, y compris des statistiques sur les effets pratiques de la nouvelle législation dans son ensemble, y compris au niveau des Etats. Ces informations devraient permettre à la commission d'experts de constater dans la pratique et dans quelle mesure la nouvelle législation favorise la négociation collective et le développement des relations de travail équitables.

Les membres employeurs ont noté que le cas porte sur l'imposante restructuration de la législation tant au niveau fédéral qu'à celui des Etats. Les syndicats australiens considèrent que la nouvelle législation, et plus particulièrement la loi relative aux relations sur les lieux du travail, 1996, affaiblit considérablement les fondements des relations professionnelles au niveau fédéral. L'observation de la commission d'experts se limite néanmoins aux allégations des syndicats. Le gouvernement n'a pas eu la possibilité de s'exprimer sur la question, ce qui constitue, selon les membres employeurs, une violation du principe selon lequel toutes les parties concernées doivent être entendues avant de formuler des conclusions finales. Les membres employeurs considèrent que ce cas comporte différents problèmes intéressants, mais que le problème majeur vient des contrats australiens au niveau du lieu de travail qui ont été introduits par la loi relative aux relations sur les lieux de travail. Selon la commission d'experts, l'un des principaux objectifs de la loi prévu à l'article 3, alinéa b), est d'assurer que les questions concernant les responsabilités dans les relations entre employeurs et travailleurs sont de leur propre ressort, sur le lieu de travail ou au niveau de l'entreprise. Toutefois, les membres employeurs notent que les alinéas suivants de ce même article 3, alinéa b), prescrivent que la préférence donnée à la négociation au niveau du lieu de travail ou de l'entreprise n'est pas une règle absolue. Il est nécessaire d'examiner attentivement l'article 4 de la convention pour apprécier pleinement la conformité de la législation avec la convention. Ce dernier article prévoit que des mesures appropriées doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les organisations d'employeurs et de travailleurs en vue de régler les conditions d'emploi. En conséquence, ces mesures peuvent revêtir diverses formes de conventions collectives. L'article 4 dispose également que ces mêmes mesures doivent être appropriées aux conditions nationales. Il est nécessaire de clarifier la question avant de formuler les conclusions. La présente commission devrait suivre sa propre méthode de travail, à savoir s'abstenir d'examiner les cas avant que la commission d'experts n'ait elle-même examiné toutes les informations pertinentes disponibles. A cet égard, le gouvernement a communiqué certaines informations à la commission dans un document. On peut se demander pour quelles raisons la commission d'experts, qui admet que l'impact réel de la nouvelle législation ne pourra être examiné que dans quelques années, a déjà proposé les modifications à apporter à cette même législation. L'observation de la commission d'experts se fonde essentiellement sur les allégations des syndicats australiens, et le gouvernement devrait avoir la possibilité de communiquer des informations détaillées sur les questions posées. Cette position devrait apparaître dans les conclusions de la présente commission.

Le membre travailleur de l'Australie a indiqué qu'il était regrettable que les travailleurs australiens aient à intervenir devant la présente commission pour se plaindre de la législation et de la pratique de leur gouvernement. Les gouvernements australiens successifs de tout bord respectent traditionnellement les normes de l'OIT; une telle affirmation n'est cependant plus possible pour ce qui concerne le gouvernement actuel. L'adoption puis la mise en œuvre de la loi relative aux relations sur les lieux de travail de 1996 contreviennent aux dispositions de la convention. Dans une communication datée du 6 août 1997, l'ACTU a porté un certain nombre de dispositions de la loi à l'attention de la commission d'experts. A sa session de novembre-décembre 1997, dans ses commentaires relatifs à la législation, la commission d'experts a relevé des dispositions qui ne promeuvent pas la négociation collective prescrite à l'article 4 de la convention. L'ensemble du pays a été informé de cette position et le ministre des Relations professionnelles a publiquement déclaré que les commentaires de la commission d'experts étaient incorrects et sans fondement. Cependant, il n'a pu motiver sa position. La législation contrevient à la convention de quatre manières: les contrats australiens pour le lieu de travail ont remplacé les instruments collectifs existants qui avaient force de loi (sentences arbitrales), et ont également remplacé en certaines occasions les conventions collectives conclues au niveau de l'entreprise (conventions certifiées); les syndicats ont un rôle limité dans la négociation de contrats individuels d'emploi, et de tels contrats ne sont pas rendus publics; les employeurs ne sont pas tenus de recourir à la négociation collective même à la demande du salarié; un employeur peut imposer à un salarié de signer un contrat australien pour le lieu de travail préalablement à son recrutement ou à une promotion. Le discours prononcé en mai 1997 par le ministre des Relations professionnelles semble clair en ce qui concerne le soutien que le gouvernement accorde aux décisions stratégiques entre les contrats individuels et les conventions collectives. Lors de la procédure d'adoption de la loi, une enquête du Sénat avait indiqué que le projet de loi n'encourageait ni ne promouvait la négociation collective et était par conséquent contraire à la convention. Le gouvernement n'a pas tenu compte de ces indications et a continué de rapprocher sa législation avec celle de la loi sur les contrats de travail de la Nouvelle-Zélande. Trois exemples significatifs peuvent illustrer l'obligation des travailleurs qui veulent garder ou obtenir un emploi de signer les contrats australiens pour le lieu de travail: l'agence gouvernementale Employment National; la compagnie minière Rio Tinto; le différend maritime à Patrick Stevedores.

Le membre employeur de l'Australie a indiqué que, malgré les nombreuses questions soulevées par les commentaires de la commission d'experts, la principale touche la préférence donnée aux contrats individuels d'emploi sur les conventions collectives, et en conséquence les droits à la négociation collective, par la loi fédérale relative aux relations sur les lieux de travail, 1996. L'orateur souscrit aux déclarations précédemment faites par le représentant gouvernemental et le porte-parole des membres employeurs. Le nouveau flux de contrats australiens pour le lieu de travail coexiste avec deux instruments traditionnels du système australien de relations professionnelles: les conventions sectorielles conclues par l'AIRC dans un processus de négociation collective, et les conventions certifiées applicables à un ou plusieurs établissements. L'observation de la commission d'experts est peu judicieuse car les dispositions de la loi satisfont aux obligations de la convention. Les experts auraient pu s'en apercevoir s'ils avaient eu la possibilité de consulter les informations écrites communiquées par le gouvernement. Des négociations collectives, notamment dans les petites et moyennes entreprises, peuvent aboutir à la conclusion des contrats australiens pour le lieu de travail. La loi prévoit la primauté des conventions certifiées sur ces derniers, à moins que le contraire ne soit expressément prévu. Les conventions collectives fédérales qui sont des instruments sectoriels de portée générale sur les salaires minima et les conditions d'emploi prévalent sur les contrats pour le lieu de travail, à moins que l'AIRC n'en décide autrement au nom de l'intérêt public. Ils sont soumis à un examen très sévère avant leur conclusion et leur mise en œuvre. L'examen appelé test du «non moins favorable» compare les conditions prévues par le contrat australien pour le lieu de travail et la convention fédérale concernée; une réduction des termes généraux sur les conditions d'emploi prévues dans le contrat aboutirait à la non-adoption du contrat pour le lieu de travail à moins que des modifications soient apportées pour supprimer le désavantage constaté. Les syndicats ont un rôle important à jouer dans la conclusion de conventions certifiées et de contrats pour le lieu de travail lorsqu'ils reçoivent mandat de leurs membres de participer à la négociation. Malgré l'absence d'une obligation de négocier collectivement, les syndicats et les travailleurs ont le droit d'initier des périodes de négociation et de chercher à conclure des conventions collectives ou des contrats individuels de travail. La négociation individuelle est prévue par la loi de 1996 mais n'est pas promue de la même manière que la négociation collective. Un système qui autorise les contrats individuels d'emploi ne peut pas contrevenir aux dispositions de la convention, ceci alors même que ces contrats peuvent résulter de conventions collectives. Il est important de rechercher un équilibre général dans un système de relations professionnelles. Cette position devrait apparaître dans les conclusions de la commission.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a déclaré que la commission d'experts considère sans équivoque que la loi sur les relations sur le lieu de travail et la législation connexe privilégient les contrats individuels plutôt que les conventions collectives et que cet instrument, et ses interrelations avec la loi sur les relations du travail, génère un système qui n'est pas propice à la négociation collective. Le gouvernement est en rupture par rapport à ses obligations au titre de la convention. Dans sa réponse écrite à la commission, le gouvernement utilise des comparaisons avec la loi néo-zélandaise sur les contrats d'emploi pour réfuter les arguments selon lesquels sa législation violerait la convention. L'oratrice se rallie néanmoins à la position du gouvernement australien sur un point: la nouvelle loi néo-zélandaise est incontestablement en rupture totale par rapport à la convention et aux principes fondamentaux auxquels les Membres de l'OIT ont souscrit du fait de leur appartenance à cette Organisation. Le régime australien des relations du travail -- comme le fait celui de la Nouvelle-Zélande -- privilégie les contrats individuels plutôt que les conventions collectives. Son intention, comme celle de la législation néo-zélandaise, est de promouvoir les accords uniques au niveau de l'entreprise ou du lieu de travail plutôt que les sentences applicables à plusieurs employeurs. Il existe encore un parallèle avec la Nouvelle-Zélande, pour ce qui est de l'«action protégée» dans les cas de grève ou d'autres formes d'actions revendicatives, qui ne s'applique que dans les négociations axées sur la conclusion d'un accord unique d'entreprise qui soit homologué. Le système australien va plus loin que le système néo-zélandais dans un domaine: travailleurs et employeurs ne peuvent pas décider par accord mutuel qu'ils négocieront et concluront une convention avec plusieurs employeurs, comme seule l'AIRC peut décider de le faire. De plus, selon les informations écrites du gouvernement, les sentences concernant les taux de rémunération (fixant les taux effectifs et non les conditions minimales d'emploi) ne sont plus permises, ce qui va également plus loin que la législation néo-zélandaise, laquelle le permet théoriquement. L'argument selon lequel il existe un filet de sécurité grâce aux sentences arbitrales sous-jacentes pouvant s'appuyer sur le test du «non moins favorable» est au mieux naïf et assurément erroné. Les conventions collectives ou sentences arbitrales de niveau national, multi-employeurs ou de branche cesseront rapidement de faire autorité du fait que les employeurs s'en seront retirés et n'auront pas voulu participer à leur renouvellement. La législation australienne comme la législation néo-zélandaise ne font aucunement obligation à l'employeur de négocier une convention collective, même lorsque chacun des salariés devant en bénéficier s'est prononcé en faveur de cette formule. L'une et l'autre législations bouleversent l'équilibre des pouvoirs sur le lieu de travail en faveur de l'employeur. L'oratrice ne saurait accepter la suggestion des membres employeurs d'attendre que la commission d'experts ait examiné les plus récentes informations du gouvernement car des mesures doivent être prises avant l'irrémédiable; à ce titre, l'expérience néo-zélandaise a prouvé que les mesures doivent être prises rapidement.

