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GB.265/8/2
265e session
Genève, mars 1996


HUITIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Rapports de la Commission des questions juridiques
et des normes internationales du travail

Deuxième rapport: normes internationales du travail
et droits de l'homme

1.  La Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail s'est réunie les 21 et 22 mars sous la présidence de M. Ilabaca Orphanopoulos (gouvernement, Chili); les vice-présidents employeur et travailleur étaient respectivement Mlle Hak et M. Parrot.

Rapport du Groupe de travail sur la politique
de révision des normes

2.  Un représentant du Directeur général a indiqué que les modifications ci-après doivent être apportées au paragraphe 72 du rapport(1) : à l'alinéa b) ii), la convention no 60 ne concerne pas la durée du travail, mais l'âge minimum; à l'alinéa b) vi), la convention no 152 devrait être ajoutée à la liste; dans la version anglaise, à l'alinéa b) ii), la convention sur le travail de nuit doit porter le no 20.

3.  Les membres employeurs ont déclaré que le rapport reflète fidèlement les débats qui ont eu lieu au sein du groupe de travail. Etant donné qu'il s'agit de la dernière réunion de ce groupe au cours de la présente session du Conseil d'administration, ils espèrent que la prochaine session du Conseil recommandera sa reconstitution. Dans le passé, il a généralement fallu des années aux groupes de travail de ce type pour achever leur tâche et, dans le cas présent, il reste encore de nombreuses questions à traiter. Les questions concernant la teneur des conventions et la procédure de dénonciation n'ont pas été négligées: il a simplement été décidé d'axer pour l'instant les efforts sur la question de la révision des normes. Les recommandations du rapport ont été adoptées par consensus, seule procédure à même de produire des résultats satisfaisants. Les débats du groupe de travail se sont déroulés dans un esprit de coopération et leur atmosphère a été très positive.

4.  En ce qui concerne la deuxième phrase du paragraphe 2 du rapport, qui évoque la décision «d'exclure de toute révision les six conventions sur les droits fondamentaux de l'homme», les membres employeurs ont rappelé que, s'il a bien été décidé à la réunion de novembre 1995 de la Commission LILS(2)  d'exclure pour le moment ces conventions de la révision, cela ne signifie pas qu'elles ne seront jamais soumises à révision à l'avenir. Ils ont noté également qu'il existe une divergence de vues sur le nombre exact des conventions fondamentales de l'OIT, puisqu'on cite tantôt le chiffre de six, tantôt celui de sept. Ils expliquent cette différence par le fait que la question a été débattue dans différentes commissions. Le rapport reflète très fidèlement les débats du groupe de travail, et les membres employeurs approuvent l'ensemble des recommandations qui y figurent.

5.  Les membres travailleurs approuvent l'ensemble des recommandations figurant dans le rapport et soulignent que les recommandations ont été adoptées par consensus et qu'il est essentiel de poursuivre dans cette voie. Ce succès est dû également au fait que l'examen a été mené cas par cas sur la base d'excellents documents riches d'informations. Là encore, il faut poursuivre dans cette voie. Quand une convention est mise à l'écart, il est essentiel d'encourager la ratification de la convention qui la révise et des autres conventions connexes. Les membres travailleurs attendent avec intérêt le document que le Bureau établira pour la session de novembre du Conseil d'administration sur l'abrogation et les garanties qu'il doit prévoir au sujet de la proposition d'amendement constitutionnel relatif à l'abrogation des conventions. Il importe de rappeler que, si les questions relatives à l'abrogation et à la révision des normes sont importantes, elles ne sont en même temps qu'un élément parmi d'autres de la politique normative. Il faut donc les aborder dans la perspective plus large du renforcement du système normatif, qui comprend les progrès accomplis dans le renforcement des mécanismes de contrôle, l'élaboration de nouvelles normes et un redoublement des efforts visant à les faire ratifier -- non seulement celles qui concernent les droits de l'homme fondamentaux, mais aussi celles qui en révisent une autre. Les membres travailleurs espèrent être à même de constater également des progrès dans ces domaines et souhaitent en être informés.

6.  Le président du groupe de travail a félicité le Bureau de la qualité exceptionnelle des documents de travail, qui ont largement contribué au succès des travaux du groupe. Ces documents comprennent non seulement une étude juridique et historique de la question de l'abrogation, mais aussi une analyse détaillée de 41 conventions. Il convient aussi de féliciter le groupe de travail lui-même pour la sérénité et l'esprit constructif qui ont présidé à ses débats, où l'on a fait preuve de responsabilité, de sagesse et de dynamisme. Il est donc juste d'adopter ses recommandations, et il y a lieu d'espérer que le Conseil d'administration l'autorisera à poursuivre ses travaux après ces débuts encourageants tout en gardant à l'esprit la maxime de Montesquieu selon laquelle «les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires».

7.  Le représentant du gouvernement de l'Italie a approuvé les propositions du rapport et admis que la solution constitutionnelle est la plus claire et la plus définitive. Cependant, il partage l'avis des membres employeurs et travailleurs selon lequel il faut faire preuve de prudence et prévoir les garanties et sauvegardes nécessaires. Il se demande jusqu'où pourra aller l'Organisation si on lui accorde un pouvoir d'abrogation. La Conférence ne peut disposer du pouvoir d'abroger une convention que les Etats Membres ont ratifiée conformément à leur droit constitutionnel, sauf dans la mesure où cela concerne les obligations des parties vis-à-vis de l'Organisation. Il est convaincu que le texte de l'amendement qui sera proposé par le Bureau prendra en considération les points ci-dessus.

8.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a noté que la question de l'activité normative et de la révision des normes est éminemment politique de par sa nature même et qu'il ressort des débats passés du Conseil d'administration et de la Conférence qu'elle est chargée de connotations idéologiques. C'est pourquoi il est particulièrement impressionné par le rapport, qui montre que le pragmatisme finira par l'emporter. Ce résultat encourageant augure bien de l'avenir. L'orateur a remercié le président, les vice-présidents employeur et travailleur et les membres du groupe de travail de leurs efforts et exprimé sa satisfaction au Bureau pour la qualité de ses documents.

9.  Il a constaté que le groupe de travail s'est massivement prononcé en faveur d'une proposition visant à adopter un amendement constitutionnel relatif à l'abrogation des conventions, mais a admis qu'il faudra du temps pour en voir les effets concrets.

10.  En ce qui concerne les recommandations figurant au paragraphe 72 du rapport, l'orateur considère que la convention no 157 est totalement «inratifiable» et devrait être incluse dans la liste des conventions à abroger dès que possible, et non dans la liste de celles dont on encourage la ratification. Pour des raisons similaires, il estime que la convention no 143 aurait dû figurer au paragraphe 72 b) vii) et viii). Il approuve la recommandation du paragraphe 73 tendant à reconstituer le groupe de travail afin de lui permettre de poursuivre ses travaux.

11.  Le représentant du gouvernement de la Fédération de Russie a demandé qu'on apporte une correction au paragraphe 11 du rapport. Sur la question de la majorité requise, il considère que les décisions relatives à l'adoption et à l'abrogation des conventions devraient être prises à la majorité des deux tiers prévue par la Constitution. Le texte de la ligne 10 devrait donc être le suivant: «...puis celui de la Conférence... à la majorité des deux tiers».

12.  Le représentant du gouvernement de la Norvège a demandé lui aussi qu'on apporte une correction à sa déclaration en supprimant la dernière phrase du paragraphe 8.

13.  Le représentant du gouvernement de l'Espagne a approuvé le point appelant une décision du paragraphe 16 du rapport, mais jugé nécessaire de faire des observations sur les arguments présentés par les membres employeurs et travailleurs au sujet des délégués participant à la Conférence. En effet, estime-t-il, ces délégués détiennent les pleins pouvoirs de leurs gouvernements respectifs pour exercer les fonctions qui leur ont été confiées, et leurs recommandations, approuvées par la Conférence, ne devraient pas être contestées. Il importe de noter également que les décisions prises par les parlements ne traduisent pas uniquement leur volonté, mais aussi celle de l'opinion publique, qui joue un rôle important. L'orateur ne peut donc accepter que l'on fasse de l'approbation parlementaire une sauvegarde obligatoire. Il faut faire preuve de flexibilité et s'adapter à la réalité. L'adoption et l'abrogation des conventions devraient être soumises à la même majorité.

14.  L'orateur a proposé de rédiger le paragraphe 72 b) i) du rapport comme suit: «la proposition visant à examiner, avec effet immédiat, l'impossibilité d'appliquer les conventions qui ne sont pas entrées en vigueur et l'inexistence de leurs effets et obligations». La représentante du gouvernement du Royaume-Uni, après avoir félicité le Bureau de la qualité des documents fournis et remercié les membres du groupe de leur excellent travail, a déclaré approuver pleinement toutes les recommandations du rapport.

15.  Le représentant du gouvernement du Panama a félicité le Bureau pour ses documents qui décrivent la situation de manière approfondie et détaillée, et le groupe de travail pour ses travaux si constructifs. Le moment est venu de mettre en sommeil des instruments et d'examiner la possibilité d'en abroger certains car cela pourrait contribuer à améliorer l'image de l'OIT. L'orateur s'est associé sans réserve à la recommandation proposant que le groupe de travail poursuive ses travaux.

