La protection sociale dans le secteur de la culture et de la création
Pratiques et innovations observées dans différents pays
Résumé
La protection sociale dans le secteur de la culture et de la création - le présent document de travail s'appuie sur la Déclaration du centenaire de l'OIT pour l'avenir du travail, 2019, qui invite l'OIT à consacrer ses efforts à "élaborer des systèmes de protection sociale qui soient appropriés, durables et adaptés à l’évolution du monde du travail, ou améliorer ceux qui existent déjà". En particulier, le document passe en revue les cadres politiques et juridiques de certains pays ayant mis en place des solutions spécifiques visant à étendre la sécurité sociale aux travailleurs du secteur de la création et de la culture, afin d'identifier les points d'entrée et les mécanismes favorisant l'extension de la couverture. L'étude porte sur différentes options politiques qui garantissent l'adéquation et la viabilité de tels systèmes en tenant compte des caractéristiques particulières de l'emploi dans le secteur (statut d’emploi fluctuant, revenus irréguliers, nature intermittente du travail et mobilité géographique). Le document inscrit également cette réflexion dans le contexte de la pandémie de COVID-19, en donnant un aperçu des mesures de protection sociale mises en place par les gouvernements dans le secteur de la culture et de la création.
Avant-propos
Les travailleurs du secteur de la culture et de la création - qu'ils soient acteurs, musiciens, chefs d'orchestre, techniciens de l'audiovisuel ou ingénieurs du son - représentent le segment de la main-d'œuvre grâce auquel nous pouvons regarder un film ou écouter de la musique enregistrée ou en direct. Ils apportent du divertissement dans nos vies et contribuent à notre éducation. Leur travail favorise la valorisation du patrimoine culturel ainsi que la diversité et l'expression culturelle. Ils alimentent la créativité au sein des pays et favorisent la collaboration créative entre les pays, qui est à l'origine du développement culturel et social.
On estime que 29,5 millions de personnes travaillent dans les industries culturelles et créatives à travers le monde, et que les revenus de celles-ci s’élèvent à plus de 2,2 milliards de dollars E.-U. (soit 3 pour cent du PIB mondial)1. Ces travailleurs constituent donc eux aussi une réelle force motrice au sein du secteur de la culture et de la création, qui participe au développement économique des pays et à la création d'emplois, y compris dans les pays en développement.
Le COVID-19 a montré combien le secteur de la culture et de la création était important, notamment pour aider les populations à surmonter des moments difficiles. Pendant le confinement, le public a eu recours à différentes formes d'expression culturelle ou de divertissement, y compris la musique et les vidéos, ce qui a entraîné une hausse des services en ligne et de diffusion en continu2. Il n'en reste pas moins que le secteur a été durement touché par les mesures gouvernementales mises en place pour protéger la santé des personnes, qui ont entraîné la fermeture de sociétés de production, l'annulation de contrats ainsi que des pertes de revenus et d’emplois.
Ces circonstances ont mis en lumière des lacunes dans la couverture de protection sociale des travailleurs du secteur, et révélé que certains segments du secteur connaissent un déficit plus marqué en matière de travail décent. Bien que d'importantes mesures à court terme aient été mises en place pour limiter les conséquences de la crise, le moment est venu de renforcer la protection sociale des millions de travailleurs du secteur, afin de leur garantir une sécurité de revenu et un accès effectif aux soins de santé.
L'Organisation internationale du travail joue un rôle de premier plan dans l'élaboration de politiques de protection sociale visant à garantir des niveaux adéquats de couverture à tous les membres de la société dans le cadre de systèmes gérés efficacement, étayés par un ensemble de normes internationales relatives à la sécurité sociale.
Conformément à ces normes, l'objectif est aujourd'hui d’atteindre l’accès universel à une protection sociale complète et durable, comme le préconisent la Déclaration du centenaire de l'OIT et le Programme de développement durable à l'horizon 2030 (Programme 2030). Cet objectif suppose de trouver des solutions durables pour couvrir ceux qui n'ont pas été protégés de manière adéquate jusqu'à présent. Toutefois, il ne saurait y avoir un modèle unique pour toutes les situations. Pour que de telles solutions politiques soient viables, il est nécessaire d'adapter les systèmes de protection sociale aux normes internationales du travail pertinentes, afin de répondre aux besoins propres aux travailleurs du secteur de la culture et de la création, lesquels exercent souvent une activité indépendante ou temporaire. Certains de ces travailleurs perçoivent des revenus irréguliers provenant de plusieurs sources et travaillent pendant bien plus d'heures que celles comptabilisées.
L'innovation et la transformation numérique du secteur, en raison du recours accru à la diffusion en continu et aux plates-formes en ligne pour la production de contenu ou la représentation d'œuvres musicales ou théâtrales en direct, soulèvent également des questions quant au caractère équitable de la rémunération, car cela peut avoir une incidence sur la mesure dans laquelle ces travailleurs sont couverts par les régimes de sécurité sociale.
La présente étude passe en revue les cadres politiques et juridiques de certains pays qui ont mis en place des mesures spécifiques pour étendre la sécurité sociale aux travailleurs du secteur de la culture et de la création, afin d'identifier les points d'entrée et les mécanismes d’élargissement de la couverture et d’examiner les solutions permettant de garantir le caractère adéquat et durable de ces systèmes.
En particulier, l'étude porte sur les options possibles pour faire en sorte non seulement que les travailleurs du secteur soient couverts par les systèmes de sécurité sociale, mais aussi que les cadres juridiques puissent être facilement transposés dans des politiques assurant une couverture efficace, qui tiennent compte des particularités de ces emplois (par exemple, la fluctuation du statut d'emploi, l'irrégularité des revenus, la nature intermittente du travail, la mobilité géographique, etc.). Pour ce faire, il faudra mettre en œuvre une approche globale et coordonnée, qui combine régimes contributifs et non contributifs.
D'une part, les régimes contributifs sont nécessaires pour couvrir les travailleurs du secteur de la culture et de la création dans le cadre de solutions globales et sur mesure (par exemple, ajustement des conditions d'éligibilité et des taux de cotisation, et mesures favorisant la transférabilité des droits), de processus administratifs adaptés (par exemple, simplification de l'affiliation et du paiement des cotisations) et de mécanismes de financement innovants et diversifiés (notamment grâce à la pleine participation des diffuseurs). Ces mesures devraient intégrer les principes énoncés dans les normes de l'OIT relatives à la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne le partage des risques, l'équité et la solidarité.
D'autre part, le secteur de la culture et de la création n'est pas homogène: il englobe une diversité de modalités d'emploi. En tant que tels, les régimes non contributifs seront tout aussi nécessaires pour garantir que les segments à faible revenu et vulnérables des travailleurs du secteur aient au moins accès à un niveau de protection sociale de base, en particulier ceux qui ne sont pas couverts par les régimes contributifs existants, conformément à la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012.
La réussite de cette approche bidimensionnelle dépendra de la participation des syndicats et des corporations du secteur ainsi que des organisations d'employeurs (producteurs, diffuseurs, etc.) dans le cadre du dialogue social et de la gestion participative, afin qu'ils puissent faire entendre leur voix lors de la conception des politiques et de leur mise en œuvre.
L'élaboration de solutions en matière de sécurité sociale ne peut se faire de manière cloisonnée; l'extension des régimes de protection sociale aux travailleurs du secteur devra également s'inscrire dans le cadre plus large de l'évolution des relations d'emploi et permettre de remédier à la classification erronée des relations de travail.
Nous espérons que le présent travail de recherche ainsi que les bonnes pratiques recensées dans le cadre de la collaboration entre le Département des politiques sectorielles et le Département de la protection sociale mettront en lumière des solutions efficaces pour garantir que le droit humain à la sécurité sociale devienne également une réalité pour les travailleurs du secteur de la culture et de la création, qui contribuent tant à enrichir notre patrimoine culturel commun.
Alette van Leur, Directrice Département des politiques sectorielles |
Shahra Razavi, Directrice Département de la protection sociale |
Introduction
La présente étude porte sur les régimes de protection sociale qui couvrent les travailleurs du secteur de la culture et de la création. En particulier, elle examinera les régimes et les innovations en la matière qui protègent les travailleurs du secteur dans différents pays, en tenant compte de l'évolution des relations de travail dans le secteur3.
Alors que dans d'autres secteurs, les progrès technologiques et la pression exercée par d'autres forces du marché ont entraîné la diversification des formes d'emploi, la diversité des arrangements contractuels est depuis longtemps monnaie courante dans le secteur. Des rapports récents, dont la publication du BIT intitulée "Travailler pour bâtir un avenir meilleur", ont souligné que l'utilisation de robots, l'automatisation, l'utilisation des réseaux et l'évolution démographique avaient transformé les relations de travail4. Cette incertitude croissante dans les relations d'emploi soulève en retour des enjeux cruciaux pour les systèmes de protection sociale, dont beaucoup ne sont pas adaptés à des travailleurs souvent indépendants ou employés de manière temporaire ou à temps partiel. Dans d'autres cas, le salariat déguisé ou le travail indépendant en situation de dépendance économique (lorsque les revenus d'un travailleur dépendent principalement d'un client, mais qu'il est toujours considéré comme indépendant) peut entraver l'applicabilité des mécanismes de protection sociale existants.
L'exclusion des travailleurs du secteur de la culture et de la création des programmes et régimes de sécurité sociale peut être liée à plusieurs facteurs, tels que la non-applicabilité des cadres juridiques à certains travailleurs ou les difficultés administratives et financières liées au caractère irrégulier des cotisations de sécurité sociale découlant de la nature de leurs contrats (établis pour un projet ou de courte durée)5. En outre, pour étendre la protection sociale à ces travailleurs, il peut être nécessaire de clarifier leurs relations de travail et de supprimer les obstacles à leur inclusion, en droit comme dans la pratique, dans le système de protection sociale.
La pandémie de COVID-19 a mis en lumière les lacunes existantes en matière de protection sociale dans le secteur de la culture et de la création. Si certains États ont réagi très rapidement, notamment en prenant des mesures temporaires, il serait judicieux de mettre en œuvre des réponses à plus long terme, voire des solutions innovantes, pour traiter de manière adéquate les questions relatives à l'extension de la protection sociale aux travailleurs du secteur6.
Comprendre les difficultés et les solutions proposées pour protéger et couvrir les travailleurs du secteur créatif non seulement sera favorable au secteur et à ses acteurs en particulier, mais alimentera également le débat en cours sur l'avenir du travail.
Structure de l'étude
L'étude passera en revue les caractéristiques des professions du secteur de la culture et de la création ainsi que les relations contractuelles qui leurs sont propres, et examinera la mesure dans laquelle elles sont couvertes par différents régimes de protection sociale. Compte tenu du manque de données et d'informations disponibles concernant cet ensemble particulier de professions, l'étude dresse un tableau détaillé de trois pays (France, Mexique et États-Unis) pour mieux cerner le profil des professions du secteur, y compris le revenu annuel des travailleurs, leur statut contractuel et leur accès aux régimes de protection sociale, le cas échéant. L'analyse porte ensuite sur les principaux domaines d'action (adaptabilité, mécanismes de financement, solidarité et transférabilité), puis s'étend aux systèmes de sécurité sociale mis en place dans un large éventail de pays pour couvrir les travailleurs du secteur.
L'étude fournira des détails spécifiques et exposera des études de cas par pays en mettant en évidence les politiques choisies et les défis à relever pour assurer une couverture sociale efficace de ces professions.
La recherche s'est concentrée sur les pays où des mesures de protection sociale existent pour le secteur de la culture et de la création, et en déduit des bonnes pratiques. Toutefois, il est également reconnu que, dans de nombreux cas, les travailleurs du secteur peuvent ne pas être couverts par les systèmes nationaux de protection sociale existants ou ne pas y avoir accès, ou être couverts, à des degrés divers, par des régimes non contributifs.
Les régimes d'assurance sociale contributifs et les régimes non contributifs sont tous deux des composantes essentielles des systèmes nationaux de protection sociale. Les régimes non contributifs sont en effet nécessaires, car ils jouent un rôle primordial dans la réduction de la pauvreté, de la vulnérabilité et de l'exclusion. Cependant, les régimes d'assurance sociale contributifs demeurent un élément fondamental pour assurer la sécurité de revenu des travailleurs pendant et après leur vie active, car ils fournissent des prestations liées aux revenus perçus par le passé et une meilleure garantie de sécurité de revenu que les régimes non contributifs, sous condition de ressources ou universels7. L'étude cherche donc à faire la lumière sur la façon dont les mesures de protection sociale, et en particulier les mécanismes contributifs, peuvent s’adapter le mieux possible aux spécificités du secteur de la culture et de la création.
Dans l'ensemble, cette étude montre que pour relever les défis posés par l'extension de la couverture à tous les travailleurs du secteur, il est crucial d'adapter et de combiner les régimes de protection sociale (contributifs et non contributifs). En ce qui concerne les régimes non contributifs, il sera nécessaire de mettre en place des socles de protection sociale solides au niveau national afin de garantir que les groupes de travailleurs du secteur vulnérables et à faible revenu aient au moins accès à un niveau de protection sociale de base, en particulier s'ils ne sont pas couverts par un régime contributif. Il faudra également disposer de régimes contributifs et adopter des approches sur mesure, y compris en organisant la solidarité nationale (subventions) à plus grande échelle, ainsi qu'en instaurant d’autres mécanismes de financement, en plus des contributions traditionnelles sur les salaires mensuels, et en définissant les prestations à fournir et leurs modalités.