Le membre employeur des Etats-Unis a déclaré que ce cas présentait plusieurs aspects touchant à la crédibilité du système de contrôle des normes. En premier lieu, le rapport de la commission d'experts a été complété par un document écrit envoyé par le gouvernement qui fournit des informations détaillées et crédibles qui doivent être prises sérieusement en considération par les experts. En deuxième lieu, la conclusion des experts que la loi de 1996 ne faisait pas la promotion de la négociation collective est prématurée et limitée. Il estime que, tel que le démontrent le document écrit et l'expérience des compagnies américaines ayant des succursales dans le pays, l'Australie encourage, soutient et met en œuvre depuis longtemps le droit d'organisation et de négociation collective. Troisièmement, les conventions nos 87 et 98 sont liées entre elles et les travailleurs devraient pouvoir choisir librement leurs syndicats et, tel que stipulé à l'article 4 de la convention no 98, pouvoir également négocier des accords. Quatrièmement, il est clairement établi au sein de l'OIT que les travailleurs ont également le droit de choisir de ne pas se syndiquer ou d'être représentés par des syndicats. La législation australienne semble reconnaître ce droit tout en encourageant et en promouvant la négociation collective, mais la commission d'experts a ignoré ce point. Il rappelle qu'en 1982 à l'occasion de discussions tripartites sur la convention sur le licenciement il a été déclaré que la convention no 87 envisageait le droit de ne pas se syndiquer; la commission d'experts se doit de tenir compte de ce point. Cinquièmement, la législation australienne reconnaît l'évolution de la diversité des relations professionnelles. Le fait de mettre l'accent sur la négociation sur le lieu de travail et au niveau de l'entreprise se révèle une approche réussie dans plusieurs pays. L'orateur rappelle qu'il est important de noter que la négociation au niveau du lieu de travail peut permettre une augmentation de la productivité et améliorer les conditions de vie des travailleurs. Constitue un principe de base d'une extrême importance le libre choix du travailleur, que ce soit au niveau de la négociation collective sur le lieu de travail ou pour sa propre représentation individuelle. Les deux approches sont efficaces. En conséquence, la commission d'experts se doit de tenir compte des informations écrites fournies par le gouvernement car dans le cas contraire ses conclusions seraient prématurées et limitées et pourraient affaiblir la crédibilité des mécanismes de contrôle.

Le membre travailleur du Japon a exprimé sa vive désapprobation concernant la loi relative aux relations sur les lieux de travail et face aux tentatives de démantèlement des syndicats. Bien que le gouvernement ait défendu cette législation en arguant sur la liberté de choix et un juste équilibre, cette loi affaiblit l'égalité et la vraie liberté. Le respect de vraies relations de travail et des droits syndicaux constitue une question vitale. Rappelant le contexte historique du droit à la négociation collective et à la liberté syndicale, il estime important de revoir cette situation. Il n'est pas d'accord avec la déclaration du gouvernement selon laquelle cette situation ne nécessite pas d'être considérée d'une manière urgente au sein de cette commission. C'est précisément à cause de l'urgence de la situation que les experts ont demandé de revoir et d'amender cette loi. Se référant à la déclaration du gouvernement qui a cité la commission d'experts quand elle a dit que l'impact de cette législation ne sera pas connu avant plusieurs années, l'orateur s'est demandé pourquoi et combien de temps cette commission devrait attendre. La présente commission ne doit pas faire preuve de complaisance. La commission d'experts a fait une analyse approfondie de cette législation et prié instamment le gouvernement de reconnaître cette analyse. Prenant note que la mondialisation affecte également le système des relations professionnelles, il souligne l'importance de l'Australie dans la région des pays d'Asie et du Pacifique et il déclare que, si cette situation n'est pas réglée, elle pourrait s'étendre à toute la région. Il demande au gouvernement de reconnaître qu'il existe un problème et de prendre immédiatement des mesures afin de revoir la loi relative aux relations sur les lieux de travail.

Le membre employeur de l'Afrique du Sud a déclaré avoir suivi avec intérêt et inquiétude cette discussion puisque ce cas est très important pour ce pays ainsi que pour la négociation collective dans de nombreux pays industrialisés. Il a mis en garde contre le fait que, si la présente commission arrive à des conclusions inappropriées, ceci pourra affecter grandement son rôle en tant que gardien des normes internationales du travail ainsi que le processus des mécanismes de contrôle de ces normes. Les membres employeurs ont déjà indiqué qu'ils étaient intrigués par les conclusions contenues dans le rapport de la commission d'experts; ceci s'explique peut-être par le fait que les experts n'ont pas pris en considération tous les éléments. Le gouvernement a présenté un document très bien argumenté et les observations de la commission d'experts se réfèrent à des dispositions spécifiques de la loi de manière isolée. Par exemple, les experts mentionnent l'article 3 c) mais pas l'article 3 b) ou e) qui sont également pertinents pour comprendre l'objectif de cette législation. De plus, ils font référence à l'article 88 A d) de la loi mais omettent de mentionner la sous-section b). En ce qui concerne le niveau de négociation, l'orateur estime que l'approche de la commission d'experts pourrait avoir des conséquences pour plusieurs pays, y compris le sien. Il a insisté sur le fait que toutes les parties doivent être entendues et que leurs arguments doivent pouvoir être dûment pris en considération et qu'il semble que cela ne soit pas ce que la commission d'experts a fait dans le présent cas. Pour les pays qui n'ont pas encore ratifié cette convention, l'avis de la présente commission est utile. La façon dont cette commission arrive à ses conclusions est importante et, aucune décision ne doit être prise avant que la commission d'experts ait reçu de plus amples informations du gouvernement et des partenaires sociaux. En l'occurrence, il est prématuré de traiter ce cas.

Le représentant gouvernemental a noté que les membres employeurs s'étaient ralliés aux arguments qu'il avait évoqués plus tôt. Il a ajouté que le gouvernement n'a fait preuve d'aucune négligence concernant ses obligations de fournir des rapports. A cet effet, le document écrit a été fourni à la commission d'experts pour faciliter la compréhension de la loi et constitue une réponse à l'ACTU. Puisque le conflit essentiel auquel se sont référés deux des orateurs est actuellement devant les tribunaux, l'orateur a déclaré ne pas pouvoir commenter ce point. Il a souligné que les contrats australiens sur les lieux de travail ne remplacent pas la négociation collective. Cette loi encourage la négociation collective et le libre choix. Son gouvernement fournira des informations plus détaillées afin de montrer à la commission d'experts qu'il respecte pleinement la convention.