16.  Le représentant du gouvernement du Chili a demandé que sa déclaration soit reformulée au paragraphe 10 du rapport en vue de refléter son opinion sur la question, à savoir que de nouveaux facteurs comme la mondialisation et les technologies nouvelles ont transformé le monde d'aujourd'hui, y compris les relations professionnelles, d'où la nécessité d'adapter les normes adoptées aux nouvelles réalités.

17.  Le représentant du gouvernement de l'Inde s'est déclaré satisfait de l'approche critique, impartiale et analytique du groupe de travail et de la manière dont chaque convention a été examinée afin de déterminer si elle est toujours pertinente ou devenue caduque. L'orateur s'est prononcé en faveur de la poursuite des activités du groupe de travail, car de son point de vue la révision et l'examen des instruments contribueront toujours à une amélioration de la qualité des conventions et recommandations.

18.  La représentante du gouvernement des Pays-Bas a félicité le Bureau pour l'excellente qualité de ses documents. Elle a souscrit sans réserve au rapport, tout en faisant observer qu'elle n'aurait pas eu d'objection à la mise en sommeil de la convention no 44.

19.  Le représentant du gouvernement du Mexique a indiqué, à propos du paragraphe 27 du rapport, que sa déclaration devrait être comprise comme appuyant celle du représentant du gouvernement de l'Australie (paragr. 25). La dénonciation est trop étroitement liée à la ratification, et cela pourrait décourager la dénonciation des conventions. Il convient de rappeler que les Etats Membres font rapport sur une éventuelle ratification lorsque les conventions sont soumises aux autorités compétentes et que les arguments en faveur de la ratification sont évalués à ce moment-là.

20.  Le représentant du gouvernement de l'Australie a approuvé les recommandations formulées dans le rapport mais demandé que le paragraphe 58 soit modifié de telle manière que le membre de phrase «Il préférerait pouvoir le consulter» soit supprimé et remplacé par «Il faudrait procéder à de nouvelles consultations.»

21.  Le représentant du gouvernement du Brésil s'est déclaré vivement intéressé par les travaux réalisés par le groupe de travail et satisfait des recommandations qu'il a formulées. Un pas très important a été franchi dans le domaine de l'action normative.

22.  Le représentant du gouvernement de l'Espagne a félicité le groupe de travail et son président. Il a évoqué la possibilité que le groupe de travail conserve le même président lorsqu'il sera reconstitué après l'élection du nouveau Conseil d'administration.

23.  Le président de la commission a insisté sur le consensus et les décisions unanimes auxquels est parvenu le groupe de travail ainsi que sur la nécessité pour le groupe d'être rétabli dans ses fonctions sous la conduite du même président. Il a également remercié le Bureau pour les excellents documents de travail qu'il a présentés.

24.  La commission recommande au Conseil d'administration de prendre note des débats et d'approuver les recommandations figurant aux paragraphes 16, 72 et 73 du Groupe de travail sur la politique de révision des normes(3) , recommandations qu'elle a adoptées et qui sont les suivantes:

a) prendre note de la partie du rapport du Groupe de travail sur la politique de révision des normes concernant l'abrogation ou l'extinction des conventions internationales du travail;

b) demander au Bureau de préparer pour la prochaine réunion du groupe de travail un document détaillé portant sur les questions de procédure, les garanties nécessaires et les différents problèmes relatifs à un amendement à la Constitution en matière d'abrogation ou d'extinction des conventions internationales du travail obsolètes pour que, sur la base de ce document, le groupe de travail puisse poursuivre ses travaux.

c) prendre note de la partie du rapport du Groupe de travail sur la politique de révision des normes portant sur l'examen des conventions les moins ratifiées ou mises en sommeil;

d) approuver les propositions qui ont fait l'objet d'un consensus au sein du groupe de travail et de la commission, à savoir:

e) noter que la mise en œuvre de certaines recommandations de la commission implique, au niveau du Bureau, des actions de suivi comprenant des demandes d'informations aux gouvernements et aux mandants, ainsi que la présentation de rapports au groupe de travail lors de ses prochaines réunions sur l'évolution de la situation à l'égard des conventions examinées et sur les résultats obtenus, et, au niveau des Etats Membres, d'entreprendre des consultations tripartites en tenant compte, en particulier, des procédures prévues dans le cadre de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et de la recommandation (no 152) sur les consultations tripartites relatives aux activités de l'Organisation internationale du Travail, 1976;

f) décider que, après les élections au Conseil en juin 1996, il reconstituera le Groupe de travail sur la politique de révision des normes afin de lui permettre de se réunir en novembre 1996 pour poursuivre ses travaux.

Politique normative: ratification et promotion
des conventions fondamentales de l'OIT

25.  La commission était saisie d'un document(4)  sur cette question faisant suite aux discussions qu'elle avait eues à la 264e session (novembre 1995) du Conseil d'administration.

26.  Un représentant du Directeur général a mis à jour les informations contenues dans le document. Depuis l'établissement de ce document, le 9 février 1996, l'Estonie a ratifié les conventions nos 29 et 105 et l'Afrique du Sud les conventions nos 97 et 98. Le Mozambique a approuvé la ratification des conventions nos 87 et 98 et le Bureau attend de recevoir le document de ratification officielle. Le Togo a proposé à son Assemblée nationale de ratifier la convention no 105. Les sept pays ci-après ont envoyé des réponses indiquant leurs intentions à l'égard des conventions qu'ils n'ont pas encore ratifiées, ce qui porte à 102 le nombre total de réponses mentionné au paragraphe 4 du document: la République dominicaine (la convention no 138 est actuellement examinée avec les partenaires sociaux et il devrait être possible de la ratifier à terme); le Kazakstan (la ratification des conventions nos 29, 87, 98, 105 et 111 sera soumise au Parlement au cours de l'année 1996; si la convention no 100 recoupe la législation nationale, aucune indication n'a néanmoins été fournie concernant sa ratification); la République de Corée (le processus de ratification des conventions nos 29, 105, 111 et 138 a été engagé, mais les conventions nos 87 et 98 exigeront une révision de la législation du travail); Maurice (il est possible de procéder à la ratification de la convention no 87 si la possibilité actuelle de contester la constitutionnalité des lois répond aux exigences de l'instrument; la convention no 100 sera examinée lors de l'élaboration du nouveau code du travail et la convention no 111 se heurte à l'obstacle de l'inexistence d'une autorité nationale chargée de contrôler la politique en matière de non-discrimination; cette situation pourrait donner matière à une assistance technique du Bureau); le Qatar (les six instruments non ratifiés, à savoir les conventions nos 29, 105, 100, 87, 98 et 138, sont actuellement à l'étude); les Etats-Unis (la ratification de la convention no 111 est envisageable, mais il n'est pas possible de se prononcer sur le calendrier et l'issue de la procédure de ratification; la ratification de la convention no 29 se heurte à la tendance actuelle à la privatisation des prisons; l'examen de la convention no 138 a été suspendu); le Koweït (la convention no 138 est examinée de manière approfondie en vue de sa ratification). De plus, à propos des informations relatives au Chili figurant au paragraphe 13 du document, l'intervenant a indiqué qu'un fonctionnaire gouvernemental a effectué le mois précédent une visite au Département des normes pour réunir des informations dans la perspective d'une ratification; voilà un bon exemple de coopération. Enfin, il a ajouté que tous les directeurs régionaux ont répondu au mémorandum du 20 février 1996 du Directeur général dont il est question au paragraphe 58, et que de nouvelles informations commencent à parvenir au Bureau.

27.  Les membres employeurs se sont déclarés très satisfaits des résultats de l'initiative du Directeur général; le taux de réponse, qui avoisine les deux tiers, est très élevé. Quant aux divers arguments avancés par les gouvernements pour expliquer la non-ratification, il appartient aux gouvernements eux-mêmes de convaincre leurs parlements respectifs. L'exemple de l'assistance technique fournie au Chili devrait être suivi par d'autres gouvernements. Il est intéressant de noter les motifs de non-ratification avancés par les Etats-Unis, en particulier à propos de la convention no 87. Quant aux remarques finales formulées dans le document, les employeurs ont noté que de nouvelles ratifications sont attendues et que les informations qui viennent d'être données laissent espérer d'autres ratifications en 1996 ou au début de 1997. Ils se sont également félicités de la réaction des directeurs régionaux au mémorandum du Directeur général du 20 février 1996 et comptent que les équipes multidisciplinaires participeront au suivi à cet égard. Notant que le prochain rapport est prévu pour mars 1997, ils ont souligné que l'approche novatrice consistant à «plaider personnellement» en faveur de la ratification semble donner de bons résultats. La commission devrait garder cela présent à l'esprit lorsqu'elle débattra des autres moyens de renforcer le mécanisme de contrôle.