Le document présente un résumé des tendances actuelles de l'économie et de l'emploi, y compris les différences entre hommes et femmes, puis une description de l'ensemble des systèmes de protection sociale du secteur de la culture et de la création. Quatre études de cas mettent en évidence les mesures prises dans différents pays pour étendre la protection sociale aux travailleurs du secteur, et enfin, des conclusions et des considérations ont été formulées afin d’éclairer les décideurs politiques.
Méthodologie
Quatre grandes méthodes de recherche ont été employées, à savoir l'analyse des données, l’examen des publications existantes, la cartographie des législations et les études de cas. Afin de mener une évaluation approfondie des tendances actuelles et des défis auxquels les travailleurs du secteur de la culture et de la création sont confrontés, l'étude s’appuie sur les données du Bureau international du travail (BIT) et de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour les estimations mondiales. En outre, des informations plus détaillées sont tirées des enquêtes nationales sur la population active en France, au Mexique et aux États-Unis. Ces différentes sources nous permettent de dresser un tableau des formes d'emploi les plus courantes au sein du secteur de la culture et de la création, notamment en ce qui concerne les modalités du travail indépendant et du travail temporaire, la durée des contrats et les écarts entre hommes et femmes. Une cartographie des législations en matière de sécurité sociale a également été réalisée afin de donner un aperçu des différentes politiques et lois mises en œuvre dans les pays dans ce domaine. Sur la base de cette cartographie, plusieurs études de cas ont été menées pour examiner les outils et mécanismes spécifiques mis en œuvre pour relever les défis particuliers auxquels les travailleurs du secteur font face en matière de protection sociale.
L'étude se concentrera sur les professions du secteur de la culture et de la création, en partant du principe que les conditions de travail sont probablement plus uniformes au niveau de la profession que du secteur dans son ensemble. Pour illustrer ce propos, nous soutenons que les acteurs, les musiciens ou les écrivains sont confrontés à des défis semblables en matière de protection sociale, qu'ils travaillent pour une organisation culturelle ou non. Le Cadre de l'UNESCO pour les statistiques culturelles 2009 définit l'emploi culturel total comme l'ensemble des personnes qui exercent des professions culturelles (A+B) et des travailleurs exerçant différentes professions au sein du secteur culturel (C). La présente étude portera sur les professions créatives et culturelles (A+B) (figure 1).
Figure 1. Catégorisation des emplois culturels, UNESCO
A: Personnes ayant une profession culturelle dans le secteur culturel B: Personnes ayant une profession culturelle dans un secteur non culturel C: Personnes ayant une profession non culturelle dans le secteur culturel D: Personnes ayant une profession non culturelle dans un secteur non culturel |
Source : UNESCO-UIS, 2009
Le secteur de la culture et de la création: tendances actuelles et systèmes de sécurité sociale
Tendances de l'économie et de l'emploi dans le secteur de la culture et de la création
Mesurer la taille et l'ampleur du secteur de la culture et de la création par profession relève du défi; la définition du terme "artiste" varie selon les pays, ce qui rend difficile d'obtenir des données comparables. La Classification internationale type des professions (CITP) en vigueur, CITP-08, a été établie par la réunion tripartite d'experts des statistiques du travail en 2007. Elle classe les emplois, un emploi étant défini comme "un ensemble de tâches et de fonctions qui sont ou devraient être accomplies par une personne pour un employeur donné, y compris dans le cadre du travail indépendant". Par conséquent, "une profession est définie comme un ensemble d'emplois dont les principales tâches et fonctions se caractérisent par un degré élevé de similarité". Aux fins de la présente étude, on entend par "professions du secteur de la culture et de la création", les professions énumérées dans le tableau 1.
Tableau 1. Codes à 4 chiffres de la CITP-08 pour les professions de la culture et de la création
264 Auteurs, journalistes et linguistes |
265 Artistes créateurs et exécutants |
343 Professions intermédiaires de la culture, de la création artistique et des activités culinaires |
352 Techniciens des télécommunications et de la radio diffusion |
2641 Auteurs et autres écrivains |
2651 Artistes plasticiens |
3431 Photographes |
3521 Techniciens de radio-télévision et d'enregistrement audio-visuel |
2642 Journalistes |
2652 Compositeurs, musiciens et chanteurs |
3435 Autres professions intermédiaires de la culture et de la création artistique |
3522 Techniciens de télécommunications |
2653 Danseurs et chorégraphes |
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2654 Metteurs en scène de cinéma, de théâtre et d'autres spectacles |
|||
2655 Acteurs |
|||
2656 Annonceurs-présentateurs de radio, de télévision et autres médias |
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2659 Artistes créateurs et exécutants non classés ailleurs |
Source: BIT. Classification internationale type des professions (CITP-08), Structure, définitions des groupes et tableaux de correspondance, Volume I, 2012
Malheureusement, il n'existe pas de données mondiales ventilées à ce niveau. Le BIT fournit des données sur les professions (catégories à deux chiffres) comparables au niveau mondial et national. Le code 26 comprend les "Spécialistes de la justice, des sciences sociales et de la culture"; il correspond donc à une catégorie plus large que les professions énumérées ci-dessus.
L'Institut de statistique de l'UNESCO (ISU), par le biais du Cadre sur les statistiques culturelles, fournit des données sur l'emploi dans le secteur de la culture, ventilées d’après les catégories de l'emploi culturel (voir la figure 1 ci-dessus). La définition des professions du secteur de la culture et de la création employée par l'ISU est plus large que celle du BIT, puisqu'elle englobe l'enseignement, ainsi que l'artisanat et les services de conception, qui sont susceptibles d'inclure certaines professions sortant du cadre de la présente étude. Cela étant dit, le tableau 2 présente des estimations du nombre de personnes travaillant dans le secteur en 2015 dans certains pays, dont les données semblent fiables. Compte tenu des considérations précédentes, il s'agit de la fourchette supérieure des estimations. Ces chiffres permettent de déduire certains des grands traits définissant les relations des travailleurs du secteur avec le marché du travail.
Tableau 2. Nombre de personnes exerçant une profession de la culture et de la création (2015)
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---|---|---|---|---|---|---|
Autriche |
9 800 |
57 500 |
19 100 |
11 500 |
36 000 |
|
Belgique |
10 364 |
27 361 |
31 087 |
10 142 |
67 493 |
|
Bulgarie |
7 300 |
83 100 |
14 400 |
5 600 |
14 600 |
|
Canada |
55 700 |
120 500 |
102 300 |
57 100 |
230 000 |
|
Cabo Verde |
619 |
3 553 |
521 |
59 |
736 |
|
Costa Rica |
819 |
54 403 |
455 |
5 360 |
11 632 |
|
Chypre |
537 |
2 689 |
1 967 |
620 |
3 085 |
|
Tchéquie |
8 167 |
94 611 |
24 557 |
10 284 |
33 438 |
|
Équateur |
3 986 |
244 029 |
7 587 |
4 227 |
38 901 |
|
Estonie |
1 986 |
7 809 |
5 824 |
1 994 |
7 069 |
|
Finlande |
5 911 |
20 146 |
29 781 |
9 774 |
54 509 |
|
France |
41 406 |
189 575 |
102 201 |
109 866 |
260 108 |
|
Honduras |
240 |
103 867 |
3 638 |
4 349 |
6 911 |
|
Lituanie |
2 701 |
24 453 |
10 612 |
83 237 |
9 402 |
|
Luxembourg |
307 |
1 101 |
5 092 |
450 |
1 793 |
|
Lettonie |
2 300 |
17 400 |
5 000 |
1 700 |
11 200 |
|
Mali |
6 135 |
5 971 |
850 |
11 350 |
222 727 |
|
Pays-Bas |
25 000 |
66 000 |
71 000 |
24 000 |
121 000 |
|
Serbie |
9 319 |
58 214 |
13 871 |
5 663 |
14 203 |
|
Slovaquie |
2 100 |
45 000 |
9 000 |
3 400 |
18 700 |
|
Slovénie |
1 618 |
14 047 |
5 992 |
1 418 |
10 259 |
|
Suède |
14 900 |
28 000 |
52 000 |
14 500 |
54 700 |
|
Togo |
1 047 |
118 152 |
2 078 |
1 058 |
1 063 |
|
Source: Données de l'Institut des statistiques de l'UNESCO sur l'emploi culturel, sous CULTURE, ensemble de données sur l'Emploi culturel.
En Europe, entre 30 et 50 pour cent des travailleurs du secteur de la culture et de la création sont indépendants, sauf dans les pays baltes et dans certains pays d'Europe orientale, où la part de travailleurs indépendants est bien plus faible. Ce chiffre est tiré des données de 2019 sur l'emploi culturel recueillies par Eurostat, selon lequel la proportion relativement élevée d'emplois indépendants témoigne de la nature indépendante et spécialisée de nombreuses professions du secteur culturel, telles que les auteurs, les professionnels du spectacle, les musiciens, les peintres et les sculpteurs, ou les artisans. En 2018, ce chiffre (33 pour cent) était supérieur à la proportion moyenne d'emplois indépendants dans l'ensemble de l'économie (14 pour cent).
Comme on pouvait s'y attendre, le taux d'emploi indépendant est encore plus élevé dans les pays en développement, avec des chiffres allant de 40 à 60 pour cent - le Costa Rica et le Mali affichant les taux les plus élevés. Du point de vue des différences entre hommes et femmes, aucune tendance nette ne se dessine. Si dans de nombreux pays européens, l’emploi indépendant est moins répandu chez les femmes travaillant dans le secteur, dans certains pays asiatiques, comme la Malaisie et les Philippines, plus de 70 pour cent des travailleurs indépendants du secteur de la culture et de la création sont des femmes.
Tableau 3. Part de l'emploi indépendant, de l'emploi à temps partiel et de l'emploi temporaire dans les professions de la culture et de la création (2015)
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---|---|---|---|
Arménie |
13,4% |
22,7% |
4,3% |
Autriche |
30,7% |
25,7% |
14,5% |
Belgique |
33,1% |
20,7% |
14,6% |
Bulgarie |
12,5% |
4,5% |
3,1% |
Bosnie-Herzégovine |
13,1% |
7,5% |
21,3% |
Bolivie (État plurinational de) |
57,9% |
34,0% |
|
Canada |
36,3% |
23,1% |
15,7% |
Cabo Verde |
48,7% |
7,4% |
|
Costa Rica |
71,4% |
49,5% |
3,4% |
Chypre |
45,3% |
31,4% |
16,8% |
Tchéquie |
38,9% |
11,5% |
10,8% |
Allemagne |
34,0% |
26,6% |
15,3% |
Équateur |
55,1% |
30,5% |
42,0% |
Espagne |
35,2% |
18,1% |
25,9% |
Estonie |
14,1% |
20,7% |
3,6% |
Finlande |
23,9% |
18,4% |
16,9% |
France |
31,7% |
22,6% |
4,9% |
Grèce |
38,1% |
20,9% |
18,1% |
Honduras |
56,5% |
15,9% |
10,3% |
Croatie |
16,1% |
6,5% |
25,1% |
Hongrie |
23,7% |
10,1% |
11,5% |
Islande |
32,1% |
17,9% |
11,9% |
Italie |
45,8% |
18,1% |
15,7% |
République de Corée |
27,1% |
||
Sri Lanka |
53,0% |
19,1% |
55,3% |
Lituanie |
16,2% |
9,9% |
|
Luxembourg |
18,8% |
17,8% |
9,3% |
Lettonie |
18,1% |
15,8% |
|
République de Moldavie |
11,2% |
5,3% |
|
Mexique |
42,2% |
64,9% |
55,2% |
Macédoine du Nord |
10,2% |
41,6% |
13,6% |
Mali |
87,6% |
21,1% |
27,6% |
Malte |
28,8% |
20,7% |
9,0% |
Mongolie |
46,5% |
||
Malaisie |
46,4% |
||
Pays-Bas |
47,7% |
47,7% |
10,4% |
Pakistan |
55,1% |
4,2% |
68,3% |
Philippines |
14,6% |
27,9% |
21,6% |
Portugal |
20,0% |
10,5% |
22,0% |
Palestine |
12,0% |
4,0% |
|
Roumanie |
8,0% |
22,5% |
0,3% |
Serbie |
26,1% |
17,2% |
23,3% |
Slovaquie |
31,8% |
6,0% |
6,5% |
Slovénie |
25,4% |
||
Suède |
31,4% |
29,9% |
|
Thaïlande |
43,3% |
11,5% |
22,8% |
Turquie |
27,2% |
14,4% |
7,5% |
Viet Nam |
37,8% |
||
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Source: UNESCO, données de l'Institut de statistique sur l'emploi culturel
En moyenne, 43,3 pour cent des travailleurs exerçant des professions liées aux arts de la scène et aux festivités, et plus de 30 pour cent des professionnels de l'audiovisuel étaient engagés à temps partiel. Dans l'ensemble, plus de 42 pour cent des travailleurs dans le domaine du spectacle et des festivités, et 36 pour cent des travailleurs de l'audiovisuel étaient indépendants, tandis que 30 et 26 pour cent d’entre eux, respectivement, étaient sous contrat temporaire. Il convient toutefois de noter que le pourcentage de travailleurs du secteur qui ne connaissent pas leur statut contractuel ou n'ont pas de contrat de travail est très élevé (voir le cas du Mexique ci-dessous).
On trouvera ci-après une analyse des données concernant trois pays (France, Mexique et États-Unis d'Amérique), afin de mieux comprendre ces tendances au sein du secteur.
France
L'enquête sur la main-d'œuvre en France (Emploi en continu) de 2018 donne une estimation précise du nombre de travailleurs du secteur de la culture et de la création. D’après le système français de nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) reproduit dans le tableau 4, en 2018, 324 734 personnes travaillaient dans des professions du secteur de la culture et de la création, ce qui représente 1,1 pour cent de la population active.