Les membres travailleurs ont noté que les interventions des membres employeurs se sont référées plus à la procédure qu'à la substance. Concernant la demande d'entendre toutes les parties sur ce cas, ils ont souligné que c'est ce que la commission d'experts a fait puisqu'elle a basé ses commentaires sur les informations fournies par l'ACTU et la Chambre de commerce et de l'industrie australienne. Les experts ont donc été en possession des textes et les ont analysés de manière approfondie dans les paragraphes 1, 2, 3 et 4 de leur observation. Concernant la déclaration contenue au paragraphe 10 de l'observation selon laquelle l'impact de cette législation ne pourra être pleinement connue qu'après plusieurs années, ceci pourrait être dit de plusieurs autres législations. Ils ont souligné que la procédure adoptée dans ce cas est identique à celle utilisée dans d'autres cas, c'est-à-dire que des informations écrites ont été transmises à la commission d'experts pour étude et des informations supplémentaires demandées afin de clarifier la situation. Le fait qu'il existe des informations écrites et orales n'a jamais empêché la présente commission de formuler des conclusions.

Les membres employeurs ont insisté sur le fait qu'au sein de cette commission les opinions divergeaient complètement non seulement sur certains aspects mais également sur les questions essentielles touchant ce cas. Ils ont souligné que la commission d'experts n'a pas observé le principe d'écouter toutes les parties impliquées. Toutefois, ceci n'a eu aucune influence sur le contenu des questions discutées et évaluées de façon divergente au sein de la présente commission. Puisqu'il n'est pas possible de voter sur les conclusions, le fait que des opinions contraires ont été émises doit être reflété dans les conclusions. A cet égard, il ne serait pas juste de déclarer dans les conclusions que cette commission estime que la législation australienne ne respecte pas la convention no 98. La seule conclusion qui peut être atteinte est que ce cas est d'une très grande importance, que les vues de la commission étaient tout à fait différentes par rapport aux évaluations exprimées et que des informations additionnelles doivent être fournies par le gouvernement.

La commission a noté les informations écrites fournies par le gouvernement et la déclaration du représentant gouvernemental ainsi que la discussion qui a eu lieu en son sein. La commission a pris bonne note de l'observation de la commission d'experts dans laquelle celle-ci souligne que plusieurs dispositions de la loi relative aux relations sur les lieux de travail de 1996 soulèvent des interrogations concernant l'application des articles 1 et 4 de la convention, ces dispositions excluant certaines catégories de travailleurs de la portée de la législation et limitant l'étendue des activités syndicales couvertes par les dispositions relatives à la discrimination antisyndicale, et privilégiant les contrats individuels par rapport aux relations collectives, par le biais de la procédure d'accord sur le lieu de travail. La commission d'experts a rappelé en outre que la législation de certains Etats ayant une orientation similaire suscite également les interrogations quant à l'application de la convention. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement fournira un rapport détaillé à la commission d'experts sur les questions soulevées dans l'observation. Si cela est nécessaire, la commission sera attentive à ce cas l'année prochaine.

Brésil (ratification: 1952). Un représentant gouvernemental du Brésil a déclaré que son pays accordait une grande importance aux travaux de la commission, comme en font foi ses prises de position en faveur de l'OIT, qu'il considère comme le forum privilégié pour les questions sociales. En outre, le Brésil a fourni à la commission d'experts l'un des plus grands nombres de rapports, sans laisser une seule observation sans réponse. Aussi lui semble-t-il normal d'être appelé à fournir à la commission des informations complémentaires en réponse à l'observation de la commission d'experts. S'agissant des commentaires communiqués en juin 1997 par le Syndicat des arrimeurs de São Sebastião, des informations ont été fournies à la commission dans le cadre de l'application de la convention no 137. La commission d'experts a indiqué que, compte tenu du grand nombre de documents à analyser, elle examinerait ces informations à sa session de 1998. En l'absence de commentaires de la commission d'experts à ce sujet, une discussion sur ce point serait incomplète. Il convient toutefois de signaler la création d'une unité mobile de médiation pour le secteur maritime et portuaire qui aidera à améliorer les relations de travail dans ces secteurs. S'agissant de l'article 4 de la convention, l'article 623 des lois de travail consolidées ne constitue pas un obstacle à la libre négociation puisque la mesure provisoire no 1540 de juin 1997 régit clairement la négociation collective en attendant que la réforme constitutionnelle -- qui requiert beaucoup de temps, de consultations et une longue procédure législative -- soit réalisée. Entre-temps, le gouvernement, désireux de rendre possible la ratification de la convention no 87, s'est engagé dans la promotion d'une sérieuse réforme des relations professionnelles basée sur l'élargissement des espaces de négociation et le renforcement des organisations syndicales. Les points clés de cette réforme comprennent la réaffirmation du rôle du tripartisme dans la formulation de la politique de l'emploi même si actuellement les métiers et les syndicats participent largement à divers conseils et comités, et notamment au conseil qui administre le plus important fonds socioprofessionnel du pays; l'élargissement des espaces de négociation en transférant directement à la table des négociations des employeurs et des travailleurs, conformément à la convention, de nombreux droits et devoirs qui étaient automatiquement réglementés par la loi, notamment les salaires, la durée du travail, la participation aux bénéfices et aux résultats de l'entreprise; l'élimination des règles de l'unicité syndicale, la limitation territoriale et la contribution obligatoire afin de renforcer la légitimité syndicale, conformément à l'esprit de la convention no 87; la réduction du pouvoir normatif de la juridiction du travail de façon à ce qu'elle ne puisse intervenir avant l'épuisement des possibilités de négociation, conformément à une recommandation de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale. La convention no 98 et dans une certaine mesure la convention no 87 retiennent actuellement toute l'attention du gouvernement qui cherche à renforcer les organisations syndicales. Le programme de modernisation des relations professionnelles subordonne dans tous les cas toute décision sur de nouvelles formes de contrats à l'accord des syndicats.

S'agissant des articles 4 et 6 de la convention, la commission d'experts a bien compris que le pays se trouvait en plein dans un programme de réformes qui ont besoin de temps pour produire leurs effets. Le gouvernement s'est engagé à transformer l'Etat pour qu'il soit plus efficace et mieux à même de répondre aux besoins des citoyens. En ce qui concerne les employés publics, une plus grande flexibilité est recherchée par l'adoption d'un régime différencié pour les fonctions et carrières qui ne sont pas inhérentes à l'Etat, ce qui devrait faciliter l'adoption de pratiques plus modernes d'administration et de coadministration.

Le gouvernement a proposé un ensemble substantiel de réformes pour consolider le plan de stabilisation économique, auquel se réfère l'observation, et qui a déjà donné des résultats positifs et profitables aux travailleurs. Tout cela se fait dans le cadre du respect des principes démocratiques qui exigent la discussion, la négociation et un processus législatif conséquent, dans un contexte marqué par les contraintes de l'instabilité financière internationale qui empêchent une progression rapide au moindre coût social.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour ses explications et rappelé que la commission d'experts formulait des observations depuis de nombreuses années sur ce cas, la dernière discussion par la présente commission remontant à 1991. Malgré le rapport détaillé auquel s'est référé le représentant gouvernemental, force est de constater que la commission d'experts a eu de nouveau à revenir sur plusieurs problèmes d'application de la convention qui concernent des problèmes de principe très importants et qui ont une grave incidence sur l'ensemble du système de négociation collective. L'intervention des autorités dans la négociation collective et dans la fixation des salaires et des conditions d'emploi, que ce soit dans le secteur parapublic ou le secteur privé, apparaît bien comme une caractéristique structurelle du système brésilien de relations professionnelles. En effet, ce ne sont pas quelques dispositions transitoires ou isolées qui sont en cause, mais bien un ensemble de mécanismes et de pratiques trouvant leur origine dans les codes du travail des régimes dictatoriaux inspirés du Code du travail de Mussolini. Le Comité de la liberté syndicale a d'ailleurs eu à traiter plusieurs cas qui illustrent l'inadaptation du système de relations collectives du travail, parmi lesquels notamment les cas nos 1866 et 1889. Il est bien évident qu'à l'orée du XXIe siècle une telle législation n'est pas compatible avec l'existence d'un système de relations collectives et de règles sociales moderne et adapté à la mondialisation de l'économie. En dépit des modifications intervenues dans la législation et les procédures, la capacité d'intervention des autorités au sens large du terme dans le cours des négociations et le sort des conventions conclues restent fondamentalement maintenus.

Lors de sa discussion de ce même cas en 1991, la commission avait indiqué qu'elle était profondément préoccupée par le fait que l'article 623 des lois du travail consolidées, qui confère aux autorités de vastes pouvoirs pour annuler les conventions collectives ou les sentences arbitrales non conformes à la politique salariale du gouvernement, était toujours applicable. La commission d'experts doit pourtant y revenir encore cette année pour demander l'abrogation formelle de cette disposition dont le gouvernement déclare qu'elle n'a pas été appliquée au cours de ces dernières années. Les membres travailleurs sont également d'avis que cette disposition doit être formellement abrogée. L'article 623 a bien déjà été modifié ou complété, mais les autorités publiques au sens large disposent d'autres moyens d'intervenir dans la négociation collective, notamment par des tribunaux du travail spécifiques. Déjà en 1991, le représentant gouvernemental avait indiqué qu'un employeur pouvait recourir aux tribunaux du travail pour demander l'annulation ou la correction des conventions collectives. Les membres travailleurs estiment que la composition tripartite des tribunaux n'est pas une garantie suffisante contre des interventions dans le déroulement et le résultat de la négociation. Tout dépend des missions et objectifs assignés à ces tribunaux et de leur fonctionnement dans la pratique. En l'espèce, ils semblent parfois, de diverses manières, être le véhicule de l'ingérence étatique dans la négociation collective. En outre, les plans de stabilisation économique temporaires qui se succèdent depuis plusieurs années prévoient également des possibilités d'intervention directe ou indirecte dans les conventions collectives.