28.  Les membres travailleurs se sont félicités du document et des informations complémentaires montrant que les ratifications sont en augmentation. Le document contient des informations précieuses pour les organisations de travailleurs. Comme ils l'ont déjà indiqué lors du débat de novembre 1995 sur la question, les membres travailleurs appuient sans réserve l'initiative du Directeur général, qui devrait entraîner une véritable campagne de ratification universelle des conventions en cause. Il convient d'avoir recours à l'assistance technique pour aider les gouvernements lorsque des obstacles sont mis en évidence. Si les sujets de satisfaction existent, le Bureau devrait néanmoins renforcer ses activités de promotion. Le nombre élevé de réponses ne devrait pas susciter un optimisme excessif, car un certain nombre de gouvernements n'ont toujours pas répondu. L'OIT devrait certainement répondre de manière positive aux demandes d'assistance technique mentionnées aux paragraphes 47 à 54, mais elle devrait aussi travailler en synergie dans les cas appropriés. Les travailleurs se sont néanmoins déclarés satisfaits du document et attendent avec impatience le prochain rapport annuel.

29.  Le représentant du gouvernement de la France a qualifié le document de très encourageant, compte tenu notamment des nouvelles informations fournies. Le paragraphe 55, qui évoque l'acheminement vers la ratification universelle, est peut-être un peu trop optimiste. On n'en est pas encore à la ratification universelle, mais l'opération engagée a donné un nouvel élan au processus. Il est nécessaire de poursuivre les contacts avec les gouvernements, notamment avec ceux qui sont proches de la ratification, par exemple lors de la prochaine session de la Conférence internationale du Travail. L'orateur a également souligné l'importance de cette initiative compte tenu du fait que la ratification est à la base de l'activité normative.

30.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne s'est félicité de la richesse des informations figurant dans le document et des renseignements complémentaires qui ont été fournis. Il s'est interrogé sur la référence, dans l'annexe, à une éventuelle ratification de la convention no 138 par El Salvador, alors qu'à sa connaissance cette ratification est maintenant un fait.

31.  Le représentant du gouvernement du Chili a remercié le directeur et le personnel du Département des normes internationales du travail pour leurs avis techniques et le temps passé avec l'expert chilien au mois de février 1996 au moment de l'examen des possibilités de ratification. Cette opération encourageante a déjà débouché sur une discussion tripartite au Chili concernant la ratification de la convention no 144, et l'orateur a bon espoir que deux autres conventions seront soumises au Parlement pour ratification à sa session en cours. Un séminaire universitaire de haut niveau doit également avoir lieu pour faire connaître aux partenaires sociaux l'importance de l'OIT et de ses normes.

32.  Le représentant du gouvernement de l'Inde a complimenté le Directeur général et le Bureau pour avoir donné la primauté à ces sept conventions et fait comprendre combien il est crucial que tous les Etats Membres les ratifient et les appliquent. Ces instruments, qui s'inspirent de la Déclaration de Philadelphie, sont essentiels pour la dignité de l'homme. Leur ratification et leur application sont un processus évolutif, comme le développement humain. Chaque pays, ayant son style et ses besoins propres, répond à sa manière avec ses particularités politiques et culturelles. Il ne faut pas interpréter la non-ratification comme un manque de volonté politique ou un indicateur de niveau du développement, car la ratification n'est qu'un mécanisme pour garantir des normes du travail minima. L'orateur a demandé des informations sur le regroupement de certaines conventions dans l'analyse du document: les conventions nos 87 et 98 concernent des collectivités et des groupes alors que les conventions nos 29, 100, 105 et 111 concernent des individus. Dans certains Etats où la volonté politique de procéder à des ratifications existe, des raisons valables peuvent s'y opposer. Ainsi, l'Inde a ratifié la convention no 29 en 1954, mais il lui a fallu vingt-deux ans avant de pouvoir traduire le principe de cette convention en une législation interdisant la servitude pour dettes, et même aujourd'hui cette forme de travail forcé n'a pas disparu. La situation est semblable en ce qui concerne la convention no 100, ratifiée en 1958 et traduite en un texte de loi en 1976 seulement, alors que l'égalité de rémunération demeure un problème considérable qui est difficile à saisir. Ces exemples montrent le processus évolutif inhérent à ces instruments. De plus, une convention peut ne pas être ratifiée pour des raisons techniques tout en étant largement appliquée dans la législation et la pratique nationales.

33.  Le représentant du gouvernement du Royaume-Uni s'est déclaré satisfait du document, qui lui paraît utile, informatif et à jour. En ce qui concerne la question de savoir quel type d'assistance est nécessaire pour promouvoir les conventions fondamentales, le paragraphe 56 met en évidence les principaux problèmes. Il faudrait s'efforcer aujourd'hui de supprimer ces obstacles en accordant une assistance technique aux gouvernements. Le document montre que beaucoup de pays soutiennent les principes énoncés dans les instruments, mais qu'ils ne les ratifient pas pour des raisons techniques. Par conséquent, au lieu de chercher à promouvoir une ratification formelle, on devrait essayer de promouvoir les principes clés énoncés dans ces instruments.

34.  Le représentant du gouvernement de la Norvège a souligné que les initiatives du Directeur général ont l'appui de son gouvernement, mais qu'il aurait souhaité que les résultats soient encore meilleurs. La mise à jour qui vient d'être faite est légèrement plus positive, mais on est encore loin d'une ratification universelle des conventions. Cette opération montre cependant que les gouvernements prennent la chose au sérieux et qu'ils sont dans la bonne voie. Etant donné que plus de 50 Etats n'ont pas encore répondu, le gouvernement de la Norvège appuie les mesures complémentaires prises pour susciter des réponses. L'aspect le plus positif, selon lui, c'est que dans au moins 35 pays la ratification de la convention no 138 est en cours. Il attend avec intérêt des mises à jour périodiques, car cette opération est utile et peu coûteuse.

35.  Le représentant du gouvernement du Panama a souligné que les pays d'Amérique centrale insistent sur la ratification des conventions fondamentales et que pratiquement tous les pays de la région ont ratifié ces instruments. Il a indiqué à la commission que, à une réunion des ministres du Travail des pays d'Amérique centrale tenue récemment au Nicaragua, les participants ont félicité le Guatemala pour les négociations de paix et pour la décision qu'il a prise récemment de ratifier la convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. L'orateur engage d'autant plus vivement les autres gouvernements à faire de même que ce pays a été confronté à de nombreux problèmes.

36.  Le représentant du gouvernement des Etats-Unis a déclaré que le document et la mise à jour montrent qu'une simple lettre du Directeur général peut susciter une importante réaction. Le BIT est en train d'examiner cette question des conventions fondamentales au sein de nombreux organes (la commission LILS; la commission ESP à l'occasion de l'examen des objectifs par pays; le Groupe de travail du Conseil d'administration sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international; enfin, le Groupe de travail de la commission LILS sur la politique de révision des normes), et il doit s'assurer que tous œuvrent dans le même sens. Lorsque ces organes établissent leurs rapports, ils doivent veiller à ce que le plus grand nombre d'informations possible soit recueilli et diffusé, tout en limitant le nombre des différents rapports. Le gouvernement des Etats-Unis attend avec intérêt de recevoir ce type de document de manière régulière.

37.  M. Ahmed (membre travailleur) a fait remarquer que les normes en cause consacrent des droits très importants non seulement pour les travailleurs du nord mais aussi pour ceux du sud. Il espère bien que les pays qui ne l'ont pas encore fait les ratifieront et souligne qu'ils sont tenus d'appliquer les principes énoncés dans ces instruments. Les équipes multidisciplinaires devraient fournir une assistance technique pour surmonter les obstacles mentionnés au paragraphe 56. Pour ce qui est de la distinction qui a été faite par un orateur précédent entre les droits individuels et les droits collectifs, les membres travailleurs estiment que l'individu est la base de tous les droits: lorsqu'on refuse des droits à des individus, c'est à la collectivité tout entière qu'on les refuse. La convention no 98 concerne la protection des individus contre les actes de discrimination antisyndicale. L'orateur a invité les gouvernements énumérés au paragraphe 57 à envoyer leurs réponses.

38.  La représentante du gouvernement des Pays-Bas a appuyé la décision qui a été prise de présenter le même genre de document de manière régulière. Si une telle campagne avait été lancée auparavant, les Pays-Bas auraient peut-être ratifié la convention no 98 plus tôt, sans attendre pour cela l'année 1994.

39.  Le représentant du gouvernement de l'Italie s'est félicité de la qualité du document et a émis l'espoir que les mises à jour qui seront faites périodiquement signaleront de nouveaux progrès dans la ratification. S'il est vrai que les réponses des gouvernements sont positives dans l'ensemble, certaines laissent toutefois peu de place à l'espoir. L'orateur escompte que les pays énumérés au paragraphe 57 enverront leurs réponses. L'assistance technique du Bureau devrait aller aux gouvernements qui ne connaissent pas toutes les formes d'assistance qui peuvent être fournies. L'intervenant s'est déclaré très favorable au mémorandum du Directeur général daté du 20 février 1996.

40.  M. Gray (membre travailleur) a indiqué que le commentaire fait au paragraphe 18 au sujet de la liberté syndicale dans son pays appelle des précisions et des rectifications. Dans au moins deux cas (contrôleurs de la navigation aérienne et piquets de grève), le Comité de la liberté syndicale n'a pas constaté une conformité totale. M. Katz (membre employeur) a protesté contre cette demande de rectification en faisant valoir que la décision qui a été rendue dans le cas des piquets de grève n'est pas de nature condamnatoire. Le représentant du gouvernement des Etats-Unis, relevant cet exemple de dialogue tripartite, s'est engagé à donner une réponse plus claire qui soit acceptable pour l'un comme pour l'autre.