Tableau 4. Codes PCS des professions de l’information, des arts et des spectacles en France
351a |
Bibliothécaires, archivistes, conservateurs et autres cadres du patrimoine (fonction publique) |
352a |
Journalistes (y c. rédacteurs en chef) 352b Auteurs littéraires, scénaristes, dialoguistes |
353a |
Directeurs de journaux, administrateurs de presse, directeurs d'éditions (littéraire, musicale, audiovisuelle et multimédia) |
353b |
Directeurs, responsables de programmation et de production de l'audiovisuel et des spectacles |
353c |
Cadres artistiques et technico-artistiques de la réalisation de l'audiovisuel et des spectacles |
354a |
Artistes plasticiens |
354b |
Artistes de la musique et du chant |
354c |
Artistes dramatiques |
354d |
Artistes de la danse, du cirque et des spectacles divers |
354e |
Artistes de la danse |
354f |
Artistes du cirque et des spectacles divers |
Source: Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)
Aucune tendance ne ressort clairement concernant l'âge, on peut seulement constater une légère concentration de travailleurs ayant une trentaine d’années (29 pour cent du total). Une analyse par sexe montre que 57 pour cent de l'ensemble des travailleurs du secteur sont des hommes. La ventilation par niveau d'études montre que les travailleurs du secteur ont pour la plupart suivi des études supérieures (voir tableau 5).
Tableau 5. Travailleurs du secteur de la culture et de la création ventilés par niveau d'études en France (2018)
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Licence (L3), Maîtrise (M1), Master (recherche ou professionnel), DEA, DESS, doctorat |
40,9% |
Écoles niveau licence et au-delà |
11,08% |
DEUG |
2,42% |
BTS, DUT ou équivalent |
17,30% |
Paramédical et social (niveau bac + 2) |
0,45% |
Baccalauréat général |
9,43% |
Baccalauréat technologique ou professionnel, ou équivalent |
6% |
CAP, BEP ou équivalent |
4,15% |
Brevet des collèges |
5,10% |
Certificat d'études primaires |
0,43% |
Sans diplôme |
2,38% |
Non disponible |
0,36% |
Source: INSEE. Enquête Emploi en continu, 2018
Enfin, il est intéressant de noter que 32 pour cent des travailleurs du secteur de la culture et de la création travaillent moins de 30 heures par semaine (voir tableau 6). On peut donc conclure que le travail à temps partiel est prédominant pour les travailleurs du secteur en France, qu'ils soient salariés ou indépendants. Étant donné que l'enquête française Emploi en continu interroge les travailleurs au sujet du nombre idéal d'heures de travail, il est possible de comparer les données pour déterminer si les salariés à temps partiel sont satisfaits ou s'ils préféreraient travailler davantage. L'analyse montre que les travailleurs du secteur ne souhaitent pas effectuer davantage d'heures; dans l'ensemble, on peut donc estimer que le travail à temps partiel répond à leurs besoins.
Tableau 6. Part des travailleurs du secteur de la culture et de la création, par durée du travail hebdomadaire en France (2018)
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<15 heures |
16% |
15–30 heures |
16% |
30–35 heures |
7% |
35–40 heures |
21% |
40+ |
37% |
n.d. |
3% |
Source: INSEE. Enquête Emploi en continu, 2018
États-Unis d'Amérique
A partir des données de mai 2018 recueillies par le Bureau des statistiques du travail des États-Unis (Bureau of Labor Statistics ou BLS), on estime que 1,4 million de personnes travaillaient dans le secteur de la culture et de la création, ce qui représentait un pour cent de l'emploi non agricole total (tableau 7)9. Les professions qui regroupent le plus de travailleurs dans le secteur sont les suivantes: concepteurs et designers; auteurs et éditeurs; techniciens de la radio et de la télévision; et acteurs, producteurs et réalisateurs. Ces quatre catégories de professions représentent 69 pour cent de l'emploi total du secteur aux États-Unis.
Tableau 7. Emploi total dans le secteur de la culture et de la création aux États-Unis (2018)
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27-1010 |
Artistes et travailleurs assimilés1 |
90 990 |
27-1020 |
Concepteurs et designers |
519 180 |
27-2010 |
Acteurs, producteurs et réalisateurs |
166 060 |
27-2030 |
Danseurs et chorégraphes |
14 810 |
27-2040 |
Musiciens, chanteurs et travailleurs assimilés |
53 840 |
27-2090 |
Divers professionnels et artistes du spectacle, sportifs et travailleurs assimilés |
13 740 |
27-3010 |
Présentateurs |
35 260 |
27-3020 |
Commentateurs de l’actualité, journalistes et correspondants de presse |
43 030 |
27-3040 |
Auteurs et éditeurs |
191 320 |
27-3090 |
Divers professionnels des médias et de la communication |
77 560 |
27-4010 |
Techniciens de la radiodiffusion et du son et opérateurs radio |
121 890 |
27-4020 |
Photographes |
49 560 |
27-4030 |
Opérateurs de prise de vue et monteurs (télévision, vidéo et cinéma) |
49 240 |
27-4090 |
Divers techniciens des médias et de la communication |
18 790 |
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1 D’après la définition du BLS, le terme "artiste" comprend les professions suivantes: directeurs artistiques, artisans d'art, artistes plasticiens - y compris les peintres, les sculpteurs et les illustrateurs -, artistes multimédia et autres artistes assimilés. Source: États-Unis, Bureau of Labor Statistics, " Occupational Employment Statistics ", consulté le 28 janvier 2021.
Source: Données du BLS.
Les données du BLS fournissent également des indications intéressantes concernant les salaires et leur répartition entre les professions, ainsi que sur le nombre moyen d'heures travaillées par profession. En moyenne, les artistes, les acteurs, les producteurs, les réalisateurs, les musiciens, les techniciens et les opérateurs travaillent près de 40 heures par semaine ou plus, tandis que les photographes, les danseurs, les professionnels du spectacle et les travailleurs assimilés travaillent un peu plus de 20 heures par semaine. Bien que les salaires moyens correspondent au nombre d'heures travaillées, il se peut que ce chiffre ne tienne pas compte des heures de travail "cachées", que certaines catégories de travailleurs, comme les artistes, passent à s'entraîner ou à répéter. En ce qui concerne la fourchette des salaires, les artistes touchent le salaire moyen le plus élevé, tandis que les photographes perçoivent le plus bas. Le salaire annuel moyen pour l'ensemble des professions du secteur était de 51 960 dollars É.-U. On peut donc constater que les salaires de plusieurs professions du secteur sont nettement inférieurs à la moyenne, alors que pour d'autres, comme les artistes et les professionnels de l'industrie cinématographique, les salaires dépassent largement la moyenne. Les professions de l'industrie cinématographique présentent le plus grand écart de salaires, le 90e centile gagnant 130 000 dollars É.-U. de plus par an que le 10e centile.
Tableau 8. Heures de travail et détails des salaires (en dollars É.-U.) pour les professions du secteur de la culture et de la création aux États-Unis (2018)
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Artistes et travailleurs assimilés |
40,83 |
84 930 |
34 670 |
144 530 |
Concepteurs et designers |
24,05 |
50 020 |
23 140 |
84 770 |
Acteurs, producteurs et réalisateurs |
39,24 |
81 610 |
23 930 |
160 730 |
Danseurs et chorégraphes |
22,44 |
46 670 |
19 810 |
90 290 |
Musiciens, chanteurs et travailleurs assimilés |
35,53 |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
Divers professionnels et artistes du spectacle, sportifs et travailleurs assimilés |
21,53 |
n.d. |
n.d. |
n.d. |
Présentateurs |
23,54 |
48 960 |
18 900 |
87 720 |
Commentateurs de l’actualité, journalistes et correspondants de presse |
29,1 |
60 530 |
23 840 |
112 750 |
Auteurs et éditeurs |
34,58 |
71 920 |
33 650 |
117 620 |
Divers techniciens des médias et de la communication |
26,2 |
54 490 |
26 190 |
89 920 |
Techniciens de la radiodiffusion et du son et opérateurs radio |
24,02 |
49 960 |
23 880 |
84 110 |
Photographes |
20,56 |
42 770 |
19 850 |
76 360 |
Opérateurs de prise de vue et monteurs (télévision, vidéo et cinéma) |
36,58 |
76 090 |
28 930 |
140 970 |
Divers techniciens des médias et de la communication |
37,06 |
77 080 |
31 760 |
117 300 |
Source: Données du BLS.
Mexique
L'enquête sur la main-d'œuvre au Mexique
En 2018, le salaire mensuel moyen au Mexique était de 6 153 pesos mexicains, alors que dans le secteur de la culture et de la création, celui-ci était nettement plus élevé (8 303 pesos). Les écarts de salaires entre les professions du secteur sont considérables. Alors que les auteurs et les critiques touchent des salaires supérieurs à 40 000 pesos par mois, les clowns et les artistes de cirque gagnent environ 2 400 pesos, ce qui se situe bien en-dessous de la moyenne.
L'ENOE indique quelle proportion de ces travailleurs sont indépendants et, ici encore, la situation est très contrastée. Les auteurs, les critiques et les compositeurs de musique sont pour la plupart indépendants, à l’inverse des metteurs en scène et des présentateurs de radio et de télévision. Le travail indépendant est prédominant chez les acteurs (47,6 pour cent).
Tableau 9. Heures de travail et détails des salaires (en pesos mexicains) pour les professions du secteur de la culture et de la création au Mexique (2018)
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Auteurs et critiques |
3 759 |
96,2% |
n.d. |
40 071,4 |
Journalistes et rédacteurs |
28 285 |
12,2% |
45,1 |
9 557,9 |
Artistes |
12 559 |
77,9% |
36,0 |
9 980,9 |
Dessinateurs et artistes, illustrateurs et graveurs |
84 805 |
35,9% |
46,7 |
9 437,8 |
Sculpteurs |
3 977 |
78,5% |
16,0 |
5 220,7 |
Metteurs en scène |
4 128 |
0,0% |
30,0 |
6 232,9 |
Compositeurs et arrangeurs musicaux |
652 |
91,0% |
n.d. |
4 223,7 |
Musiciens |
125 180 |
35,3% |
20,8 |
6 896,8 |
Chanteurs |
18 265 |
37,9% |
6,7 |
8 014,3 |
Danseurs et chorégraphes |
8 607 |
15,0% |
35,0 |
6 395,1 |
Artistes dramatiques |
3 926 |
47,6% |
n.d. |
12 861,3 |
Présentateurs de radio, de télévision et d'autres médias |
7 536 |
0,0% |
30,7 |
9 318,7 |
Hôtes et organisateurs d'événements |
23 148 |
30,4% |
20,5 |
11 877,7 |
Clowns, mimes et autres artistes de cirque |
2 765 |
70,4% |
n.d. |
2 398,5 |
Ingénieurs et techniciens de production vidéo et d'enregistrement |
16 173 |
28,9% |
50,0 |
7 677,2 |
Ingénieurs et techniciens du son et de l'éclairage |
34 577 |
31,9% |
40,0 |
8 903,5 |
Photographes |
58 220 |
65,7% |
40,8 |
8 694,9 |
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Source: Données de l’ENOE.
D'après la structure des modalités de travail dans le secteur de la culture et de la création, on peut regrouper les travailleurs du secteur en quatre catégories: les indépendants (qui représentent plus d'un tiers des travailleurs); les travailleurs sous contrat à durée indéterminée; les travailleurs sous contrat temporaire; et les travailleurs sans contrat de travail ou n’ayant pas connaissance de leur statut contractuel (qui représentent une proportion assez importante des travailleurs du secteur). Contrairement aux idées reçues concernant le travail indépendant, cette catégorie de travailleurs au Mexique perçoit des salaires moyens à peu près équivalents à ceux des employés sous contrat à durée indéterminée, et supérieurs de 17 pour cent à ceux des employés sous contrat temporaire. La rémunération des personnes travaillant sans contrat est généralement bien inférieure: elles gagnent environ 40 pour cent de moins que les travailleurs qui connaissent leurs arrangements contractuels.
Tableau 10. Arrangements contractuels dans les professions du secteur de la culture et de la création au Mexique (2018)
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Indépendant |
177 347 |
9 701,9 |
Contrat à durée indéterminée |
89 224 |
9 789,1 |
Contrat temporaire |
30 108 |
8 098,0 |
Inconnu / pas de contrat |
139 883 |
5 997,9 |
Source: Données de l’ENOE.
Les informations fournies par l’ENOE permettent de savoir si l’accès des travailleurs à une assurance maladie est assuré ou non par leur employeur, par l'intermédiaire de l'Institut mexicain de sécurité sociale, ce qui constitue un bon indicateur de la couverture sociale. Près de 99 pour cent des travailleurs indépendants du secteur de la culture et de la création déclarent ne pas avoir accès à une assurance maladie au titre de leur emploi; il en va de même pour 96 pour cent des travailleurs sans contrat. À l'inverse, 69 pour cent des salariés sous contrat à durée indéterminée sont couverts par l’assurance maladie de l'organisme national de sécurité sociale. Seuls 10 pour cent des salariés de cette catégorie déclarent ne bénéficier d’aucune protection. Les travailleurs qui sont employés dans le cadre de contrats temporaires se trouvent dans une situation intermédiaire: 52 pour cent d’entre eux ont une assurance maladie, tandis que 48 pour cent n'en ont pas.