Dans ses conclusions de 1991, la présente commission avait souligné qu'elle était consciente de la gravité de la situation économique et financière du pays, mais rappelait que toute politique de stabilisation économique doit être le fruit de la concertation et non de la contrainte. Aussi est-ce à bon droit que la commission d'experts rappelle de nouveau au gouvernement la nécessité de prendre des mesures de nature à favoriser l'élaboration d'une procédure complète de négociation collective pour déterminer les conditions d'emploi des fonctionnaires publics non commis à l'administration de l'Etat.

Depuis de nombreuses années, les rapports et déclarations du gouvernement se réfèrent à différents projets de modification de la législation. En 1995, une commission de la législation sociale a été créée auprès du ministère du Travail pour examiner les projets de loi prioritaires. Le représentant gouvernemental vient encore de faire état de plusieurs projets de loi sur la négociation collective qui en seraient à différentes étapes de la procédure. Il est nécessaire que le gouvernement fournisse des informations sur le cours suivi par ces projets et qu'il communique copie des instruments dès leur adoption, comme le demande la commission d'experts. Un pays aussi important que le Brésil devrait disposer des compétences nécessaires à la conception des lois et des mesures nécessaires pour adapter et moderniser son système de relations professionnelles conformément aux demandes des organes de contrôle. Il peut, certes, faire appel à la coopération technique du BIT à cette fin, mais seulement pour autant qu'il ait véritablement la volonté politique de modifier réellement la législation dans son ensemble. Les membres travailleurs ne peuvent qu'insister pour que le système de relations collectives soit mis en conformité avec les normes internationales du travail et que disparaissent ainsi du droit du travail les traces d'une conception autoritaire des relations professionnelles héritée des régimes dictatoriaux.

Les membres employeurs ont également rappelé que c'est au début de la décennie que la commission a pour la dernière fois examiné l'application de la convention par le Brésil. Depuis lors, elle a eu l'occasion d'aborder des problèmes d'application d'autres conventions par ce même pays. La promotion de procédures volontaires de négociation collective est l'objectif principal de cette convention. De telles procédures doivent être mises en place et appliquées autant que possible par les pays concernés. D'une manière générale, le Brésil semble disposer en droit de la base légale nécessaire. Toutefois, les dispositions pertinentes s'inscrivent dans un réseau fort complexe de références croisées entre différents textes, ce à quoi s'ajoute une exigence complexe de respect d'indices salariaux convenus entre les partenaires sociaux ou, à défaut d'accord, arrêtés par l'Etat. De surcroît, l'article 623 des lois du travail consolidées habilite les autorités à annuler les conventions collectives qui ne seraient pas conformes aux politiques économiques et salariales du gouvernement. Les critiques adressées au gouvernement tiennent à ce que cette faculté laisse une latitude considérable à l'ingérence du gouvernement qui va à l'encontre de l'objectif de la convention qui est de promouvoir la négociation collective volontaire. Le gouvernement a déclaré par le passé que cette disposition n'avait qu'un caractère «virtuel» -- notion plutôt obscure en droit -- et qu'il n'en avait pas été fait application au cours des dernières années. La commission d'experts est donc fondée à rétorquer que, si cette disposition est «virtuelle», elle peut aisément être abrogée afin d'assurer la levée de tout obstacle à la négociation collective. Le représentant gouvernemental n'a pas apporté beaucoup de nouveaux éléments. Il est clair que son pays traverse un processus de profondes réformes, même si le sens de ces réformes et les résultats à en attendre restent indéterminés. Il faut que ces réformes aillent dans la bonne direction.

Le deuxième point soulevé par la commission d'experts a trait à la nécessité pour le gouvernement de prendre des mesures pour promouvoir la négociation collective volontaire des fonctionnaires publics non commis à l'administration de l'Etat. La commission d'experts relève que la Cour suprême fédérale a déclaré anticonstitutionnelle la disposition de la loi no 8112 de 1990 qui confère ce droit aux salariés du secteur public. Dans ses rapports, le gouvernement a fait état d'une réforme administrative en cours, ainsi que de mesures actuellement devant le Congrès.

Le gouvernement doit être appelé à faire rapport sur les progrès accomplis dans ces deux domaines. Il est certain que les problèmes soulevés, et notamment ceux qui ont trait à la négociation des salaires, ne peuvent être envisagés isolément et indépendamment des autres questions économiques. Une totale liberté de négociation collective n'existe nulle part et l'Etat peut toujours intervenir, par exemple à travers sa politique budgétaire ou fiscale, sans pour autant que l'on puisse qualifier d'ingérence ce type d'intervention indirecte. Mais il n'en reste pas moins que la tendance de fond doit être de progresser vers des possibilités toujours plus ouvertes de négociation collective, et non de la restreindre. Le gouvernement devrait donc passer en revue les obstacles actuels à la négociation collective et évaluer si l'intervention de l'Etat est nécessaire, ou si ses objectifs ne pourraient pas être atteints par d'autres moyens. Il devrait lui être demandé de fournir un rapport détaillé sur les mesures qui auront été prises, afin que la commission puisse réexaminer la situation dans un proche avenir à la lumière des informations fournies.

Le membre travailleur du Brésil a félicité la commission d'experts pour son traitement de ce cas qui permet d'en comprendre les principaux aspects. Le Brésil n'applique pas la convention depuis sa ratification il y a quarante-six ans. Plusieurs points sont à préciser pour bien comprendre ce cas. En premier lieu, le pays a subi cinq programmes d'ajustement structurel au cours des douze dernières années, qui se sont traduits par l'ingérence dans les conventions collectives, la modification des conditions d'emploi négociées et la remise en cause d'augmentations de salaires. Du fait de ces programmes, les préoccupations économiques l'ont emporté sur l'obligation de respecter la convention no 98. Par ailleurs, s'il est vrai que le gouvernement n'a pas recouru à l'article 623 des lois du travail consolidées au cours de ces dernières années, cet article continue d'être appliqué par les tribunaux du travail et rien ne garantit que le gouvernement lui-même ne reprendra pas son application. Il est donc inexact de qualifier de «virtuelle» cette disposition. Troisièmement, il importe de rappeler que les fonctionnaires publics continuent d'être exclus du droit de négociation collective. La Cour suprême fédérale a jugé ce droit anticonstitutionnel et il est bien évident que ce ne sont pas de simples réformes administratives telles que celles proposées par le gouvernement qui apporteront une solution à ce problème. Quatrièmement, la Constitution confère aux tribunaux du travail des pouvoirs spéciaux. Ils sont associés au règlement obligatoire des différends collectifs et recourent parfois à des procédures qui ne sont pas conformes à la légalité. Le manquement du gouvernement à appliquer les conventions fondamentales de l'OIT et à se conformer aux recommandations de ses organes de contrôle est patent et il doit lui être demandé instamment, une nouvelle fois, de donner pleinement effet aux principes de la liberté syndicale et de la libre négociation collective.

Le membre travailleur des Etats-Unis a félicité le Brésil d'avoir, comme 136 autres Etats Membres, ratifié la convention no 98 et de s'être engagé, du moins lors de sa ratification en 1952, à mettre son droit du travail en conformité avec les principes de la liberté syndicale et d'une authentique négociation collective. On ne peut que pleinement souscrire aux recommandations de la commission d'experts sur ce cas, s'agissant notamment des fonctionnaires publics non commis à l'administration de l'Etat qui devraient pleinement jouir du droit de négociation collective. L'arrêt de la Cour suprême fédérale de 1994 qui leur dénie ce droit est directement contraire à la convention no 98 et le gouvernement devrait insister pour que le Congrès national adopte rapidement les lois nécessaires pour assurer le respect de la convention. Il ne semble d'ailleurs pas y avoir eu de négociation collective entre les fonctionnaires et le gouvernement au cours de ces trois dernières années. La commission d'experts s'interroge sur le point de savoir si l'article 10 de la mesure provisoire no 1079 disposant de la libre négociation des salaires et conditions d'emploi ne serait pas altéré par les dispositions du plan de stabilisation économique adopté en 1994 (Plan Real) et si l'article 623 des lois du travail consolidées a été suspendu. Aux termes de cet article 623, les autorités disposent d'un large pouvoir d'annuler les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui ne seraient pas conformes aux règles fixées par la politique salariale du gouvernement. En réalité, le texte exact vise toute clause qui serait contraire, «directement ou indirectement», à l'ensemble de la politique économique et financière du gouvernement; il est tellement large qu'il pourrait être invoqué pour invalider tout accord issu de la négociation collective prévoyant de meilleures conditions pour les travailleurs. C'est donc très réellement que l'article 623 fait obstacle à la libre négociation collective et, «virtuelle» ou non, cette disposition ne doit être abrogée que parce qu'elle existe bel et bien. C'est très rapidement que le gouvernement doit prendre les mesures pour procéder à cette abrogation.

Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que, malgré les informations fournies par le gouvernement, les faits ne correspondent pas à la réalité. Dans la pratique, par décision de la Cour suprême, depuis 1994, les fonctionnaires publics ne peuvent négocier collectivement, ce qui a provoqué un gel des salaires qui n'ont pas été ajustés depuis janvier 1995. Il est préoccupant de constater que la négociation collective ne peut être utilisée pour convenir librement des conditions de travail dans la mesure où l'article 623 des lois du travail consolidées (CLT) restreint gravement la libre négociation en la liant à la politique économique et financière du gouvernement. L'intervention répétée des tribunaux dans les conflits collectifs du travail empêche la libre négociation des salaires soumise aux politiques gouvernementales. Les réformes favorisées par le gouvernement ne limitent pas le pouvoir d'intervention dans les conflits de la juridiction du travail, fragilisant ainsi sérieusement le droit à la libre négociation garanti par la convention. La commission doit insister pour que les réformes à l'étude se poursuivent afin de parvenir à l'objectif d'une négociation collective sans conditions ni exclusions. Face à l'intégration des marchés, la démocratisation des relations professionnelles dans les pays du Cône sud est d'une importance fondamentale. Il convient donc d'exhorter le gouvernement à mettre en œuvre le volet social du MERCOSUR, pour le profit de tous les travailleurs de la région.

Le membre travailleur de l'Uruguay a déclaré que la législation sur la négociation collective, en particulier l'article 623 des lois du travail consolidées (CLT), suscite la préoccupation de l'ensemble des travailleurs des pays de la région dans la mesure où cette législation ne respecte pas l'accord visant à coordonner la législation du travail et respecter les conventions fondamentales de l'OIT. Le Bureau international du Travail a pourtant fourni un appui technique afin de parvenir à cette coordination. La modernisation de l'économie ne peut être réalisée en sacrifiant certains droits fondamentaux des travailleurs tels que le droit de négociation collective. La négociation collective est la méthode la plus efficace de régulation du marché. Il n'est pas acceptable que la restructuration économique se réalise en sacrifiant l'aspect social, comme cela est le cas avec l'article 623 de la CLT. Le gouvernement indique que cet article n'est pas appliqué mais celui-ci est utilisé par les juridictions du travail pour limiter et porter atteinte aux conventions collectives. La situation est encore plus grave pour les fonctionnaires publics qui ne jouissent pas du droit de négociation collective, comme s'ils étaient des citoyens de seconde zone.

Le représentant gouvernemental a remercié les orateurs de leurs interventions. Il a reconnu la «connaissance approfondie» démontrée par les membres travailleurs sur la situation professionnelle dans son pays mais il a déploré leur retard sur l'actualité car des changements plus récents se sont produits dans le monde du travail. Les tribunaux du travail, par exemple, appliquent une résolution interne par laquelle les recours unilatéraux pour conflits de travail ne sont pas recevables avant l'épuisement des voies et moyens de la négociation collective et de la conciliation. Il a pris note des commentaires qui seront étudiés soigneusement. En outre, a-t-il ajouté, les nouvelles mesures qui seront prises éventuellement seront portées à la connaissance de la commission.

Il a rappellé le contenu des informations fournies, notamment les progrès réalisés par le gouvernement dans la modernisation des lois du travail, niant l'existence d'une forme quelconque d'intervention dans les relations professionnelles au contraire de ce qu'a affirmé une partie des membres travailleurs.

La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental, ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission a relevé avec préoccupation qu'en dépit de commentaires répétés de longue date par la commission d'experts sur la nécessité de modifier la législation afin de promouvoir la libre négociation collective, aucun progrès significatif n'avait été accompli. Elle a pris note des assurances du gouvernement quant à la préparation en cours de projets législatifs visant à donner effet à l'article 4 de la convention. Elle a rappelé l'importance qu'elle attache à la mise en œuvre de cette convention fondamentale et a insisté auprès du gouvernement pour qu'il soumette un rapport détaillé à l'examen de la commission d'experts, afin de lui permettre d'évaluer dans quelle mesure des progrès réels et substantiels auront été accomplis en droit et en pratique. La commission a rappelé au gouvernement que le Bureau international du Travail est à sa disposition pour lui fournir l'assistance technique qui serait nécessaire en vue d'assurer la levée des obstacles à la libre négociation collective dans le secteur privé et dans le secteur public couverts par la convention.

Le représentant gouvernemental a déclaré que les conclusions selon lesquelles il n'y avait pas eu de progrès tangibles lui paraissaient exagérées alors qu'on peut relever de nombreux cas d'avancement et des mesures significatives adoptées par le gouvernement, tels que la formation de 1.700 médiateurs tant gouvernementaux que privés avec l'appui du BIT au Centre de Turin. Il a pris note des conclusions et déclaré ne pas prendre plus de temps à la commission.

Indonésie (ratification: 1957). Une représentante gouvernementale a indiqué à la commission que le gouvernement indonésien avait pris, conformément à la dynamique de la réforme et à son esprit, plusieurs mesures d'importance pour assurer la pleine application de la convention. Parmi elles figure la signature par le Président de la République d'un décret ratifiant la convention no 87, qui sera suivie de la préparation d'une nouvelle législation sur les syndicats. Le 27 mai 1998, le ministre de la Main-d'œuvre a publié un nouveau règlement ministériel, no 5 de 1998, qui abroge le précédent règlement ministériel no 3 de 1993 sur l'enregistrement des syndicats. Ce nouveau règlement permet à tout syndicat national ou régional de procéder à son enregistrement au niveau de l'entreprise, en déposant simplement auprès de l'autorité administrative compétente la liste de ses dirigeants et de ses membres ainsi que ses statuts. Ce nouveau système a permis au syndicat connu sous le nom de Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI) d'être enfin reconnu en tant que syndicat indépendant, et ses représentants ont été inclus dans la délégation indonésienne tripartite à la Conférence.

La loi no 25/1997 établit les principes fondamentaux en matière de travail et fera l'objet de règlements d'application précisant son contenu. Douze de ces règlements sont actuellement en cours d'élaboration et devraient être adoptés au début du mois d'octobre prochain afin que la loi no 25 puisse entrer en vigueur. Cette loi ne consacre pas seulement les principes des sept conventions fondamentales de l'OIT, elle facilite également la ratification des quatre conventions fondamentales non encore ratifiées. Le gouvernement a déjà ratifié la convention no 87 et prépare actuellement l'instrument de ratification de la convention no 138. Les autres conventions seront étudiées en temps utile. En conséquence, on peut espérer que le gouvernement sera en mesure de répondre entièrement aux préoccupations exprimées par la commission d'experts concernant la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, la protection des organisations d'employeurs et de travailleurs contre les actes d'ingérence des unes par rapport aux autres et les restrictions de la négociation collective. En ce qui concerne la liberté syndicale des fonctionnaires, le gouvernement reconnaît pleinement le droit de tout travailleur de s'affilier à l'organisation de son choix, ainsi que la convention no 87 le prévoit.

En conclusion, il convient de souscrire à la demande d'assistance technique du BIT exprimée par M. Muchtar Pakpahan au sein de la Commission de la Conférence pour élaborer une nouvelle législation du travail. Il est à espérer que cette assistance pourra être fournie par le secrétariat à Genève ou par l'équipe multidisciplinaire responsable de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique. Le gouvernement de l'Indonésie, en collaboration avec les partenaires sociaux, continuera à identifier les dispositions réglementaires qui ne sont pas conformes à l'esprit de la réforme.