41.  Le représentant du gouvernement de l'Espagne a remercié le Directeur général de son initiative et le Département des normes internationales du travail pour son excellent document. Il a soutenu les orateurs précédents qui ont demandé des mesures complémentaires et souligné qu'il existe de nombreuses formes d'assistance aux gouvernements, comme les missions de contacts directs et d'autres formes d'assistance sans caractère officiel.

42.  Les membres travailleurs ont souligné, pour répondre à certains des orateurs précédents, que l'on ne devrait jamais perdre de vue le fait qu'il s'agit de normes fondamentales. Si les gouvernements se déclarent prêts à accepter les principes consacrés par ces normes, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant: ils doivent aller de l'avant et les ratifier. Il n'est pas possible de ratifier quelques-uns seulement des principes énoncés dans ces instruments, et les gouvernements devraient éviter d'essayer de se faire excuser parce qu'ils n'ont pas ratifié ces conventions fondamentales. Les membres travailleurs ont également fait remarquer que dans certaines réponses il est précisé que la charge administrative que représente l'établissement de rapports est un des obstacles à la ratification. Ce n'est pas une explication convaincante, surtout lorsqu'elle vient de pays qui bien qu'ayant des ressources considérables ont ratifié peu de conventions. Il ressort de certaines réponses que de plus grands efforts doivent être faits. Pour ce qui est des progrès réalisés dans la ratification des conventions en Amérique centrale, ils ont souligné que dans ces pays des conventions fondamentales sont encore violées de manière inacceptable. On ne doit pas oublier que le but de cette opération n'est pas seulement la ratification, mais aussi l'application intégrale des instruments fondamentaux.

43.  Les membres employeurs conviennent que la ratification n'est pas une fin en soi; après la ratification, il faut examiner l'application des conventions. Il est vrai que les progrès réalisés, tels qu'ils sont présentés dans le document, paraissent importants, mais le Comité de la liberté syndicale sait très bien que les violations se poursuivent. L'un des intervenants a envisagé la possibilité de ne ratifier que certains des principes d'une convention fondamentale, mais cela n'est juridiquement pas possible. Par ailleurs, le Conseil d'administration a déjà décidé, à sa session de novembre 1995, et dans le cadre de la présente opération, que ces conventions fondamentales ne peuvent être révisées, de sorte que toute suggestion allant dans ce sens ne peut qu'aboutir à une impasse.

44.  Le président a résumé le débat en disant que les lettres et l'assistance du Bureau, y compris par le biais des équipes multidisciplinaires, ne suffisent pas, et qu'il faut que les gouvernements agissent eux aussi. Dans sa région, le Bureau régional a pu aider les gouvernements qui ne l'avaient pas encore fait à répondre. Le document portant sur ce sujet qui sera soumis en mars 1997 fournira d'autres informations.

45.  La Commission a pris note du document du Bureau.

Politique normative: renforcement du système
de contrôle des normes de l'OIT

46.  Conformément à la décision prise par le Conseil d'administration à sa 264e session, la commission a été saisie d'un document(5)  sur ce thème.

47.  Les membres employeurs ont déclaré que l'examen par le Conseil d'administration, comme il est proposé au paragraphe 7 du document, des commentaires reçus des organisations d'employeurs et de travailleurs en vertu de l'article 19 de la Constitution, ferait double emploi avec d'autres mécanismes et que cette proposition ne peut être acceptée. En outre, la commission d'experts et la Commission de la Conférence se composent de juristes, ce qui n'est pas le cas du Conseil d'administration. Les membres employeurs sont favorables à la proposition d'utiliser davantage l'article 23 2) de la Constitution pour encourager les organisations d'employeurs et de travailleurs à faire des commentaires sur les rapports des gouvernements.

48.  Les membres employeurs n'approuvent pas la partie II du document relative aux autres possibilités de renforcement des procédures de contrôle. A sa précédente session, le Conseil d'administration ne s'est pas montré favorable à l'adoption de nouveaux mécanismes de contrôle et les employeurs ont signalé à cette occasion qu'ils y étaient opposés. On a déjà beaucoup fait pour renforcer les mesures de contrôle, et lors du débat sur la question précédente, la commission a discuté de la valeur des démarches directes auprès des Etats Membres. Pour les conventions ratifiées, les articles 24 et 26 de la Constitution prévoient déjà des mécanismes de réclamation et de plainte. Si des procédures du même genre étaient adoptées pour les conventions non ratifiées, cela aurait un effet rétroactif: les Etats en effet n'étaient pas conscients de cette éventualité lorsqu'ils ont adhéré à l'Organisation, et s'ils l'avaient été, certains n'y auraient peut-être pas adhéré. La procédure envisagée ne saurait être comparée à celle du Comité de la liberté syndicale, étant donné que les conventions en question traitent des droits individuels, tandis que les conventions nos 87 et 98 traitent des droits des organisations. Par ailleurs, les membres employeurs ne sont pas favorables à la possibilité évoquée dans le paragraphe 13 que les plaintes soient recevables sans l'agrément du gouvernement si elles portent sur des conventions ratifiées, et uniquement avec l'agrément du gouvernement, si elles portent sur des conventions non ratifiées; en effet, cela créerait deux catégories d'Etats. Le paragraphe 17 est intéressant car il pose la question de savoir s'il faut se fonder sur les termes employés dans la Constitution ou sur les dispositions des conventions, mais les employeurs ne sont pas certains de bien comprendre sa signification.

49.  A propos des paragraphes 21 et suivants concernant la remise en activité de la procédure des études spéciales sur des situations de discrimination, les employeurs sont hostiles à la proposition pour une raison qui figure dans le document; cette procédure instituée il y a 23 ans n'a jamais été exploitée avec succès. Ici aussi se pose un problème de consentement, et il va de soi que la procédure ne saurait être étendue à d'autres sujets. Les membres employeurs ont demandé si l'expression «l'élément du travail des enfants qui constitue un travail forcé» au paragraphe 25 signifie que l'on fait une distinction selon l'âge. Si la recommandation concernant la procédure est acceptée, il faudrait aussi adopter la recommandation faite au paragraphe 30 de ne plus se référer au défunt Comité sur la discrimination, mais à la commission. La proposition contenue au paragraphe 35 d'étendre la procédure à des types de discrimination non couverts par la convention no 111 reviendrait implicitement à étendre la portée de celle-ci sans l'amender, ce qui est tout aussi inacceptable que la proposition antérieure de ratifier certaines parties des conventions. Les membres employeurs n'acceptent donc aucune de ces propositions.

50.  Les membres travailleurs ont jugé le document très décevant. Le Conseil d'administration a débattu de la question à se précédente session et, aucun consensus ne s'étant dégagé faute de temps, il l'a renvoyée à la commission. Il aurait fallu débattre de la proposition initiale sans en y ajouter d'autres, car cela a pour effet de compliquer les choses. L'idée d'utiliser davantage l'article 19 de la Constitution a déjà été discuté lors de la précédente session, et les travailleurs ne voient pas pourquoi le document revient sur cette question aux paragraphes 7 et 8. Ils approuvent le paragraphe 9 qui concerne le recours accru à l'article 23 2) de la Constitution, mais désapprouvent le paragraphe 10 portant sur la présentation du rapport de la commission d'experts, l'idée n'ayant pas été appuyée par la majorité des membres lors du débat précédent.

51.  Les membres travailleurs sont en faveur de l'adoption d'une nouvelle procédure calquée sur celle du Comité de la liberté syndicale, qui ne dépendrait ni de la ratification des conventions ni du consentement du gouvernement concerné. Il aurait fallu développer dans le document les arguments présentés dans le précédent afin de faciliter la discussion de toutes les questions pertinentes. En dépit des explications contenues aux paragraphes 14 et 15 sur les avantages d'une procédure reposant sur le consentement des gouvernements dans le cas des conventions non ratifiées, les travailleurs n'appuyent pas cette option, car l'expérience a montré qu'elle serait probablement sans valeur. Le document contient deux nouvelles suggestions, à savoir réactiver et étendre la procédure spéciale en matière de discrimination, alors que cela n'avait pas été demandé au cours de la discussion précédente. Les travailleurs n'y sont pas favorables, parce qu'il n'y a aucune raison de penser que ce qui n'a pas fonctionné dans le passé fonctionnera à l'avenir. Les membres travailleurs ont donc réaffirmé leur position et demandé au Bureau de développer la proposition initiale dans un nouveau document. Ils ont pris note des arguments présentés par les membres employeurs, notamment au sujet de la rétroactivité, et ils ont espéré qu'une version plus complète du document antérieur y répondra.