Dans un pays où le travail informel est très répandu, plus d'un tiers des travailleurs du secteur sont indépendants, mais un autre tiers ne connaît même pas son statut contractuel, et la couverture sociale est presque inexistante. Ainsi, bien que les travailleurs sous contrat temporaire aient des salaires légèrement inférieurs (de 17 pour cent en moyenne) à ceux des travailleurs indépendants, ils bénéficient d'une meilleure protection sociale. Les travailleurs du secteur de la culture et de la création qui n'ont pas de contrat de travail ou ne savent pas s'ils en ont un, sont ceux qui gagnent les salaires les plus bas et dont la couverture sociale est très limitée.
Encadré 1: Principales tendances de l'emploi dans le secteur de la culture et de la création
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-
-
La proportion relativement élevée des emplois non salariés témoigne de la nature indépendante et spécialisée de nombreuses professions du secteur de la culture et de la création; cette proportion tend à être plus importante dans les pays en développement.
-
Le travail à temps partiel et le travail temporaire sont globalement les types de contrats les plus courants, et une part importante des travailleurs du secteur ne connaissent pas leur statut contractuel ou ne sont pas sous contrat; ici encore, cette proportion a tendance à être plus marquée dans les pays en développement.
-
Bien que les salaires moyens du secteur correspondent au nombre d'heures travaillées, il se peut que ce chiffre ne tienne pas compte des heures de travail "cachées", que certaines catégories de travailleurs, comme les artistes, passent à s'entraîner ou à répéter, sans recevoir de rémunération.
-
-
La protection sociale et le secteur de la culture et de la création
La protection sociale, ou la sécurité sociale, est un droit humain10. Elle se définit par un ensemble de politiques et de programmes visant à réduire et à prévenir la pauvreté et la vulnérabilité tout au long du cycle de vie11. Comme l'indique la convention de l'OIT (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, la sécurité sociale comprend les prestations à l’enfance et aux familles, les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les indemnités de maladie, les prestations de maternité, de chômage, de vieillesse, d'invalidité et de survivants, ainsi que la protection de la santé. Les systèmes de protection sociale couvrent ces domaines grâce à une combinaison de régimes contributifs (assurance sociale) et non-contributifs financés par l'impôt, tels que les mécanismes d’aide sociale.
Les travailleurs du secteur de la culture et de la création font face à de nombreuses difficultés pour accéder à la protection sociale, notamment en raison des types de contrat dans lesquels ils sont engagés et des caractéristiques de leur travail. Dans la plupart des pays, le droit aux prestations de protection sociale dans le cadre des régimes d'assurance sociale dépend du type d'activité, de la relation contractuelle et du revenu du travail. Les caractéristiques des professions du secteur, telles que décrites ci-après, conduisent souvent à des cotisations de sécurité sociale irrégulières, ce qui peut avoir d’importantes répercussions sur l'accès aux prestations sociales pour ces travailleurs lorsque certaines éventualités surviennent (par exemple, la maternité ou la maladie). La nature intermittente des cotisations peut, par exemple, empêcher les travailleurs du secteur de remplir la condition de durée de cotisation exigée pour bénéficier de prestations telles que les pensions de vieillesse, du fait de la faible densité de cotisation (liée à un parcours professionnel discontinu). En outre, les systèmes nationaux de protection sociale peuvent ne pas être suffisamment adaptés à la situation de ces travailleurs, ce qui aura également une incidence sur leur couverture sociale. Par exemple, dans les pays où les régimes de pension sont fragmentés, les travailleurs ayant des antécédents professionnels "atypiques", comme c'est souvent le cas des travailleurs du secteur, peuvent se retrouver à cotiser à plusieurs caisses, et risquent de ce fait de ne pas atteindre les seuils de cotisation minimums (périodes d'acquisition) pour ouvrir leurs droits. Les caractéristiques communes des professions du secteur décrites ci-dessous résument les principales raisons pour lesquelles la couverture sociale est défaillante ou inexistante.
indépendant, ainsi que des nouvelles formes d'emploi qui peuvent être difficiles à classer dans les catégories traditionnelles de relations d'emploi (par exemple, le travail indépendant en situation de dépendance économique ou le salariat déguisé). De ce fait, les travailleurs rencontrent des difficultés en matière de couverture et d'accès à la sécurité sociale, en particulier lorsque les systèmes nationaux de protection sociale sont fragmentés et que plusieurs régimes applicables à différentes catégories de travailleurs coexistent, et quand les dispositifs de transférabilité ne garantissent pas que toutes les périodes de cotisation puissent être cumulées pour atteindre les seuils de cotisation minimum.
Encadré 2: Obstacles à la couverture de la protection sociale: quelques conclusions tirées de l'analyse par pays
Les professions du secteur de la culture et de la création sont caractérisées, d'une part, par un niveau de risque élevé (souvent plus important que d'autres professions) lié aux modalités particulières de l'emploi qui leur sont propres, et d'autre part, par une couverture d'assurance sociale souvent limitée, qui entraîne l'aggravation d'une situation déjà instable. Par exemple, les travailleurs du secteur se retrouvent souvent dépourvus de soins de santé, de prestations de maladie ou de pensions de vieillesse.
C'est le cas au Mexique, où 38,5 pour cent de ces travailleurs sont indépendants (tableau 9). Au total, 99 pour cent d'entre eux n'ont pas droit à une couverture d’assurance maladie au titre de leur emploi. Ils sont donc couverts par une assurance maladie subventionnée ou doivent trouver une autre solution, comme la souscription à une assurance privée, sachant que les personnes non assurées ont également accès au système de santé public.
De même, aux États-Unis, une enquête menée en 2013 auprès de plus de 3 400 artistes résidant aux États-Unis, toutes disciplines confondues (danseurs, acteurs, musiciens, artistes plasticiens, cinéastes)14 par la Future of Music Coalition et l’Actors Fund Artists' Health Insurance Resource Center, a révélé que 43 pour cent des répondants n'avaient pas de couverture d'assurance maladie. Ce chiffre dépasse l'estimation nationale de 18 pour cent de personnes non assurées; 88 pour cent d’entre elles ont déclaré que l’absence de couverture se devait principalement au manque de moyens financiers15.
Ne pas avoir accès à une protection sociale en matière de santé se répercutera sans doute sur la capacité de ces travailleurs à préserver leur santé, mais probablement aussi sur leur situation financière, notamment s'ils doivent prendre en charge les coûts de soins médicaux nécessaires et/ou cesser de travailler. Les systèmes privés d'assurance maladie prévoient aussi souvent des tickets modérateurs et l'exclusion de certains risques non couverts par les conditions préétablies, et exigent un examen de santé pour l'affiliation. En outre, les montants des cotisations ne sont généralement pas en rapport avec les revenus ou la capacité de cotisation, mais sont plutôt évalués en fonction des risques individuels. En cas de pandémie, comme le COVID-19, cela peut également peser sur les mesures de santé publique, lorsque les personnes n'ont pas d'autre choix que de continuer à travailler alors qu’elles sont malades16.
L'absence de sécurité du revenu pendant la vieillesse lié à une faible densité de cotisations ou au manque d'accès à des prestations non contributives peut se traduire pour les travailleurs du secteur par l'obligation de continuer de travailler aussi longtemps que possible, parfois dans des emplois mal payés et précaires, ce qui peut être particulièrement difficile pour ceux dont le travail est physiquement exigeant (comme les artistes du spectacle). Au Québec, par exemple, 57 pour cent des artistes (un sous-groupe des professions du secteur de la culture et de la création) ont cotisé au Régime des Rentes de Québec en 2001, et plus d'un quart des travailleurs du secteur n'ont cotisé à aucun régime de pension de vieillesse17. Il convient toutefois de noter que le Canada dispose d'un programme universel de pension de vieillesse financé par l'impôt et accessible à tous les résidents légaux.
Les risques encourus par les travailleurs du secteur de la culture et de la création, ainsi que les difficultés en rapport avec l'accès à une protection sociale adéquate, sont généralement exacerbés en cas de crise, comme l'a démontré très clairement la pandémie de COVID-19.
Conséquences du COVID-19 et réponses en matière de protection sociale dans le secteur de la culture et de la création
Certains des problèmes abordés dans la présente étude ont été particulièrement amplifiés par la pandémie de COVID-19, qui ne constitue pas seulement un défi de santé publique, mais entraîne aussi des répercussions sociales et économiques importantes dans les pays développés et en développement18.
Le COVID-19 a particulièrement mis en lumière la vulnérabilité des secteurs caractérisés par l'insécurité du revenu, l'informalité et un manque d'accès à des prestations de sécurité sociale adéquates19. Le secteur de la culture et de la création a été particulièrement touché, notamment par les fermetures obligatoires, ainsi que par d'autres mesures de santé publique, y compris la limitation et/ou l'interdiction des rassemblements publics. Selon les données disponibles concernant les États-Unis, l'ensemble des dépenses de consommation consacrées à l'art, au divertissement et aux loisirs a diminué de 48,3 pour cent entre janvier et la mi-juillet 2020, ce qui constitue la contraction de dépenses la plus importante parmi tous les secteurs analysés (figure 2)20.
Figure 2. Variation des dépenses globales de consommation (en %)
Source: Opportunity Insights, 2020
Aux États-Unis, les deux États où se déroule l'essentiel de l'activité culturelle - New York et la Californie - ont respectivement enregistré une réduction de la consommation de 56,9 et 57,4 pour cent; en avril 2020, ce chiffre se situait entre 70 et 80 pour cent dans les deux États.
Cette contraction a eu un impact sans précédent sur les travailleurs du secteur de la culture et de la création. Une enquête menée en ligne par l'association berlinoise des artistes visuels21 a révélé que plus de la moitié des artistes de la ville pensaient qu'ils allaient perdre au moins 75 pour cent de leurs revenus mensuels en raison du confinement. Cette situation est similaire à la baisse de la consommation observée à New York et en Californie, où plus de trois quarts des personnes interrogées ont exprimé la crainte de ne pas pouvoir payer leur loyer ou satisfaire à d'autres besoins élémentaires.
Les efforts déployés par les gouvernements pour atténuer les conséquences financières du COVID-19 sur le secteur de la culture et de la création s'articulent autour de trois axes principaux: soutien direct aux travailleurs du secteur (par le biais de mécanismes de protection sociale ou d'aides), soutien financier aux entreprises et institutions du secteur, et promotion culturelle. Ces mesures peuvent être globales, et s’appliquer aussi aux travailleurs du secteur; ou spéciales, et viser particulièrement cette catégorie de travailleurs (voir annexe 2 et encadré 3).
Le COVID-19 a révélé les conséquences néfastes que pouvaient avoir les lacunes en matière de couverture sociale dans de nombreux pays, qui ont poussé les gouvernements à prendre des mesures d'urgence pour soutenir les personnes non couvertes par les régimes existants, y compris les travailleurs indépendants et d'autres catégories de travailleurs du secteur, qui exercent souvent leur activité dans l'économie informelle ou en dehors d'une relation d'emploi22.
La mise en place du programme d'assistance chômage en cas de pandémie aux États-Unis et d'autres programmes spéciaux au Brésil, en Espagne, en Suisse, en République de Corée et au Royaume-Uni peuvent contribuer à repenser la manière dont les systèmes de protection sociale existants pourront être étendus à l’avenir dans le but de couvrir les travailleurs indépendants en général, et les travailleurs du secteur de la culture et de la création, en particulier.
Enfin, la pandémie a également mis en évidence à quel point la protection des travailleurs du secteur diffère dans les pays développés et dans les pays en développement. Alors que la plupart des pays développés ont mis en place des programmes spéciaux pour les travailleurs du secteur, de nombreux pays en développement disposent de systèmes de protection sociale relativement limités ou couvrant uniquement un groupe restreint de travailleurs, parmi lesquels on ne compte pas forcément les travailleurs du secteur23.
Les solutions ponctuelles mises en œuvre pour répondre aux difficultés immédiates posées par la crise du COVID-19 devraient servir de base à l’élaboration de mesures durables permettant d’instaurer des systèmes de protection sociale complets, y compris des socles de protection sociale. En d'autres termes, la pandémie a souligné qu'il était nécessaire de mettre en place des systèmes de protection sociale complets et adéquats qui couvrent l’ensemble de la population tout au long de la vie, et tous les travailleurs, quel que soit leur type d'emploi, dans le cadre d'une approche durable et fondée sur les droits, qui ne se limite pas à des mesures exceptionnelles24.
L’examen du BIT concernant les mesures prises en matière de protection sociale pour faire face au COVID-19 a conclu qu'il fallait remédier aux vulnérabilités des travailleurs et s'attaquer aux déficits en matière de travail décent, dans différents secteurs de l'économie, y compris le secteur de la culture et de la création. Il ressort de l'analyse de ces mesures25 qu'il est nécessaire:
-
de renforcer les systèmes de protection sociale existants, y compris les socles de protection sociale, en vue de parvenir à une couverture sanitaire universelle et de mettre en place des systèmes de protection sociale universels, conformément au Programme de développement durable à l'horizon 2030, en particulier aux cibles 1.3 et 3.8 des objectifs de développement durable, ainsi qu'à la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012;
-
de combler les lacunes en matière de couverture et d'adéquation de la protection sociale qui touchent certaines catégories de travailleurs (en particulier les travailleurs en contrat à temps partiel ou temporaire et les indépendants), et assurer ainsi une protection sociale adéquate aux travailleurs dans toutes les formes d'emploi, adaptée à leurs besoins et à leurs particularités, conformément aux normes internationales de sécurité sociale et aux dispositions de la Déclaration du centenaire de l'OIT pour l'avenir du travail;
-
d’étendre la couverture de sécurité sociale aux travailleurs de l'économie informelle de manière plus générale, notamment en favorisant la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle, conformément à la recommandation n° 204 de l'OIT (2015);
-
de mettre en place des mécanismes de financement solides, durables et équitables, fondés sur les principes de large mutualisation des risques et de solidarité sociale établis dans les normes de l'OIT relatives à la sécurité sociale;
-
d’élargir la marge de manœuvre budgétaire en faveur de la protection sociale en envisageant un large éventail de d'options et en faisant appel au dialogue au niveau national pour susciter une volonté politique et adopter la meilleure combinaison possible de politiques publiques pour parvenir à une croissance inclusive favorable à l'emploi et à la protection sociale.