Les membres travailleurs ont remercié la représentante gouvernementale pour les informations fournies et rappelé qu'ils suivaient de très près l'évolution de la situation en Indonésie. La libération de Muchtar Pakpahan (le discours de M. Muchtar Pakpahan devant la Commission de la Conférence est reproduit à la fin de ce cas), la reconnaissance du SBSI, la ratification de la convention no 87 sont autant de signes de progrès dans le respect des droits syndicaux qui permettent d'envisager les perspectives d'une collaboration constructive avec l'OIT sous un jour plus favorable que par le passé. L'application effective des normes fondamentales, et notamment de celles de la convention no 98, va toutefois nécessiter des modifications importantes dans l'ensemble de la législation, des institutions et des pratiques, afin d'instaurer l'Etat de droit indispensable à l'exercice des droits et libertés civils et politiques. La doctrine de sécurité, qui a trop longtemps inspiré le système de relations professionnelles, doit d'urgence faire place aux règles de l'Etat de droit. Il s'agit là d'un des cas les plus notoires de la commission: elle l'a discuté à cinq reprises depuis 1991 et le Comité de la liberté syndicale a pris des conclusions et recommandations très fermes dans plusieurs cas. Comme la commission d'experts, la présente commission a insisté pour que soit adoptée une législation spécifique qui protège effectivement les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, ainsi que les syndicats contre les ingérences des employeurs, des autorités publiques et des services de sécurité. En outre, le gouvernement devrait mettre en place un cadre légal solide, plutôt que de régir les éléments fondamentaux des relations professionnelles par voie de décrets ou de circulaires. La commission d'experts indique à cet égard que le projet de législation de 1997 comporte plusieurs éléments qui ne sont pas conformes à la convention. Il n'assure pas une meilleure protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Il ne comporte aucune disposition garantissant la protection des organisations syndicales contre les actes d'ingérence de la part des employeurs. Par ses articles 48 et 49, il soumet l'enregistrement des syndicats d'entreprises et de leurs fédérations à des conditions excessivement contraignantes qui sont autant de restrictions à la négociation collective qu'il faudrait au contraire promouvoir. Par ailleurs, la méthode de fixation des conditions d'emploi des fonctionnaires devrait impérativement être clarifiée. C'est au regard des changements intervenus récemment qu'il convient d'insister auprès du gouvernement pour qu'il entame sans délai les profondes réformes nécessaires à l'instauration d'un système de relations professionnelles réellement démocratique et conforme à l'Etat de droit. La garantie effective des droits civils et politiques est indispensable au plein respect de la liberté syndicale et du droit de négociation collective. La coopération technique du BIT à laquelle a fait appel la représentante gouvernementale pourra certainement y aider, vu l'ampleur de la tâche à accomplir. Mais une mission de contacts directs serait nécessaire pour mieux identifier les principales priorités et accélérer les adaptations nécessaires.

Les membres employeurs ont rappelé que les restrictions à la liberté syndicale affectaient aussi bien les employeurs que les travailleurs. Les manquements de l'Indonésie quant à l'application de la convention ont été examinés à cinq reprises depuis 1991, et en 1997 pour la dernière fois. Les questions soulevées concernent trois domaines, à savoir la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, la protection des organisations d'employeurs et de travailleurs contre les actes d'ingérence des unes par rapport aux autres et des limitations excessives à l'organisation par les syndicats de leurs propres fonctionnement et activités et des restrictions exagérées de la négociation collective. Par le passé, les représentants gouvernementaux ont mentionné différentes réglementations et un projet de législation visant à améliorer la situation, mais la commission d'experts a continué d'estimer que le projet de loi du travail de 1997 était insuffisant au regard des exigences de la convention sur un certain nombre de points, tel le fait que la négociation collective ne peut être menée que par des syndicats enregistrés ayant le soutien de la majorité des travailleurs de l'entreprise concernée. Il n'est pas aisé de savoir si cela signifie que la majorité des travailleurs de l'entreprise doivent apporter leur soutien aux efforts de négociation collective des syndicats ou si cela veut dire que le syndicat doit compter parmi ses membres la majorité des travailleurs de l'entreprise. Néanmoins, des progrès ont été réalisés depuis 1991, bien que l'évolution n'ait pas été considérée entièrement satisfaisante par la commission d'experts. Le représentant gouvernemental a informé la présente commission de nouveaux changements, ce qui n'est pas étonnant compte tenu des événements récents. Il s'agit là des prémisses importants de réformes de grande ampleur. L'accent doit toutefois être mis sur le fait que la législation du travail doit être plus profondément modifiée dans un proche avenir. Il convient de reconnaître que l'acceptation des commentaires de la commission d'experts par le gouvernement témoigne d'un progrès considérable. Toutefois, il faut souligner que des progrès réels doivent être accomplis dans le pays lui-même. Les membres employeurs expriment en conséquence l'espoir que ces promesses seront tenues et que le gouvernement fera des efforts importants pour mettre fin aux manquements récemment relevés. Bien que le gouvernement ait sollicité une assistance technique, il conviendrait de le prier instamment d'accepter l'aide qui pourrait être apportée par une mission de contacts directs.

Le membre gouvernemental de l'Islande a tenu à rappeler que, s'exprimant l'année passée au nom des pays nordiques, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, il avait soutenu un appel lancé au gouvernement de l'Indonésie afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour rendre la situation conforme à la convention et pour libérer le dirigeant syndical indépendant Muchtar Pakpahan. S'exprimant cette année au nom des gouvernements nordiques de Finlande, d'Islande, de Norvège et de Suède, ainsi qu'au nom des gouvernements de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Canada, des Etats-Unis, de l'Italie, du Japon, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Turquie, l'orateur se réjouit tout particulièrement de l'évolution positive observée dans le cas présent et note en particulier les décisions du gouvernement de ratifier les conventions nos 87, 105, 111 et 138, et de libérer M. Pakpahan qui a pu prononcer un discours devant la Commission de la Conférence il y de cela deux jours. Le gouvernement est instamment prié de libérer les autres prisonniers d'opinion. Des progrès restent également à faire pour assurer, tant dans la législation que dans la pratique, le respect des droits fondamentaux consacrés par la convention; les évolutions en ce sens seront suivies avec une attention particulière. Enfin, la demande d'assistance technique formulée par le gouvernement doit être accueillie favorablement.

Le membre travailleur des Etats-Unis a indiqué que le cas présente des signes d'espoir après des années de stagnation et de frustration. La présente commission a eu à discuter de ce cas à cinq reprises au cours des six dernières années, et il aura fallu attendre les événements majeurs intervenus dernièrement pour voir des changements réels. Le gouvernement a imposé depuis des décennies un monopole de représentation aux organisations de travailleurs placées sous contrôle militaire. Les déclarations du représentant gouvernemental indiquant que cette période est révolue sont rassurantes et encourageantes. Pour assurer le respect de la convention, le gouvernement doit toutefois reconnaître que des obstacles hérités de l'ancien système demeurent et entravent la création d'organisations de travailleurs indépendantes du gouvernement, des partis politiques et des employeurs. Une telle situation appelle des mesures dynamiques afin de créer un climat dans lequel les travailleurs seront assurés de pouvoir choisir librement par eux-mêmes. La commission d'experts a exposé les changements qui doivent être apportés à la législation du travail de l'Indonésie pour parvenir à un tel climat. Il est nécessaire de renforcer la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, en particulier lors de la constitution d'un nouveau syndicat ou de la promotion de l'affiliation à une organisation. Il est nécessaire de protéger les organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs et de supprimer les restrictions apportées à la négociation collective qui sont contraires à la convention. En ce qui concerne la préoccupation légitime quant à la possibilité offerte par la législation actuelle de créer des syndicats d'entreprises (SPTP), le plus souvent à l'initiative des employeurs, elle devrait disparaître à mesure que les syndicats pourront réellement s'exprimer au nom des travailleurs. Des mesures contraignantes qui affecteront la vie quotidienne de plusieurs millions de personnes devront être adoptées afin de surmonter la crise économique qui touche l'Indonésie. Pour que le plus grand nombre puisse adhérer à ces mesures, il est nécessaire de donner le sentiment qu'elles touchent de manière égale tous les secteurs de la société et que les travailleurs participent au plan de redressement économique du pays. Il est essentiel pour réussir ce redressement économique qu'une nouvelle législation du travail non seulement permette mais encourage l'existence d'un partenaire social capable de participer à un tel consensus. Le mouvement syndical américain suit de près l'évolution de la situation en Indonésie depuis plusieurs années et a fait tout son possible pour obtenir la libération de Muchtar Pakpahan et des autres syndicalistes détenus. Le gouvernement doit libérer rapidement les dirigeants syndicaux qui restent détenus. Solidaire du mouvement syndical international, le mouvement syndical américain continuera à apporter son soutien à l'organisation SBSI ainsi qu'aux autres organisations syndicales indépendantes afin de les aider à développer leur capacité de représenter les intérêts de leurs membres au moment où le pays se trouve dans une situation difficile mais porteuse d'espoir.

Le membre travailleur de l'Espagne s'est félicité de la libération du dirigeant syndical du SBSI, Muchtar Pakpahan, pour estimer que la libération des autres syndicalistes détenus devait être exigée avec la même énergie. Plus que jamais, il s'impose de mener une réflexion approfondie sur le rôle de l'OIT et de la présente commission. Ce pays traverse une profonde crise financière, politique et économique, dont les conséquences affectent gravement l'économie d'autres pays, non seulement en Asie, mais également en Amérique latine et en Afrique. Cela impose une réflexion sur la capacité de l'OIT à faire face aux mutations que connaissent ces économies. La croissance de l'Indonésie s'est fondée sur le déni des droits syndicaux et des droits fondamentaux des travailleurs. Ce modèle ne fonctionne pas et a de graves répercussions sur le reste du monde. La raison d'être de l'OIT est d'éviter les injustices sociales et, faute d'appliquer ses principes, des crises telles que la crise indonésienne se reproduiront. A la veille du prochain millénaire, et à mesure que l'économie se mondialise, l'OIT se fait plus indispensable encore pour éviter les crises sociales dans le monde.

