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Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Rapport général


 

B. Observations et informations sur l'application des conventions

Convention no 19: Egalité de traitement (accidents du travail), 1925

Malaisie: Malaisie péninsulaire (ratification: 1957); Sarawak (ratification: 1964)

Voir sous convention no 97: Malaisie (Sabah).

Convention no 26: Méthodes de fixation des salaires minima, 1928

Nouvelle-Zélande (ratification: 1938). Un représentant gouvernemental, après avoir rappelé l'engagement de son gouvernement envers les principes de la convention, a estimé que celui-ci les respectait dans leurs principaux aspects. L'inspection du travail œuvre à l'application et à la promotion de la législation sur les salaires minima comme à celles de l'ensemble des droits et obligations en matière d'emploi. Les inspecteurs du travail n'en travaillent pas pour autant de manière isolée. Les travailleurs, les employeurs et leurs représentants peuvent eux-mêmes également veiller au respect des termes et conditions générales d'emploi en faisant appel à des institutions spécialisées qui sont à la fois bon marché, accessibles et largement utilisées. Pour le gouvernement, un grand nombre des préoccupations exprimées par la commission d'experts sont donc infondées, et une réponse détaillée sera donnée à toutes ses demandes d'informations lorsqu'il présentera son prochain rapport. D'ici là, certains points particuliers soulevés par la commission d'experts doivent toutefois être relevés.

La loi de 1983 sur les salaires minima a été introduite au terme du processus législatif normal en Nouvelle-Zélande, lequel comprend la réception par des commissions parlementaires spéciales des contributions de particuliers et d'organisations au sujet des projets de législation. Toutes les parties intéressées, y compris donc les groupements d'employeurs et de travailleurs ont ainsi pu formuler des commentaires sur le projet en question dans le cadre du processus législatif. Le Conseil néo-zélandais des syndicats, alors connu sous le nom de Fédération néo-zélandaise de travail, tout comme la Fédération néo-zélandaise des employeurs ont alors été invités à fournir des contributions dans le cadre de ce processus. D'après cette loi, le salaire minimum doit faire l'objet d'une révision annuelle et les employeurs et les travailleurs ont la possibilité de soumettre des contributions au ministre du Travail à l'occasion de telles révisions. Ces contributions sont d'ordinaire demandées au Conseil néo-zélandais des syndicats et à la Fédération néo-zélandaise des employeurs et font l'objet d'un examen attentif. Lors de ces révisions, les contributions écrites sont pleinement prises en considération, au même titre que l'ensemble des facteurs qui ont une incidence sur les salaires minima.

Un taux de salaire minimum spécifique pour les jeunes de moins de 20 ans a été introduit en 1994 pour tenir compte du besoin de leur offrir la garantie d'un salaire minimum. C'est après un examen attentif et en tenant compte de la nécessité d'assurer un équilibre entre la prévention de l'exploitation des jeunes travailleurs et les effets négatifs éventuels des salaires minima sur leurs possibilités d'emploi que leur salaire minimum a été fixé à 60 pour cent. En effet, les jeunes rencontrent des obstacles en matière d'emploi que les travailleurs plus âgés ont généralement surmontés. Parmi ces obstacles figurent, par exemple, le manque d'expérience ou la plus grande nécessité de les former à leur emploi. Un taux de salaire minimum inférieur à celui des adultes contribue ainsi à compenser ce qui peut dissuader les employeurs de recruter des jeunes.

En ce qui concerne le faible nombre de sanctions pénales imposées par rapport à celui des violations alléguées de la législation relative aux salaires minima relevé par la commission d'experts, le gouvernement n'est pas d'avis qu'un nombre élevé de sanctions pénales soit nécessairement l'expression d'un système d'application efficace. De fait, le gouvernement met l'accent sur la résolution rapide de toute infraction aux dispositions sur les salaires minima. Dans la plupart des cas, l'intervention de l'inspection du travail se traduit par une récupération rapide des arriérés de salaire par le travailleur concerné. Les travailleurs ou leurs représentants sont aussi habilités à porter plainte pour violation de la loi sur les salaires minima. Le gouvernement ne peut davantage convenir que le nombre d'inspecteurs du travail soit insuffisant. Pour être vraiment efficace et éviter les violations, une politique d'application se doit d'utiliser au mieux l'éducation et la formation. L'inspection du travail diffuse des informations de manière active en ayant recours à diverses sources et la ligne téléphonique gratuite mise à disposition pour donner des informations répond chaque année à plus de 160.000 appels, dont le quart provient des employeurs. Des départements gouvernementaux, des bureaux fournissant des conseils aux citoyens, des organisations d'employeurs et de travailleurs et un site Internet constituent autant d'autres sources d'informations. Quant à l'inspection du travail, elle étudie en permanence des moyens d'améliorer la diffusion d'informations. Elle enquête par ailleurs sur les plaintes qui lui sont soumises. Un système d'inspection préventif, tel que suggéré par le BIT, nécessiterait un très grand nombre d'inspecteurs sans qu'il soit prouvé qu'une telle approche serait plus efficace que celle qui est actuellement suivie pour assurer le respect des normes minimales. En conclusion, l'orateur rappelle l'engagement de son gouvernement envers la convention no 26 et sa conviction que celui-ci en respecte les termes.

Les membres travailleurs, tout en notant les quelques éléments d'information fournis par le représentant gouvernemental, ont remercié le gouvernement pour ses réponses écrites détaillées aux commentaires de la commission d'experts qui contribuent à enrichir le dialogue avec les organes de contrôle au sujet de l'application d'une convention à laquelle les membres travailleurs attachent une grande importance. Ils s'accordent d'ailleurs avec les membres employeurs pour considérer que la fixation des salaires minima est un aspect fondamental de la relation d'emploi, comme en témoignent les conclusions de la présente commission lors de son examen de l'étude d'ensemble de 1992 sur la question. La Commission de la Conférence avait alors souligné que la négociation collective était la méthode la plus appropriée de fixation des salaires minima. Ce n'est que lorsque le système de conventions collectives ne couvre pas l'ensemble des travailleurs que des mécanismes supplémentaires doivent être mis en place. A cet égard, il est particulièrement regrettable que la Nouvelle-Zélande n'ait pas encore donné suite à la campagne du Directeur général en ratifiant les conventions nos 87 et 98. La convention no 26, comme les conventions nos 99 et 131, fait clairement apparaître que la fixation des salaires minima est un aspect fondamental du tripartisme et de la libre négociation collective. Les organisations de travailleurs et d'employeurs n'y sont pas simplement des parties intéressées parmi d'autres, comme tend à le suggérer le rapport du gouvernement. La fixation des salaires minima est bien de la compétence naturelle des partenaires sociaux; elle devrait, à tout le moins, s'inspirer des salaires et critères retenus dans les conventions collectives. Comme le souligne la commission d'experts, la consultation requise par la convention devrait donner aux partenaires sociaux une faculté réelle d'influer sur les décisions, et une simple information par lettre ne suffit pas à répondre à cette exigence. Il s'agit là d'une position de principe sur laquelle la présente commission s'est accordée lors de sa discussion de l'étude d'ensemble et qu'il convient de réaffirmer à propos de ce cas. Concernant le salaire minimum des jeunes gens, c'est à juste titre que la commission d'experts rappelle le principe «à travail égal, salaire égal» inscrit dans le Préambule de la Constitution. L'âge en soi ne peut être un critère décisif, seules comptent la qualité et la quantité du travail effectué. Tous les jeunes âgés de 16 à 19 ans ne se trouvent pas en apprentissage; tous n'ont pas du seul fait de leur âge une productivité inférieure. C'est bien la nature du travail et les capacités des intéressés qui doivent seules être prises en compte. Les points relatifs à l'application de la loi dans l'agriculture recoupent largement la question, débattue en 1996 par la présente commission, de l'efficacité de l'inspection du travail. Le Conseil néo-zélandais des syndicats (NZCTU) relève le très faible nombre d'actions entreprises par l'inspection du travail pour non-respect des salaires minima. Selon les informations fournies par le gouvernement, au cours de la période juillet 1996-mars 1997, une seule action a été engagée devant le tribunal du travail pour le paiement d'arriérés de salaire et deux sanctions pénales prononcées alors qu'il y a 1.688.000 travailleurs dont une grande partie sont employés dans les PME et l'agriculture. Certes, l'efficacité de l'inspection du travail ne se mesure pas seulement au nombre d'infractions poursuivies en justice et sa fonction préventive ne doit pas être négligée. Mais, comme le constate la commission d'experts, le nombre d'actions engagées semble très faible. Le gouvernement doit être instamment prié d'introduire un système efficace et dissuasif de contrôle du respect du salaire minimum, y compris dans l'agriculture et dans les PME.

Les membres employeurs ont relevé que c'était la première fois que la commission discutait de l'application de cette convention par la Nouvelle-Zélande, sur la base d'une observation de la commission d'experts qui elle-même fait suite à des commentaires du NZCTU estimant que la participation des partenaires sociaux à la fixation des salaires minima est insuffisante. Telle qu'elle est décrite par le gouvernement, cette consultation se fait selon une procédure écrite, préalablement à la décision du ministère du Travail. Le syndicat estime que les partenaires sociaux ne sont pas suffisamment associés par cette procédure. La commission d'experts procède quant à elle à une analyse de la notion de consultation, qu'elle distingue de la simple information, car elle suppose qu'il soit tenu compte des avis émis, qu'ils aient une influence sur la décision à prendre. Sinon, la commission d'experts ne propose pas de conclusion sur l'application de la convention, mais pose plutôt un certain nombre de questions. Le représentant gouvernemental a indiqué que des réponses seront fournies à cette question. Il faudra qu'elles figurent dans un rapport écrit détaillé. L'une des questions porte sur le salaire minimum des jeunes gens. La commission d'experts rappelle le principe du salaire égal pour un travail égal qui est consacré par le Préambule de la Constitution; elle estime donc que la qualité et la quantité du travail fourni doivent l'emporter sur tout autre critère qui aurait un caractère discriminatoire. Le raisonnement est fort juste dans son principe, mais il laisse ouverte la question de savoir s'il existe des critères objectifs permettant de traiter de manière différente des situations différentes. Rien n'interdit dans la convention de fixer différents taux de salaire minimum. Il convient donc de demander au gouvernement pour quelles raisons un tel taux a été fixé à 60 pour cent du salaire minimum pour les jeunes travailleurs âgés de 16 à 19 ans. Il devrait le faire dans un rapport écrit détaillé. La commission pose également une question sur l'application de la loi sur les salaires minima en général. Elle demande si elle couvre suffisamment les personnes concernées, si le montant prévu leur est effectivement payé, et si des mesures pour y remédier sont prévues et appliquées lorsque cela n'est pas le cas. Le gouvernement expose qu'une large publicité est donnée aux taux de salaires minima, par voie de presse ou de services téléphoniques à appel gratuit, tandis que l'inspection du travail s'assure de leur respect dans la pratique. L'intervention directe de l'inspection du travail en cas d'infraction parviendrait le plus souvent à corriger les situations non conformes, ce qui expliquerait la rareté des procédures donnant lieu à des sanctions. Une dernière question de la commission d'experts a trait à l'application de la loi sur les salaires minima dans l'agriculture. Là encore, le gouvernement considère que les mesures en vigueur sont adéquates. Dans ses conclusions, la commission d'experts se réfère à l'article 4 de la convention pour estimer que le nombre d'actions pénales est faible par rapport à un nombre d'infractions alléguées mais non établies. Les conclusions qui peuvent être tirées d'un ratio aussi improbable sont incertaines. La convention demande que les mesures nécessaires soient prises, mais elle ne précise pas que ces mesures doivent comprendre des sanctions pénales. On pourrait tout autant conjecturer que la rareté des sanctions témoigne de l'efficacité de l'ensemble des autres mesures visant à garantir l'application de la loi dans la pratique. Sur ce point également, le gouvernement doit répondre à la commission d'experts en exposant les raisons de ce faible nombre d'infractions identifiées.

Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a rappelé que son syndicat représentait les travailleurs les moins bien payés et les plus vulnérables de son pays, qui appartiennent souvent à ce qu'il convient bien d'appeler les actifs pauvres. La situation de ces travailleurs, dont la présence est la conséquence des réformes économiques et des modifications apportées à la législation nationale du travail, dépend étroitement de l'existence d'un salaire minimum décent et de sa réelle application. Le non-respect des principes de la convention no 26, auquel s'ajoute l'absence d'un véritable tripartisme dans la fixation des salaires minima, affecte profondément la vie de ces travailleurs et de leurs familles. Ces problèmes peuvent être illustrés par trois types de situations: la première est celle des travailleurs qui sont payés au taux minimum horaire et dont le revenu est par conséquent variable; la deuxième concerne ceux qui ne reçoivent que le salaire minimum prévu pour les adolescents même si le travail qu'ils produisent équivaut à celui des travailleurs qui sont payés au taux normal du salaire minimum; la troisième est celle des travailleurs licenciés pour avoir essayé d'obtenir la différence entre le salaire inférieur au minimum qu'ils ont accepté pour avoir leur emploi et le minimum prévu et qui doivent attendre de six à douze mois avant que leur cas soit entendu. Un milieu professionnel hostile et un climat de peur empêchent les travailleurs de se prévaloir vraiment de leurs droits, la plupart d'entre eux acceptant des conditions inférieures aux normes minimales en raison des ressources financières importantes et de l'énergie requises pour faire respecter ces droits. L'inspection du travail est elle-même incapable d'assurer le respect nécessaire de ces normes. Comme la commission d'experts le relève, l'effectif de l'inspection du travail qui se résume à 19 inspecteurs est insuffisant pour garantir le respect des salaires minima. C'est ainsi que les travailleurs qui viennent demander l'aide de ces inspecteurs se voient souvent répondre qu'il leur faut revenir plus tard, aucun inspecteur n'étant disponible pour fournir l'aide qu'ils recherchent. Il manque par ailleurs au gouvernement la volonté de recourir à tous les moyens disponibles pour informer les travailleurs de leurs droits. Les travailleurs néo-zélandais, à qui on demande de signer des contrats individuels de travail, ne prennent, en pratique, pas le temps d'en étudier les termes par peur du retrait de l'offre d'emploi qui leur est faite. Autant que l'on s'en souvienne, pas une fois au cours des sept années qui ont suivi l'introduction de la loi sur les contrats de travail, les droits des travailleurs n'ont fait l'objet d'une campagne télévisée ou radiophonique, ni d'une coordination avec les institutions éducatives ou autres pour diffuser des informations. Il est indispensable que le gouvernement applique les dispositions relatives au salaire minimum, mène des programmes d'information et d'éducation efficaces et se penche, avec les partenaires sociaux, sur toutes les questions soulevées lors de la discussion.

Le membre employeur de Nouvelle-Zélande a affirmé que la Fédération néo-zélandaise des employeurs est, comme le gouvernement, pleinement attachée aux principes de la convention no 26 et au respect des salaires minima en Nouvelle-Zélande. Les employeurs ont pleinement participé à l'élaboration de la loi de 1983 sur les salaires minima. Le gouvernement devrait être bien conscient que l'obligation de consultation, tant pour établir les méthodes de fixation des salaires minima que pour déterminer périodiquement le salaire minimum, n'est pas une obligation de négociation. Le gouvernement a donc eu raison de tenir compte, dans son examen annuel des niveaux de salaire minimum, de la situation économique générale du pays et non des seuls intérêts de groupes particuliers. Le salaire minimum des jeunes est justifié. Tout en admettant le principe «à travail égal, salaire égal», il faudrait pondérer son application en raison de la nécessité de lever les barrières à l'emploi des jeunes. Appliquer le salaire minimum aux jeunes non qualifiés pourrait décourager de les employer. Il ne faudrait envisager d'actions pénales que dans des cas extrêmes de violation de la loi. Le gouvernement favorise une stratégie d'éducation tendant à minimiser le recours à des mesures de sanction, et l'organisation des employeurs a élaboré et distribué 20.000 affiches décrivant les normes minimales en matière d'emploi et 20.000 autres ont été demandées par les employeurs du secteur agricole. L'organisation des employeurs a également suggéré au gouvernement d'en envoyer directement aux nouveaux employeurs. En conclusion, la Fédération néo-zélandaise des employeurs et ses membres appuient le salaire minimum, ainsi que l'accent mis sur l'éducation pour garantir le respect des normes et, dans les cas de violation, sur le recouvrement des arriérés de salaire.