Encadré 3: COVID-19: les réponses en matière de protection sociale pour les travailleurs du secteur de la culture et de la création
Au moment où cette étude a été menée, et compte tenu de la situation particulière des travailleurs du secteur, un certain nombre de pays, notamment le Brésil, l'Espagne, la Suisse, la République de Corée et le Royaume-Uni, ont cherché à garantir des prestations temporaires d'urgence aux travailleurs concernés, assurant ainsi la sécurité de revenu compte tenu des fermetures et de l'interdiction des rassemblements publics.
En mai 2020, le Brésil a adopté une loi sur l'urgence culturelle qui porte le nom d'Aldir Blanc, un auteur brésilien décédé des suites du COVID-19. La loi prévoit de consacrer 3 600 millions de reais brésiliens (environ 500 millions d'euros) au soutien des arts et du secteur culturel. Aux termes de celle-ci, une prestation spéciale a été conçue pour soutenir les travailleurs indépendants du secteur qui ne bénéficient d'aucune autre prestation contributive. Cette prestation est compatible avec le transfert de fonds de la Bolsa Familia et s'élève à 600 reais (environ 100 euros) pour 3 mois.
Pour bénéficier des prestations, les travailleurs du secteur de la culture et de la création doivent prouver qu'ils ont exercé une profession du secteur au cours des deux années précédentes26.
En Espagne, un programme de prestations d'urgence a été mis en place pour les travailleurs du secteur qui sont dans l'incapacité de continuer à travailler en raison de la pandémie de COVID-19, sauf s'ils touchent une prestation contributive normale de chômage ou s'ils continuent de cotiser volontairement dans le cadre du système de sécurité sociale. Le nouveau programme est néanmoins incompatible avec tout type d'emploi et toute autre prestation, y compris les transferts monétaires non contributifs. Pour être éligibles, les travailleurs du secteur doivent avoir cotisé pendant au moins 20 jours en 2019 dans le cadre d’une activité culturelle ou créative. Lorsqu'ils ont cotisé entre 20 et 54 jours en 2019, les travailleurs du secteur peuvent bénéficier de prestations équivalentes à 735 € par mois pendant 4 mois maximum (ou 6 mois s'ils ont cotisé plus de 54 jours)27.
La Suisse a adopté un programme spécial d'aide d'urgence pour les travailleurs culturels (résidents suisses indépendants dont le domaine de l’emploi principal est le secteur culturel) afin de soutenir les travailleurs de la culture en détresse financière, indépendamment des engagements et des honoraires inhabituels. Les personnes ayant des revenus plus élevés et celles qui bénéficient d'autres prestations ne peuvent pas bénéficier de cette aide. La prestation est calculée en tenant compte des besoins de base (selon les recommandations de la Conférence suisse des institutions d'action sociale) et des revenus et dépenses réels, et non à partir de la perte d'honoraires, qui est dans la plupart des cas nettement plus importante. L'indemnité journalière maximale s’élève à 196 CHF (5 880 CHF/mois), pour les personnes dont le revenu annuel ne dépasse pas 60 000 CHF (personne seule) ou 80 000 CHF (couple marié). Pour chaque enfant à charge, la limite de revenu est augmentée de 15 000 CHF supplémentaires28.
En République de Corée, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme a créé une équipe spéciale d'urgence chargée d'analyser les tendances du secteur culturel et d'élaborer des mesures au niveau sectoriel pour faire face à la pandémie. Dans ce contexte, un certain nombre de mesures exceptionnelles ont été prises: octroi d'un prêt d'urgence d'un montant de 5,9 millions de dollars E.-U. à 1090 artistes, à un faible taux d'intérêt (1,2 pour cent) et dans une limite de financement de 8 000 dollars E.-U.; mise en place d’un programme de financement de la création s’élevant à 2 500 dollars E.-U. par personne afin d’assurer la continuité des activités chez les artistes à faible revenu (7 535 artistes ont été sélectionnés et 18,8 millions de dollars E.-U. ont été alloués au cours du premier semestre 2020); mise en place d’un régime d'assurance-emploi des artistes permettant à tous les artistes, y compris les artistes indépendants, de prétendre à des allocations de chômage (pendant 120 à 270 jours) et à des primes à la naissance (durée minimale de cotisation à l’assurance: 9 mois sur 24; période d'emploi minimale: 3 mois sur 24). Ce régime est en vigueur depuis décembre 202029.
Au Royaume-Uni, une mesure d’aide financière unique a également été mise en œuvre pour les artistes créatifs dont l’activité est axée autour des formes d'art et des disciplines suivantes: musique, théâtre, danse, arts plastiques, littérature, arts combinés, pratique muséale et bibliothèques (activité qui contribue à la mise en œuvre du programme "Universal Library Offers" au Royaume-Uni). Sont également inclus les chorégraphes, les auteurs, les traducteurs, les producteurs, les éditeurs, les éducateurs indépendants dans les disciplines créatives et les différentes formes d'art, les compositeurs, les réalisateurs, les concepteurs/designers, les artistes, les artisans et les conservateurs. Ce versement unique peut atteindre 2 500 £ (environ 2 760 €)30.
Enfin, la France a apporté une modification temporaire aux conditions d'éligibilité au régime d'assurance chômage des "intermittents du spectacle" (artistes et techniciens sous contrat intermittent dans le secteur du spectacle) jusqu'en août 2021. En résumé, l'obligation d'enregistrer de nouvelles heures de travail artistique dans les mois suivants a été supprimée31. Comme nous l'avons déjà mentionné, d'autres mesures de soutien ont été mises en place pour assurer la continuité, la reprise et la promotion des activités des établissements et des compagnies œuvrant dans le domaine de la création. En Allemagne, par exemple, le gouvernement a prévu un budget d'un milliard d'euros pour soutenir le secteur de la culture et de la création, notamment pour adapter les infrastructures aux nouvelles exigences sanitaires du COVID-1932. Au Brésil, en vertu de la loi Aldir Blanc évoquée plus haut, entre 3 000 et 10 000 reais (500-1 600 €) seront consacrés au maintien des espaces artistiques et culturels, des micro et petites entreprises culturelles, des coopératives, des institutions et des organisations culturelles communautaires dont les activités ont été interrompues par les fermetures et les mesures de distanciation sociale.
Dans certains pays, les travailleurs du secteur de la culture et de la création ont pu bénéficier des mesures de soutien à la sécurité du revenu grâce à l'extension des mécanismes de protection sociale existants aux travailleurs indépendants, y compris les travailleurs du secteur, plutôt que dans le cadre de programmes ciblés. C'est le cas en Allemagne, où le gouvernement a élargi la portée du programme d'"allocation de travail à court terme" (Konjunkturelle Kurzarbeit). Cette prestation, versée par l'Agence fédérale pour l'emploi, consiste en une compensation partielle de la perte de revenus causée par une impossibilité temporaire de travailler; elle est financée par le régime d'assurance chômage. Afin d'élargir la couverture de cette allocation, le gouvernement a admis l’éligibilité dans les cas suivants: a) la perte de travail est temporaire et causée par un événement de force majeure; et b) au moins un tiers des travailleurs employés dans l'entreprise sont touchés par une perte de revenus de plus de 10 pour cent de leur salaire brut mensuel chaque mois. Les entreprises individuelles peuvent avoir droit à cette prestation, ce qui la rend accessible à tous les travailleurs indépendants. Elle est calculée en pourcentage de la perte de revenu net. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les bénéficiaires perçoivent 60 pour cent de la rémunération nette manquante. Avec un enfant à charge, ce taux est porté à 67 pour cent33.
De même, les États-Unis n'ont pas mis en place de programme spécial pour les travailleurs du secteur, mais ont élargi le régime existant pour inclure les travailleurs qui n’avaient pas droit à l'assurance chômage classique. Le programme d'aide au chômage en cas de pandémie (
Protection sociale des travailleurs du secteur des médias et de la culture: études de cas
Si la pandémie de COVID-19 a mis en évidence le rôle central de la protection sociale, elle a également révélé les lacunes en matière de protection qui touchent notamment les travailleurs du secteur de la culture et de la création. La présente section comporte plusieurs études de cas visant à faire connaître les pratiques adoptées dans divers pays pour étendre la couverture de la protection sociale aux travailleurs du secteur. En particulier, on a examiné les réponses apportées et les solutions trouvées pour remédier à certains des obstacles qui empêchent les travailleurs du secteur d'accéder à la protection sociale. Ces mesures comprennent notamment l'adaptation des mécanismes de protection sociale pour permettre une plus grande flexibilité, redistribution et adéquation, la définition du statut d'emploi et du type de régime de travail, et l'amélioration de la transférabilité des prestations de sécurité sociale entre les différents statuts d'emploi et les pays. Cette section décrit d'abord les éléments clés, avant d'examiner en détail certains aspects propres à chaque pays, puis s'achève par quelques considérations.
Types de couverture des différents systèmes de sécurité sociale
La présente étude porte sur la couverture sociale des travailleurs du secteur de la culture et de la création selon les différents systèmes de sécurité sociale qui, aux fins de cette étude, sont classés en trois types: généraux, adaptés et spéciaux.
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Dans les systèmes d'assurance sociale générale, les travailleurs du secteur sont considérés comme tout autre travailleur, qu’ils soient indépendants ou salariés, sans qu'aucune condition ne s’applique spécifiquement à eux.
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Les systèmes adaptés sont basés sur les systèmes généraux, mais sont plus souples ou comportent des conditions spéciales pour les travailleurs du secteur en ce qui concerne les prestations, les conditions d'éligibilité et les modalités de financement, entre autres. Il convient de noter que les conditions spéciales déterminent généralement l'éligibilité à certaines prestations, plutôt qu'au système dans son ensemble. Une méthode souple peut, par exemple, être employée pour déterminer la période de cotisation ouvrant droit à une pension de vieillesse pour les travailleurs du secteur de la culture et de la création, mais ne comporter aucune exception concernant les conditions d'éligibilité à l'assurance chômage.
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Enfin, les systèmes spéciaux sont des sous-systèmes caractérisés par diverses modalités de financement ou prestations. Sur le plan financier, ces régimes font normalement partie d'un système général; ils relèvent de la même caisse de sécurité sociale et sont gérés soit par le même organisme, soit par un organisme indépendant. Les programmes spéciaux s'appuient généralement sur les nouvelles ressources provenant des exploitants d’activités artistiques ou des diffuseurs ainsi que sur des subventions gouvernementales, ce qui facilite l’affiliation des travailleurs indépendants du secteur. Bien entendu, les pays qui mobilisent davantage de moyens pour la conception et le financement sont ceux où le principe de solidarité vis-à-vis de ces professions est jugé fondamental dans le contrat social.
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La répartition par pays des trois types de régimes de sécurité sociale décrits ci-dessus est résumée dans l'annexe 1.
Le type de système de sécurité sociale qui couvre le secteur de la culture et de la création dépend largement du contrat social existant entre les professions du secteur et la société. Comme indiqué plus haut, les régimes généraux de protection sociale peuvent ne pas permettre d'étendre la couverture aux travailleurs du secteur, et en particulier aux travailleurs indépendants, à moins que des ajustements spécifiques ne soient apportés. Par conséquent, les régimes adaptés à ces professions parviennent généralement mieux à assurer la couverture sociale d'une part importante des travailleurs du secteur, en particulier les indépendants.
Adapter les systèmes de protection sociale et tabler sur divers mécanismes de financement fondés sur le principe de solidarité
Éléments clés
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L'emploi dans le secteur de la culture et de la création présente plusieurs caractéristiques; les études de cas ont montré à quel point il est important de les prendre en compte pour pouvoir étendre efficacement la couverture. Certains pays y sont parvenus en créant de nouveaux régimes ou en adaptant les régimes existants pour tenir compte des conditions de travail particulières des travailleurs du secteur et des difficultés de financement. Dans la plupart des cas, cependant, ces adaptations concernent seulement certaines professions du secteur (le plus souvent les artistes et les auteurs), tandis que d'autres sous-secteurs de la même catégorie peuvent être exclus. La France constitue un exemple intéressant de la manière dont le régime spécial d'assurance chômage mis au point pour les artistes et techniciens titulaires de contrats intermittents dans le secteur du spectacle (les "intermittents du spectacle") – relevant du régime général – a convenablement pris en compte les spécificités de l’emploi de ces travailleurs, et notamment les relations de travail fluctuantes et variées qui leur sont propres. Il s'agit de l'un des rares pays disposant d'un mécanisme souple d’indemnisation de chômage pour les artistes et les techniciens sous contrat à durée déterminée. À l'origine, ce régime visait à mettre sur un pied d'égalité les travailleurs titulaires de contrats à durée indéterminée et les travailleurs embauchés par l'industrie du spectacle dans le cadre de contrats à durée déterminée. Ce régime spécifique d'assurance chômage est cumulable avec les allocations de chômage générales acquises dans le cadre d'autres emplois, dès que les indemnisations de chômage générales sont épuisées.
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Dans d'autres pays - notamment en Amérique latine - les conditions d'éligibilité sont adaptées pour aider les artistes et les auteurs à accéder aux prestations de sécurité sociale. En Argentine, tout artiste cumulant 120 jours de travail, consécutifs ou non, peut se voir créditer une année de service. En Uruguay, on compte une année de service lorsqu'un artiste cotise pendant au moins 150 jours. En outre, tous les artistes, quel que soit leur statut (salarié ou indépendant), sont assujettis au code du travail et sont, par conséquent, couverts par le droit de la sécurité sociale.