Le membre travailleur des Pays-Bas a félicité le ministre de la Main-d'œuvre pour avoir commencé sa carrière politique par un acte aussi stimulant que la ratification de la convention no 87. Il faut espérer que le ministre s'occupera des problèmes liés à l'application de la convention no 98 avec la même diligence. Beaucoup de ces problèmes sont soulevés par la commission d'experts depuis de nombreuses années, et pourtant le gouvernement n'a rien entrepris durant ces douze derniers mois pour répondre aux commentaires qui ont été formulés. Au cours de cette période, le changement le plus important a été l'adoption d'une nouvelle loi sur le travail. L'année passée, l'orateur a personnellement demandé au gouvernement de solliciter l'avis du BIT sur le projet de loi et de transmettre cet avis au parlement. Malheureusement, le gouvernement ne l'a pas fait et les commentaires du Bureau sur le projet de loi n'ont pas été pris en considération. Ainsi, le ministre de la Main-d'œuvre se trouve confronté à une situation dans laquelle la nouvelle législation n'accorde pas de meilleure protection aux droits garantis par la convention. De plus, la loi n'est pas conforme à bien des dispositions fondamentales de la convention no 87 que l'Indonésie vient juste de décider de ratifier. Dans ce contexte, il faut saluer la demande d'assistance technique de la part du gouvernement. En outre, il conviendrait que le représentant gouvernemental réponde à un certain nombre de questions. En premier lieu, tout en saluant la ratification de la convention no 87, il faut noter que cette ratification n'a pas été soumise au parlement et que les syndicats et les employeurs n'ont pas été consultés sur cette question d'une grande importance. Par conséquent, il faut espérer que le gouvernement ne ratifiera pas d'autres conventions d'une manière aussi précipitée, mais qu'il le fera après avoir dûment consulté les autorités compétentes et les représentants des organisations de travailleurs et d'employeurs. Il convient de se demander si le gouvernement est conscient du fait que les éléments fondamentaux de la situation nationale ne sont pas en conformité avec la convention no 87 et s'il envisage d'élaborer une nouvelle législation du travail tenant compte des dispositions de cette convention. Il faut également demander au gouvernement de dire s'il admet que des droits aussi importants que le droit d'organisation doivent être inscrits plutôt dans la législation fondamentale du travail que dans des règlements ministériels, comme c'est actuellement le cas. Il faut aussi soulever la question des résultats de l'instauration du pluralisme syndical en pratique. Le SBSI sera-t-il seulement en mesure d'être présent dans les entreprises dans lesquelles d'autres syndicats, tels que le SPSI qui était le seul syndicat officiel, ne sont pas établis? Cela donnerait au SPSI, qui a bénéficié d'un monopole gouvernemental, un avantage injustifié. Le gouvernement devrait faire part de son avis sur ce sujet qui pourrait demeurer un obstacle majeur au développement d'organisations syndicales libres. Un vote pourrait être organisé sur les différents lieux de travail pour permettre aux travailleurs de déterminer l'organisation par laquelle ils souhaitent être représentés ou d'être représentés dans le cadre de la négociation collective par plus d'une organisation. La solution de ces problèmes est d'une importance vitale pour le développement, dans les années qui viennent, des relations professionnelles authentiques dans le pays. En outre, tout en saluant la décision du gouvernement d'étendre le droit d'organisation aux fonctionnaires, il convient de se demander si la neutralité imposée par le gouvernement et le manque d'indépendance syndicale qu'ils ont dû observer pendant longtemps à l'égard des intérêts des organisations représentatives pourra être dépassée dans la pratique. Et cela a duré plus de trente ans. Il convient également de savoir ce qui sera fait pour se débarrasser du plus sérieux des problèmes: la maladie qui ronge les relations professionnelles en Indonésie, à savoir l'approche sécuritaire du gouvernement qui consiste à ce que des militaires surveillent et s'ingèrent dans les activités syndicales, y compris les manifestations et les grèves, et parfois même à ce que des militaires en retraite détiennent des responsabilités syndicales. Cette attitude de soumission et d'oppression inculquée aux travailleurs pendant les trente dernières années ne disparaîtra pas d'un jour à l'autre. Enfin, il convient de demander au gouvernement de préciser sa position sur la persistance de l'existence de prisonniers politiques, et en particulier sur l'emprisonnement de dirigeants syndicaux, tels que Dita Indah Sari, directrice du Centre de la lutte pour les travailleurs indonésiens, qui fut détenue dans des conditions révoltantes, et de trois membres de l'antenne SBSI de Serong Java Ouest, soutenue par un projet du SBSI, à savoir Sumantri, Suseno et Mahmud Hadi. Ils ont été libérés après une période de détention au printemps dernier mais font maintenant l'objet de poursuites pénales pour des faits qui, en vertu des normes du BIT, sont de pures activités syndicales. En conclusion, l'orateur a appelé le gouvernement et le Bureau à poursuivre davantage l'implication de l'OIT dans les politiques menées par le FMI en Indonésie afin d'assurer que les répercussions sociales sur les travailleurs soient prises en compte dans les politiques d'ajustement structurel dans le contexte actuel d'un développement économique en plein traumatisme.

Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que l'Indonésie figurait au moins depuis 1968 en tête de la liste des pays qui ne respectent aucune liberté. La commission a eu l'occasion de le confirmer en discutant aussi de l'application d'autres conventions, et notamment de la convention no 29. Les changements intervenus depuis la dernière réunion de la commission d'experts sont porteurs de réels espoirs à cet égard. Ils se sont déjà traduits dans les faits, comme en témoigne la libération de Muchtar Pakpahan, qui a pu être salué en personne par la présente commission comme par la plénière de la Conférence. Il convient donc de le reconnaître tout en se gardant d'une euphorie trompeuse. C'est l'ensemble des prisonniers de conscience ou d'opinion qui doivent être libérés, et non les seuls syndicalistes. De même, un traitement digne doit être assuré aux travailleurs originaires des pays voisins. Une mission de contacts directs serait une bonne initiative car il ne faudrait pas qu'un retard éventuel de la coopération technique serve de prétexte à des atermoiements. Il serait certes prématuré d'exiger sur le champ du gouvernement des réponses fermes et précises sur tous les aspects du cas; mais les conclusions de la commission doivent insister sur la nécessité de donner réellement effet dans la pratique aux conventions ratifiées, prendre acte des nouvelles ouvertures et prévoir de revenir sur ce cas dès l'année prochaine pour vérifier si les promesses ont bien été suivies d'effet.