Le membre travailleur de Finlande, s'exprimant au nom des membres travailleurs du Danemark, d'Islande, de Norvège, de Suède et de Finlande, a souhaité s'attacher à la question de la consultation tripartite. Les articles 2 et 3 de la convention énoncent les prescriptions en matière de consultations tripartites. Ces consultations exigent la participation à pied d'égalité des partenaires du marché du travail, tant au moment de déterminer le champ d'application de la législation en matière de salaire minimum que lors de l'examen périodique du niveau des salaires minima. La pratique du gouvernement consiste à demander leurs contributions aux organisations du marché du travail et à les considérer comme de simples éléments d'un examen plus général. Ce procédé est incompatible avec le processus de consultation, qui, selon la commission d'experts, suppose la possibilité pour les organisations de travailleurs et d'employeurs de réellement influer sur la décision à prendre. Est-ce faute de comprendre les termes de la convention ou, la Nouvelle-Zélande n'ayant ratifié ni les conventions nos 87 et 98, ni les conventions nos 151 et 154 qui leur sont étroitement liées, faute de volonté politique que le gouvernement ne réussit pas à établir de véritables consultations? Il faut espérer que le gouvernement n'ignorera pas les observations de la commission d'experts à cet égard, et la Commission de la Conférence devrait prier le gouvernement de fournir les informations requises et également d'amorcer et de poursuivre les discussions tripartites pour que les dispositions et l'application de la loi sur les salaires minima se conforment pleinement à la convention no 26.

Le membre travailleur du Pakistan a précisé qu'il n'y a de véritable consultation que si elle influe sur les décisions qui seront prises ensuite. De plus, la consultation évoquée dans la convention réclame d'ordinaire un cadre institutionnel où sont représentées les organisations de travailleurs. Le simple fait de demander des informations ne constitue pas une consultation en soi. S'agissant du salaire minimum pour les jeunes travailleurs, il convient aussi d'attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité d'appliquer le principe établi dans la Constitution de l'OIT «à travail égal, salaire égal». Quant aux travailleurs des secteurs informel et agricole, il faut réaffirmer le rôle important joué par les services d'information et l'inspection du travail. N'étant pas organisés, ces travailleurs ne bénéficient guère de la protection de la loi et ne relèvent donc pas de facto de la convention. En outre, comme l'a signalé le membre travailleur de Nouvelle-Zélande, dès lors que, dans son pays, c'est aux travailleurs qu'il revient de faire appliquer le salaire minimum, les problèmes connexes sont particulièrement graves pour les travailleurs inorganisés. C'est sans doute pour cette raison que si peu de sanctions sont appliquées, par rapport aux nombreux effectifs dans les secteurs concernés. La demande faite par la commission d'experts au gouvernement d'examiner ces importants aspects de l'application de la convention en vue d'assurer de véritables consultations et de faire mieux observer ses dispositions doit donc être pleinement appuyée.

Le membre travailleur de la Grèce a estimé que les commentaires de la commission d'experts n'étaient guère flatteurs pour le gouvernement d'un pays qui, bien qu'il soit loin d'être sous-développé, ne ratifie pas les conventions nos 87 et 98 et ne respecte même pas les conventions qu'il a ratifiées. Prétendre que le seul jeune âge peut justifier un taux de salaire minimum s'élevant à 60 pour cent du salaire minimum normal constitue une violation flagrante de la convention. Sur la question des sanctions, il n'est pas besoin de se livrer à une analyse juridique approfondie pour constater que seulement deux actions pénales pour 88 infractions ne sont pas le signe d'une réelle volonté de sanctionner les manquements au respect du salaire minimum. Si cette volonté était réelle, le pays disposerait d'ailleurs de plus de 19 inspecteurs du travail et les recours seraient plus nombreux. Un véritable dialogue avec le gouvernement supposerait qu'il apporte des réponses à ces questions.

Le membre travailleur de la Jordanie a relevé qu'on avait trop souvent tendance à opposer la négociation des salaires aux principes modernes de l'économie de marché. Les exigences de l'économie servent trop souvent de prétexte fallacieux pour défendre des pratiques d'exploitation des travailleurs. La fixation des salaires minima par la négociation collective est indispensable pour garantir l'équilibre entre la protection des travailleurs et les exigences du marché. Elle est particulièrement nécessaire pour les pays en développement. Elle est encore plus indispensable aux travailleurs migrants, auxquels il est parfois interdit de participer aux activités syndicales. Les syndicats sont donc fondés à exiger la pleine application de la convention.

Le membre employeur du Lesotho a estimé que la fixation d'un salaire minimum inférieur pour les jeunes incitait les employeurs à les engager comme à des emplois peu rémunérés. Mais le rapport du gouvernement ne précise pas si ces jeunes travaillent moins d'heures que les travailleurs ordinaires. A cet égard, le gouvernement devrait examiner la situation et respecter le principe fondamental «à travail d'égale valeur, salaire égal». En outre, la commission d'experts devrait demander des informations quant au nombre de jeunes apprentis, car tout travailleur a droit à une formation qui assure une productivité accrue. En conclusion, il a rappelé qu'employeurs et travailleurs dans le monde ont souscrit aux principes fondamentaux de l'OIT. Ils devraient donc aider les gouvernements à respecter les conventions de l'OIT et à lancer des campagnes d'éducation visant à inculquer leur contenu à tous les employeurs et travailleurs. Le gouvernement devrait fournir à la Commission de la Conférence des informations sur les mesures prises pour améliorer la participation au mécanisme tripartite.

Le membre employeur des Etats-Unis a considéré que la conclusion de la commission d'experts concernant le nombre d'inspecteurs du travail ignorait, tout comme dans le cas examiné par la présente commission en 1996, les résultats positifs obtenus par le gouvernement, notamment en matière de réduction des problèmes de sécurité et de santé au travail. La commission d'experts tire du faible nombre de sanctions pénales pour infraction au salaire minimum sur une très courte période la conclusion que les inspecteurs du travail sont en nombre insuffisant. Le gouvernement a pourtant adopté des programmes volontaristes, comprenant des activités d'information et l'accès aisé et rapide aux moyens d'obtenir réparation. Comme dans de nombreux autres pays, la priorité a été donnée à une solution rapide des plaintes plutôt qu'à l'application de sanctions pénales. De surcroît, l'expérience montre qu'un accroissement du nombre des enquêtes suit souvent la mise en place de dispositifs d'information tels que le numéro de téléphone à appel gratuit. La commission d'experts devrait donc se montrer plus attentive aux faits et poser les questions pertinentes. Il ne lui revient pas de juger du nombre d'inspecteurs du travail dans un pays donné. S'agissant de la question des consultations, il est intéressant de relever que, dans son étude d'ensemble de 1992, la commission d'experts a indiqué qu'elles devaient avoir une influence sur la décision, tandis que dans son étude d'ensemble de 1982 elle estimait qu'elles devaient avoir une capacité réelle d'influer sur la décision. Il n'est pas exceptionnel que les possibilités de consultation passent par une procédure comprenant une commission spéciale. Toutefois, l'association à une consultation n'implique pas la prise en considération des contributions ou des opinions des participants. Il ne fait pas de doute que des infractions se produisent dans de nombreux pays qui ont institué un salaire minimum légal, malgré l'existence d'une réglementation et d'un contrôle appropriés. Ce cas doit donc être replacé dans sa véritable perspective.

Le représentant gouvernemental a remercié l'ensemble des intervenants pour leur contribution à la discussion. Comme déjà indiqué, le gouvernement fournira dans son rapport une réponse détaillée à chacune des questions soulevées. L'assertion du membre travailleur de Nouvelle-Zélande concernant l'absence de consultation des syndicats au sujet des méthodes de fixation des salaires minima est infondée. Les derniers cycles de fixation du salaire minimum ont augmenté ce salaire de près de 12 pour cent entre 1995 et 1997 malgré un taux d'inflation annuel de 2 pour cent, et alors que les salaires comme l'indice des prix à la consommation augmentaient de 7 pour cent. Les employeurs recommandaient un gel du salaire minimum, tandis que les travailleurs demandaient une augmentation de 20 pour cent; la hausse de 12 pour cent qui a été décidée témoigne bien de l'influence que les syndicats ont pu exercer grâce à la procédure de consultation. Quant à la prétendue méconnaissance des dispositions applicables, une enquête récemment menée par un institut privé a démontré qu'entre 80 et 90 pour cent des travailleurs avaient une parfaite connaissance des dispositions concernant le salaire minimum, ainsi que d'autres dispositions du droit du travail.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé le principe de consultation authentique inscrit dans la convention et elle a souhaité que le gouvernement apporte l'année prochaine des réponses aux questions soulevées à ce sujet par la commission d'experts dans son observation. En outre, la commission a exprimé le ferme espoir que les mesures pratiques nécessaires seraient prises en ce qui concerne l'application générale de la législation sur les salaires minima, y compris dans le secteur agricole, notamment par une inspection du travail efficace dotée d'un personnel suffisant, conformément à l'article 4, paragraphe 1, de la convention, ainsi qu'à l'article 4, paragraphe 1, de la convention (no 99) sur les méthodes de fixation des salaires minima (agriculture), 1951. En ce qui concerne le salaire minimum des jeunes travailleurs, la commission, rappelant le principe général du salaire égal pour un travail égal consacré par le Préambule de la Constitution, a demandé au gouvernement de ne pas retenir de critère d'âge aux fins de la fixation des salaires, mais de se fonder sur des critères objectifs tels que la quantité et la qualité du travail accompli. La commission a demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé sur les différents points soulevés par la commission d'experts, et notamment sur les mesures pratiques prises ou envisagées afin de se conformer pleinement aux exigences de la convention.

Convention no 29: Travail forcé, 1930

Bangladesh (ratification:1972). Un représentant gouvernemental a déclaré que le Bangladesh est un petit pays pauvre qui compte plus de 120 millions d'habitants. Le taux d'alphabétisme des personnes âgées de 15 ans et plus était seulement de 35,3 pour cent en 1991 et le chômage est dramatiquement élevé. Le gouvernement démocratiquement élu du Bangladesh s'efforce de prendre les mesures appropriées dans les secteurs de la production et des services afin d'améliorer la condition des travailleurs. Il s'engage à éliminer les divergences et les irrégularités existant dans la législation ou dans l'administration.

L'orateur a exprimé sa gratitude à la présente commission qui a souligné les restrictions légales à la cessation de la relation d'emploi. A cet égard, il faut rappeler que la loi de 1952 et la deuxième ordonnance de 1958 sur le maintien des services essentiels ont été adoptées il y a longtemps, c'est-à-dire pendant la période pakistanaise. Ces deux législations sont bien en vigueur au Bangladesh, mais leur application en pratique pose des problèmes. Il convient de souligner que la Commission tripartite nationale du droit du travail de 1992 a soumis un rapport sur un projet de code, et ce rapport est actuellement à l'étude et en cours de révision. Le projet de Code du travail sera en conformité avec les dispositions des conventions, compte tenu des conditions socio-économiques du pays. La commission chargée de la révision devra traiter des questions soulevées.

S'agissant du deuxième point relatif à la cessation de la relation d'emploi, il faut savoir qu'il existe 46 lois dans le pays et que ces lois contiennent des dispositions suffisamment protectrices. Aucun travailleur n'est licencié sans indemnité ou sans préavis. La loi de 1965 sur l'emploi offre une protection aux travailleurs tant dans les cas de cessation de la relation de travail que dans les cas de licenciement. Le licenciement est soumis à une longue procédure et ne peut intervenir que si une faute est établie par une commission indépendante en vertu des articles 17 et 18 de la loi sur l'emploi de 1965. Un travailleur licencié pour faute a le droit de faire appel de cette décision auprès de l'employeur ou peut introduire contre lui une action devant un tribunal du travail.

S'agissant du respect de la convention no 29 concernant les enfants en servitude et les enfants employés comme domestiques, il convient de souligner que le Bangladesh est pleinement conscient des exigences de cette convention. Au Bangladesh, il n'y a ni travail forcé ni travail obligatoire au sens réel de ces termes. Tous les travailleurs ont le choix de travailler ou non. La législation du travail est souple à l'égard des travailleurs, et, par conséquent, les employeurs sont confrontés à des problèmes lorsque des travailleurs qualifiés quittent leur emploi sans préavis. Le bien-être des travailleurs ainsi que la protection de leurs droits permettent aux activités économiques de se développer. De même, il est tout aussi important de respecter les réglementations et de ne pas changer tout le temps de secteur d'activité. Aussi, on doit respecter un équilibre afin de permettre l'établissement d'une économie durable.

Le gouvernement actuel prend des mesures pour réviser le Code du travail en tenant compte des conditions socio-économiques prévalant actuellement dans le pays, du bien-être de la classe ouvrière et de la protection des droits et intérêts des employeurs afin que le projet de code serve les objectifs du pays, ce qui est conforme aux conventions de l'OIT.

S'agissant des commentaires de la commission d'experts, au deuxième paragraphe de la page 108 du rapport, il est nécessaire d'examiner attentivement les mots «bandha», «chhuta» et «pichchis». Le mot «bandha» ne signifie pas «lié» tel que cela est mentionné. Un «bandha» est un travailleur généralement engagé régulièrement ou de manière permanente pour travailler au domicile d'autres personnes. Il a le droit de continuer le travail ou de quitter son travail selon son gré. Il peut quitter la maison et accepter un travail dans n'importe quelle autre maison. Ce sont seulement les familles dont les conditions matérielles sont plus favorables qui peuvent employer des «bandhas». De plus, ce sont des femmes divorcées, des veuves ou des femmes sans domicile qui acceptent ce type de travail, car il leur permet d'obtenir de la nourriture, un toit, des vêtements, etc.

Le mot «chhuta» ne signifie pas «non obligé» ainsi que cela est mentionné dans le rapport, mais «travailleur temporaire» ou «travailleur à temps partiel». Ils arrivent dans une maison à une certaine heure et la quittent après une ou deux heures de travail. Ils vont dans une autre maison dans les environs pour y travailler également quelques heures, ce qui leur permet de percevoir un meilleur salaire.

«Pichchis» signifie petit garçon ou petite fille. En général, les parents qui n'ont pas de maison ou qui ne peuvent pas les nourrir ou les soigner les envoient chez des particuliers. Ils y vivent comme un membre de la famille. Parfois, le propriétaire de la maison les envoie à l'école ou à la «madrassa» (institution d'éducation religieuse). Par conséquent, il n'est ainsi pas possible de dire qu'ils entrent dans la catégorie des travailleurs en servitude. A tout moment, les parents peuvent les reprendre avec eux.

Il est important de comprendre pourquoi les enfants travaillent comme domestiques, les femmes travaillent comme «bandha» et les «pichchis» au domicile d'autres personnes. Survivre et manger constituent leur principal souci, comme seuls moyens de subsistance. Le Bangladesh est un pays d'ouvriers, la plupart des gens sont pauvres, la population est nombreuse, et les problèmes divers et variés. Les familles pauvres qui ont quatre ou cinq enfants n'ont pas d'autre choix que de les envoyer au domicile de particuliers pour qu'ils y trouvent de la nourriture, un toit et des soins. Bien que le gouvernement ait pour objectif d'éliminer les formes intolérables du travail des enfants, la pauvreté, la plus grande cause de travail des enfants, ne peut disparaître du jour au lendemain.

Ainsi, il faut rappeler que la pauvreté est la principale cause de l'emploi des enfants comme domestiques. Celle-ci commencera à diminuer lorsque les activités économiques progresseront, et ainsi il n'y aura plus aucun enfant au travail.

Il est important de comprendre la situation économique et sociale. Le gouvernement, les institutions internationales, les ONG et les organismes volontaires travaillent jour et nuit à différents niveaux et dans différents secteurs pour éduquer et réinsérer les enfants, et pour éliminer la pauvreté et le travail des enfants. Avec l'aide et la coopération des organismes internationaux, le pays sera capable de résoudre ces problèmes.

Le gouvernement s'attaque sérieusement au travail des enfants. La législation du travail, en particulier la loi de 1965 sur les établissements industriels, la loi de 1965 sur les ateliers et autres établissements, l'ordonnance de 1962 sur le travail dans les plantations de thé et l'ordonnance de 1961 sur les travailleurs routiers, interdit strictement le travail des enfants dans le secteur formel et prévoit des sanctions en cas de non-respect de leurs dispositions.

Il y a à travers tout le pays 2.642 manufactures de vêtements, de tailles différentes, qui emploient plus d'un million de travailleurs et dont 80 pour cent du personnel est féminin. Au début, des enfants travaillaient dans l'industrie du vêtement mais, après une prise de conscience de l'opinion et suite à la signature d'un Memorandum of Understanding (MOU) avec l'OIT/IPEC, environ 50 projets visant à éliminer le travail des enfants ont été mis en place dans différentes régions et le nombre d'enfants au travail a diminué.

En outre, l'Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA) a signé avec l'UNICEF et l'OIT un autre MOU. Sa mise en œuvre a permis d'éliminer, pratiquement à 100 pour cent, le travail des enfants dans le secteur du vêtement. En application du MOU, une équipe comprenant des fonctionnaires de l'OIT et de l'UNICEF ainsi que des inspecteurs du gouvernement a été constituée. Cette équipe visite et inspecte régulièrement les manufactures de vêtements, identifie les enfants qui y travaillent et les retire des usines pour les envoyer à l'école. L'enfant ainsi retiré du travail reçoit 30 taka par jour et va gratuitement à l'école.

Se référant aux paragraphes 3, 4 et 5 mentionnant les cas d'abus physiques cont sont victimes les enfants, l'orateur a indiqué que le gouvernement actuel avait la ferme volonté politique d'éliminer le travail des enfants et de prendre des sanctions contre ceux qui commettent des mauvais traitements à leur encontre. Des membres de l'un et l'autre sexe de certaines familles ont été arrêtés, des procédures judiciaires ont été entamées et des sanctions ont été prises. Par conséquent, l'opinion publique est plus attentive aux abus commis sur des enfants.