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Pour relever le défi de l’extension de la couverture sociale aux travailleurs du secteur de la culture et de la création, les mécanismes de financement des régimes spéciaux reposent généralement sur les cotisations des travailleurs, les contributions des diffuseurs (par exemple, les radiodiffuseurs) et les subventions gouvernementales. Le but est de multiplier les possibilités en matière d'outils de financement, à l'image des approches innovantes qui sont plus proches des réalités du secteur sur le plan des revenus. Les études de cas montrent que cet objectif pourrait être atteint en recouvrant non seulement les cotisations des artistes (et de leurs employeurs), mais aussi la part contributive des diffuseurs, établie sur la base du total annuel des contributions versées pour l'utilisation de produits et de services artistiques. Il est courant qu'une subvention gouvernementale vienne compléter ces dispositifs.
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Les contributions des diffuseurs d'œuvres artistiques (radiodiffuseurs, producteurs, etc.) sont calculées comme une part du montant total payé en redevances l'année précédente. Bien qu'elles constituent une innovation importante pour l'avenir du financement de la sécurité sociale, ces contributions peuvent s'avérer limitées compte tenu du nombre de personnes couvertes par le régime (par exemple, en Allemagne). La mise en œuvre de la solidarité doit donc être renforcée, notamment par le biais d'un financement supplémentaire de la part des diffuseurs d'œuvres artistiques et des gouvernements, en particulier pour assurer la durabilité et le niveau des prestations.
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Dans les pays où les travailleurs du secteur sont couverts par des régimes spéciaux, les subventions directes du gouvernement financent souvent une partie des cotisations sociales, et complètent les contributions des diffuseurs (comme en Allemagne et en République de Corée) – en particulier lorsque ces dernières sont insuffisantes. Ce mécanisme permet de combler la brèche, mais la plupart du temps, il ne suffit pas à garantir la viabilité financière des régimes de sécurité sociale des artistes et des auteurs.
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Dans certains cas, la couverture sociale est proposée sur une base volontaire. C'est le cas de la République de Corée où les artistes et les auteurs peuvent choisir de bénéficier d'une protection contre les accidents du travail, mais dans la pratique, la couverture reste limitée. Il est intéressant de noter qu'étant donné que ces régimes de protection contre les accidents du travail donnent aussi accès à d'autres prestations et services, tels que la garde d'enfants et les prêts d'urgence, ils ont fait l’objet d’une demande croissante de la part des artistes.
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France: adapter le recouvrement des cotisations
Le code de la sécurité sociale français a instauré un régime adapté pour les artistes et les auteurs, qui couvre toutes les éventualités, à l'exception du chômage et des accidents du travail (qui relèvent d’un régime spécial distinct, décrit ci-dessous). Pour la protection sociale (assurance maladie, prestations de maternité, de vieillesse et d’invalidité et indemnisation en cas de décès), les écrivains, les auteurs-compositeurs de musique et les auteurs d'œuvres cinématographiques, audiovisuelles ou multimédia et d'œuvres photographiques dépendent de l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa). Les artistes graphiques et plasticiens (peinture, sculpture, illustration, gravure, tapisserie, céramique, entre autres) relèvent de la Maison des artistes (MDA). La dernière réforme en date a transféré la responsabilité du recouvrement des cotisations des organismes agréés, à la branche Recouvrement du régime général de la Sécurité sociale. Le principe reste néanmoins le même, à savoir adapter le recouvrement des cotisations aux sources de revenus non traditionnelles de certaines professions créatives. Le système français a ceci d’intéressant qu'il est articulé autour d'un financement fondé d'une part sur les cotisations des artistes (et de leurs employeurs) et d'autre part sur les contributions des diffuseurs d'œuvres artistiques (tels que les radiodiffuseurs), ce qui permet d’adapter le recouvrement des contributions aux sources réelles de revenus: redevances, droits d'auteur ou commissions. En 2018, ce système a permis de percevoir près de 300 millions d'euros sous forme de contributions. Une réforme adoptée récemment permettra d'étendre les prestations de sécurité sociale aux artistes à faible revenu artistique qui n’étaient auparavant pas éligibles.
En ce qui concerne les auteurs, une caractéristique fondamentale du système français est le choix du revenu pris en compte par l’assurance pour le calcul des cotisations sociales. Ces derniers ont trois possibilités; ils peuvent soit déclarer les droits d'auteur perçus par mois (comme un salaire mensuel), soit déclarer les bénéfices non commerciaux, soit déclarer leur chiffre d'affaires total. Dans le premier cas, les versements mensuels au titre des droits d'auteur sont l’équivalent d’un salaire mensuel, dont 17,18 pour cent doit être versé en cotisations au système de sécurité sociale. Dans le deuxième, pour estimer les revenus pris en compte par l’assurance, on ajoute 15 pour cent aux bénéfices déclarés. Ainsi, si un auteur déclare 10 000 euros de bénéfices, la rémunération comptabilisée s'élèvera à 11 500 euros. L'auteur sera alors tenu de contribuer à hauteur de 17,45 pour cent de 11 500 euros. Enfin, dans le troisième cas, l'organisme déduit 34 pour cent du chiffre d'affaires, puis ajoute 15 pour cent pour calculer la rémunération assurable, de sorte que, si l'auteur a déclaré 10 000 euros de chiffre d'affaires, la rémunération prise en compte par l’assurance s'élèvera à 7 590 euros. L'auteur sera alors tenu de contribuer à hauteur de 17,45 pour cent de 7 590 euros.
En 2018, 62 365 artistes relevaient de la MDA. Les trois professions les plus représentées étaient les graphistes, les peintres et les artistes plasticiens, qui comptaient ensemble pour plus de 75 pour cent de tous les artistes affiliés. Quarante-huit pour cent des artistes ont perçu un revenu artistique annuel inférieur à 4 392 euros et seulement 8,8 pour cent d’entre eux ont gagné plus de 39 228 euros par an. Avant la dernière réforme, les artistes ayant un revenu inférieur à 4 392 euros n'auraient pas rempli les conditions nécessaires pour être couvert par le programme de sécurité sociale. Toutefois, la réforme récente a supprimé ce seuil, de sorte que tout artiste peut être éligible, indépendamment de ses revenus. Les cotisations patronales sont remplacées par une contribution versée par les personnes, les entreprises ou l'État lorsqu'ils procèdent à la diffusion ou à l'exploitation commerciale d’œuvres originales produites par des artistes. Les diffuseurs sont tenus de verser 1,1 pour cent du bénéfice réalisé ou de la commission versée à l'artiste. Cependant, en 2018, les contributions des diffuseurs n'ont atteint que 6,4 millions d'euros, tandis que les artistes ont contribué à hauteur d'environ 111,6 millions d'euros. La part des diffuseurs n'a donc couvert que 5,4 pour cent du total des contributions pour les artistes.
En 2018, 203 097 auteurs et artistes étaient affiliés à l'Agessa; on comptait parmi eux un grand nombre de photographes, d'artistes audiovisuels et d'écrivains. Bien que seulement près de 16 000 d'entre eux aient atteint le seuil d’affiliation au programme de sécurité sociale, tous étaient tenus de cotiser. Comme indiqué précédemment, une réforme approuvée récemment a modifié le seuil de revenu, ce qui a permis d'étendre les prestations à tous les artistes et auteurs cotisant au régime de la sécurité sociale. De ce fait, la couverture a été étendue à près de 200 000 artistes. En 2018, le système français a perçu plus de 135 millions d'euros au titre de la taxe sur les droits d'auteur, soit une augmentation de 10 pour cent par rapport à l'année précédente. Les contributions des diffuseurs représentaient 76,2 pour cent du total, soit une part plus importante que dans la plupart des systèmes, où la proportion était généralement de 50/50 ou 1/3 - 2/3. L'essentiel des revenus des diffuseurs provient de la société de gestion des droits d'auteur (environ 40 pour cent), et de la taxe spéciale de 1,1 pour cent versée par les diffuseurs (environ 14 pour cent)36. On peut noter que les artistes relevant de la MDA ont cotisé dans une bien plus grande mesure que leurs collègues affiliés à l’Agessa.
Les auteurs et créateurs de différentes disciplines artistiques (musique, littérature, cinéma, audiovisuel, photographie, arts plastiques, etc.) dépendent d'organismes et de règles spécifiques pour leur retraite. Pour la retraite de base, ils sont rattachés au régime général des salariés, mais c'est la Maison des Artistes ou l'Agessa (selon la profession) qui gère leur affiliation et leurs cotisations37. Pour la retraite complémentaire, ils sont rattachés à l'Ircec, qui administre trois régimes professionnels différents. Le régime a été réformé en 201938.
Pour la retraite complémentaire, il existe trois régimes différents.
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Tous les artistes auteurs cotisent au Régime des artistes auteurs professionnels (RAAP).
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Les auteurs et compositeurs dramatiques et du spectacle vivant (théâtre, opéra, etc.), et les auteurs de films cotisent en plus au Régime des auteurs et compositeurs dramatiques (RACD).
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Les auteurs et compositeurs d'œuvres musicales cotisent en plus au Régime des auteurs compositeurs lyriques (RACL).
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Le premier régime concerne tous les auteurs, dès lors que leurs revenus artistiques sont supérieurs à 9 027 euros (en 2019). Dans ce cas, ils sont tenus de verser 8 pour cent de la rémunération retenue, selon le calcul indiqué ci-dessus (les auteurs peuvent choisir de cotiser au taux abaissé de 4 pour cent si leurs revenus sont inférieurs à 27 081 euros)39. Le deuxième régime est un régime de retraite complémentaire dont les cotisations s'élèvent à 8 pour cent des revenus perçus au titre des droits d'auteur au cours des trois années précédentes40. Enfin, le troisième régime est un régime de retraite complémentaire destiné aux auteurs compositeurs d'œuvres musicales et aux dialoguistes de doublage. Il est financé par une cotisation de 6,5 pour cent de tous les revenus de droits d’auteur compris entre 2 739 et 376 368 euros41.
Allemagne: un régime spécial pour les artistes42
En Allemagne, un régime spécial a été instauré pour les artistes en 1983. Il présente certaines caractéristiques communes avec le système français, à savoir qu'il consiste à recouvrer les cotisations des "employeurs indirects" en demandant aux entreprises qui "exploitent" les œuvres artistiques de s’acquitter d’une contribution. Les artistes sont eux aussi tenus de verser une cotisation, mais la Caisse des artistes reçoit également des subventions publiques. Dans le système allemand, les affiliés à la Caisse des artistes bénéficient d'une pension de vieillesse, d'une assurance maladie et d'une assurance dépendance, mais ils ne peuvent pas être indemnisés en cas d’accident du travail et n'ont qu'un accès limité à l'assurance chômage, contrairement au système français.
D'après la Caisse des artistes, ces derniers sont surreprésentés parmi les indépendants43. Pour les inciter à s’intégrer au système d'assurance sociale, la loi sur la sécurité sociale des artistes prévoit l'obligation pour les "exploitants", qui tirent profit des œuvres artistiques et créatives, de cotiser en tant qu'employeurs (à hauteur de 30 pour cent du total des cotisations).
Partant du principe que tous les besoins de financement ne seraient pas encore satisfaits, et reconnaissant donc la nécessité d'une aide supplémentaire, le gouvernement a accepté d’octroyer une subvention pour un montant supplémentaire équivalent à 20 pour cent du total des contributions. Les travailleurs du secteur devront s'acquitter directement des 50 pour cent restants, comme tous les autres travailleurs salariés affiliés au système général de sécurité sociale.
La couverture est obligatoire et soumise à certaines conditions. En particulier, les artistes et écrivains indépendants doivent s’affilier à la Caisse des artistes dans les cas suivants:
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lorsqu'ils exercent leur profession artistique à titre commercial, pas uniquement de manière temporaire, et n'ont pas plus d'un salarié;
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lorsque le travail artistique des demandeurs correspond à la définition des professions donnée dans la loi sur la sécurité sociale des artistes: on entend par "artistes" les personnes qui créent, pratiquent ou enseignent la musique, ou les arts appliqués ou plastiques44; et on entend par "écrivains" les personnes qui travaillent en tant qu’auteur ou journaliste, qui réalisent des publications sous toute autre forme, ou qui enseignent le journalisme;
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lorsqu'ils tirent un revenu annuel d’au moins 3 900 euros de leur travail artistique ou d'édition, à l'exception des nouveaux arrivants sur le marché du travail, qui doivent verser des cotisations mensuelles fixes d’un montant peu élevé pendant les trois premières années d’affiliation45.
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Comme indiqué ci-dessus, les membres de la Caisse des artistes ont droit à une pension de vieillesse, d'invalidité et de survie, à une assurance maladie et à une assurance dépendance. En outre, les artistes indépendants peuvent choisir de cotiser au régime d'assurance chômage pendant les trois premiers mois de leur nouvelle activité indépendante et doivent cotiser pendant au moins douze mois sur une période de deux ans pour bénéficier d'une indemnisation de chômage. Au cours des trois premières années de cotisation, les artistes peuvent sortir du régime d'assurance maladie obligatoire et souscrire une assurance maladie privée; les artistes ayant des revenus élevés peuvent à tout moment choisir de ne plus être affilié.