52.  Le représentant du gouvernement des Pays-Bas a rappelé que l'OCDE est également en train d'évaluer les mécanismes de contrôle de l'OIT. La proposition relative à un nouveau mécanisme était excellente, comme l'a dit sa délégation en novembre 1995, mais elle a été abandonnée trop vite en faveur de nouvelles propositions. Le paragraphe 21 indique à juste titre que si un consentement est nécessaire la procédure sera inopérante. Certains pays pourraient estimer qu'une procédure n'exigeant pas un consentement dans le cas d'une convention non ratifiée serait une atteinte à la souveraineté, mais il ne faut pas surestimer le problème. Comme l'ont suggéré les membres travailleurs, l'OIT ne devrait pas se contenter de gérer une situation existante. L'OCDE estime que l'ancien mécanisme de supervision est insuffisant et qu'il faudrait peut-être faire preuve de plus d'imagination au lieu de se limiter à préserver ce qui existe.

53.  Le représentant du gouvernement de l'Espagne a jugé trop sévères les commentaires faits jusqu'à présent au sujet du document. Celui-ci contient des propositions novatrices, mais il faut commencer par examiner avec rigueur les questions juridiques. La procédure utilisée par le Comité de la liberté syndicale est présentée comme le meilleur modèle, mais il faut distinguer les droits individuels des droits collectifs. Cette procédure a été instaurée pour des raisons exceptionnelles, et c'est la seule qui s'applique à des conventions non ratifiées.

54.  La question se pose de savoir si la Constitution peut être appliquée directement. Tous les Etats Membres ont l'obligation d'en respecter à la fois l'esprit et la lettre et pour qu'elle ait un sens, il faut l'appliquer. On a dit que les conventions de l'OIT ne sont rien d'autre que des conventions collectives internationales, mais c'est faux: ce sont des traités. Si les Etats qui n'ont pas ratifié les conventions étaient traités de la même manière que ceux qui les ont ratifiées, la ratification n'aurait plus aucun sens. C'est pourquoi la procédure du Comité de la liberté syndicale ne saurait être étendue aux autres conventions. La procédure proposée n'apporterait pas grand chose de plus que celles prévues aux articles 24 et 26 de la Constitution, et on ne saurait donner une nouvelle interprétation à la Constitution sans la modifier.

55.  Quant à la proposition de réactiver la procédure des études spéciales sur des situations de discrimination, on a su faire preuve d'imagination par le passé comme en attestent les études sur la situation syndicale en Espagne menées à bien par le Bureau. Par conséquent, les études spéciales peuvent favoriser le progrès du droit national et international du travail, mais elles ne devraient pas concerner les pays qui n'ont pas ratifié les conventions, du moins pas sans leur consentement.

56.  Cependant, on ne saurait se satisfaire de la situation actuelle et il faut imaginer de nouvelles mesures propres à promouvoir l'application des conventions fondamentales. Le Conseil d'administration ne doit pas s'en remettre uniquement au Bureau dans ce domaine; il doit examiner la question lui-même en se fondant sur une solide analyse juridique. L'orateur s'est déclaré favorable à une coopération plus étroite fondée non pas nécessairement sur les seules plaintes mais aussi sur les commentaires des organisations d'employeurs et de travailleurs. Il serait donc souhaitable d'étudier la formule des études spéciales sur des cas de discrimination au lieu de créer un comité ad hoc chargé de traiter les réclamations et les plaintes présentées en vertu des articles 24 et 26. Il faudrait supprimer la référence à l'ancien Comité sur la discrimination.

57.  Le représentant du gouvernement de la Fédération de Russie a demandé sur quelle base constitutionnelle se fonde la proposition de créer une nouvelle procédure. Il existe déjà une procédure de plainte pour les conventions ratifiées et les Etats Membres sont tenus de présenter des rapports périodiques en vertu de l'article 22 de la Constitution. Ce dispositif est suffisant. Pour les conventions non ratifiées, il n'y a pas d'autre obligation que de présenter des rapports périodiques. C'est l'article 19. Par conséquent, la proposition du Bureau dépasse donc le cadre de la Constitution. La solution adoptée, quelle qu'elle soit, ne pourrait donc pas avoir force obligatoire pour les gouvernements, et la délégation de la Fédération de Russie n'appuie donc pas le paragraphe 20.

58.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a jugé que le rapport n'est pas si mauvais que certains l'ont dit et qu'il est même plutôt bon. Il a indiqué que dans les points appelant une décision, quatre questions sont posées et que sa réponse est «non» à chacune d'entre elles. La question essentielle est de savoir si la procédure du Comité de la liberté syndicale peut être étendue à d'autres conventions. La réponse est non. C'est avant tout une question de souveraineté nationale. L'exception prévue pour les conventions concernant la liberté syndicale devrait être la seule. Si un plus grand nombre de conventions sont rendues obligatoires sans ratification, elles ne seront pas ratifiées. Certains se demanderont peut-être pourquoi le gouvernement de l'Allemagne se soucie de ce problème puisqu'il a ratifié toutes les conventions en question; la réponse est que ce gouvernement n'est pas masochiste et que l'obligation de répondre à la commission d'experts, à la Commission de la Conférence et au Comité de la liberté syndicale est déjà amplement suffisante. La création de nouvelles commissions chargées d'examiner les cas de travail forcé et de discrimination ferait augmenter le nombre de plaintes.

59.  L'orateur ne voit pas d'inconvénient à la proposition du paragraphe 14 de créer un comité permanent chargé d'examiner les réclamations et les plaintes déposées en vertu des articles 24 et 26 et a estimé que ce serait une bonne idée de remplacer les comités ad hoc. Les conclusions et la jurisprudence seraient plus cohérentes, ce qui donnerait plus de poids aux délibérations d'un tel comité. L'orateur ne voit pas d'inconvénient non plus à ce que ce comité soit autorisé à examiner les plaintes contre les gouvernements qui y consentiraient, mais il a estimé qu'il faudrait pour cela amender la Constitution. Il a rejeté la proposition visant à réactiver la procédure spéciale concernant la discrimination. Cette procédure au paragraphe 3 permet de demander la réalisation d'études sur la convention no 111 et les normes relatives aux travailleurs migrants, mais elle a été adoptée avant l'adoption de la convention no 143, qui est d'ailleurs un instrument de faible valeur. La procédure ne devrait pas être étendue à d'autres instruments.

60.  Le représentant du gouvernement de la Norvège a rappelé que la promotion des droits fondamentaux des travailleurs est la première priorité de l'Organisation. En novembre 1995, il s'était inquiété du fondement juridique de plaintes déposées contre des Etats n'ayant pas ratifié les conventions, point non examiné dans le document soumis à la commission. Il n'est pas en faveur des propositions qui supposent le consentement du gouvernement car, comme le montre la procédure spéciale de 1973 sur la discrimination, ce consentement ne serait pas obtenu. Il partage la déception des membres travailleurs et espère que la commission sera saisie en novembre d'un nouveau document qui examinera, sur une base juridique solide, comment traiter le cas des pays qui n'ont pas ratifié les conventions sur les droits de l'homme, sans proposer que l'on demande le consentement des pays intéressés.

61.  Le représentant du gouvernement du Royaume-Uni a remercié le Bureau pour son document qui contient de nombreuses idées intéressantes. L'objectif de la discussion est de renforcer le mécanisme de contrôle pour promouvoir les objectifs prioritaires que sont la démocratie et les droits de l'homme. L'heure n'est pas venue de faire les propositions formulées dans le document et, en période de restrictions budgétaires, il vaudrait mieux chercher à améliorer les procédures existantes qu'en instituer de nouvelles. Un nouveau document devrait analyser dans le détail les procédures actuelles, la manière de les améliorer et d'autres moyens de renforcer le système normatif, y compris la poursuite de la révision et de l'examen des travaux de la Commission de la Conférence.

62.  Le représentant du gouvernement de l'Inde a déclaré avoir du mal à faire sienne la large gamme de propositions présentées notamment au paragraphe 14 (création d'un nouveau comité), 20 (projet de règlement pour une nouvelle procédure), 24 (réactivation de la procédure des études spéciales sur des situations de discrimination), 25 (extension de cette procédure) et 30 (amendement des dispositions légales concernant cette procédure). Il ne faut pas étendre la procédure du Comité de la liberté syndicale, mais plutôt améliorer la qualité du mécanisme de contrôle. Les propositions ne respectent pas le principe du volontarisme, qui constitue la pierre angulaire et la force du système. L'OIT devrait davantage tenir compte des conditions nationales. Les propositions porteraient atteinte au mandat et au caractère de l'OIT, et il serait anticonstitutionnel d'imposer un contrôle obligatoire en l'absence de ratification, notamment à une période où la capacité du Bureau de fournir une assistance s'amenuise en raison de restrictions budgétaires. L'examen devrait se poursuivre sur la base de propositions révisées offrant des solutions pratiques qui aideraient les pays en développement sans leur imposer de nouveaux fardeaux juridique et administratif.

63.  Le représentant du gouvernement de la France s'est dit d'accord avec les propositions de la partie I du document (mesures tendant à renforcer les procédures de contrôle en vigueur), mais a exprimé des réserves sur la réactivation et l'extension de la procédure des études spéciales sur des situations de discrimination. En ce qui concerne la proposition relative à une nouvelle procédure de plaintes, il a été dit que l'OCDE estime que la procédure du Comité de la liberté syndicale est la procédure la plus efficace de l'OIT et qu'elle devrait être étendue. Toutefois, l'orateur a participé aux discussions qui ont eu lieu à l'OCDE et s'est rendu compte que les participants avaient beaucoup de mal à comprendre la complexité des procédures de contrôle de l'OIT, exception faite de celle, plutôt simple, du Comité de la liberté syndicale. Il a émis des réserves au sujet de l'extension de cette procédure, qui repose sur la nature tripartite de l'OIT et sur des dispositions constitutionnelles, ce qui n'est pas le cas des propositions dont est saisie la commission.