Se référant au paragraphe de l'observation de la Commission des experts relative au trafic des enfants, le ministère de la Femme et de l'Enfance, en collaboration avec l'OIT/IPEC et l'UNICEF, a convenu en 1997 de mettre en œuvre un programme national sur la traite des enfants et des femmes. Des séminaires, des ateliers et des conférences sont organisés afin de sensibiliser l'opinion sur le problème, et des mesures sont prises pour le prévenir.

Il n'est pas possible d'empêcher les trafics sans une prise de conscience de l'opinion, sans l'élimination de la pauvreté et sans une politique pénale ferme. Le gouvernement est conscient de ces difficultés et agit pour les surmonter. Au cours du neuvième Sommet SARC qui s'est tenu en mai dernier, le Premier ministre Cheikh Hasina a proposé l'adoption d'une convention pour lutter contre le trafic des femmes et des enfants. Depuis lors, un projet de convention a été soumis par le Bangladesh aux Etats Membres.

Le Bangladesh a récemment créé au sein du ministère de l'Intérieur une unité spéciale pour intensifier la lutte que mène le gouvernement contre le trafic des femmes et des enfants. Les actions entreprises par le gouvernement ont permis des améliorations durables dans ce domaine. Par ailleurs, les organismes volontaires, les ONG et les syndicats sont également très actifs dans ce domaine et, à ce jour, quelques chefs de bande ont été arrêtés.

En ce qui concerne le non-paiement des salaires, les heures supplémentaires obligatoires, l'absence de congé du vendredi, il existe des sanctions dans la législation nationale du travail.

Il y a 2.642 manufactures de vêtements dans lesquelles 142 syndicats enregistrés sont implantés. Il y a au moins trois fédérations. En vertu de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, les syndicats enregistrés ont le droit de négocier collectivement, conformément aux articles 26, 27, 27 (A), 28, 29, 30, 31, 32 et 34, et par conséquent ils sont en mesure de résoudre les problèmes. Lorsqu'un dialogue direct avec la direction a échoué dans les dix jours suivant l'introduction d'une demande, une discussion tripartite, c'est-à-dire une mesure de conciliation, peut être menée. Les conciliateurs, nommés par le gouvernement, sont chargés de résoudre les problèmes à travers un mécanisme approprié. Les syndicats disposent du droit de grève selon les modalités prescrites par la loi. Pour défendre leurs droits, ils ont la possibilité de soumettre aux tribunaux du travail les questions concernant les salaires, les heures supplémentaires, les congés, etc.

En outre, les inspecteurs gouvernementaux des manufactures ont pour mission d'inspecter les établissements industriels, de conseiller la direction et d'entamer des procédures judiciaires à l'encontre des contrevenants. Le tribunal du travail condamne ou rend la décision qu'il estime appropriée. Par conséquent, les allégations des syndicats relatives au non-paiement des salaires, à l'absence de congé et à l'obligation d'accomplir des heures supplémentaires ne sont pas fondées dans la pratique.

Enfin, l'orateur demande au président et aux membres de la commission d'experts de comprendre les problèmes et les conditions existant dans son pays et de lui octroyer du temps pour améliorer la situation, dans la mesure où son pays a beaucoup de considération à l'égard des conventions et idéaux de l'Organisation internationale du Travail.

Les membres employeurs ont rappelé qu'au moins trois des quatre points soulevés étaient bien connus pour faire régulièrement l'objet de commentaires de la commission d'experts et avoir été discutés par la commission en 1990. Les restrictions légales à la cessation de la relation de travail imposées à toute personne occupant un emploi dépendant du gouvernement central constituent une claire violation de la convention qui trouve son origine dans une loi de 1952, c'est-à-dire antérieure à l'indépendance du pays et demeurée inchangée depuis lors. Le représentant gouvernemental se réfère à la protection contre le licenciement dont bénéficieraient ces personnes, ce qui est hors de propos, car on ne saurait compenser une violation de l'interdiction du travail forcé par quelque disposition que ce soit. Depuis des années, le gouvernement indique qu'il entend prendre des mesures, mais que les circonstances économiques l'en empêchent. Il faut une nouvelle fois exiger qu'il change rapidement ces dispositions qu'aucune difficulté économique ne peut justifier. Le deuxième point a trait aux enfants employés comme domestiques dans des conditions de servitude. La commission d'experts se réfère à des informations émanant du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités concernant l'exploitation d'enfants de classes défavorisées comme domestiques chez des particuliers ou dans des usines. Si la législation protectrice n'est pas appliquée, la responsabilité du gouvernement est engagée, car l'article 25 de la convention exige que des sanctions efficaces soient appliquées. Le gouvernement se réfère au mémorandum d'accord conclu avec l'IPEC et à des projets exécutés dans ce cadre. Pourtant, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies s'est déclaré profondément préoccupé par le grand nombre d'enfants qui travaillent, y compris dans les zones rurales, comme domestiques, ou à d'autres titres dans le secteur informel, et par le fait qu'ils travaillent souvent dans des conditions insalubres ou dangereuses et sont souvent exposés à des sévices ou exploitation sexuels. La Confédération mondiale du travail (CMT) a communiqué un rapport sur les différentes formes de travail des enfants comme domestiques dans des conditions caractérisées par une subordination totale, des horaires et un salaire indéterminés: il s'agit là d'une forme de travail forcé à combattre. Le représentant gouvernemental estime pour sa part que le travail comme domestiques d'enfants défavorisés peut être envisagé sous un jour plus favorable car il leur permet au moins de se nourrir et d'avoir un foyer dans une situation d'extrême pauvreté. S'il en est ainsi, il faut que le gouvernement s'assure que ce type de travail s'effectue dans des conditions acceptables et qu'il fournisse des informations détaillées sur les mesures prises en ce sens dans son prochain rapport. En ce qui concerne le trafic des femmes et des enfants pour la prostitution, le représentant gouvernemental expose que des mesures ont été prises, notamment sous la forme de campagnes de prévention et d'éducation, et que des sanctions sont envisagées pour y mettre fin. Des rapports des Nations Unies contiennent des données très préoccupantes sur l'ampleur du problème, et le gouvernement doit donc redoubler ses efforts pour y mettre fin sans omettre d'identifier et de sanctionner les responsables. Un quatrième point de l'observation, nouveau celui-là, porte sur la situation dans l'industrie du vêtement. Il s'agit d'allégations de la CMT auxquelles le gouvernement n'a pas eu l'occasion de répondre et sur lesquelles la commission ne peut prendre position à ce stade. Pour l'ensemble des autres points, le gouvernement doit réviser la législation et accroître ses efforts pour que la situation soit mise en conformité avec la convention en droit et, surtout, en pratique.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental d'avoir répondu aux demandes d'informations et ont rappelé que ce cas a été discuté pour la dernière fois en 1990. Certaines des questions soulevées cette année par la commission d'experts avaient alors été discutées par la Commission de la Conférence. Dans le dernier rapport, quatre questions sont soulevées: les restrictions légales à la cessation de la relation d'emploi; le travail d'enfants en servitude et, en particulier, les enfants employés comme domestiques; la traite de femmes et d'enfants; et certaines allégations concernant la situation dans l'industrie du vêtement.

La commission d'experts a soulevé la question des restrictions légales à la cessation de la relation d'emploi de toute personne dépendant du gouvernement central. Elle a fait ressortir que, en vertu de la loi de 1952 sur les services essentiels et de l'ordonnance de 1958 ayant le même objet, toute personne ayant un emploi auprès du gouvernement central et mettant fin à cet emploi sans le consentement de l'employeur est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an. Le gouvernement persiste à maintenir que d'autres instruments, à savoir la loi sur les usines, la loi sur le paiement du salaire et la loi sur les ateliers et autres établissements, assurent une protection suffisante. Mais la commission d'experts fait ressortir, comme le font les membres employeurs, que ces dispositions tendent à protéger les travailleurs licenciés et ne concernent pas le cas de travailleurs qui, de leur propre initiative, souhaitent quitter leur emploi. Cet aspect de l'application de la convention a été discuté par la Commission de la Conférence en 1990 et le gouvernement avait alors déclaré que l'abrogation de la loi de 1952 était envisagée. Aujourd'hui, huit ans plus tard, le gouvernement affirme encore qu'il examine la législation en question. Les problèmes soulevés par la commission d'experts paraissent assez clairs et assez simples pour les membres travailleurs. La réponse du gouvernement n'est pas convaincante et il serait donc souhaitable que celui-ci suive les conseils de la commission d'experts et modifie en conséquence sa législation afin de la rendre conforme à la convention.

Les membres travailleurs ont souligné que le problème des enfants employés comme domestiques est un problème très complexe et très ancien. Dans ses précédents commentaires, la commission d'experts évoquait les informations portées devant le Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, alléguant diverses formes d'exploitation d'enfants, notamment comme domestiques chez des particuliers, ainsi que la non-application des dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur. La commission d'experts demandait au gouvernement de fournir des informations sur les inspections réalisées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées aux exploiteurs d'enfants. Dans sa réponse, reflétée dans le plus récent rapport de la commission d'experts, le gouvernement nie l'existence du travail en servitude dans le pays. Ces dénégations sont réitérées aujourd'hui par le représentant gouvernemental. Elles contredisent les conclusions de la Commission des droits de l'enfant des Nations Unies, qui s'est déclarée préoccupée par le «nombre considérable d'enfants qui travaillent, y compris dans les zones rurales, comme domestiques ou à d'autres titres dans le secteur informel...». La commission d'experts ajoute que nombre de ces enfants sont exposés à des sévices et une exploitation d'ordre sexuel. Elle a pris note d'un rapport transmis pour commentaires au gouvernement fin 1997 intitulé Child domestic workers: Is servitude the only option? (Enfants employés comme domestiques: la servitude est-elle le seul choix?) qui fait ressortir que des enfants placés comme domestiques, en général entre 8 et 16 ans et essentiellement des filles, restent constamment à disposition pour toutes sortes de tâches pénibles, sans limitation des heures de travail, entièrement à la merci de leurs employeurs. (Les chiffres communiqués sur certaines catégories de travailleurs domestiques sont tout à fait révélateurs. Par exemple, il y a une catégorie appelée les «bandha» qui signifie «lié» et une autre dénommée «pichchis» qui veut dire «petit».) Tout en appréciant les explications données par le représentant gouvernemental, les membres employeurs, en raison de la vulnérabilité des enfants se trouvant dans de telles situations et des conséquences que cela peut avoir pour le reste de leur existence, soutiennent fermement la requête de la commission d'experts tendant à ce que le gouvernement prenne des mesures effectives et énergiques pour éradiquer le travail forcé d'enfants employés comme domestiques. Le troisième aspect soulevé par la commission d'experts porte sur la traite de femmes et d'enfants, essentiellement à des fins de prostitution. Il est inquiétant de constater que le gouvernement concède, dans son rapport à la commission d'experts, que le problème va en s'aggravant et que, ces vingt dernières années, quelque 200.000 femmes et enfants ont été victimes d'un trafic à destination du Moyen-Orient. Selon d'autres sources, de 200 à 400 femmes et enfants seraient enlevés clandestinement du pays chaque mois, essentiellement à destination du Pakistan. Le gouvernement déclare prendre des mesures pour empêcher ce trafic, notamment un renforcement des postes frontière, mais que des bandes très organisées agissent avec la complicité de certains éléments des administrations compétentes, ce qui explique qu'un très petit pourcentage de trafiquants est capturé et que peu de victimes sont retrouvées. Les membres travailleurs jugent un peu courte cette explication du manque de résultat face à un problème aussi insidieux. Le gouvernement devrait faire preuve, au minimum, de la volonté politique de sanctionner tout membre de la police impliqué dans ce trafic. Ils appuient pleinement l'avis de la commission d'experts selon lequel les sanctions prévues doivent être adéquates et appliquées avec rigueur. Ils prient donc le gouvernement de fournir d'autres informations sur cette question et, en particulier, sur les sanctions infligées.

Le quatrième aspect concerne la situation dans l'industrie du vêtement, qui emploie plus d'un million de travailleurs, essentiellement des femmes et des enfants. De très graves allégations ont été formulées quant aux conditions de travail dans ce secteur, où le salaire minimum légal serait rarement atteint, les heures supplémentaires obligatoires rémunérées en deçà du minimum légal seraient monnaie courante et le droit au congé hebdomadaire du vendredi ignoré par les employeurs, où le licenciement serait la réponse à toute revendication et où, enfin, des travailleurs attendraient pendant des mois le versement de leur salaire. Des commentaires précis quant à ces allégations sont attendus de la part du gouvernement. La déclaration du représentant gouvernemental contient un commencement de réponse mais un rapport détaillé devrait être adressé à la commission d'experts. Bien qu'il ne soit pas facile de connaître la réalité de la situation, des indications utiles figurent dans l'étude annuelle sur les violations des droits syndicaux publiée voici quelques jours par la CISL. Cette étude apporte des éléments concernant la zone industrielle à l'extérieur de Dacca, où 30.000 travailleurs sont employés en sous-traitance par l'industrie du vêtement, travaillant la plupart vingt heures par jour et sept jours par semaine pour un très faible salaire. De plus, un nombre croissant de fabriques de vêtements sont implantées dans les zones franches d'exportation, où le syndicalisme est interdit, malgré la ratification de la convention no 87 par le Bangladesh en 1972. Les membres travailleurs ont évoqué à cette égard une publicité de la Direction des zones franches d'exportation du Bangladesh disant «Pour un maximum de profit, investissez dans les zones franches d'exportation du Bangladesh.» Ils ont cité au nombre des mesures incitatives s'adressant aux investisseurs cet argument: «le Bangladesh offre la main-d'œuvre productive la moins chère. La législation interdit la constitution de syndicats dans les zones franches et la grève y est illégale». Dans ce contexte, les membres travailleurs demandent au représentant gouvernemental si la meilleure manière de mettre fin aux conditions de travail forcé dans l'industrie du vêtement ne serait pas de permettre aux travailleurs d'être représentés collectivement, en particulier dans les zones franches, conformément aux obligations souscrites par le gouvernement en vertu de la convention no 87. Pour conclure, les membres travailleurs ont souligné qu'apparemment l'application de la convention a fait bien peu de progrès depuis que ce cas a été soulevé, huit ans plus tôt. Ils ont appelé le gouvernement à intensifier considérablement ses efforts pour éliminer le travail forcé et à faire rapport à la commission d'experts avant sa prochaine réunion, à la fin de l'année, sur les mesures prises pour résoudre le problème et sur leurs résultats.

Le membre travailleur du Bangladesh a déclaré que, plutôt que de parler d'employés de maison en servitude, il convient de distinguer entre employés de maison permanents et employés temporaires. Les premiers sont employés et rémunérés sur une base mensuelle ou annuelle, tandis que les seconds perçoivent une rémunération journalière et sont libres de quitter leur emploi à tout moment. Il existe également la catégorie des chhuta, qui travaillent dans plusieurs maisons, parfois trois ou quatre le même jour. Après vingt et un ans de régime autocratique, le gouvernement vient d'accéder, voici deux ans, à la démocratie. Il est attaché à la protection des intérêts des travailleurs, notamment à la liberté syndicale. Une commission tripartite, constituée pour examiner la question de la réforme de la législation du travail, a rendu ses conclusions récemment. Certaines modifications devraient être apportées à cette législation. S'agissant de la traite de femmes et d'enfants, l'intervenant a indiqué qu'une unité spéciale a été constituée par le gouvernement pour agir contre les trafiquants. Des mandats d'arrestation ont été délivrés et certains de ces malfrats sont d'ores et déjà sous les verrous. La presse fait largement écho à cette nouvelle politique pour inciter le public à aider à trouver les coupables. Le gouvernement, en liaison avec les employeurs et les syndicats, est unanimement décidé à éradiquer le travail des enfants. Divers projets ont été mis en œuvre en coopération avec des organisations internationales et force est de constater que pratiquement toutes les dispositions de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, sont déjà appliquées dans le pays, de sorte que cet instrument pourrait être ratifié dans un proche avenir.