Le membre employeur des Etats-Unis a soutenu certaines des remarques formulées par le membre travailleur des Etats-Unis. Le rapport de la présente commission devrait souligner qu'il est essentiel de permettre aux travailleurs de choisir librement les organisations qui défendent leurs intérêts, et que les organisations syndicales sous domination de l'employeur sont un obstacle au succès à long terme de l'entreprise. Une législation équitable est celle qui permet la coopération au niveau de l'entreprise, qui contribue à son tour à la croissance économique et, ainsi, au bien-être social.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré souscrire à la préoccupation exprimée par les précédents orateurs selon laquelle il avait été nécessaire de passer autant de temps sur ce cas qui a été examiné à cinq reprises par la Commission de la Conférence. Bien que le gouvernement ait réaffirmé son engagement de procéder à une révision de la législation du travail, il fallait toutefois comprendre que nombre de ces lois ont été héritées d'un lointain passé. C'est pour cette raison que le gouvernement avait accepté de recevoir une mission de contacts directs en 1993 pour l'aider à clarifier la situation. Un des objectifs de la nouvelle loi no 25/1997 a été de se substituer à toutes les différentes ordonnances et lois du passé tout en couvrant de nouveaux domaines tels que l'information sur le marché du travail, la gestion des ressources humaines et la productivité. En ce qui concerne cette loi, les conseils donnés par la mission de contacts directs de l'OIT ont été suivis et des consultations ont été menées avec les partenaires sociaux et les institutions compétentes. Le processus législatif en Indonésie est comparable à celui de la plupart des autres pays, dans la mesure où, avant d'être adoptés par le parlement, les projets de loi sont préparés par le gouvernement, après consultations des organismes compétents, ce qui inclut les partenaires sociaux. Le parlement a auditionné les représentants des organisations d'employeurs et de travaileurs, y compris du SBSI, et des ONG sur cette question. De plus, les observations formulées par des syndicalistes du monde entier ont été transmises au parlement et prises en considération. La loi no 25/1997 est le résultat des discussions entre les membres du parlement et le gouvernement. Dans ce contexte, il convient de souligner que le gouvernement a fait de son mieux pour concilier les intérêts de tous les secteurs de la société. Cette loi sera bientôt suivie de deux autres, la première sur les syndicats et la seconde sur les conflits du travail. Elles pourraient comprendre des dispositions détaillées sur les relations professionnelles. La semaine dernière, le ministre de la Main-d'œuvre a mis en place une équipe pour entamer le processus d'élaboration du projet de loi sur les syndicats. Le nouveau ministre a ainsi réalisé des progrès substantiels sur cette courte période. En réponse aux questions du membre travailleur des Pays-Bas, il faut souligner que des discussions ont eu lieu avec les partenaires sociaux sur la ratification des quatre conventions fondamentales de l'OIT encore non ratifiées. Il avait d'abord été envisagé de ratifier la convention no 138 avant les autres. Toutefois, il a ensuite été décidé de ratifier en premier lieu la convention no 87 afin de faciliter l'abrogration du règlement no 3/1993 qui avait fait l'objet de nombreux commentaires de la part de la commission d'experts. Le gouvernement procédera ensuite à la ratification des autres conventions fondamentales de l'OIT, en collaboration avec les partenaires sociaux. En ce qui concerne les commentaires relatifs au monopole syndical, il convient de relever qu'il existe plus de 1.000 syndicats indépendants au niveau de l'entreprise à travers tout le pays. Le SPSI n'est représenté que dans 10.000 des 160.000 entreprises du pays comptant plus de 25 salariés, ce qui laisse largement la place aux syndicats indépendants dans les entreprises qui restent. A cet égard, la loi no 25/1997 facilite l'établissement de plus d'un syndicat dans une entreprise. Davantage de détails sur cette question pourraient être inclus dans le nouveau projet de loi. Au sujet des prisonniers, il convient de réaffirmer l'engagement du gouvernement de revoir la situation de chaque détenu, en particulier des personnes emprisonnées pour des raisons politiques ou en raison de leurs activités syndicales. Des libérations de prisonniers ont progressivement commencé, et d'autres suivront. Par ailleurs, l'approche dite «sécuritaire» des activités syndicales a déjà pris fin. Il sera pleinement tenu compte des commentaires faits par les membres de la présente commission. Des progrès significatifs, y compris la libération de M. Pakpahan, l'abrogation du règlement ministériel no 3/1993 et la ratification de la convention no 87, ont été accomplis par le nouveau gouvernement dans un bref laps de temps. Le gouvernement apprécierait d'obtenir l'assistance technique du BIT pour accélérer le travail de mise en conformité avec les commentaires de la commission d'experts. Le gouvernement s'efforce de faire de son mieux, mais il faut comprendre qu'il est impossible de tout changer en si peu de temps.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion en son sein. Elle a rappelé que la commission d'experts formulait depuis plusieurs années des commentaires sur l'absence de mesures suffisantes pour assurer la protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence, ainsi que sur les divergences entre la législation et la promotion de la négociation collective requise par l'article 4 de la convention. La commission a relevé avec intérêt les mesures positives prises récemment par le gouvernement, parmi lesquelles la libération de certains des dirigeants et militants syndicaux emprisonnés et la ratification de la convention no 87. La commission a toutefois constaté qu'il existait encore dans la législation de nombreux obstacles à la pleine application de la convention no 98. Dans ce contexte, la commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient levées les graves restrictions qui pèsent sur la libre négociation collective. En outre, elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour garantir l'entière protection des travailleurs contre les actions de discrimination antisyndicale ainsi que celle des organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence de la part des employeurs. La commission a noté que le gouvernement demandait l'assistance technique du BIT. La commission a exprimé le ferme espoir qu'avec l'assistance d'une mission de contacts directs les obstacles législatifs et pratiques à la libre négociation collective et à la pleine application de la convention seraient levés. Elle veut croire que le gouvernement fournira l'année prochaine un rapport détaillé à l'examen de la commission d'experts sur les mesures concrètes adoptées afin de mettre la législation en conformité avec la convention.


1. Bien que les conventions australiennes relatives au lieu de travail soient essentiellement des conventions individuelles, elles peuvent être négociées de manière collective: voir l'article 170VE de la loi relative aux relations sur les lieux de travail.

2. Comité de la liberté syndicale, cas no 1698. [Voir les 292e et 295e rapports du Comité de la liberté syndicale respectivement aux paragraphes 675-741 et 132-262.]

3. Cependant, il est prévu de convertir ces sentences en sentences relatives aux salaires minimaux sans toutefois perdre les droits statutaires supplémentaires en matière de rémunération: voir la partie 2 de l'annexe 5 à la loi portant amendement à la loi relative aux relations sur les lieux de travail et à d'autres questions.

4. Comité de la liberté syndicale, 277e rapport, paragr. 229.

5. Voir la partie VIB de la loi.

6. Les sentences arbitrales et les conventions officielles adoptées en vertu de la loi fédérale ou d'un Etat l'emportent sur ces contrats, mais n'en font pas partie. Voir Byrne contre Australian Airlines (1995) 185 CLR 410.

7. Cependant, certains lieux de travail peuvent être à l'origine de la négociation officieuse d'une sursentence.

8. Paragr. 170LK 4) et 5) et 170M 3) de la loi.

9. Paragr. 170 LJ2), 170LK 1) et art. 170LR. L'expression «majorité confortable» est définie à l'article 170LE de la loi. La condition de l'approbation par une majorité confortable renforce le caractère volontaire de la négociation collective dans le cadre de la loi.

10. Art. 170NB de la loi.

11. Art. 170LJ, 170LL et 170LO de la loi.

12. Paragr. 89A 1) et 2). Les sentences rendues par la Commission des relations professionnelles du Queensland sont également limitées à certains sujets.

13. Paragr. 170LU 5) de la loi.

14. Art. 170VF.

15. Art. 170VG.

16. Paragr. 170VPB 1).

17. Paragr. 170VPA 1).

18. Alinéa 170VPA 1) d).

19. Alinéa 170CK 2) g).

20. Alinéa 170VPA 1) e).

21. Paragr. 170VK 1).

22. Paragr. 170VK 2).

23. Paragr. 170VK 4).

24. Paragr. 170VK 5).

25. Point 170VO 1) b) ii).

26. Art. 83BB.

27. Art. 170WB et WC.

28. Les exceptions sont des conventions australiennes relatives au lieu de travail concernant des employés pouvant bénéficier du Système salarial établi (art. 170XB); des employés entreprenant des stages approuvés (art. 170XC) ou des apprentissages approuvés (art. 170XD), et à l'égard de qui s'appliquent les dispositions modifiées.

29. Art. 170X.

30. Art. 170XE.

31. Art. 170VPB.

32. Paragr. 170VPB 3). Au 5 décembre 1997, 200 conventions relatives au lieu de travail avaient été transmises à l'AIRC. On peut également remarquer que le conseiller juridique à l'emploi a refusé d'approuver 141 conventions.

33. Art. 170VPG.

34. Les chiffres les plus récents concernant les employés couverts par des conventions homologuées font référence au bilan trimestriel de décembre 1996. Les chiffres concernant 1997 ne sont pas encore disponibles.

35. Paragr. 170VQ 6).

36. Ibid.

37. Art. 170VM. Il est à remarquer que, aux termes de cet article, on peut mettre fin à une convention relative au lieu de travail à tout moment par accord entre les parties.

38. C'est-à-dire que l'on peut modifier pour quelques motifs seulement.

39. Art. 170VQ. Une convention relative au lieu de travail n'a pas d'effet si elle est adoptée après l'entrée en vigueur et avant la date théorique d'expiration d'une sentence rendue par voie d'arbitrage au titre de l'article 170MX de la loi relative aux relations sur les lieux de travail. Ce sont des sentences rendues sur la base de critères déterminés à la suite de la fin d'une période de négociation se déroulant dans les circonstances prévues aux paragraphes 170MW 3) et 170MW 7) de la loi. C'est-à-dire, lorsqu'on a mis fin à une période de négociation, d'une part, dans des circonstances où l'action revendicative engagée menace soit de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes ou le bien-être de toute ou d'une partie de la population, soit de causer des dommages substantiels à l'économie australienne, ou à une grande partie de l'économie [paragr. 170MW 3)], d'autre part, dans des circonstances déterminées où une sentence relative aux salaires réels s'applique, ou se serait appliquée, au travail des employés et où il n'existe pas de perspective raisonnable de parvenir à la conclu-
sion d'une convention homologuée au cours de la période de négociation
[paragr. 170MW 7)].

40. Art. 170VPA

41. Section 8 de la partie VIB.

42. Toutes les conventions compatibles avec l'objet de la loi. Voir art. 3 c).

43. Il est également pertinent de remarquer que les modifications que la loi portant amendement à la loi relative aux relations sur les lieux de travail et à d'autres questions a apportées aux critères d'enregistrement au titre de la loi facilitent l'enregistrement et, par conséquent, étendent le champ d'application de la négociation collective.

44. Voir, par exemple, la convention sur la flexibilité dans l'entreprise Comalco Aluminium (Bell Bay), 20 mai 1996, édition N1679.

45. Les articles 170VPB et 170VPG de la loi prévoient l'acceptation d'engagements pris par les employeurs en application des conventions relatives au lieu de travail. N'importe lequel de ces engagements est pris en vue d'être incorporé dans la convention applicable et a force obligatoire comme les autres dispositions de la convention (voir art. 170VPJ).

DEUXIEME PARTIE (cont.)


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.