64.  Le représentant du gouvernement de l'Indonésie a déclaré, au nom des gouvernements de l'Asie et du Pacifique, que les activités normatives de l'OIT sont très importantes mais qu'il est opposé à toute décision qui rendrait le contrôle obligatoire pour tous les pays, quelle que soit leur situation, et qu'ils aient ou non ratifié les conventions en question. Les procédures de contrôle pourraient être renforcées, mais pas de cette manière. Les gouvernements de l'Asie et du Pacifique se préoccupent des liens entre les normes fondamentales sur les droits de l'homme et d'autres questions. Dans certains cas, les organes de contrôle ont interprété les normes d'une manière qui va au-delà des dispositions des conventions concernées. L'article 19 3) de la Constitution stipule que l'OIT devrait tenir compte du stade de développement des différents Etats et il faut aussi prendre en considération les questions de coût. Les propositions présentées soulèvent des questions controversées et il ne faut pas prendre de nouvelles mesures obligatoires mais s'attacher à actualiser les normes et à les rendre plus souples.

65.  Le représentant du gouvernement de la Chine a déclaré que l'intégration économique mondiale a une grande influence sur le travail, le tripartisme et les relations professionnelles. L'OIT devrait y consacrer des études approfondies, en tenant compte des conclusions du Sommet mondial pour le développement social, qui s'est fixé pour objectifs prioritaires l'emploi et l'éradication de la pauvreté. La promotion des normes internationales du travail est un moyen, et non un but en soi, et l'OIT devrait promouvoir un développement social et économique coordonné en vue de la justice sociale. La proposition de réactiver la procédure relative à la discrimination n'est ni convaincante, ni nécessaire, car cette procédure n'a jamais été utilisée avec succès depuis 1973 et il ne faut pas l'étendre à d'autres conventions. L'OIT doit se demander pourquoi elle n'a pas fonctionné, plutôt que d'imputer son échec à l'absence de consentement des gouvernements. En ce qui concerne le consentement, le recours aux procédures de plainte devrait servir à améliorer la mise en œuvre. Sans le consentement et la coopération des gouvernements, il ne saurait y avoir d'amélioration de la loi ni de la pratique. Il est donc à la fois irréaliste et impensable d'étendre l'application des conventions sans consentement.

66.  Le représentant du gouvernement de l'Italie a déclaré que le document dont est saisie la Commission est un effort louable pour élargir le champ d'action des mécanismes de contrôle -- question fort délicate. La partie I du document reflète la pratique en cours. En ce qui concerne la partie II, la proposition concernant la procédure des études spéciales sur des situations de discrimination ne peut être acceptée, vu que cette procédure a échoué, faute de consentement des gouvernements. L'orateur a déclaré qu'il n'est pas opposé à la création d'un comité permanent chargé d'examiner les réclamations et les plaintes présentées en vertu des articles 24 et 26 et que la proposition figurant au paragraphe 14 devrait donc faire l'objet d'une étude plus approfondie. Toutefois, l'orateur a dit nourrir de sérieux doutes quant à la légalité et à l'efficacité du nouveau mécanisme de plainte qu'il est proposé de créer au paragraphe 20, qu'il n'approuve donc pas. Il faudrait que la commission, à sa prochaine session, soit saisie d'un nouveau document traitant uniquement de la création d'un comité permanent chargé d'examiner les réclamations et les plaintes présentées en vertu des articles 24 et 26.

67.  Le représentant du gouvernement de l'Argentine a rappelé que, lors de l'examen de la question précédente, la commission a relevé avec satisfaction que le nombre de ratifications des conventions fondamentales a augmenté. Cependant, il ne suffit pas de fixer des obligations juridiques à l'échelle universelle, il faut également mettre en place un mécanisme visant à en garantir le respect partout dans le monde. Comme l'ont affirmé les membres travailleurs, la procédure du Comité de la liberté syndicale est le meilleur moyen d'y parvenir. Les propositions énoncées dans le document sont entièrement valables.

68.  Le représentant du gouvernement de l'Australie, se référant au paragraphe 7, a déclaré que les observations des organisations de travailleurs et d'employeurs sont examinées par la commission d'experts et par la Commission de la Conférence, et qu'il est inutile de les soumettre au Conseil d'administration. L'orateur est convenu que la commission d'experts devrait soulever ces questions au titre de la convention no 144 et qu'il faudrait l'inviter à étendre la partie de son rapport traitant des droits de l'homme en relation avec l'application des conventions y relatives. En ce qui concerne la partie II du document, il est clair que toute nouvelle procédure devrait être non obligatoire, car c'est en se conformant à la méthode de persuasion adoptée par l'OIT qu'on aura le plus de chances d'obtenir des résultats. Il est clair aussi que toute nouvelle procédure devrait se fonder sur les conventions relatives aux thèmes considérés, ce qui permettrait de mieux cerner les obligations.

69.  La représentante du gouvernement du Canada a réaffirmé que sa délégation est favorable au renforcement et à la simplification des procédures de l'OIT, eu égard en particulier aux droits fondamentaux de l'homme. Elle a déclaré partager les réserves émises par d'autres orateurs au sujet des propositions énoncées dans le document, car celles-ci auraient pour effet d'alourdir les procédures au lieu de les alléger. L'oratrice s'est déclarée favorable à ce qu'on ne se limite pas à des mesures juridiques et à ce qu'on continue d'étudier les liens entre les normes et la coopération technique, celle-ci devant aider à supprimer les obstacles à la ratification et à l'application des normes.

70.  Le représentant du gouvernement du Japon s'est associé à la déclaration faite par le représentant du gouvernement de l'Indonésie au nom des gouvernements de la région. Les procédures de contrôle devraient établir une distinction claire et nette entre les conventions ratifiées et les conventions non ratifiées. L'objectif de ces procédures est d'assurer l'application pleine et entière des conventions ratifiées, de signaler sur quels points elles ne sont pas appliquées et de suggérer des moyens d'y remédier. L'application des conventions qui n'ont pas été ratifiées n'est pas obligatoire. C'est pourquoi il importe d'accroître le nombre de ratifications, comme il a été indiqué lors de l'examen de la question précédente. L'exception faite pour les conventions sur la liberté syndicale est fondée sur la structure tripartite de l'OIT; étendre cette exception à d'autres conventions soulèverait trop de problèmes juridiques, et les gouvernements de la région ne sont pas en mesure d'appuyer cette proposition. Les changements intervenus dans le monde devraient être pris en considération, et il faudrait revoir le système de contrôle en vue de l'adapter à ces changements. Des débats ont eu lieu au sein du groupe des PIEM au sujet du fonctionnement du système. L'OIT fait désormais comme si elle était un tribunal international: elle devrait davantage se demander pourquoi certaines conventions demeurent lettre morte. Il faudrait étudier la question, et les organisations d'employeurs et de travailleurs devraient coopérer pour mettre en application les conclusions des organes de contrôle avec l'assistance technique de l'OIT. Il faudrait donc redoubler d'efforts pour promouvoir les normes et pour rendre plus efficace l'actuel système de contrôle; cet aspect de la question devrait faire l'objet d'un nouveau document qui devrait être soumis à la commission.

71.  La représentante du gouvernement de la Nouvelle-Zélande a déclaré que son gouvernement est pleinement favorable au renforcement du mécanisme de contrôle, mais qu'il ne peut appuyer les propositions figurant dans le document. Il ne faut pas multiplier les contrôles, mais s'efforcer d'améliorer le mécanisme existant. L'oratrice a approuvé la décision énoncée au paragraphe 5 de demander des rapports sur la non-ratification des conventions fondamentales. Il faudrait examiner de façon plus approfondie la façon d'éliminer les obstacles qui se posent à la ratification. Les procédures de plainte ne devraient s'appliquer qu'aux pays qui ont ratifié les conventions visées.

72.  Le représentant du gouvernement du Mexique a approuvé la déclaration du représentant du gouvernement de l'Espagne.

73.  Les membres employeurs ont noté que certains représentants gouvernementaux se sont déclarés favorables à la création d'un comité permanent chargé de traiter les plaintes. Ils ont fait observer que les membres employeurs qui font partie des comités sont choisis pour leur connaissance particulière du sujet considéré et que la réaction d'un comité permanent poserait un problème sur ce plan. Ils ont aussi fait remarquer que le nombre des plaintes est en augmentation et que, si par suite de la création d'un comité permanent, il s'accroît encore, le Bureau risque de connaître des difficultés.

74.  Le président a noté que le document a donné lieu à une discussion nourrie qui pourrait servir de point de départ à un nouvel examen de la question à la prochaine session de la commission. Cette question est très intéressante, mais aussi très délicate. Un consensus s'est dégagé pour que l'on continue d'en débattre sur la base d'un document qui tiendra compte de tous les points soulevés au sein de la commission.