Le membre travailleur du Swaziland a déploré que les informations présentées par le représentant gouvernemental ne fassent ressortir aucun progrès quant à l'application de la convention. Les déclarations gouvernementales ont déjà été entendues à de précédentes occasions. La convention prévoit la liberté, pour tout individu, de quitter son emploi lorsqu'il le désire. Les arguments du représentant gouvernemental relatifs à une protection contre le licenciement ne sont donc pas pertinents. Par ailleurs, le pays maintient en servitude des enfants, soumis à toutes sortes de sévices, notamment d'ordre sexuel, et même à une exposition à des substances chimiques dangereuses, en violation flagrante de la convention. Le travail des enfants est inacceptable parce qu'il est immoral et injuste; il doit donc être éradiqué sous toutes ses formes. Il faut notamment éradiquer le système de servitude s'appliquant à des enfants contraints de travailler toute l'année, selon des horaires interminables et sans aucune protection. Ces malheureux ne reçoivent que le vivre et le couvert pour tout salaire, en fonction du statut économique et social de la famille à laquelle ils sont attachés. Quant à la traite des femmes et des jeunes enfants à des fins de prostitution, il s'agit d'une pratique inhumaine qui doit être condamnée avec la plus grande rigueur. L'intervenant a évoqué la situation des femmes et des enfants employés de manière forcée dans l'industrie du vêtement dans des conditions extrêmement dures, incluant l'obligation de faire des heures supplémentaires et l'absence de congé hebdomadaire le vendredi. Selon l'étude réalisée par la CISL, employeurs et pouvoirs publics se sont entendus pour ne pas enregistrer de syndicats. Le syndicalisme est réprimé et le droit de constituer des organisations est dénié à de nombreuses catégories de travailleurs. A cela s'ajoute que le Greffe des syndicats est investi de pouvoirs démesurés lui permettant de s'ingérer dans les affaires internes des syndicats et de les dissoudre et autorisant l'introduction dans leurs locaux et la saisie de documents. Les employeurs refusent couramment tout syndicat dans leur entreprise, comme en atteste l'affaire concernant le président de l'Association des employeurs du Bangladesh, dans le cadre de laquelle les travailleurs ayant proposé la constitution d'un syndicat ont fait l'objet d'agressions entraînant la mort de l'un d'eux. Toutes ces pratiques, inacceptables, doivent être condamnées dans les termes les plus vifs.

Le membre travailleur du Japon a insisté, à la suite des membres travailleurs et employeurs, sur la nécessité impérieuse pour le gouvernement de se conformer à ses obligations au regard de la convention. L'interdiction du travail forcé a une valeur universelle quelles que soient les conditions économiques. La ratification de la convention remonte à 1972, et aucune amélioration n'a été enregistrée depuis la précédente discussion par la Commission de la Conférence en 1990. Force est de constater que le gouvernement ne remplit toujours pas ses obligations. La situation des enfants en servitude, telle qu'elle est dénoncée par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, est particulièrement effroyable. Pourtant, le gouvernement persiste dans sa dénégation de l'existence même du travail des enfants en servitude. La commission ne peut qu'exiger du gouvernement qu'il corrige rapidement la situation et qu'il prenne des mesures concrètes à cette fin.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a abordé le problème du travail des enfants dans l'industrie du vêtement, problème qui ne tient pas principalement aux aléas du développement ou à la pauvreté mais plutôt à l'oppression et à l'exploitation. Ces vingt dernières années, le gouvernement a favorisé le développement de l'industrie du vêtement en sachant pertinemment que cet essor se réalisait par une exploitation d'enfants. Cette industrie préfère employer des femmes et des enfants, totalement ignorants de l'existence d'un salaire minimum national. Le fait que le gouvernement admette aujourd'hui que des enfants sont retirés des manufactures lorsque ces affaires éclatent au grand jour prouve naturellement que des enfants continuent d'être utilisés dans ce secteur. Des mesures avaient été prises au Bangladesh pour améliorer la situation lorsque celle-ci avait été dénoncée par le mouvement syndical international et qu'en conséquence des distributeurs occidentaux avaient décidé d'annuler leurs contrats. Les sanctions de ce type semblent avoir plus d'impact que les déclarations politiques. Mais des milliers d'enfants restent astreints à des conditions assimilables à du travail forcé, tandis que des milliers d'adultes cherchent de l'emploi. Le gouvernement ne saurait invoquer des arguments économiques ou même moraux pour ne pas respecter les principes de la convention no 29. L'inertie manifeste du gouvernement, qui ne fait rien pour mettre un terme à cette situation, ne peut qu'être à nouveau condamnée. L'industrie du vêtement du Bangladesh a le devoir de prendre les mesures correctrices qui s'imposent et d'empêcher que cette situation ne perdure.

Le membre travailleur du Pakistan a rappelé que le Bangladesh est une grande nation, entretenant des relations amicales avec son propre pays. Il se rallie donc à l'espoir de voir la situation économique et sociale de ce pays s'améliorer. Le gouvernement a le devoir de rendre la législation et la pratique conformes à une convention énonçant des droits fondamentaux. Comme l'a fait observer la commission d'experts, le travail d'enfants en servitude existe dans de nombreuses régions du pays, tant dans les emplois de maison que dans l'industrie du vêtement. Des femmes et des enfants sont par ailleurs victimes d'un trafic à des fins de prostitution. D'importants efforts doivent être consentis pour éradiquer ces pratiques, non seulement par une application effective de la législation mais aussi en consacrant des moyens plus importants à l'éducation et au développement économique et social, afin de lutter contre la pauvreté. Tout gouvernement a l'obligation morale d'épargner à la population d'un pays des préjudices économiques et sociaux. Pour cette raison, l'intervenant se félicite des projets d'éradication du travail des enfants entrepris en coopération avec l'IPEC et souhaite que l'OIT poursuive son assistance dans ce domaine. Il a également appelé le gouvernement à prendre d'urgence des mesures en rapport avec l'ensemble des points soulevés par la commission d'experts.

Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté attentivement les points soulevés par les membres de la commission et avoir cru répondre à la plupart de leurs questions dans sa première intervention. Il a souligné que le pays n'a un gouvernement démocratiquement élu que depuis deux ans et que, bien que de nombreuses mesures aient été prises, il n'aurait pas été possible de résoudre tous les problèmes en si peu de temps. Assurément, le gouvernement entend prendre les mesures appropriées et apprécie des suggestions tendant à l'adoption des mesures rigoureuses pour l'élimination du travail des enfants. S'agissant de l'enregistrement des syndicats, les commentaires du membre travailleur du Swaziland ne paraissent pas fondés. Si la procédure d'enregistrement pose le moindre problème, les syndicats peuvent s'adresser aux tribunaux, lesquels ont le moyen de faire appliquer leurs décisions. La faculté, pour le Greffier des syndicats, de visiter les locaux de ces organismes a été conçue pour garantir que ceux-ci remplissent leurs obligations, par exemple en ce qui concerne l'emploi des cotisations syndicales. Pour ce qui est de la législation donnant effet à la convention, celle-ci a été adoptée depuis longtemps et nécessiterait sans doute des modifications pour être adaptée à la situation économique et sociale actuelle. Quant aux commentaires concernant l'application de la législation du travail dans les zones franches d'exportation, il convient de noter que ces zones ont été constituées à titre temporaire, pour améliorer la situation de l'emploi, comme dans bien d'autres pays. Les travailleurs de ces zones peuvent constituer les organisations de leur choix et négocier collectivement, même s'ils ne peuvent obtenir l'enregistrement de telles organisations. Dans la pratique les travailleurs de ces zones jouissent de conditions meilleures que les autres et peu nombreuses sont les plaintes concernant des questions comme la discrimination ou le non-paiement du salaire. Les zones franches d'exportation ont pour but d'inciter les investisseurs à créer des entreprises, processus qui finit par avoir des retombées favorables sur la situation économique et sociale du pays. Pour conclure, l'intervenant a donné à la commission l'assurance que toutes les questions soulevées seront soumises au gouvernement afin qu'il en soit tenu compte dans la nouvelle législation en cours d'élaboration.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a fait suite. Elle a pris note des informations concernant les réformes législatives mais a déploré le peu de progrès constatés, en droit comme en pratique, quant au respect des dispositions de cette convention dans les domaines évoqués par la commission d'experts depuis de nombreuses années, à savoir les restrictions légales concernant la faculté, pour les fonctionnaires employés dans des services essentiels, de quitter leur emploi; la situation d'asservissement des enfants employés comme domestiques et la traite de femmes et d'enfants, essentiellement à des fins de prostitution. Elle exprime l'espoir que le gouvernement fera rapport de manière détaillée sur les allégations concernant la situation dans l'industrie du vêtement. La commission reste profondément préoccupée par l'ampleur et la gravité des problèmes. Elle prend note des explications du gouvernement concernant les diverses mesures entreprises ou sur le point de l'être et exprime l'espoir que d'autres précisions seront communiquées dans le prochain rapport à la commission d'experts. Elle note que le représentant gouvernemental a mis en relief les problèmes que pose l'élimination de ces fléaux et souligné son attachement à l'éradication de l'exploitation des femmes et des enfants au travail par sa coopération avec des programmes comme l'IPEC. A cet égard, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour que la législation et la pratique soient rendues conformes à la convention et de faire rapport de manière détaillée à la commission d'experts afin que celle-ci soit en mesure de constater tout progrès concret, en droit comme en pratique, dans le sens de l'application de cette convention.

Inde (ratification: 1954). Un représentant du gouvernement s'est référé à l'identification des travailleurs en servitude. La commission d'experts a demandé si une étude approfondie a été effectuée; en l'absence d'une telle étude, les estimations du nombre de ces travailleurs demeurent différentes. Notant que l'identification des travailleurs en servitude est un point controversé depuis plusieurs années, le représentant du gouvernement confirme que l'étude proposée par l'organisme national de sondage n'est pas programmée avant 1998-99. Le chômage, la pauvreté, l'analphabétisme et le déséquilibre entre l'offre et la demande de travail font envisager cette question sous un jour différent. Une enquête révélant le nombre de ces travailleurs à un moment donné peut révéler une autre situation au moment suivant, donnant lieu à des évaluations divergentes et l'impression que les chiffres ne sont pas justes. Par exemple, au cours de la période comprise entre deux études, de nouveaux cas peuvent faire surface parce que de nouveaux travailleurs sont tombés en servitude. Aussi, quelle que soit l'étude, même si elle est approfondie, elle peut donner l'impression d'être limitée dans un tel contexte socio-économique. Ce qui compte c'est une étude permanente du problème et des mesures efficaces pour l'aborder. En Inde, les responsables de haut niveau sont bien alertés du problème du travail en servitude. 251.000 travailleurs en servitude ont récemment été identifiés, dont environ 231.000 ont été réinsérés. Les autres travailleurs n'étaient pas disponibles pour la réinsertion parce qu'ils étaient morts ou avaient émigré. D'autres mesures importantes prises ces dernières années afin d'identifier et d'éliminer la pratique du travail en servitude sont les suivantes: en août 1996, le ministre du Travail de l'Union a écrit aux Premiers ministres de 12 Etats particulièrement exposés au travail en servitude en leur donnant des directives détaillées sur l'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude; en octobre 1996, le ministre du Travail de l'Union a tenu une réunion de haut niveau avec les représentants des gouvernements des Etats, et, en mai 1997, le Comité des secrétaires au travail a présidé une réunion pour examiner le problème. Les travaux de ces réunions, depuis lors publiés, contiennent des directives détaillées pour les enquêtes d'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude. La Cour suprême, dans une décision du 19 novembre 1996, a ordonné aux gouvernements de tous les Etats de se conformer, avant le 31 décembre 1996, aux directives du gouvernement central en ce qui concerne l'enquête sur les travailleurs en servitude. Sur cette base, les Etats ont rendu compte de 29.000 cas supplémentaires de travailleurs en servitude. Dans son dernier jugement du 10 novembre 1997, la Cour suprême a demandé à la Commission nationale des droits de l'homme (NHRC) d'assumer la responsabilité de la surveillance et de la mise en œuvre de sa directive sur les travailleurs en servitude. Ces événements montrent que le gouvernement central, les gouvernements des Etats et la Cour suprême sont tous activement impliqués et conscients du problème du travail en servitude et que des mesures sérieuses sont prises pour identifier et réinsérer les travailleurs en servitude. Les statistiques fournies sur le nombre de travailleurs en servitude correspondent à celles données par les Etats dans leur déclaration devant la Cour suprême et acceptée par cette dernière. Le gouvernement n'a aucune raison de douter de la véracité de ces statistiques.

La présente commission a été informée en 1993 de la constitution d'un Comité des secrétaires au travail chargé de recommander une définition fonctionnelle du travail en servitude ainsi que les modalités et procédures de réinsertion de ces travailleurs. Le rapport de ce comité connu comme le «Chakrevarty Committee» a été examiné en détail par le ministre du Travail et il a semblé que ce rapport tenait plus du traité académique que du rapport basé sur une action menée sur le terrain. Il n'a donc apporté aucun élément nouveau à la définition établie dans les décisions judiciaires. Le comité ne semble pas non plus avoir apporté de solution procédurale ou méthodologique pour la conduite d'études destinées à identifier les travailleurs en servitude. De plus, sur la base de l'analyse de ses commentaires et plus particulièrement en ayant à l'esprit les directives du président de la Cour suprême dans son jugement du 16 décembre 1983 «Bandhua Nukhi Narcha contre l'Etat de l'Inde», les directives détaillées mentionnées ci-dessus ont été adressées à tous les ministres des Etats en août 1996 et à nouveau en janvier 1997 en ce qui concerne la définition du travail en servitude et la méthodologie à adopter pour l'identification, la libération et la réinsertion des travailleurs en servitude. En ce qui concerne la plainte du Syndicat des travailleurs en sous-traitance (Palamoori) du district de Mahabugnagar, il y est allégué que 600 travailleurs palamooris auraient été engagés par un contractant pour travailler dans des conditions proches de la servitude. La question a été examinée par l'Etat de Madhya Pradesh qui a établi qu'ils n'étaient pas des travailleurs en servitude mais des travailleurs sous contrat qui étaient venus travailler de leur plein gré.

S'agissant des organismes responsables, le gouvernement a longtemps envisagé de mettre en place une commission sur le travail en servitude. Toutefois, lors de la réunion des ministres du Travail des Etats du 18 mai 1995, il a été décidé par consensus que, puisque la Commission nationale des droits de l'homme avait été créée, une telle commission n'était pas nécessaire. La Commission nationale des droits de l'homme est pleinement compétente pour traiter les plaintes sur le travail en servitude. Elle peut mener des enquêtes, convoquer les parties concernées par toute question relevant du travail en servitude et émettre des directives. La Cour suprême a également chargé cette commission de superviser toute la procédure d'identification de libération et de réinsertion des travailleurs en servitude. La Commission nationale des droits de l'homme a reçu des rapports détaillés du ministère du Travail sur le travail en servitude et en a entendu les responsables à deux reprises. Un expert a également été désigné pour s'enquérir et enquêter sur les allégations de travail en servitude dans quatre Etats. Concernant les comités de vigilance, 22 Etats ont confirmé devant la Cour suprême que de tels comités avaient été mis en place dans chaque district et subdivision. Comme il a été noté par la commission d'experts en 1991, selon le rapport de la Commission nationale sur le travail rural (NCRL), les ministres du Travail ont pris des directives pour la création et la reconstitution des comités de vigilance où cela était nécessaire, dans la mesure où ils sont créés pour trois ans. Leur travail est supervisé au niveau des organes de l'Etat sous la présidence du ministre. Le Conseil central des travailleurs de l'éducation (CBWE) et l'Institut national du travail ont été mis en place pour sensibiliser les travailleurs à la question du travail en servitude. Des camps de formation sur le travail rural ont été créés à cette fin. Entre 1996 et 1997, le Conseil central des travailleurs de l'éducation a organisé 1.802 camps de sensibilisation auxquels ont participé environ 70.000 travailleurs ruraux. Les organisations syndicales n'ont pas joué dans ce domaine leur rôle de leaders. Elles opèrent principalement dans le secteur moderne alors que le travail en servitude existe principalement dans le secteur informel de l'agriculture, des plantations, des briqueteries, des carrières de pierres, etc. Le gouvernement apprécierait cependant leur implication. En fait, un projet impliquant les organisations syndicales pour mobiliser et organiser les travailleurs du secteur informel à travers l'éducation de ces derniers est en préparation avec l'OIT. En ce qui concerne la participation des organismes volontaires, le gouvernement s'en est félicité et a édicté des directives visant à assurer leur association à travers des mécanismes tels que les comités de vigilance. Dans ce système, il est également prévu d'accorder une aide financière aux organismes volontaires qui se chargent d'identifier les travailleurs en servitude. Selon les informations disponibles, le gouvernement du Tamil Nadu a mené, en collaboration avec une ONG, une enquête au cours de laquelle 25.000 travailleurs en servitude ont été identifiés. Le Kerala a confié la réalisation d'une étude sur la réinsertion des travailleurs qui étaient asservis dans certains districts à l'Institut du changement économique et social et à l'Institut Gandhi du travail. S'agissant du commentaire de la commission d'experts sur le décalage entre le moment de la libération et celui de la réinsertion et de sa demande d'informations sur le suivi et les rechutes dans la servitude, le représentant gouvernemental a reconnu la lenteur du processus et a indiqué qu'elle était due à de nombreux facteurs. Par exemple, on réclame aux travailleurs un certificat attestant leur libération, ou bien, comme ils sont sans terres et sans ressources, on préfère travailler à leur réinsertion par une approche de groupe, ce qui nécessite de les amener au même niveau et de leur fournir les éléments nécessaires à leur réinsertion (des terres, un accès au crédit, des semences, etc.). Toutes ces mesures qui nécessitent une coordination prennent du temps. Néanmoins, des résultats ont été obtenus et, parmi les 250.000 travailleurs en servitude identifiés au cours de l'enquête précédente, 231.000 ont été réinsérés. Le gouvernent central a demandé aux gouvernements des Etats d'intervenir rapidement sur les 29.000 nouveaux cas de travail en servitude. L'Etat du Tamil Nadu s'est ainsi engagé à assurer la réinsertion de 10.000 travailleurs au cours de 1997 et de 1998. Le gouvernement central a dépensé 30 millions de roupies pour réinsérer 6.000 travailleurs dans les 12 Etats. Il a publié des directives détaillées destinées aux Etats pour intégrer le mécanisme centralisé de patronage aux programmes de lutte contre la pauvreté en cours et pour centraliser les ressources disponibles pour une réinsertion effective des travailleurs. Aucune évaluation au niveau national sur l'intégration et ses résultats n'a été encore réalisée.