En 2018, environ 180 000 entreprises de diffusion ont contribué à la Caisse des artistes46. Le taux de contribution actuel est fixé à 4,2 pour cent du montant total des revenus des artistes et des écrivains. Le total des droits versés aux artistes indépendants a été multiplié par quatre depuis 1991, pour atteindre 4 000 millions d'euros, ce qui signifie qu'au cours des dix dernières années, les diffuseurs ont contribué à hauteur d'environ 170 millions d'euros, soit légèrement plus que les contributions totales des diffuseurs à la MDA et à l'Agessa en France, tout en restant dans même un ordre de grandeur. Les subventions publiques ont également quadruplé, passant de 58 millions d'euros en 1995 à 226,1 millions d'euros en 201947.
Figure 3. Montant total des cachets versés aux artistes, tels que déclarés par les entreprises de diffusion en Allemagne (1991-2013, en millions d’euros)
Note: Les cachets des artistes comprennent toutes les rémunérations des artistes et écrivains indépendants, telles que déclarées par les entreprises de diffusion, indépendamment du fait que les artistes et écrivains engagés soient assurés par la Caisse sociale des artistes.
Source: OCDE, "Germany: Social Insurance for Artists and Writers", 2018.
En juin 2016, la Caisse des artistes comptait 183 796 affiliés, dont environ 8 000 ne cotisaient pas au régime d'assurance retraite (il s’agissait soit de salariés dépendants, soit de personnes tirant un revenu élevé de leur activité indépendante)48. Les artistes et écrivains indépendants sont exonérés des cotisations à l'assurance vieillesse obligatoire si leurs revenus dépassent la moitié du plafond de base de cotisation (56 250 euros en 2020)49. Environ 25 000 artistes et écrivains ont un revenu élevé, sont des travailleurs salariés ou ont souscrit une assurance privée. Les artistes et les écrivains inscrits à la Caisse des artistes déclarent généralement des revenus très faibles; en 2017, le revenu annuel moyen s'élevait à 15 945 euros, soit moins de la moitié du revenu moyen en Allemagne50. Les artistes indépendants peuvent prendre un emploi temporaire supplémentaire, ce qui leur permet d'augmenter leur revenu combiné.
Selon les données relatives à la main-d'œuvre allemande, 1,3 million de personnes travaillent dans des professions artistiques et créatives. Environ 40 pour cent d’entre elles, soit 520 000 travailleurs, ont déclaré être indépendants (Statistisches Bundesamt, 2015). La Caisse des artistes regroupant environ 180 000 membres, on peut estimer qu’elle couvre environ 35 pour cent des travailleurs indépendants exerçant des professions artistiques et créatives.
Ce niveau relativement faible de couverture peut s’expliquer de plusieurs façons. Certains artistes indépendants tirent parfois de très faibles revenus de leur activité artistique, ce qui les empêche de s'intégrer au système. D'autres décident de ne pas s’affilier en raison de leurs revenus élevés (c'est le cas d'environ 8 000 artistes, comme indiqué plus haut). Enfin, une troisième catégorie peut bénéficier de l’assurance sociale dans le cadre d'autres emplois salariés ou indépendants. Ce régime spécial comporte une autre difficulté: les artistes du spectacle combinent souvent contrats temporaires et travail indépendant. Ce mélange entre travail indépendant et emploi artistique dépendant a souvent pour conséquence que les artistes du spectacle perdent leur éligibilité à la Caisse des artistes.
Tableau 11. Domaines d'activité couverts et types d'assurance sociale en Allemagne (2016)
Ecrivains |
Arts plastiques |
Musique |
Arts du spectacle |
Tous domaines confondus |
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Total personnes assurées |
42 923 |
63 834 |
51 768 |
25 271 |
183 796 |
Total femmes assurées |
22 645 |
31 312 |
20 830 |
13 301 |
88 088 |
Total hommes assurés |
20 278 |
35 522 |
30 983 |
11 970 |
95 708 |
Assurance vieillesse obligatoire |
40 597 |
60 513 |
49 783 |
24 621 |
175 514 |
Assurance santé obligatoire |
36 374 |
56 081 |
44 490 |
21 621 |
158 566 |
Assurance soins de longue durée obligatoire |
36 365 |
56 074 |
44 485 |
21 619 |
158 543 |
Source: 45 OCDE, "Germany: Social Insurance for Artists and Writers", 2018.
République de Corée: des accidents du travail à l’extension des services sociaux
En novembre 2012, la République de Corée a adopté la loi sur la protection sociale des artistes afin de garantir la sécurité de l'emploi et les droits des artistes, ces derniers étant souvent exclus de l'assurance chômage et des prestations en cas d’accidents du travail51. Le ministre de la Culture a souligné que l'une des priorités de cette loi était d'étendre l'assurance en cas d’accidents du travail à 57 000 artistes du spectacle52. En effet, la loi dispose que la loi sur l'indemnisation des accidents du travail doit s'appliquer aux accidents dont sont victimes les artistes dans le cadre de leur activité artistique (article 7)53. En outre, lorsqu'un artiste souscrit une assurance indemnisant les accidents du travail, l'Artists Welfare Foundation (Fondation pour la protection sociale des artistes) peut subventionner partiellement les primes d'assurance en cas d’accidents du travail qui sont à la charge de l'artiste (article 7)54. Comme dans le système allemand, cette Fondation a été instaurée par la loi. Il s'agit d'une institution publique qui vise à promouvoir les activités créatives des artistes et à contribuer au développement de l'art en apportant un soutien systématique et complet en faveur de la protection sociale des artistes. Elle est chargée de la gestion de toutes les prestations sociales, y compris les subventions aux cotisations décrites ci-dessous. D'après les données du Service coréen d'information sur l'emploi, en 2009, 175 000 artistes étaient inscrits à la Fondation et leur revenu mensuel moyen s’élevait à 820 000 wons sud-coréens (KRW)55. Même avant l'adoption de la loi, la couverture sociale des artistes était satisfaisante comparée à d'autres pays. En 2009 par exemple, 98 pour cent des artistes coréens disposaient d’une assurance maladie, 60 pour cent d’une pension nationale, 28 pour cent d’une assurance emploi et 30 pour cent d’une assurance en cas d’accident du travail56.
En 2019, la Fondation a reçu 31 209 millions de KRW (environ 23 millions d'euros) de subventions gouvernementales – un montant relativement inférieur à celui accordé par les gouvernements français ou allemand à leurs régimes équivalents. Néanmoins, cette aide a presque triplé depuis 2014. Le tableau 12 dresse la liste des services fournis par la Artist Welfare Foundation57.
Tableau 12. Services de la Fondation pour la protection sociale des artistes
Prestation ou service social |
Bénéficiaires |
Détails |
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Subventions de l’assurance sociale |
10 000 artistes |
La subvention s'élève à 50 % de la pension nationale et des cotisations à l'assurance chômage pour une période maximale de six mois. Les prestations sont subordonnées à l'inscription de l'artiste à un cours de formation sur les contrats officiels. Les travailleurs indépendants doivent généralement verser 9 % de leurs revenus à la sécurité sociale. Dans le cadre de ce programme, ils peuvent bénéficier d'une subvention équivalente à 4,5 % de 970 000 KRW (soit 43 650 KRW). Afin d'éviter de décourager les artistes salariés, ceux-ci et leurs employeurs reçoivent également une subvention. |
Subvention en cas d’accident du travail |
3 235 artistes se sont inscrits en 2019 (5 % de la population cible) |
Les subventions gouvernementales couvrent 50 à 90 % du régime des accidents du travail. |
Frais médicaux |
Au total, 225 artistes ont bénéficié de cette prestation. |
La Fondation apporte son soutien aux artistes qui font face à des dépenses médicales insoutenables. |
Prêts pour les artistes à faible revenu dans le besoin (projet pilote) |
1 440 artistes à ce jour |
Le programme de prêts de la Fondation constitue un filet de sécurité pour les artistes dont les revenus sont irréguliers et faibles. |
Conseils juridiques |
Près de 1 000 cas de traitement injuste ont été signalés et près de 1 500 consultations juridiques ont eu lieu. |
Un système de réclamation a été mis en place conformément à l'article 6.2 de la loi, afin que les artistes puissent dénoncer tout comportement ou traitement injuste dont ils auraient fait l'objet dans le cadre de leurs activités artistiques. |
Prévention de la violence sexuelle et soutien aux artistes |
71 artistes ont eu recours à ces services et bénéficié de cette aide. En outre, 1 750 artistes se sont inscrits à 55 activités de formation à la prévention des violences sexuelles. |
La Fondation offre des conseils et un soutien aux artistes qui ont subi des violences sexuelles. |
Formation des artistes sur les brevets, les droits d'auteur et les contrats |
De 2015 à 2019, plus de 10 000 artistes ont participé à ces activités de formation. |
L'objectif est de fournir une formation élémentaire aux artistes concernant leurs droits contractuels, ainsi que la protection et l'exploitation de leurs droits d'auteur et des redevances. |
Garde d'enfants |
5 638 enfants d'artistes (18 000 depuis la création de la Fondation) |
Les enfants âgés de 0 à 5 ans peuvent fréquenter les écoles maternelles financées par la Fondation si leurs parents (artistes) ont des ressources limitées. |
Source: Rapport annuel de la Artist Welfare Foundation 2019
Argentine et Uruguay: des systèmes plus souples pour tenir compte du caractère discontinu des cotisations
Dans certains pays, au lieu de concevoir des régimes spéciaux, les programmes existants ont été assouplis pour s’étendre à des catégories particulières de travailleurs dans le secteur de la culture et de la création. La plupart du temps, cela se traduit dans une méthode de comptabilisation des cotisations qui ménage une plus grande flexibilité pour l'estimation du nombre d'années de cotisations requises pour l’ouverture de droits, étant donné que beaucoup de travailleurs du secteur ont tendance à cumuler les contrats à durée déterminée plutôt qu'à s’engager dans un seul contrat à durée indéterminée.
En Argentine, la loi n° 27.023 ("loi sur les acteurs") couvre les comédiens et les acteurs de cinéma, les chanteurs de comédie musicale, ainsi que les réalisateurs, les souffleurs et les assistants58. Aux termes de cette loi, une méthode spéciale a été instaurée pour estimer le nombre d'années de service et de cotisations au régime de sécurité sociale. L'article 13 de la loi dispose que les acteurs qui ont cumulé au moins quatre mois ou 120 jours de travail seront crédités d'une année de service. Si ce seuil minimum n’est pas atteint, le montant total des cotisations mensuelles versées est divisé par les cotisations mensuelles minimales (basées sur le salaire minimum). Ce montant est ensuite converti en jours ou en mois travaillés, et correspond à une période de service, qui peut être prise en compte en vue d'une ouverture de droits. Dans ce cas, la rémunération dépendra de la moyenne de tous les revenus soumis à cotisations, qui ne peut être inférieure au minimum mensuel moyen. Ce système ne concerne que les acteurs qui ont été salariés ou qui ont cotisé en tant qu'indépendants.
De la même façon, l'Uruguay a adopté la loi 18.384 pour adapter les conditions de travail et d'assurance sociale aux emplois du secteur artistique59. Tout d'abord, le temps de répétition est comptabilisé comme temps de travail dans le cadre d'un contrat. Ce dernier doit stipuler les dates de début et de fin des répétitions, le salaire à verser et la date du spectacle. La période de répétition est limitée à trois mois (décret 452/011, article 2). Lorsque plusieurs représentations sont prévues au titre d'un même contrat, la durée qui sépare les représentations compte également comme temps de travail, pour autant qu'elle ne dépasse pas 15 jours (loi 18.384, article 11b). Outre ces dispositions, la loi prévoit également une certaine marge de manœuvre pour le décompte des années de service requises pour l'éligibilité à la pension de vieillesse. On compte une année de service lorsque l'artiste a cumulé au moins 150 jours de travail au cours d’une année, ou au moins quatre contrats dans la même année, à condition que ne se soient pas écoulés plus de trois mois entre la fin d'un contrat et le début du suivant, et que le revenu mensuel moyen ne soit pas inférieur au salaire minimum national60.
Éléments à retenir
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Afin de remédier aux difficultés que pose l'extension de la couverture à une grande partie des travailleurs du secteur de la culture et de la création, certains pays ont adapté leur régime de protection sociale en assouplissant les critères d'éligibilité aux mécanismes contributifs, afin qu'il corresponde davantage aux réalités des travailleurs du secteur (voir les cas de la France, de l'Argentine ou de l'Uruguay). Dans certains cas, cette évolution a consisté en une adaptation du régime général existant, soit pour accroître sa flexibilité, soit pour y ajouter des conditions spéciales; et dans d'autres, on a mis au point des régimes spéciaux, qui sont généralement intégrés au système général, mais qui comportent des modalités de financement ou des prestations adaptées.
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Les approches sur mesure ont permis de répondre aux besoins de ces travailleurs moyennant le renforcement de la solidarité nationale (subventions), la conception de mécanismes de financement alternatifs autres que les contributions traditionnelles déduites des salaires mensuels (voir ci-dessous), et la détermination des prestations fournies et de leurs modalités de fourniture, comme dans le cas de l'Allemagne.
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Il convient par ailleurs d’accorder une attention particulière à la coordination entre les différents systèmes de protection sociale pour éviter la fragmentation, car cela peut aussi entraver à l'accès à la protection sociale. Certains pays ont essayé de suivre une approche cohérente, qui tienne compte des relations d'emploi fluctuantes des travailleurs du secteur de la culture et de la création. À cet égard, l'expérience de la France en matière d'extension de l’assurance chômage aux artistes et techniciens en contrats intermittents est particulièrement intéressante. De même, certains régimes peuvent tenir compte des périodes discontinues de cotisation en définissant par exemple des seuils forfaitaires pour le calcul de droits (comme en Argentine et en Uruguay).