75.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a déclaré qu'il ne souhaite pas être associé à un consensus sur la poursuite des débats relatifs à l'extension de la procédure suivie par le Comité de la liberté syndicale. Il ne regrette de ne pas pouvoir s'associer à ce consensus, mais il est sûr et certain que son gouvernement ne changera pas d'avis sur ce point.

76.  Les membres travailleurs ont déclaré que le nouveau document devra mettre l'accent sur les points figurant au paragraphe 11 du présent document au sujet d'une nouvelle procédure de plainte et qu'il devra examiner les questions techniques et juridiques soulevées lors des débats de la présente session.

Rapport général de situation sur l'action de l'OIT
concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession

77.  La commission était appelée à examiner un document(6)  faisant le point de la situation sur les activités de l'OIT dans la lutte contre la discrimination en matière d'emploi et de profession. La partie I du rapport porte sur les activités de contrôle de l'application des conventions en matière de discrimination, y compris l'étude spéciale de la commission d'experts sur la convention no 111. Les parties IV, V et VI traitent respectivement des activités de l'OIT relatives aux migrations internationales pour l'emploi, de celles visant à promouvoir la non-discrimination à l'égard des travailleurs handicapés et de l'étude de la discrimination à l'encontre des travailleurs des territoires arabes occupés.

78.  Les membres employeurs ont pris bonne note de l'étude spéciale de la commission d'experts sur la convention no 111, en particulier du contenu du paragraphe 15 du rapport selon lequel cette commission a constaté l'émergence d'autres critères de discrimination que les sept critères énumérés par la convention et la recommandation no 111, à savoir l'âge, l'état de santé et l'orientation sexuelle. Toutefois, les membres employeurs ne sont pas favorables à la suggestion faite par la commission d'experts (paragr. 20 du rapport) d'examiner la possibilité d'ajouter à la convention no 111, dans un protocole additionnel ouvert à ratification spécifique, les trois critères susmentionnés. Cette proposition n'est pas conforme à la décision antérieure du Conseil de ne pas réviser cette convention même sous forme de protocole.

79.  Les membres employeurs ont noté avec intérêt que les activités de l'OIT en faveur des travailleurs migrants ont contribué à la reconnaissance du principe de l'égalité de traitement et à l'élimination de la discrimination à leur égard. S'exprimant en sa qualité de membre employeur des Pays-Bas, la vice-présidente employeur a qualifié de tendancieux le contenu du paragraphe 32 du rapport, en particulier la référence au rapport Bovenkerk de 1995, selon lequel les chances pour les travailleurs migrants, par exemple pour un demandeur d'emploi marocain, de trouver effectivement un emploi aux Pays-Bas sont pratiquement nulles. Elle a indiqué à cet égard qu'un accord avait été conclu entre employeurs et travailleurs en vue de créer 60 000 postes de travail pour les jeunes et les groupes minoritaires, dont les migrants, que 50 000 postes avaient déjà été trouvés et que, comme l'accord avait été prorogé, elle était sûre que l'objectif des 60 000 postes serait atteint. Elle a regretté que le rapport ne mentionne pas la nouvelle loi sur les travailleurs migrants qui constitue une protection importante à leur égard. Les membres employeurs se sont félicités des efforts déployés par le Bureau pour développer les activités en faveur des travailleurs handicapés. Ils ont pris note des informations sur la situation des travailleurs des territoires arabes occupés. Ils ont qualifié d'historique la première réunion à laquelle un employeur israélien et un employeur palestinien viennent de participer dans le cadre du groupe employeur du Conseil au cours de sa présente session.

80.  Les membres travailleurs ont apprécié les informations fournies dans le rapport. Ils ont noté avec satisfaction les nouvelles ratifications enregistrées et encouragé le Bureau à poursuivre le travail de promotion des ratifications des conventions. Il est important que la commission d'experts ait reconnu que la discrimination fondée sur le sexe a augmenté dans plusieurs pays. A propos de nouveaux critères de discrimination faisant intervenir l'âge, l'état de santé et l'orientation sexuelle, les membres travailleurs ont marqué leur accord sur la proposition de la commission d'experts d'étudier la possibilité d'ajouter ces critères à la convention, au moyen d'un protocole additionnel ouvert à ratification spécifique. Ils ont reconnu qu'il importe de poursuivre le travail en faveur des travailleurs migrants, y compris sur les mesures destinées à donner suite aux recommandations de la Conférence internationale sur la population et le développement tenue au Caire en 1994 et du Sommet mondial pour le développement social qui a eu lieu à Copenhague en 1995. Ils ont demandé que le Bureau poursuive les activités en faveur des travailleurs handicapés, y compris l'application des mesures prises par le Conseil d'administration dans ce domaine. Ils ont pris note des informations concernant les travailleurs des territoires arabes occupés et souligné l'importance du rôle et de la contribution de l'OIT au processus de paix dans cette région, et ils attendent le rapport de mission des représentants du Directeur général dans ces territoires.

81.  Le représentant du gouvernement du Qatar, s'exprimant au nom des pays arabes, a remercié la commission d'avoir accepté sa proposition d'examiner de nouveau la question de la discrimination à l'encontre des travailleurs des territoires arabes occupés au cours de cette session. Il a remercié le Directeur général pour les activités entreprises en direction de ces territoires et exprimé l'espoir qu'une nouvelle mission y serait envoyée et que le rapport de cette mission serait discuté à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail.

82.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne a partagé les réticences du groupe employeur au sujet de l'élargissement des critères de discrimination. Il a souhaité que la question de la discrimination à l'encontre des travailleurs migrants ne fasse plus l'objet du prochain rapport soumis à la discussion de cette commission. Il s'est félicité du travail important réalisé par le Bureau dans les territoires arabes occupés.

83.  Le représentant du gouvernement du Soudan a fait sienne la déclaration du représentant du gouvernement du Qatar. Il a souligné que les récents événements ont aggravé la situation des travailleurs des territoires arabes occupés et demandé l'intensification de l'aide de l'OIT à leur endroit.

84.  La représentante du gouvernement de l'Egypte a appuyé la déclaration faite par le représentant du gouvernement du Qatar au nom des pays arabes. Elle a remercié le BIT pour les efforts déployés afin d'améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs des territoires arabes occupés. Elle a exprimé l'espoir que des ressources financières suffisantes seront mises à la disposition de ces territoires et que les missions du BIT dans lesdits territoires se poursuivront jusqu'à ce qu'elles ne soient plus nécessaires.

85.  La représentante du gouvernement du Brésil a souligné l'importance de l'assistance technique reçue récemment du BIT pour promouvoir l'application de la convention no 111. Suite à cette assistance, un décret présidentiel, qui vient d'être publié au Journal officiel du Brésil, porte création au sein du ministère du Travail d'un groupe tripartite chargé d'examiner la question de la discrimination. En mai 1996, le ministère du Travail organisera avec la collaboration du BIT un séminaire sur les questions de discrimination fondée sur le sexe et la race qui s'adressera aux représentants de divers ministères (Education, Justice, Sécurité sociale, Travail et Fonction publique) et organisations féminines en vue de les former à jouer le rôle de multiplicateurs de connaissances en matière de discrimination et d'échanger des informations sur l'évolution de la situation dans ce domaine. L'oratrice ne voit pas d'objection à ce que l'on examine la possibilité d'ajouter à la convention no 111 d'autres critères de discrimination au moyen d'un protocole additionnel.

86.  Un représentant du Directeur général (le directeur du Département des normes internationales du travail) a précisé, en réponse au représentant du gouvernement du Qatar, que la mission du Directeur général dans les territoires arabes occupés a déjà eu lieu, et que le rapport de cette mission est en cours de préparation et sera soumis à la prochaine session de la Conférence.

87.  Les membres travailleurs se sont dits surpris par la déclaration du représentant du gouvernement de l'Allemagne quand bien même ils comprenaient les raisons qui l'avaient motivée. Il va sans dire que la discrimination dont pâtissent les travailleurs migrants continue de poser un sérieux problème dans les pays industrialisés comme ailleurs. Les travaux entrepris sur cette question devraient être poursuivis.

88.  La commission a pris note du document du Bureau.

Projet de recommandation de l'UNESCO
concernant la condition du personnel
enseignant du supérieur

89.  La commission a été saisie d'un document(7)  récapitulant les dispositions du projet de recommandation qui a été adressé au BIT par le Directeur général de l'UNESCO en février 1996. Des exemplaires du projet de recommandation ont également été mis à la disposition de la commission. Indépendamment des dispositions de fond du projet de recommandation, le document présenté à la commission soulève certaines questions qui concernent la position de l'OIT à l'égard des mécanismes de contrôle prévus dans le projet de recommandation. La commission y est invitée à faire des recommandations au Conseil d'administration au sujet du contenu des dispositions du projet de texte de l'UNESCO qui relèvent des domaines de compétence de l'OIT ainsi que des procédures de contrôle de l'application de l'instrument (pour autant qu'il soit adopté), en vue de préparer la participation de l'OIT à la réunion d'experts gouvernementaux de l'UNESCO qui doit être convoquée en octobre 1996 pour formuler des recommandations sur ces questions à la Conférence générale de l'UNESCO.