Quant aux mécanismes assurant le respect des dispositions légales, l'article 16 de la loi de 1976 sur le système de travail en servitude (abolition) prescrit les sanctions applicables en cas de non-respect de ses dispositions. Elle prévoit des peines d'emprisonnement allant jusqu'à trois ans et des amendes pouvant s'élever à 2.000 roupies. Pour accélérer les procédures judiciaires, des magistrats de l'exécutif se sont vu conférer les pouvoirs de magistrats judiciaires pour entendre les allégations de manquement. La tenue de procès sommaires a été ordonnée. Les informations relatives aux sanctions infligées pour des violations récentes de la loi ont été communiquées par les Etats.

S'agissant des enfants en servitude, la loi ne fait aucune distinction entre les travailleurs asservis, qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants. D'après les informations fournies par les Etats, le problème des enfants en servitude apparaît marginal: parmi les 251.000 travailleurs en servitude, 3.300 sont des enfants. Des informations sur le nombre d'enfants impliqués dans les 29.000 cas de travail en servitude récemment identifiés sont actuellement collectées par les gouvernements des Etats et seront communiquées à la commission d'experts dès qu'elles seront disponibles. Suite à la décision de la Cour suprême du 10 décembre 1996, dans l'affaire opposant M.C. Mehta à l'Etat du Tamil Nadu, un certain nombre de mesures ont été prises. Les gouvernements des Etats ont rapidement, le 26 décembre 1996, envoyé des directives détaillées précisant de quelle manière on pouvait donner effet aux instructions de la Cour suprême. Le 31 décembre 1996, il a été convenu de tenir une réunion pour discuter desdites instructions et, le 22 janvier 1997, d'organiser une conférence des secrétaires du travail des Etats en vue de finaliser des programmes d'action concrets pour mettre en œuvre ces instructions. Suite à cette conférence, les gouvernements des Etats ont envoyé des directives détaillées pour réaliser les études prescrites par la Cour suprême. Enfin, les secrétaires du travail des Etats ont tenu une nouvelle réunion, les 7 et 8 juillet 1997, pour passer en revue les mesures prises par les gouvernements des Etats. Il en ressort que la plupart des Etats ont réalisé l'étude en question et que les fonds sociaux de réinsertion dont la Cour suprême avait recommandé la création sont en cours de constitution. Dans de nombreux cas, des avertissements ont été adressés aux personnes employant des enfants dans des secteurs d'activité dangereux interdisant l'emploi des enfants pendant plus de six heures par jour et obligeant ces employeurs à financer au moins deux heures d'école quotidiennes. Selon les informations fournies par les Etats, un affidavit a été déposé auprès de la Cour suprême, le 5 décembre 1997, certifiant que la première phase d'étude avait été réalisée dans tous les Etats, sauf dans celui de Nagpur, que 500.000 travailleurs âgés de moins de quatorze ans avaient été identifiés, dont 100.000 effectuant des activités dangereuses, et que les Etats dans lesquels des enfants travaillant dans des secteurs d'activité dangereux avaient été identifiés avaient déjà pris des mesures pour constituer un fonds social de réinsertion au niveau des districts. De plus, dans certains districts, ces fonds ont déjà été installés. Dans certains Etats, des unités ont été mises en place pour assurer l'application et le contrôle des diverses dispositions de la loi de 1976 sur le travail en servitude (abolition). Le gouvernement central a entamé le processus d'amendement de la loi de 1986 sur le travail des enfants (interdiction et réglementation) afin de la rendre plus efficace, en tenant compte des suggestions faites par les gouvernements des Etats.

Quant à l'exploitation sexuelle, le représentant gouvernemental a déclaré qu'il avait été demandé aux gouvernements des Etats d'instituer des comités consultatifs afin d'éliminer la prostitution des enfants et d'élaborer des programmes sociaux destinés à ces enfants. On ne dispose pas de plus amples renseignements sur ce sujet mais, dès que de nouvelles informations seront transmises par les Etats, elles seront communiquées à la commission d'experts.

Les membres employeurs ont noté que ce cas avait été examiné à plusieurs reprises au cours des dix dernières années et plus récemment en 1995. D'ailleurs, en 1994, cette commission avait fait mention d'un paragraphe spécial sur ce cas dans son rapport. Ils estiment essentiel que de plus amples informations soient fournies concernant l'étendue du travail en servitude et des autres formes de travail forcé, les organes compétents ainsi que les mesures concernant les personnes libérées du travail en servitude. De plus, ils soulignent que la situation du travail en servitude des enfants constitue également un très grave problème. En ce qui a trait à l'ampleur de ce problème, les membres employeurs notent que plusieurs chiffres ont été avancés mais qu'à ce jour aucun recensement sérieux n'existe. En effet, le gouvernement a annoncé que 256.000 travailleurs en servitude auraient été libérés; d'autres estimations ont fait référence à environ cinq à dix millions de travailleurs en servitude. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a souligné le manque de mesures efficaces pour éradiquer ce problème. Le gouvernement central a fait référence à la responsabilité des gouvernements des différents Etats afin d'identifier l'ampleur du problème du travail en servitude et de libérer ces travailleurs, et a fait également référence à des réunions tenues entre le gouvernement central et ceux des différents Etats. Toutefois, aucune décision finale n'a été prise lors de ces réunions. De plus, les gouvernements des Etats ont nié l'existence même du travail en servitude et le gouvernement central ne fait qu'attendre le résultat d'une décision de la Cour suprême avant de prendre une décision finale sur l'opportunité d'établir un recensement national sur l'existence et le nombre de travailleurs en servitude. Le gouvernement n'a également pas répondu aux observations des organisations non gouvernementales sur ce sujet. Les membres employeurs estiment donc que la situation actuelle est non seulement insatisfaisante, mais inacceptable. En ce qui a trait à la question de savoir qui était responsable du problème du travail en servitude, ils remarquent que ce point n'est toujours pas élucidé. Bien qu'une loi datant de 1976 abolissant le travail en servitude ait été adoptée et que plusieurs comités de surveillance, qui ne fonctionnent pas tous, furent créés, il n'apparaît toujours pas clair de savoir sur qui repose la compétence juridique de traiter ce problème entre le gouvernement fédéral en ce qui concerne l'élaboration de la législation générale et les gouvernements des différents Etats. A cet effet, les membres employeurs insistent sur la nécessité d'avoir une répartition claire des compétences juridiques afin de pouvoir établir un réseau d'agences efficaces chargées de coordonner l'abolition du travail en servitude. A cet égard, les syndicats devraient être impliqués puisque le travail en servitude existe également dans des secteurs d'activité couverts par lesdits syndicats. Toutefois, ils soulignent que toutes ces activités doivent être coordonnées et aller dans la même direction. En ce qui a trait à la réinsertion, compte tenu du peu d'informations disponibles, il est fait également état de mesures disparates et non homogènes concernant les programmes de réinsertion œuvrant pour la réintégration des travailleurs en servitude. En effet, certains Etats ont fait mention de paiements de certaines sommes d'argent, tandis que d'autres Etats auraient fait don de maisons et de terrains. Toutefois, il s'agit de solutions parcellaires et aucune de ces mesures ne représente un programme de réhabilitation national applicable pour l'Inde entière. De plus, aucune information n'est disponible concernant les poursuites judiciaires et leurs résultats.

En ce qui concerne les enfants en servitude ou soumis à d'autres formes de travail forcé, les membres employeurs ont constaté que le gouvernement n'a pas répondu aux observations formulées, en 1997, par la Confédération mondiale du travail au sujet du travail des enfants en servitude. Bien qu'il soit difficile de déterminer si certaines situations relèvent du travail en servitude ou d'autres formes de travail forcé d'enfants, en particulier les formes de travail les plus dangereuses s'effectuant sous la contrainte, il ne fait aucun doute que le travail forcé d'enfants existe bien sur une vaste échelle dans le pays. Il convient de se féliciter de la décision de la Cour suprême en 1996 qui a ordonné l'adoption d'un certain nombre de mesures: retrait des enfants du travail dans les industries dangereuses, réalisation d'une enquête pour identifier les enfants travaillant dans des secteurs d'activité dangereux et versement d'une somme par les employeurs contrevenants à un fonds constitué pour l'éducation des enfants, fourniture d'emploi à un membre adulte de la famille de l'enfant ayant été retiré du travail et versement d'une aide financière aux familles d'enfants retirés du travail. En ce qui concerne l'exploitation sexuelle et la prostitution d'enfants, il convient de noter l'élaboration de programmes sociaux destinés à prodiguer des soins aux enfants, à les protéger et à permettre leur développement et leur réinsertion. Des informations complémentaires sont néanmoins nécessaires sur l'étendue et la mise en œuvre de ces programmes. A cet égard, l'Institut Tata des sciences sociales a mené une étude sur le sujet qui doit être notée par l'OIT. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a déploré l'ampleur de la prostitution d'enfants. Compte tenu du fait que ces informations sont disponibles, il est regrettable que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations détaillées sur cette question particulière. Le représentant gouvernemental a en effet déclaré qu'aucune information sur l'exploitation sexuelle des enfants n'était disponible. Il convient d'appeler le gouvernement à fournir des informations détaillées sur l'ampleur particulière de ce phénomène, sans lesquelles aucune solution appropriée ne pourra être trouvée. Tout en reconnaissant les arguments du gouvernement ainsi que les difficultés résultant de la structure fédérale du pays, il convient néanmoins de souligner que c'est au gouvernement qu'il appartient d'assurer l'application de la législation en vigueur et de mettre en œuvre une politique cohérente et intégrale dans ce domaine.

Les membres travailleurs ont indiqué que malgré les déclarations du représentant gouvernemental, aujourd'hui et précédemment, la situation demeure la même avec fort peu de preuves d'un quelconque progrès, après quatorze ans de discussion au sein de la présente commission. Ils soulignent que, pour des millions de citoyens indiens, la réalité quotidienne est de vivre dans un quasi-esclavage avec guère d'espoir d'une quelconque amélioration. La commission d'experts cite les chiffres de 5 millions d'adultes et 10 millions d'enfants travaillant en servitude. D'autres groupes dignes de foi avancent des chiffres encore plus élevés tandis que le gouvernement n'en reconnaît qu'une fraction. Il semble aux membres travailleurs que le gouvernement demeure peu désireux, voire incapable, de reconnaître l'ampleur du problème, encore moins de mettre en œuvre les mesures efficaces pour y remédier. Après toutes ces années, la commission d'experts, les membres employeurs et les membres travailleurs demeurent très sceptiques quant à l'existence effective d'un programme complet destiné à éliminer le travail en servitude, en application de la convention.

Au paragraphe 3, la commission d'experts prend à son compte une importante observation faite en août dernier par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies au sujet du rapport officiel de l'Inde sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Commission des droits de l'homme constate que «les mesures d'éradication qui ont été prises ne semblent pas se traduire par de réels progrès sur le plan de la libération et de la réinsertion des travailleurs en servitude». Au paragraphe 7, la commission d'experts prie instamment de nouveau le gouvernement «de prendre des mesures efficaces et énergiques pour identifier et libérer les travailleurs en servitude dans le pays et pour rassembler des données statistiques qui permettraient d'avoir une idée précise du problème et, ainsi, contrôler l'efficacité des mesures prises pour y faire face». A cet égard, la commission d'experts constate qu'en mars 1995, la Cour suprême a ordonné la réalisation d'une enquête indépendante dans 13 Etats afin de vérifier les déclarations de ces Etats selon lesquelles le travail en servitude n'y existe plus et de déterminer si la pratique de ce travail y a effectivement été éliminée. Aujourd'hui, plus de trois ans après, le gouvernement déclare attendre les résultats de cette enquête pour décider de la nécessité d'une étude à l'échelon national. Les membres travailleurs se préoccupent vivement du manque d'action pour seulement reconnaître le problème. Ils prient à nouveau instamment le gouvernement de mener au plan national une enquête globale sur l'ampleur du problème. La tâche n'est pas facile: voilà peut-être un domaine où l'OIT et d'autres organisations internationales pourraient apporter leur concours.

La commission d'experts aborde, aux paragraphes 8 à 11 de son rapport, la question de savoir quels sont les organes gouvernementaux chargés de s'occuper du travail en servitude, déplorant, comme par le passé, que «l'on ne dispose plus désormais d'un tableau d'ensemble de la situation publié régulièrement par un organisme public». La question de la responsabilité fédérale par rapport à celle des Etats est reprise ici et ailleurs. Il s'agit d'un domaine particulièrement préoccupant d'autant que, comme le note la commission d'experts, les gouvernements des Etats affirment tous qu'il n'y a plus de travailleurs en servitude à identifier, libérer et réinsérer dans leurs Etats. Etant donné l'opinion des Etats, le gouvernement national a besoin d'une aide au plan local pour remédier sérieusement au travail en servitude. La commission d'experts n'a cessé de demander des informations sur le fonctionnement des comités de vigilance dont la loi de 1976 prévoyait la mise en place. Du peu d'informations récemment reçues, il faut conclure que très peu de ces comités sont actifs. Il est également particulièrement préoccupant de constater, selon l'information du gouvernement de l'Inde à la commission d'experts, que les crédits destinés aux organismes volontaires chargés de combattre le travail en servitude ont été transférés aux Etats. Au paragraphe 12, la commission d'experts demande des informations sur le fonctionnement de ce mécanisme. En fait, très peu de crédits sont fournis aux ONG locales qui ont la compétence et la volonté d'aider le gouvernement à s'attaquer au problème.

Enfin, au paragraphe 11, la commission d'experts estime qu'il faut de nouveau soulever la question de la participation des syndicats à l'élimination du travail en servitude. Comme le note la commission d'experts, ce travail existe à l'évidence dans nombre de secteurs où les travailleurs ont le droit de se syndiquer, tels que carrières de pierres, briqueteries, constructions et travaux publics, foresterie, fabrication de bidis (cigares traditionnels) et tissage des tapis. Au lieu de s'opposer à la participation des syndicats à l'effort visant à éliminer le travail en servitude dans ces branches d'activité, le gouvernement est prié de les considérer comme de précieux et efficaces partenaires et à les associer à l'effort entrepris. Le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement suivrait cette voie et les membres travailleurs espèrent qu'il le fera.

Le gouvernement de l'Inde maintient sa position qu'il n'est pas nécessaire de créer une commission nationale sur le travail en servitude qui serait chargée d'appliquer la loi de 1976, prétextant que ce rôle incombe à la Commission nationale des droits de l'homme établie en 1993. Au paragraphe 9 de son rapport, la commission d'experts fait état du peu d'informations reçues sur la Commission nationale des droits de l'homme malgré les demandes réitérées concernant notamment les pouvoirs réels dont cette commission est investie et les mesures prises pour appliquer la loi. Il serait extrêmement utile que le représentant gouvernemental informe bien plus qu'il ne l'a fait jusqu'ici la commission sur les mesures effectivement prises par la Commission nationale des droits de l'homme.

Quant à la question du respect de la législation reprise au paragraphe 17 du rapport, la commission d'experts signale que «le gouvernement indique qu'il n'a pas été engagé de nouvelles procédures parce qu'il n'a pas été découvert de nouveaux cas de travail en servitude». Le représentant gouvernemental le confirme. L'absence de nouvelles poursuites a été jadis invoquée par le gouvernement pour confirmer son déni de l'existence du travail en servitude. Pour les membres travailleurs, le peu de poursuites engagées fait sérieusement douter de l'attachement du gouvernement à éradiquer le travail en servitude et le travail des enfants. En outre, un certain nombre de mesures reconnues par le gouvernement, comme la création d'un fonds social destiné à l'éducation des enfants qui travaillent dans des domaines d'activité dangereux, dépendent des contributions versées par les employeurs contrevenants. Le fait qu'il y ait peu ou pas de poursuites suggère que ces contributions devraient augmenter sensiblement avant que de tels programmes puissent porter leurs fruits.