90.  Le représentant du Directeur général de l'UNESCO, qui avait été invité par le président à prendre la parole, a rappelé l'excellente coopération qui s'est établie entre l'UNESCO et l'OIT au cours des quatre dernières années dans le cadre de l'élaboration du projet de recommandation. S'il est adopté, l'instrument stimulera les efforts déployés à l'échelle internationale pour améliorer la situation du personnel enseignant du supérieur qui n'est pas couvert par les dispositions de la Recommandation OIT/UNESCO de 1966 concernant la condition du personnel enseignant. A la suite de la présente discussion au sein du Conseil d'administration du BIT et après que les observations des Etats membres de l'UNESCO auront été reçues, le projet de texte fera l'objet d'un nouvel examen lors de la réunion d'experts gouvernementaux de l'UNESCO qui se tiendra en octobre, avant d'être soumis à l'examen de la Conférence générale de l'UNESCO, à sa 29e session en novembre 1997.

91.  Les membres employeurs ont déclaré qu'ils n'avaient pas été en mesure d'étudier le texte de projet de recommandation lors de la réunion de groupe qui a précédé la discussion au sein de la commission et qu'ils ne pouvaient de ce fait présenter leurs observations sur les dispositions de fond du texte. Ils ont pris acte du point soulevé au paragraphe 7 du document du Bureau en ce qui concerne la compétence de l'OIT en matière de contrôle de l'application des normes internationales du travail; cette observation n'appelle aucun autre commentaire. Faute de savoir exactement en quoi consiste le projet de texte, les membres employeurs se sont abstenus d'exprimer leur position à l'égard du point appelant une décision figurant au paragraphe 10.

92.  Les membres travailleurs se sont déclarés satisfaits de l'issue des consultations entre l'OIT et l'UNESCO, dont il est fait état aux paragraphes 4 et 5 du document présenté à la commission. Le Bureau devrait être encouragé à poursuivre ses consultations avec l'UNESCO en vue de résoudre la question en suspens qui concerne les mécanismes de contrôle prévus pour l'instrument dont traite le paragraphe 7. Cela devrait être possible car le même problème a déjà été résolu pour la recommandation de 1966. Les membres travailleurs estiment que la solution la meilleure et la plus rentable consisterait à étendre le mandat du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts sur l'application de la recommandation concernant la condition du personnel enseignant (CEART). En tant qu'organe conjoint ayant acquis une longue expérience du contrôle de l'application de ce dernier instrument, il est particulièrement bien placé pour assurer un contrôle adéquat tant dans le domaine de compétence de l'UNESCO que dans celui de l'OIT. Bien entendu, l'OIT ne saurait abandonner le contrôle des normes internationales du travail à l'UNESCO ni à aucun autre organe. En appuyant le point appelant une décision du paragraphe 10, les membres travailleurs s'attendent à ce que le Bureau formule ses observations définitives sur les sections pertinentes du projet de recommandation qui intéressent l'OIT au cours de la réunion d'experts de l'UNESCO, et ils ont tenu à rappeler la proposition du Bureau selon laquelle le contrôle de l'instrument, s'il est adopté, devrait être assuré par le CEART, dans le cadre d'un mandat élargi. Au cas où le mandat du CEART serait reconsidéré, les membres travailleurs proposent de revoir ses méthodes de travail pour permettre aux syndicats d'enseignants de participer directement aux réunions du CEART.

93.  Le représentant du gouvernement de l'Allemagne, faisant également observer qu'il n'avait pas disposé du temps nécessaire pour examiner dans les menus détails le projet de texte de la recommandation, a toutefois déclaré à propos des paragraphes 50 à 52 que, dans son pays, les professeurs d'université étaient des fonctionnaires relevant d'une législation qui ne leur accorde pas le droit de négociation collective. Il a tenu à préciser que le fait que son gouvernement approuve le point appelant une décision du paragraphe 10 ne préjugeait en rien de la position qu'il exprimait à l'égard de la teneur du projet de recommandation au sein des organes de l'UNESCO qui seraient appelés à examiner ces questions. L'orateur a souscrit à la recommandation proposant que le CEART assure le contrôle de l'application du nouvel instrument, s'il est adopté. Qu'il s'agisse de contrôler l'application des normes visant les enseignants des écoles ou les professeurs d'université, cette proposition lui paraissait raisonnable et efficace par rapport au coût.

94.  Le représentant du gouvernement de l'Espagne a fait observer qu'il avait acquis une expérience directe de ces questions en qualité d'ancien membre du corps enseignant universitaire. En Espagne comme en Allemagne, les professeurs d'université sont des fonctionnaires qui ont un statut juridique et administratif différent. Il serait donc difficile de leur appliquer l'ensemble des conventions de l'OIT visées dans le projet de recommandation et dans son annexe. Certaines questions, comme les négociations, demanderaient peut-être à être examinées à la lumière de normes plus spécifiques, comme la convention no 151, alors que d'autres, par exemple l'autonomie des universités ou la liberté académique des professeurs, exigeraient un examen minutieux de l'incidence des normes sur l'emploi et les conditions de travail. Il serait utile que l'OIT et l'UNESCO développent encore le texte pour résoudre ces difficultés. De plus, ces préoccupations soulèvent certaines questions sur la meilleure façon de contrôler l'application d'un tel instrument; aussi, compte tenu des liens existant entre ces différentes questions, le gouvernement de l'Espagne appuyait-il la position du représentant du gouvernement de l'Allemagne qui avait fait valoir que le CEART était le mieux placé pour assumer cette fonction.

95.  En conséquence, la commission recommande au Conseil d'administration:

a) d'inviter le Directeur général à faire en sorte que l'OIT participe à la Réunion d'experts de l'UNESCO convoquée en vue de poursuivre l'examen du projet de Recommandation sur la condition du personnel enseignant du supérieur et de présenter ses vues sur le texte ainsi que sur toutes modifications éventuellement proposées;

b) d'inviter le Directeur général à réaffirmer au Directeur général de l'UNESCO la position de l'OIT selon laquelle la responsabilité du contrôle de l'application de la recommandation, si elle est adoptée, devrait être confiée au Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts sur l'application de la recommandation concernant la condition du personnel enseignant, pour autant que l'extension de son mandat soit approuvée par les organes compétents de l'OIT et de l'UNESCO;

c) de décider que la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail devrait recevoir un rapport sur les résultats de ces nouvelles consultations lors de la 267e session du Conseil d'administration (novembre 1996).

Hommage à Mlle Hak

96.  M. Noakes (membre employeur), s'exprimant au nom des employeurs, a dit combien ceux-ci regrettent de voir partir Mlle Hak, qui participe pour la dernière fois à une session du Conseil d'administration. Les employeurs ont vivement apprécié le travail qu'elle a accompli et la manière remarquable dont elle a défendu leurs intérêts. Ils se souviendront de son profond attachement au dialogue et au consensus.

97.  M. Parrot (membre travailleur), s'exprimant à la fois en son nom propre et au nom de tous les membres travailleurs, a dit combien ceux-ci ont apprécié la connaissance que Mlle Hak a des normes internationales du travail, sa capacité de négociation et sa promptitude à trouver des solutions. Par dessus tout, ils lui rendent hommage pour avoir toujours respecté les accords qu'elle avait conclus. Sa contribution à l'OIT remonte, avant la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail, à l'ancien Comité sur la discrimination et à la Commission de la Conférence sur l'action contre l'apartheid aujourd'hui dissoute. Au sein de la Commission sur l'action contre l'apartheid, elle a joué un rôle qui a été l'un des principaux facteurs du changement en Afrique du Sud. L'orateur n'a pas toujours été d'accord avec Mlle Hak, mais il respecte son intégrité et admire ses compétences et son engagement à l'égard des valeurs de la justice sociale et des droits de l'homme, qui sont au cœur du mandat de l'OIT.

98.  Le représentant du gouvernement des Philippines, s'exprimant au nom du groupe gouvernemental ainsi qu'au nom d'un gouvernement observateur pour la démocratisation duquel Mlle Hak a beaucoup fait, a rendu hommage à son engagement sans faille à l'égard de l'OIT. Lui non plus n'a pas toujours été d'accord avec elle, mais il reconnaît que les divergences d'opinion ont un effet revitalisant dans toute organisation. A son avis, Mlle Hak représente ce qu'il y a de mieux à l'OIT.

99.  Le président s'est associé à toutes ces déclarations.

100.  Mlle Hak a remercié tous les orateurs et a déclaré qu'elle avait eu beaucoup de plaisir à travailler au sein des diverses commissions de l'OIT. Elle a toujours eu de bonnes relations avec le personnel. Elle fait partie de cette génération qui a toujours recherché le consensus avec les syndicats plutôt que les conflits. Le travail qui a abouti à la création d'une Afrique du Sud nouvelle a été un grand succès. Elle part pour de bon, laissant la place à une équipe de nouveaux défenseurs du consensus.

Genève, 26 mars 1996.

Points appelant une décision:


1.  Document GB.265/LILS/5.

2.  Document GB.264/LILS/4.

3.  Document GB.265/LILS/5, reproduit en annexe.

4.  Document GB.265/LILS/6.

5.  Document GB.265/LILS/7.

6.  Document GB.265/LILS/8.

7.  Document GB.265/LILS/9/1.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.