La commission d'experts reprend la question des enfants en servitude et autres formes de travail obligatoire aux paragraphes 18 à 28, concluant au paragraphe 20 qu'«il ne semble pas faire de doute que l'assujettissement d'enfants au travail forcé se pratique sur une vaste échelle dans le pays». De nouveau, le gouvernement semble contester cette conclusion. Voilà trois ans, quand cette commission a examiné ce cas, une forte préoccupation a été exprimée au sujet de la sécurité de Kailash Sathyarti, responsable de la South Asia Coalition of Child Servitude. Juste avant la Conférence en 1995, Kailash a été incarcéré et menacé de mort pour avoir dénoncé le travail d'enfants dans l'industrie des tapis. Aujourd'hui, trois ans plus tard, il a conduit la Marche mondiale qui a culminé la semaine dernière, par l'ouvertute de la Conférence internationale du Travail, au cours de laquelle il est intervenu. Les membres travailleurs espèrent que ce genre de sensibilisation de l'attention internationale protège davantage les organisations et les personnes comme Kailash qui ont œuvré très concrètement, souvent au péril de leur vie, en vue d'éradiquer le travail des enfants et le travail en servitude.

Aux paragraphes 25 à 27, les experts abordent le problème terrifiant de la prostitution d'enfants et de la traite des femmes et des jeunes filles contraintes à la prostitution. Le représentant gouvernemental déclare qu'il n'a pas d'informations à ce sujet. La commission partage de nouveau les vives préoccupations exprimées par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies quant à l'absence de mesures efficaces destinées à prévenir de telles pratiques et à protéger et réinsérer les victimes. En outre, la commission fait siennes les conclusions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies que contraindre à la prostitution est incompatible avec la convention no 29 et qu'il faut, conformément à cette convention, changer les dispositions de la loi sur la prévention des trafics immoraux, selon laquelle les femmes ayant été contraintes à la prostitution tombent sous le coup de la loi et qui fait peser sur la femme la charge de la preuve de son innocence.

Les membres travailleurs comprennent véritablement la complexité de ce problème, en particulier en Inde, pays si grand, si densément peuplé et si pauvre. Ils comprennent qu'il est difficile d'éliminer le travail en servitude en pareilles circonstances et que cela ne saurait se faire du jour au lendemain. Mais ce qu'ils cherchent, depuis plus de quatorze ans, c'est d'abord de faire reconnaître par le gouvernement de l'Inde qu'il existe dans ce pays le problème majeur du travail en servitude qui touche non seulement les adultes, mais aussi des millions d'enfants. Ils souhaitent ensuite que le gouvernement mette en vigueur, à l'échelon national et local et à celui des Etats, un train de mesures qui comprennent la participation effective des syndicats, des ONG et des employeurs, qui correspondent à l'énormité du problème et qui donnent des résultats réels et patents. Ni la commission, au cours de ses sept précédents débats depuis 1986, ni la commission d'experts ne doivent être convaincues que des progrès réels ont été accomplis et malheureusement, selon les membres travailleurs, peu d'informations à ce jour indiquent la réalisation de quelque progrès.

Le membre employeur de l'Inde a insisté sur le fait qu'il était important que la présente commission comprenne la situation socio-économique, la culture et les mentalités indiennes pour mieux apprécier la situation au regard de la convention (no 29) sur le travail forcé. Il est nécessaire de replacer dans le contexte indien les commentaires de la commission d'experts sur l'absence de mesures gouvernementales effectives pour éliminer le travail en servitude. En effet, l'Inde est un vaste pays ayant une structure fédérale et tout ce qui concerne le travail fait l'objet d'un partage de compétences entre les gouvernements des Etats et le gouvernement central. Ainsi, le gouvernement central doit obtenir les informations sur la libération et la réinsertion des travailleurs qui étaient en servitude auprès des gouvernements des Etats qui sont les autorités compétentes en matière d'application.

Le travail en servitude ne sévit pas dans le secteur structuré mais, la plupart du temps, dans les zones rurales et pour des travaux précaires. Il est par conséquent difficile d'identifier le travail en servitude qui a, le plus souvent, un caractère migratoire. C'est ce qui explique pourquoi le gouvernement ne dispose pas de système fiable d'identification des travailleurs en servitude. Néanmoins, le gouvernement a largement sensibilisé l'opinion au problème du travail en servitude et a largement diffusé des informations sur les sanctions encourues. Ces mesures ont eu un impact très positif. Il convient de souligner que les organisations d'employeurs d'Inde s'élèvent contre le travail forcé, mais qu'elles n'ont pas d'influence directe sur les employeurs utilisant de la main-d'œuvre en servitude, dans la mesure où ces employeurs ne font pas partie de leurs membres. Ce n'est pas au gouvernement qu'il incombe d'impliquer les syndicats dans le processus d'élimination du travail forcé. Les syndicats devraient entreprendre des actions pour organiser les travailleurs dans le secteur non structuré et utiliser les mécanismes mis en place par le gouvernement pour éliminer le travail forcé. Il appartient aux dirigeants syndicaux de s'organiser pour défendre leurs intérêts, car ni les organisations d'employeurs ni le gouvernement ne sont en mesure de le faire. Il est regrettable de constater que peu d'ONG s'occupent du travail en servitude.

La réinsertion ne peut que pâtir de l'absence d'identification des travailleurs en servitude. Toutefois, il ressort du rapport du gouvernement que, lorsque des travailleurs ont été libérés, une somme de 10.000 roupies par personne est consacrée à leur réinsertion. Le gouvernement devrait aussi permettre aux travailleurs libérés de suivre une formation en vue de faciliter leur retour à l'emploi.

Le travail des enfants et le problème des enfants en servitude sont des questions qui sont traitées par une commission de la Conférence distincte. Néanmoins, il convient de rappeler que les organisations d'employeurs d'Inde sont fermement opposées au travail des enfants et, en particulier, au travail des enfants en servitude. Il faut toutefois dire que ce n'est pas parce que des parents, sous la pression de nécessités économiques, font travailler leurs enfants que ces derniers apparaissent dans la servitude des enfants. De tels cas devraient être examinés séparément. Il en est de même pour les questions liées à la prostitution des enfants et au trafic de femmes et de jeunes filles. En effet, même s'il s'agit de pratiques graves et qu'il incombe au gouvernement et aux organisations non gouvernementales d'y mettre fin, ces problèmes et leurs solutions sont différents de ceux qui touchent le travail forcé. Les organisations internationales devraient soutenir plus vigoureusement les efforts déployés pour éliminer le travail en servitude, en Inde. Il convient cependant d'être optimiste car, avec l'engagement et la coopération de toutes les parties concernées, il n'est pas loin ce jour où ces problèmes trouveront leur solution.

Le membre travailleur de l'Inde, s'exprimant au nom de son organisation, la Bharatiya Mazdoor Sangh, qui représente plus de quatre millions de travailleurs, a signalé que les causes réelles du problème du travail forcé sont la pauvreté et l'analphabétisme, et que le fait que plus de 40 pour cent des 950 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté est un facteur significatif. Il est d'accord que le gouvernement doit jouer un rôle bien que, selon l'orateur, il soit déjà en train de le faire actuellement. La Cour suprême ainsi que la Commission nationale des droits de l'homme se sont occupées aussi de la question. Le gouvernement central ainsi que les gouvernements des Etats fédérés et les pouvoirs judiciaires essayent sincèrement de supprimer ce problème. Cependant, il faut reconnaître qu'il ne s'agit pas d'un problème qui peut être éliminé en dix ou quinze ans. Il faut de la patience puisque l'Inde est devenue indépendante il y a seulement cinquante années.

Le membre travailleur du Brésil a déclaré partager la préoccupation de la commission d'experts face à la persistance du très grave problème de la servitude pour dettes en Inde, dont l'ampleur est énorme. La première démarche en vue de résoudre le problème est d'identifier la main-d'œuvre utilisée en servitude et pouvoir compter sur toutes les données à ce sujet, ainsi que les raisons qui empêchent de résoudre ce problème. La présente commission doit donc inviter instamment le gouvernement à effectuer des études dans ce domaine et à mener à bien des politiques efficaces de libération et d'intégration des travailleurs concernés, notamment des mesures qui renforcent les sanctions prévues par la législation. Le gouvernement doit également accepter la collaboration de la société et des syndicats et profiter de l'assistance que peuvent offrir les équipes multidisciplinaires de l'OIT, pour que le gouvernement compte sur toutes les données, adopte les politiques publiques nécessaires et hâte ainsi la résolution de ce problème. La commission doit prier instamment le gouvernement d'adopter les mesures mentionnées.

Le membre travailleur du Zimbabwe a indiqué que, même s'il n'y a pas d'accord sur le nombre des enfants et des adultes en servitude ou soumis à d'autres formes de travail obligatoire en Inde, il est évident, d'après les informations dont on dispose, que le travail en servitude des enfants et des adultes est une réalité et pourrait même être en augmentation si l'on en juge d'après les données contradictoires existant sur l'ampleur du phénomène. La question n'est pas de savoir s'il existe ou non, mais c'est une question de principe que d'éliminer le travail en servitude sous toutes ses formes, en particulier celui qui met en cause des enfants. Et même si cela ne concernait qu'un seul enfant, le travail en servitude devrait être condamné dans son principe. En outre, il est impensable que telles pratiques médiévales aient encore cours dans un pays qui se livre à des essais nucléaires. En conséquence, il importe que le gouvernement de l'Inde prenne des mesures pour renforcer la législation en vue d'assurer sa pleine conformité avec les dispositions de la convention no 29.

Le membre travailleur de l'Allemagne a souligné la gravité du problème que représente le travail en servitude des enfants ainsi que les autres formes de travail forcé. Il estime que l'information fournie par le gouvernement est insuffisante au vu de l'ampleur du problème, surtout que ce problème n'inclut pas la question du travail des enfants, ce dernier ayant bénéficié de l'assistance du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT. Bien que ce problème soit discuté depuis quatorze ans, le gouvernement n'a toujours pas fourni d'informations satisfaisantes à la commission d'experts. Afin d'illustrer ce manque d'informations, l'orateur donne trois exemples contenus dans le rapport de la commission d'experts. En effet, la commission d'experts demande toujours au gouvernement des informations sur d'éventuels programmes concernant «l'identification, la remise en liberté et la réhabilitation des enfants contraints de travailler en servitude». Concernant la demande du gouvernement de créer des comités œuvrant pour l'éradication du travail des enfants dans tous les Etats, la commission d'experts n'a toujours pas été informée de l'existence effective de ces comités ni du travail qu'ils auraient pu accomplir à ce jour. De plus, dans l'Etat de l'Uttar Pradesh, le gouvernement local a organisé un recensement sur le problème de la prostitution infantile sans pour autant en communiquer les résultats à la commission d'experts. L'orateur réitère une fois de plus l'importance de la convention no 29, particulièrement en ce qui concerne le travail des enfants en servitude et la prostitution infantile. Ainsi, il estime essentiel que le gouvernement fournisse instamment l'information la plus détaillée sur ce sujet afin de permettre un examen approfondi de cette question. Il reconnaît les difficultés socio-économiques de nombreuses familles qui se voient forcées de contracter un emprunt qui souvent ne pourra être remboursé que grâce au travail des enfants. Toutefois, même si le gouvernement ne reconnaît pas l'existence d'enfants en servitude, il doit préciser si la décision prise par la Cour suprême, en 1996, et citée par la commission d'experts dans son rapport s'applique à l'ensemble du territoire indien ou seulement à l'Etat du Tamil Nadu. Il doit également indiquer le nombre d'enfants envoyés à l'école après leur retrait du travail en servitude. En outre, le gouvernement devrait fournir des informations sur le nombre d'employeurs qui contribuent au fonds constitué pour l'éducation des enfants qui travaillaient dans des secteurs d'activité dangereux. Par ailleurs, il convient de rappeler la déclaration effectuée par le gouvernement devant la présente commission en séance plénière, lors de l'examen de ce cas en 1995, selon laquelle il prit l'engagement de retirer du travail en servitude 2 millions d'enfants d'ici l'an 2000. En conséquence, le gouvernement devrait être prié d'indiquer dans quelle mesure cette promesse a été concrétisée. Enfin, la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a pas d'information disponible sur la prostitution d'enfants est particulièrement préoccupante. Confrontée aux conclusions formulées en 1997 par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et aux commentaires de la commission d'experts, cette déclaration montre un défaut de prise de conscience de la part du gouvernement. Aussi, les conclusions de la présente commission doivent exprimer sa profonde préoccupation sur cette question.

Le membre travailleur de Colombie a déclaré que la commission se trouve, une fois de plus, face à un cas très grave, celui du travail en servitude pour paiement de dettes, qui constitue non seulement une violation flagrante de la convention no 29, mais aussi des droits de l'homme les plus fondamentaux. Il ne fait aucun doute que cette forme aberrante d'exploitation doit être éradiquée, en donnant la priorité aux mesures destinées à libérer les enfants qui se trouvent dans cette situation et en élaborant parallèlement un travail pour libérer les adultes. L'orateur s'est demandé s'il existe une volonté politique du gouvernement d'éradiquer ce fléau, si les entreprises sont disposées à offrir autre chose et quelle est la politique économique prévue pour garantir une distribution équitable des revenus. Il faut, à ce sujet, effectuer une analyse de fond. Enfin, il a signalé que la commission doit demander instamment au gouvernement d'assumer le rôle qui lui revient -- protéger les enfants et les adultes de l'exploitation à laquelle est soumise une grande partie de la population -- et a souligné que, tant que ces conditions existent, il est très difficile de parler de paix, de démocratie et de développement dans le monde.

Le membre travailleur du Pakistan a estimé que les enfants sont l'avenir de la prospérité de l'humanité et que pour résoudre ces problèmes, notamment dans les pays en développement, il est nécessaire d'allouer plus de ressources pour l'éducation et la formation des enfants. Le système lui-même dénie l'égalité d'opportunités aux enfants des pauvres. Bien que le gouvernement de l'Inde ait intérêt à allouer plus de ressources à l'éducation et la formation des enfants afin de résoudre les problèmes du travail des enfants, il y a aussi d'autres parties dans la société qui ont des ressources qui devraient être dirigées vers l'éducation des enfants. Ce problème causé par la pauvreté et l'analphabétisme a besoin d'un effort continu et concerté de la part du gouvernement. Une des façons de résoudre certains aspects du problème du travail des enfants serait de suivre les recommandations de la commission d'experts.

Le représentant gouvernemental de l'Inde a remercié des commentaires formulés par les différents membres. En ce qui concerne les points soulevés par plusieurs intervenants sur les raisons pour lesquelles le gouvernement n'avait pas réalisé une étude exhaustive, il a indiqué que la Cour suprême avait ordonné qu'un avocat et une agence de volontaires soient mandatés pour réaliser cette étude. En conséquence, le gouvernement central n'était pas partie prenante en ce qui concerne la réalisation de cette étude. Par ailleurs, il a accepté le fait que seulement 29.000 victimes du travail forcé par servitude ont été identifiées et que la Cour suprême avait accepté ce chiffre. Par conséquent, il ne peut comprendre les raisons de mentionner un chiffre de 10 millions. En ce qui concerne le travail des comités de surveillance, il a assuré la commission qu'ils agissaient dans chaque district en Inde. La Cour suprême a chargé un organe indépendant, la Commission nationale des droits de l'homme, de la responsabilité de coordonner l'abolition du travail par servitude. Par conséquent, le problème dans son ensemble se trouve en dehors du gouvernement central et se trouve maintenant au niveau d'agences indépendantes.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré que le travail des enfants était une question qui nécessitait une grande sensibilité. Le nouveau gouvernement élu est entièrement engagé en faveur de l'élimination du travail des enfants. Ceci peut être constaté par l'augmentation des crédits budgétaires alloués à l'éducation par le gouvernement lors de la présentation du nouveau budget au parlement. Cependant, le gouvernement central ne peut pas forcer les gouvernements des Etats, qui sont souverains, pour qu'ils considèrent ce point comme une priorité. Il a indiqué que le travail des enfants de même que le travail par servitude peuvent se trouver largement répandus dans les secteurs informels, notamment dans l'agriculture. Dans ce secteur, un large nombre d'enfants aident leurs parents à réaliser diverses tâches et par conséquent cela ne peut pas être nommé strictement comme travail des enfants. Il a souligné que les raisons principales du travail des enfants sont la pauvreté des parents et l'analphabétisme. Une autre cause est le chômage et le sous-emploi, qui sont des phénomènes bien connus aussi dans d'autres pays. Le fait que son gouvernement est engagé dans la résolution de ce problème est reflété dans l'établissement d'un certain nombre de schémas de lutte contre la pauvreté. En outre, sous la présidence du ministre du Travail de l'Union, une Commission nationale pour l'élimination du travail des enfants a été créée. Son pays a adopté une approche multi-factorielle pour résoudre ce problème. Le dernier, et peut-être le plus important, des points est la question de la persévérance. Si, par exemple, 100 millions d'enfants étaient libérés du travail, le problème ne serait pas résolu si cette situation n'était pas maintenue et les enfants seraient retournés travailler. Enfin, il est important d'observer que les projets nationaux sur le travail des enfants ont essayé de résoudre la situation de 100.000 enfants environ, et que l'Inde a été le premier signataire du Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) en 1992.

Un autre représentant gouvernemental a déclaré que, le travail forcé étant l'objet de juridictions concurrentes, la loi sur le système de travail par servitude (abolition) de 1976 a laissé la responsabilité de l'application de la loi aux gouvernements des Etats. On doit tenir compte de la grande extension du territoire de l'Inde avec ses larges disparités entre différents groupes en fonction de la caste, de la classe, de l'ethnie, de la langue et d'autres facteurs. Il est très difficile de montrer la société indienne d'une façon uniforme puisqu'il s'agit d'une société fragmentée. Bien que la nature fragmentée de la société, les larges différences économiques, le manque d'éducation contribuent énormément au problème du travail par servitude, le manque de conscience des personnes affectées contribue aussi à aggraver ce problème d'une façon importante. Selon son expérience, de nombreux travailleurs par servitude n'ont pas la capacité de réaliser qu'ils sont en situation de servitude, et une fois qu'ils ont été libérés, souvent ils retournent à la servitude. Bien que ceci ne justifie pas l'existence du problème, cela l'explique. Il a signalé que l'Organisation nationale des études et statistiques a estimé il y a dix ans qu'il y avait 350.000 travailleurs en servitude. Cette organisation suit certains principes d'ordre statistique très précis. Il se dit sûr qu'après l'entrée en vigueur des lois concernant les enfants et le travail par servitude il y a eu une réduction considérable dans le chiffre de 350.000 travailleurs par servitude, même s'il n'a pas pu donner le nombre exact à l'heure.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a souhaité attirer l'attention sur une donnée statistique internationale, selon laquelle plus de 100 millions de personnes en Inde ont une richesse supérieure à la richesse moyenne de la population en Europe occidentale. Ces statistiques sont significatives lorsqu'il s'agit de discuter le problème continuel du travail en servitude des enfants en Inde et de la pauvreté.

Les membres travailleurs ont déclaré reconnaître l'ampleur du travail des enfants, dans un pays aussi vaste et pauvre que l'Inde. Même aux Etats-Unis, le travail des enfants est en augmentation et il y a eu récemment quelque publicité sur des cas de travail en servitude. Néanmoins, même si la pauvreté est une des raisons pour lesquelles le travail en servitude existe, ce n'est pas la seule explication. Si le manque de ressources pour combattre le travail forcé est si important, l'Inde devrait peut-être réorienter ses priorités ailleurs que dans le domaine militaire, au lieu de tester des armes nucléaires. Il convient de rappeler que le gouvernement doit fournir beaucoup plus d'informations complémentaires non seulement sur l'existence des comités de vigilance mais aussi sur les activités entreprises par les comités de vigilance pour lutter contre le travail en servitude et le travail des enfants en servitude. Ils ont stigmatisé l'attitude du gouvernement selon laquelle l'étude demandée par la Cour suprême n'avait couvert qu'un petit nombre de travailleurs en servitude, citant les conclusions de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l'homme sur l'incidence du travail forcé. Selon celles-ci, les chiffres rapportés à la Cour suprême sont nettement supérieurs à ceux communiqués par le gouvernement. Il est regrettable que le gouvernement ait tenté de minimiser un problème d'une telle importance, sur lequel on dispose de pareilles preuves, et n'ait fourni que si peu d'informations à ce sujet. Compte tenu du peu de progrès accomplis depuis les discussions passées de cas, les membres travailleurs demandent à la présente commission d'insister auprès du gouvernement afin que des actions urgentes soient prises sans délai et d'exprimer sa préoccupation sur ce cas dans les termes les plus forts possibles.

Les membres employeurs, se référant aux réponses fournies par les représentants gouvernementaux durant la discussion, ont estimé que le problème principal était l'identification de l'ampleur du travail en servitude. Ils observent que les chiffres cités varient de 29.000 travailleurs en servitude (avancés par les décisions des tribunaux) à 350.000 selon les estimations du gouvernement. Cela démontre que le problème du travail en servitude n'est pas pris au sérieux. A cet égard, les membres employeurs déclarent qu'il n'est pas clair si la procédure judiciaire relève uniquement de l'initiative des parties, impliquant que seules les allégations fournies par les parties sont recevables aux fins de la décision finale du tribunal ou si cette décision peut également se fonder sur des bases juridiques. Ainsi, le choix de cette procédure peut grandement influer sur le nombre de travailleurs en servitude recensés. S'agissant de la déclaration du gouvernement sur les difficultés sociales et économiques du pays, les membres employeurs ont déclaré qu'ils pourraient fournir des conseils en vue d'une utilisation correcte des ressources économiques mais que cette question n'était pas de la compétence de la présente commission. En ce qui concerne l'application des lois fédérales au niveau de chaque Etat, il convient de souligner l'influence que peuvent exercer les instances fédérales. L'Institut Tata pourrait apporter son aide pour cerner l'étendue du problème. Enfin, le gouvernement devrait être prié de communiquer un rapport détaillé sur le sujet et sur les questions soulevées au cours de ce débat, dans la mesure où sa réponse n'est pas satisfaisante. Le gouvernement devrait également coordonner ses efforts avec les organismes qui s'occupent du travail en servitude.

Le représentant gouvernemental a pris note des conseils de plusieurs délégués selon lesquels on devrait donner moins de priorité aux dépenses de défense, et a indiqué qu'il communiquerait cette information à son gouvernement. Il a souligné que le chiffre de 2 millions d'enfants en travail par servitude mentionné par certains délégués était faux puisque ce chiffre incluait les enfants travaillant dans des conditions dangereuses.

La commission a pris note de l'information verbale fournie par les représentants gouvernementaux ainsi que de la discussion qui a suivi. Elle a noté avec regret que ce cas a été discuté devant cette commission à six reprises durant les dix dernières années et que, malgré les assurances du gouvernement de s'attaquer sérieusement à ces problèmes, peu de progrès ont été accomplis en ce qui a trait à une plus grande conformité avec les dispositions de la convention. La commission a demandé instamment au gouvernement de répondre aux points soulevés par la Confédération mondiale du travail concernant le travail en servitude des enfants. La commission a souligné que ce n'est que grâce au maintien du dialogue et à l'application de mesures concrètes et coordonnées que des progrès pourront être accomplis dans ce domaine. En ce qui concerne le travail en servitude, l'ampleur de ce problème reste toujours contesté et, pourtant, le gouvernement n'a toujours pas entrepris de nouvelles enquêtes au niveau national. La commission d'experts a fait également état d'informations contradictoires concernant le fonctionnement réel des comités de surveillance, qui auraient dû être établis suite à la loi de 1976 sur l'abolition du système de travail en servitude. A cet égard, la mise en œuvre est demeurée douteuse et il reste toujours à clarifier quels sont les organes compétents dans ce domaine. La commission a noté avec une profonde préoccupation que la situation des enfants en servitude ainsi que des autres formes de travail forcé n'a pas présenté d'améliorations notables, et ce malgré la déclaration de l'engagement du gouvernement à éliminer ce problème, comme il est apparu par le travail de ce dernier au sein du Programme international sur l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT. La commission a également regretté que les représentants gouvernementaux n'aient pas été en mesure de donner les informations demandées sur la protection contre l'exploitation sexuelle des enfants. La commission a exprimé sa profonde préoccupation concernant le travail en servitude et le problème des enfants en servitude, et a demandé instamment au gouvernement d'intensifier ses actions et de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès accomplis au niveau national, au niveau des Etats, ainsi qu'au niveau local.

Soudan (ratification:1957). Un représentant gouvernemental a souligné que les commentaires de la commission d'experts sur l'application de la convention dans son pays se fondaient clairement sur les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Lors de son enquête sur les allégations d'esclavage et de pratiques similaires, celui-ci s'est contenté de maintenir sa position antérieure, de citer les dispositions des instruments internationaux applicables et de critiquer les investigations menées par le gouvernement. Cela ne mérite rien d'autre que le rappel de celles fournies par le gouvernement dans le passé. Il faut cependant réaffirmer que l'attitude adoptée par le gouvernement est sérieuse et que celui-ci recherche véritablement à enquêter sur les cas d'esclavage et de pratiques similaires qui lui sont reprochés. C'est pourquoi le gouvernement a accueilli lord McNair de la Chambre britannique des lords pour enquêter sur les allégations et visiter de nombreuses localités, après que le Rapporteur spécial eut quitté le pays sans avoir voyagé hors de Khartoum.

La commission a été informée des conclusions du rapport de lord McNair. Lord McNair a conclu que certaines allégations étaient quelque peu forcées, ce qui laisse supposer une campagne délibérée pour discréditer le gouvernement. En octobre 1997, il a visité un certain nombre de localités dans les régions septentrionale et méridionale du Kordofan où de nombreuses allégations situaient les cas de violations. Il n'y a trouvé aucune preuve d'esclavage. La principale préoccupation des chefs des communautés provient des centaines si ce n'est des milliers d'enfants arabes et nubiens enlevés par l'armée de libération du peuple soudanais (SPLA). D'ailleurs, l'enlèvement de plus de 10.000 enfants par cette armée au cours de la décennie écoulée est une manifestation bien plus tangible de pratiques similaires à l'esclavage que toutes les autres allégations. Parmi les organisations qui ont mis en évidence la situation dramatique de ces enfants figurent le Département d'Etat des Etats-Unis, l'organisation «Human Rights Watch» pour l'Afrique et le Projet sur les droits de l'enfant. L'ICRC œuvre à la libération de ces enfants depuis un bon nombre d'années. Selon les rapports nationaux sur les droits de l'homme établis par les Etats-Unis, les pratiques similaires à l'esclavage sont causées par la guerre civile dans le sud du pays et se concentrent dans des zones dans lesquelles l'administration gouvernementale est faible ou inexistante. Elles concernent avant tout des personnes qui fuient les zones en guerre et se retrouvent en contact avec des groupes armés. Ces rapports reconnaissent que la législation soudanaise condamne sans ambiguïté toutes les pratiques similaires à l'esclavage, qu'il s'agisse d'enlèvements, de kidnappings, de détentions illégales, de travail forcé ou d'emprisonnement illégal, et les sanctionne par une peine de prison. Il en ressort clairement que le gouvernement a, dès le départ, adopté une attitude responsable face aux cas d'enlèvements et de kidnappings qui ont été portés à sa connaissance. La Société anti-esclavagiste internationale a d'ailleurs démontré l'action ferme du gouvernement en réponse à la capture des enfants Dinka lors des conflits entre tribus. La Société anti-esclavagiste internationale a également répertorié des cas rencontrés dans la communauté Dinka dans lesquels le tribunal avait ordonné la libération des enfants. Pour illustrer l'intervention directe du gouvernement pour libérer les personnes illégalement retenues, on peut encore citer l'étude de 1996 de «Human Rights Watch» pour l'Afrique, Behind the red line: Political repression in Sudan, qui rapporte son rôle dans la libération de 500 femmes et enfants faits prisonniers lors de conflits tribaux. Il est donc clair que, comme des organisations humanitaires réputées s'en sont fait l'écho, le gouvernement actuel est intervenu pour libérer les victimes de la violence et des conflits tribaux qui ont été nombreux depuis l'avènement du gouvernement Sadig-al-Mahdi. Accuser ce dernier d'esclavage est donc sans fondement. C'est ainsi qu'Alex de Waal, codirecteur d'«African Rights», a déclaré qu'il n'existait aucune preuve d'esclavage ou de commerce d'esclaves organisé ou dirigé par le gouvernement. La Société anti-esclavagiste internationale a pour sa part déclaré que l'accusation selon laquelle des troupes gouvernementales seraient responsables des actions visant à se saisir d'esclaves n'était soutenue par aucune preuve. C'est aussi pourquoi lord McNair a conclu que ce qui était vrai en 1992 pour le Département d'Etat américain continuait de l'être pour le pays à l'heure actuelle. Il a de plus regretté que les allégations les plus graves faisant état de l'achat d'esclaves ne soient pas fondées et donnent dans le sensationnel. Il a été reconnu que le prétendu achat d'esclaves consiste probablement dans le paiement d'une rançon à un intermédiaire par les familles pour sauver leurs enfants pris en otages ou d'autres parents enlevés pendant les conflits tribaux qui ne cessent d'affecter le pays depuis la guerre civile. Ces plaintes erronées ne font qu'alimenter la propagande qui affecte le Soudan depuis ces dernières années. Leur absurdité a été illustrée pendant la visite effectuée personnellement par lord McNair dans une communauté chrétienne du Nord Kordofan où un prêtre respecté lui a confirmé qu'il n'y avait aucune preuve de l'esclavage dont il n'avait eu lui-même écho que par les médias.

La commission se doit aussi de savoir que le mandat de la commission d'investigation constituée pour enquêter sur les allégations d'esclavage demeure ouvert et que le Conseil consultatif des droits de l'homme a nommé un représentant permanent à Kordofan. De plus, depuis la discussion du cas par la commission l'an dernier, un certain nombre de faits nouveaux sont intervenus dans le domaine politique et constitutionnel. Des pourparlers de paix ont eu lieu à Nairobi en mai 1998 qui ont abouti à un accord d'autodétermination pour le Soudan du Sud. Le principe en a été inscrit dans la nouvelle Constitution qui doit faire l'objet d'un référendum ce mois-ci. Il faut espérer que ces développements mettront un terme à la guerre civile qui est l'une des principales causes des problèmes dont il est ici question. La commission d'investigation a grand besoin de l'assistance demandée au BIT puisqu'elle travaille avec les ressources techniques et financières limitées du Conseil consultatif pour les droits de l'homme. L'assistance technique demandée comprend, en priorité, de la formation, des équipements de bureau, ainsi que des moyens de transport et de communication. Il semble que le Bureau soit prêt à discuter afin d'identifier les formes d'assistance qu'il pourrait fournir pour renforcer le travail de la commission d'investigation. En conclusion, il faut souligner que le gouvernement, convaincu que le dialogue est plus productif et bénéfique que la confrontation, est prêt à informer la commission de tout fait nouveau qui affecterait la situation ainsi que du travail de la commission d'investigation.

Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait fait l'objet d'une discussion difficile au sein de la commission l'an passé et d'un paragraphe spécial de son rapport comme cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée. Des renseignements supplémentaires sont aujourd'hui soumis à la commission sous la forme d'un rapport détaillé du gouvernement ainsi que du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Des informations ont par ailleurs été communiquées par la Confédération mondiale du travail. Les informations disponibles montrent que de graves problèmes se posent en ce qui concerne le respect des droits de l'homme en général dans le pays. Les allégations concernant l'existence de l'esclavage sont convaincantes et le gouvernement lui-même a d'ailleurs institué une commission d'investigation pour les examiner. Les conclusions des enquêtes menées par le gouvernement, du moins en ce qui concerne la partie du pays sur laquelle celui-ci exerce un contrôle effectif, sont toutefois préoccupantes pour la commission d'experts. Elles divergent en effet fortement de celles d'autres sources d'information disponibles qui rapportent des témoignages complets et crédibles de l'existence de l'esclavage dans les zones contrôlées par le gouvernement. Il est donc nécessaire de faire davantage d'efforts pour identifier et éliminer l'esclavage. Il n'y a aucun doute que l'esclavage et le travail forcé existent dans d'autres régions du pays, même si leur ampleur n'est pas claire. Ainsi que le Rapporteur spécial des Nations Unies en a fait état, de nombreux raids sont par ailleurs menés par les Forces populaires de défense (FPD) et le Front national islamique (FNI) dans certaines régions du pays depuis qu'ils ont pris le pouvoir à la suite du coup militaire de 1989. Nombreux sont les esclaves enlevés qui ont eu à souffrir de tortures physiques et psychologiques, y compris des viols et des coups.

S'il est vrai que le gouvernement a demandé l'assistance du Bureau, ainsi que la commission l'avait suggéré, il a limité cette demande à la fourniture de véhicules pour aider la commission d'investigation. Le gouvernement devrait donc être exhorté à demander une assistance plus large dans le but d'établir quels sont exactement les faits. Il devrait également être prié, comme la commission d'experts le demande, de prendre des mesures effectives pour assurer le respect de la convention et faire rapport sur les mesures concrètes qui auront été adoptées. S'il convient de noter les informations relatives aux efforts déployés pour rechercher un règlement pacifique de la guerre civile, il faut aussi souligner que la situation de guerre qui règne dans le pays ne justifie ni l'esclavage ni des pratiques similaires où que ce soit sur le territoire national, et moins encore dans les régions que le gouvernement contrôle. Compte tenu des violations graves répétées de la convention, la commission devrait inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

Les membres employeurs ont souligné que c'était la cinquième fois que la commission se penchait sur ce cas depuis 1989. Le gouvernement avait d'abord rejeté toutes les allégations. Il avait par la suite indiqué que d'autres causes étaient à l'origine du problème tout en continuant à nier les allégations d'esclavage dans le territoire sous son contrôle. On ne peut que regretter que le rapport de lord McNair, que le représentant du gouvernement a cité, n'ait pas été mis à la disposition de la Commission de la Conférence pour lui permettre de l'étudier plus complètement. Il n'en demeure pas moins que de nombreux rapports crédibles, dont celui du Rapporteur spécial des Nations Unies, ont, au fil des ans, confirmé l'existence de l'esclavage et de pratiques similaires dans le pays. Un certain nombre de ces rapports suggèrent que le gouvernement tolère, voire encourage et participe à de telles pratiques, que ce soit par l'intermédiaire des Forces populaires de défense ou d'autres groupes. Selon ces rapports, des esclaves sont vendus et échangés, en particulier dans le sud du pays. Il n'est guère surprenant pour les membres de la commission que la commission d'investigation mise en place par le gouvernement conteste l'existence de l'esclavage. Bien que le BIT ait offert son assistance technique, la réponse avait déjà été décrite par les membres travailleurs. Les membres employeurs sont pleinement conscients de la situation du pays et de la guerre qui y sévit. Il ne s'agit d'ailleurs pas réellement d'une guerre civile mais d'opérations dont le but est d'étendre le contrôle sur certaines parties du pays. Dans ses dénégations des allégations d'esclavage, le gouvernement se sert de la situation du pays pour prétendre que les pratiques en cause sont le fait des forces rebelles. On ne saurait contester que l'esclavage existe dans le pays, ce qui est en violation avec la convention; il est en revanche difficile de dire si cette pratique est organisée ou non. Ce qui est certain, c'est que trop peu est fait pour résoudre les problèmes existants. Le gouvernement devrait donc être instamment prié de prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à une situation totalement inacceptable.

Le membre employeur du Soudan a soutenu que les questions examinées étaient extrêmement sensibles et sérieuses dans la mesure où la pratique de l'esclavage, particulièrement odieuse, amène à s'interroger sur la moralité et les croyances du peuple soudanais. En conséquence, la présente commission doit être avisée et faire preuve d'un sens critique dans l'examen de ce cas. La situation qui prévaut actuellement au Soudan est le résultat de quinze ans de guerre. Les conclusions de la commission devraient apporter des solutions à deux aspects de la question: le premier concerne la difficulté de recueillir des informations dans des régions en guerre; le deuxième aspect porte sur les régions bordant ces zones où des enlèvements sont commis entre tribus en conflit. A cet égard, parler d'esclavage est largement exagéré. La traite d'esclaves implique l'existence d'un marché qui n'existe pas de fait au Soudan. La présente commission devrait avoir vocation à encourager les parties en conflit à résoudre leurs différends.

Le membre travailleur du Soudan a soutenu que les allégations d'esclavage et de commerce d'esclaves sont dirigées contre le peuple soudanais et non contre le gouvernement. Il a souligné que le rapport de la commission d'experts se fonde sur les rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies et de la baronne Cox qui, l'un et l'autre, n'ont pas visité les régions concernées. Les difficultés que rencontre le Soudan n'ont pas tant trait à l'esclavage qu'à la guerre civile qui isole le pays. La présente commission devrait discuter des moyens de fournir une assistance aux différentes parties en conflit plutôt que de traite d'esclaves qui n'existe pas.

Le membre travailleur de l'Italie a déclaré que, suite à la longue discussion de l'année dernière, il aurait été en droit d'espérer que des progrès aient été accomplis, mais que malheureusement ce n'était pas le cas. Il estime que l'état de guerre civile au Soudan n'est pas une justification acceptable pour violer la convention no 29. Les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies témoignent de la gravité des violations permanentes de la convention no 29 et confirment la nécessité d'intégrer tous les instruments des Nations Unies et autres organisations non gouvernementales qui visent le même objectif. Le paragraphe 3 de l'observation de la commission d'experts fait référence aux formes extrêmes d'exploitation des enfants et à l'utilisation des enfants dans les groupes paramilitaires ainsi que de travail forcé et d'exploitation sexuelle. L'Organisation internationale de solidarité chrétienne a prouvé l'existence même de marchés des enfants esclaves et de leur prix. La condition de travail forcé touche surtout les Noirs du sud et certaines tribus des monts de la Nubie. Le gouvernement devrait, entre autres, encourager l'action du Conseil national de consultation sur les droits humains établi en 1996 comme suivi d'une Résolution de l'Assemblée des Nations Unies; il ne devrait pas faire obstacle aux initiatives d'assistance des organisations internationales; et il devrait donner immédiatement protection aux enfants touchés par la guerre et faire cesser les formes extrêmes de travail des enfants.

Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que ce cas porte sur des pratiques inhumaines, à savoir l'esclavage, le commerce d'esclaves, le travail forcé et le trafic d'hommes et de femmes à des fins de servitude sexuelle.

Il s'agit de crimes contre l'humanité qu'aucune société civilisée ne saurait tolérer. Le gouvernement soudanais est tenu de protéger ses citoyens, quels que soient leur âge, sexe, situation ou religion. La réponse du gouvernement montre son intransigeance et sa grande indifférence envers ses citoyens. Le gouvernement a nommé, sans procéder à des consultations et de manière arbitraire, lord McNair. On ne connaît pas le bagage de cette personne et son mandat n'a pas été défini. Tout ce que l'on sait de lui, selon le gouvernement, c'est qu'il a vécu au Soudan en 1994 et qu'on lui a demandé d'élaborer un rapport sur la question à l'examen en 1997. Ce rapport est tendancieux et il favorise le gouvernement. Le peu de temps qu'il a fallu pour l'élaborer le rend encore moins crédible. Le Soudan est le plus grand pays d'Afrique et cela tient du miracle que lord McNair ait pu établir le rapport en dix jours. Le gouvernement a nié l'existence du commerce d'esclaves au Soudan en arguant du fait qu'il n'y a pas dans le pays de marché pour cette activité. Il n'a toutefois pas nié qu'il existe des intermédiaires qui n'agissent pas sur le marché officiel. Il est également très contradictoire, de la part du gouvernement, d'affirmer d'un côté que les cas d'enlèvements et d'esclavage se produisent dans la zone de conflits qui échappe à son contrôle alors que, d'un autre côté, il a connaissance de quelque 299 cas de disparitions dans cette zone. Avant que la commission ne formule ses conclusions sur ce cas, elle devrait tenir compte du fait que le Soudan a ratifié la convention il y a plus de trente ans et que le gouvernement s'est délibérément abstenu de créer un organe indépendant d'enquête sur ces allégations. Dans un paragraphe spécifique, il devrait être mentionné que le gouvernement ne satisfait pas aux dispositions de la convention.

Le membre travailleur de la Turquie a regretté profondément que l'on en soit encore à examiner, à l'aube du XXIe siècle, un cas de graves allégations d'esclavage, de servitude, de trafic d'esclaves et de travail forcé dans lequel des forces gouvernementales et des milices sont directement impliquées. Bien que le représentant gouvernemental du Soudan ait réfuté tous les commentaires formulés par des organisations dignes de foi, telles que les Nations Unies, Amnesty International et Anti-Slavery International, il n'a pas présenté à la commission d'arguments prouvant le contraire. Dans les rapports de ces organisations, les commentaires sont étayés par des noms de victimes, des détails sur la vente d'esclaves et sur des libérations. Par exemple, une de ces organisations déclare avoir libéré 800 Soudanais et les avoir renvoyés dans leur famille. Les esclaves ont précisé qu'ils ont été libérés en échange d'un montant de 133 dollars des Etats-Unis en 1997 ou contre du bétail, le taux de change étant de 10 têtes de bétail par esclave. D'après ces sources dignes de confiance, il y a non seulement beaucoup de fumée mais aussi des preuves de feu. En reconnaissant l'existence de pratiques ponctuelles assimilables à de l'esclavage et en demandant l'aide de la communauté internationale et l'assistance du BIT pour mettre fin à ces horreurs, le représentant gouvernemental du Soudan est sûrement animé des meilleures intentions du monde et fait preuve de bonne volonté. Toutefois, la réfutation expresse par le gouvernement, à la fois dans son rapport et dans sa déclaration, ne produit malheureusement pas le résultat escompté. Des allégations bien fondées concernant l'existence d'esclavage au Soudan montrent que la situation est bien plus grave que celle qui prévalait en Afrique du Sud lors de l'apartheid. Par conséquent, les Nations Unies et l'OIT ont un grand rôle à jouer. L'orateur apporte son soutien à la proposition de faire figurer le Soudan dans un paragraphe spécial et appelle les représentants gouvernementaux présents dans la salle à prendre une position plus ferme que celle qui a été prise contre l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid, et ce tant que des organisations internationales dignes de confiance feront état de pratiques d'esclavage et de travail forcé au Soudan.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis, s'exprimant au nom des gouvernements de l'Allemagne, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de la France, de l'Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suède, a exprimé les préoccupations des gouvernements mentionnés ci-dessus sur la situation générale des droits de l'homme au Soudan. Dans les nombreux problèmes de droits de l'homme qui existent au Soudan, sont invoquées de façon continue des pratiques d'esclavage, et aucun élément dans la déclaration du gouvernement ne permet d'atténuer ces craintes. Il est difficile d'évaluer l'étendue de cette affreuse pratique, dans la mesure où le gouvernement non seulement nie son existence mais refuse également de permettre aux observateurs internationaux d'accéder aux zones de conflits dans lesquelles l'esclavage est le plus fréquemment évoqué. Malgré les évolutions positives relatives au rapatriement d'individus en Ouganda, le peuple soudanais, en particulier les femmes et les enfants, continue de subir des enlèvements de la part de ceux qui se trouvent aux côtés du gouvernement dans la guerre civile. On signale également que des groupes de rebelles ont enlevé des femmes et des enfants. Ceux qui ont été enlevés par les forces qui se battent aux côtés du gouvernement sont engagés de force comme soldats et comme domestiques. Il est également signalé que certains d'entre eux ont subi des abus sexuels. L'ambiguïté de la situation sur le terrain ne peut être levée par le gouvernement que s'il permet à des observateurs internationaux de visiter le pays et s'il assure qu'ils auront accès à toutes les régions. Par ailleurs, les gouvernements précités ainsi que le gouvernement de l'orateur ont répété leur profonde préoccupation à propos de l'esclavage et des autres violations des droits de l'homme ayant cours au Soudan, et continuent à appeler le gouvernement soudanais à mettre fin à l'esclavage et aux pratiques similaires, quelle que soit la forme qu'elles prennent. L'orateur prie instamment le gouvernement du Soudan de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient respectés les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et s'associe à la commission d'experts pour prier instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour assurer le respect de la convention no 29. Il lui est en particulier demandé de fournir des informations sur les mesures concrètement adoptées, y compris des informations sur les actions introduites devant la justice, le nombre des condamnations et les sanctions prises.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'un organisme soudanais s'occupant des droits de l'homme a déchargé de toute responsabilité le régime militaire soudanais en ce qui concerne le travail forcé, l'esclavage, la servitude, le commerce d'esclaves ou toutes autres pratiques analogues. Les conclusions de la commission gouvernementale ne correspondent en rien à celles de la commission d'experts et à celles de la Conférence de l'OIT qui, l'an dernier, a consacré un paragraphe spécial au Soudan. Cette année, les experts ont fait preuve d'une grande fermeté en soulignant le caractère profondément incohérent des informations données par le gouvernement soudanais sur la question du travail forcé. A aucun moment, le gouvernement n'a dit qu'il était disposé à prendre des mesures pour lutter sérieusement contre les cas d'exploitation que la Conférence a condamnés l'an dernier. Nier ces faits n'empêche pas ces pratiques inhumaines d'exister et il serait éhonté d'affirmer qu'il s'agit là de malentendus, liés à des facteurs culturels, sur les notions de travail forcé et d'esclavage. Il a rappelé que d'autres orateurs se sont dits consternés par le fait que le gouvernement a refusé de traiter de ces questions. Le membre travailleur a cité le Rapporteur de l'ONU qui a dit que «l'ensemble des droits de l'homme reconnus par les Nations Unies font l'objet de violations continuelles». L'attitude et les dénégations du gouvernement sont tout à fait inacceptables, et le membre travailleur demande qu'il soit pris note, dans des termes aussi vigoureux que possible, de ses objections et requêtes devant la commission.

Le représentant gouvernemental reconnaît que ce cas a été examiné à maintes reprises depuis 1989. Toutefois, son gouvernement s'est toujours efforcé de répondre aux observations de la commission d'experts. Cette fois-ci, le gouvernement a répondu de manière exhaustive à la commission. Il salue le ton modéré de la déclaration des membres travailleurs. Il assure la commission que le gouvernement n'épargne aucun effort pour prendre des mesures effectives. Le gouvernement est en mesure d'aller de l'avant grâce à la commission spéciale d'enquête qui a été établie par le ministère de la Justice en vertu d'une ordonnance du 4 février 1996. A propos de la déclaration des membres employeurs, le représentant gouvernemental estime qu'ils auraient dû faire preuve de plus de tolérance, ce qui aurait contribué aux débats. Les membres employeurs ont indiqué que, faute d'informations, aucun élément nouveau n'a nourri les débats. Cela n'est pas vrai. Le rapport de lord McNair comporte des informations. Il n'est pas vrai, comme l'affirment les membres employeurs, que le gouvernement a régressé dans le domaine à l'étude puisqu'il a créé récemment la Commission nationale des droits de l'homme. Les membres employeurs ont déclaré, à tort, qu'il n'y avait pas de guerre civile au Soudan mais, en fait, une guerre menée par le gouvernement contre certains secteurs de la population. De plus, un certain nombre de membres travailleurs ont formulé des contre-vérités. On ne saurait leur en tenir rigueur étant donné qu'ils se sont fondés sur le rapport du Rapporteur spécial de l'ONU. En conclusion, l'intervenant indique que son gouvernement reste entièrement à la disposition de la commission pour lui fournir de plus amples informations.

Un autre représentant gouvernemental, le ministre des Ressources humaines, a indiqué qu'étant originaire du sud du Soudan elle est particulièrement embarrassée d'entendre les plaintes concernant les cas d'esclavage qui persistent au Soudan, notamment dans le sud du pays. Un article écrit par un Soudanais du sud, M. Aldo Ajo, porte-parole de l'assemblée de 1993 à 1994, est à l'origine de ces plaintes, et l'auteur a par la suite pris ses distances par rapport à son article devant le Rapporteur spécial. Le précédent ministre des Ressources humaines a tenté en vain de trouver les régions où l'esclavage était pratiqué. Le ministre actuel a abouti aux mêmes conclusions et se déclare prêt à fournir toutes informations pertinentes à la présente commission, comme aux institutions internationales désireuses d'enquêter sur l'existence de commerce d'esclaves dans le sud du pays, afin de résoudre les problèmes que rencontre actuellement le Soudan et qui découlent de la guerre civile. Il est surprenant d'entendre des allégations répétées sur l'inaction du gouvernement qui, au contraire, souhaite résoudre tout problème éventuel.

Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que le CV et les termes de référence de lord McNair n'étaient pas connus et qu'il était donc inutile de se référer à son rapport. Bien que les représentants gouvernementaux aient exprimé leur désir de coopérer, ils auraient dû demander l'assistance technique du BIT afin de les aider à établir les faits et à éradiquer l'existence de l'esclavage au Soudan. Ainsi, un message très clair, dans des termes les plus forts possibles, se doit d'être envoyé au gouvernement concernant le cas.

Les membres employeurs ont estimé que le représentant gouvernemental avait tenté de faire preuve de générosité en commentant les interventions faites durant la discussion. Le représentant gouvernemental a rejeté toutes les allégations concernant l'existence de l'esclavage dans son pays et les a qualifiées d'insultes pour le peuple soudanais. Toutefois, le représentant gouvernemental n'a fourni aucune nouvelle information sur ce cas. Bien qu'un rapport d'un certain lord McNair niant l'existence de l'esclavage au Soudan ait été présenté, ce rapport ne peut faire l'objet d'une étude puisqu'il a été présenté oralement. En conclusion, la situation dans le pays demeure très précaire, et l'esclavage et le travail forcé sont des réalités. En conséquence, le gouvernement doit être instamment prié de faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer la situation dans le pays.

La commission a pris note des informations communiquées par les représentants gouvernementaux, ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. La commission a souligné qu'il s'agissait là d'un cas particulièrement grave affectant les droits de l'homme, comme en témoignent sa mention, l'année dernière, dans un paragraphe spécial, ainsi que les commentaires reçus d'une organisation mondiale des travailleurs. La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures en cours pour détecter et mettre fin aux pratiques d'esclavage. En particulier, elle a accueilli favorablement les réalisations de la commission d'investigation récemment instituée. Toutefois, la commission a exprimé sa profonde préoccupation et a prié instamment le gouvernement de faire beaucoup plus. La commission a insisté pour que la demande d'assistance du Bureau traite de la substance du problème et, à cet égard, a instamment prié le gouvernement de demander à nouveau une assistance qui garantirait une réelle tentative d'élimination de l'esclavage à travers le pays. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport à soumettre à la commission d'experts contiendra des indications détaillées sur les mesures concrètes qui auront été prises, les cas présentés devant la justice, le nombre de condamnations prononcées et les sanctions imposées. Elle a également exprimé le ferme espoir que le prochain rapport décrira les mesures envisagées, de manière à ce qu'une pleine application de la convention dans la loi et la pratique soit observée dans un très proche avenir.

Les membres travailleurs ont déclaré que, compte tenu de la gravité des faits et que très peu a été accompli dans ce domaine, le cas doit continuer à figurer dans un paragraphe spécial.

Les membres employeurs ont manifesté leur accord.

DEUXIEME PARTIE (cont.)


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.