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L'affiliation obligatoire peut éviter les cas d’antisélection dans ces régimes spéciaux; de plus, l'expérience montre que la plupart du temps, les régimes volontaires ne débouchent pas sur une couverture effective. En Allemagne, les artistes ayant un revenu élevé ne sont pas obligés de contribuer à la Caisse des artistes; en France, les seuils de revenu ont été supprimés, ce qui permet d’étendre les prestations à tous les artistes et auteurs cotisant au système de sécurité sociale. Il est nécessaire d'approfondir la réflexion et de s'appuyer sur plus de données pour faire en sorte que les artistes soient obligatoirement couverts et ainsi garantir, d'une part, l'extension de la protection sociale et, d'autre part, la durabilité et la solidarité du régime.
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Les études de cas ne montrent pas seulement qu’il est important de veiller à ce que ces régimes spéciaux soient adaptés, elles soulignent également l'intérêt de les rattacher aux systèmes généraux afin de préserver les principes de solidarité sur lesquels reposent les mécanismes d'assurance sociale, comme en France.
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Dans les pays où il n'est pas possible d’instaurer des régimes spéciaux, on pourrait au moins envisager d'adapter les critères d'éligibilité et les paramètres des prestations (comme en Uruguay) et d'ajuster les modalités de financement et les mécanismes d'affiliation et de recouvrement des cotisations aux besoins spécifiques des travailleurs du secteur.
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En ce qui concerne le financement, les régimes spéciaux sont souvent conçus pour s'appuyer sur divers mécanismes de financement, y compris des dispositifs novateurs propres au secteur de la culture et de la création (comme en France et en Allemagne), tels que les contributions des diffuseurs.
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Il est essentiel que le financement repose sur un éventail varié de mécanismes, étant donné que les contributions des travailleurs du secteur sont généralement faibles et irrégulières, ce qui peut avoir une grande incidence sur la viabilité financière d'un régime et donc, sur la possibilité de garantir des droits aux travailleurs du secteur. Ainsi, si le principe de solidarité s’avère crucial pour assurer la viabilité de ces régimes, il sera tout aussi nécessaire d'envisager des sources de financement supplémentaires et des mécanismes novateurs. On peut notamment citer les taxes sur les diffuseurs d'art, telles que les contributions versées par les nouvelles plateformes en ligne de musique ou de cinéma, fondées sur le principe de financement équitable en tant que moyen pour parvenir à un équilibre optimal entre les responsabilités et les intérêts de ceux qui financent et de ceux qui bénéficient des régimes de sécurité sociale.
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Une approche globale permettrait d'offrir aux travailleurs du secteur de la culture et de la création un ensemble de services allant de la formation aux offres d'emploi, en passant par les allocations de chômage, les services de garde d'enfants et la protection de la vieillesse (comme en République de Corée). De telles approches intégrées permettent aux travailleurs du secteur d’accéder à des prestations sociales en cas de besoin, et d’améliorer leurs moyens de subsistance et leurs perspectives de carrière. Cette approche globale peut aussi se traduire par une amélioration du niveau de couverture effective.
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Relations contractuelles
Éléments clés
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Les études de cas montrent que les travailleurs du secteur de la culture et de la création sont souvent privés de protection sociale (totalement ou partiellement); c'est particulièrement vrai pour les indépendants. Si les indépendants sont couverts, c'est généralement sur une base volontaire, et même lorsque l’affiliation est obligatoire, ils ont tendance à bénéficier de niveaux de protection inférieurs (par exemple, la couverture porte sur moins de risques ou sur des risques d'un niveau plus élevé)61. L'extension de la couverture légale revêt donc une grande importance. Il convient de noter que, bien que la couverture légale soit essentielle, les exclusions du régime liées au non-respect de critères d'éligibilité spécifiques (tels que les seuils de revenus ou de temps de travail) se sont traduites par une couverture pouvant s’avérer, dans la pratique, inférieure aux taux de couverture légale. Les régimes de protection sociale doivent donc être adaptés pour surmonter ces difficultés de mise en œuvre (voir la section précédente).
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L'exclusion de la protection sociale peut aussi être étroitement liée aux obstacles provenant de la législation du travail et de l'emploi. Par exemple, si la loi prévoit que l’affiliation à la sécurité sociale est réservée aux salariés, toute classification erronée des travailleurs du secteur en tant qu'indépendants au sens de la législation sur le travail et l'emploi empêcherait l'application de la loi sur la sécurité sociale à cette catégorie de travailleurs. Par conséquent, un cadre juridique clair, qui empêche notamment les erreurs de classification des relations de travail62, est crucial pour garantir que les travailleurs bénéficient d’une protection et d’une couverture sociale, quel que soit leurs modalités de travail.
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Dans le cas particulier des professions du secteur de la culture et de la création, les études de cas ont mis en évidence le défi fondamental que représente pour les systèmes du travail et de la sécurité sociale, la définition des critères permettant de déterminer si ces professions sont exercées en tant que travail dépendant, dans le cadre d'une relation d'emploi ou sous la forme d'une activité indépendante. Dans certains pays, cette question a été traitée en introduisant des exceptions pour certaines catégories de travailleurs du secteur, et notamment en faisant en sorte que celles-ci soient protégés par le droit du travail – y compris dans les cas de présomption de relation de travail – ou en créant des catégories intermédiaires (même si l'efficacité de cette méthode reste discutable).
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Certains pays ont établi qu’il convient de présumer légalement que les artistes et les techniciens travaillant dans le secteur de la culture et de la création sont des travailleurs dépendants et que, par conséquent, ils sont soumis à la réglementation du travail, même s'ils sont théoriquement indépendants. C'est le cas en Argentine et en Uruguay, où cette question fait l'objet de lois et de réglementations, et en France, où la présomption de salariat des artistes et des auteurs est réglementée.
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Certains pays, comme l'Allemagne, ont mis en place un statut de travailleur intermédiaire63, connu sous le nom de "quasi-salarié" ou de travailleur indépendant en situation de dépendance64; ce type de travailleur indépendant n'a qu'un seul client, ne recherche pas de clients supplémentaires, travaille selon des horaires préétablis et effectue des tâches similaires à celles effectuées par les salariés dépendants de son client.
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Les preuves sont insuffisantes pour conclure au succès de cette approche. En Allemagne, par exemple, très peu de travailleurs ont été reconnus effectivement comme des "quasi-salariés". En outre, un débat plus approfondi porte actuellement sur les avantages de ces nouvelles catégories, qui, bien qu’elles présentent un intérêt financier, ne permettent généralement d'accéder qu'à une gamme limitée de prestations sociales, créant ainsi des incitations faussées à l'embauche de travailleurs dans le cadre de ces régimes65.
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Au-delà des spécificités des métiers du secteur de la culture et de la création, de nombreux pays tentent de remédier à la dégradation croissante des contrats de travail dans ce secteur comme dans d’autres. Au cours des dernières décennies, de nombreux pays ont adopté des réformes en vue d’assouplir le marché du travail moyennant des arrangements tels que les contrats temporaires, les contrats d'agence ou les mini-emplois. Dans le contexte de la protection sociale, il est essentiel de déterminer si un travailleur est réellement indépendant et autonome ou s'il s'agit en réalité d'un salarié dépendant dans le cadre d'un régime de travail différent, car cela peut avoir une incidence sur son éligibilité au système national de protection sociale et sur les modalités de cette couverture. Countouris (2019) affirme que l'érosion des trois piliers principaux du contrat de travail – le lien de subordination, la continuité et le bilatéralisme – doit susciter une réforme profonde du champ de la protection de l'emploi:
"Une première étape de ces propositions consiste à suggérer un nouveau cadre général pour l'application des droits du travail, qui couvrirait un éventail plus large de relations de travail individuelles, y compris bien entendu celles actuellement couvertes par un contrat de travail, et exclurait uniquement les véritables entreprises pour compte propre. Un tel cadre pourrait être défini selon l'idée que les droits du travail doivent s'appliquer à tout "travailleur", entendu comme un "individu qui a) cherche à être engagé par un autre pour ses services; b) est engagé par un autre pour ses services; c) lorsque l'emploi a cessé, est engagé par une autre personne pour ses services, et n'exploite pas véritablement une entreprise pour son propre compte"66.
Il est important d'adapter le cadre juridique de la protection sociale pour garantir la couverture de tous les travailleurs du secteur, y compris les indépendants, en particulier dans le cadre des régimes contributifs existants. À cet égard, conformément aux orientations fournies par la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012, on peut noter que les régimes d'assurance sociale contributifs sont des éléments fondamentaux des systèmes nationaux de protection sociale, au même titre que les régimes non contributifs. Ils fournissent des prestations qui dépendent des revenus antérieurs et offrent généralement un niveau de sécurité du revenu plus élevé que les prestations fournies dans le cadre de régimes non contributifs, sous condition de ressources ou universels. Les régimes non contributifs sont complémentaires et jouent un rôle clé dans la réduction de la pauvreté et de la vulnérabilité, en particulier pour les personnes qui n’ont pas accès, en droit ou en pratique, aux régimes contributifs.
Par conséquent, en particulier dans le cadre des régimes contributifs, l'extension de la protection sociale suppose que le cadre juridique en général, et le droit du travail en particulier, définissent clairement la nature de la relation d'emploi des travailleurs du secteur et contribuent à éviter la classification erronée des emplois. Cet objectif est conforme aux normes internationales et s’appuie sur les principes d'égalité de traitement et d'adéquation de la protection.
Allemagne: quasi-salariés
Traditionnellement, en Allemagne, un contrat de travail présuppose un lien de subordination du travailleur à l’employeur. Si les conditions de travail ne sont pas déterminées unilatéralement par l'employeur, mais plutôt par le travailleur, ce dernier est réputé autonome. En 1999, une loi a été adoptée en Allemagne pour traiter les problèmes liés au travail dépendant et à l'émergence d'un "faux" travail indépendant (
Argentine et Uruguay: les acteurs, des travailleurs dépendants
En 2015, l'Argentine a adopté la "loi sur les acteurs", qui s’applique aux comédiens, aux acteurs de cinéma, aux chanteurs de comédie musicale, ainsi qu’aux réalisateurs, aux souffleurs et aux assistants (article 1, loi 27.203)69. Les articles 5 et 6 prévoient que toutes les professions couvertes par cette loi doivent être encadrées par des contrats de travail régis par le code du travail. De ce fait, les personnes exerçant ces professions sont toujours réputées être des travailleurs dépendants, et non des prestataires indépendants70.
En 2008, l'Uruguay a adopté une loi sur les acteurs et les professions assimilées, dont le champ d'application comprend tout artiste qui interprète un rôle, chante, présente, exécute ou produit une œuvre d'art de quelque forme que ce soit, ainsi que toute personne qui réalise l'une de ces activités, en direct ou en différé, en public ou en privé (article 1, loi 18.384)71. L'article 2 de la même loi dispose que les professions visées, qu'elles soient dépendantes ou indépendantes, sont soumises au Code du travail et à la réglementation des assurances sociales.
France: Présomption de salariat pour certains travailleurs du secteur de la culture et de la création relevant de l'assurance chômage ou "régime des intermittents du spectacle"
Dans les années 1930, un dispositif spécial a été mis en place dans le système de sécurité sociale français pour inciter les techniciens à rejoindre l'industrie cinématographique, malgré les contrats de courte durée qui leur étaient offerts. Le nombre de techniciens qualifiés étant limité, l'industrie n’était pas en mesure de proposer des contrats à durée indéterminée, et a donc convaincu le gouvernement d’accorder une allocation de chômage aux artistes et techniciens temporaires de l'industrie du spectacle entre chaque contrat de courte durée (ce qu'on appelle le "régime des intermittents du spectacle"). Ce système concerne les artistes ou les techniciens qui travaillent dans le domaine des arts du spectacle ou de la production cinématographique et audiovisuelle, et qui sont rémunérés à ce titre. Selon le Code du travail, les "artistes du spectacle" comprennent les professions suivantes: chanteur (non compositeur), artiste dramatique, artiste chorégraphique, artiste de variétés, musicien, chef d'orchestre, arrangeur-orchestrateur, artiste de cirque et tout autre personne dont l'activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète72.
La présomption de l’existence d’un contrat figure dans le Code du travail français depuis 1969; il est présumé que l'artiste occupe un poste dépendant et salarié. La présomption de salariat établie dans le Code du travail pour les professions susmentionnées signifie que les travailleurs concernés relèvent du régime général de la sécurité sociale (sauf en cas de chômage) et ont donc droit à des prestations comparables à celles de tous les salariés.
Ces travailleurs ont accès aux prestations de l'assurance chômage (Aide au Retour à l'Emploi) sous des conditions d'éligibilité adaptées; c'est ce qu'on appelle le "régime des intermittents du spectacle"73. Le régime a connu plusieurs ajustements, notamment au cours des 20 dernières années, car sa viabilité financière suscitait des inquiétudes. Actuellement, cette aide est versée lorsqu'un technicien ou un artiste a effectué au moins 507 heures de travail dans le cadre d'un ou plusieurs contrats intermittents au cours des 365 derniers jours74. Les indemnités journalières de chômage sont calculées sur la base du nombre de jours travaillés au cours des 365 jours précédents et du salaire moyen perçu75. Le montant minimum de l’allocation journalière est de 44 euros pour les artistes et de 38 euros pour les techniciens76. Le système permet également de combiner ces indemnités de chômage avec les allocations de chômage d'autres emplois; elles peuvent être maintenues une fois que les droits au titre du chômage général sont épuisés. En 2018, le nombre de salariés intermittents du spectacle (artistes et techniciens) s’élevait à 274 000 personnes77. Les principales professions parmi les artistes inscrits étaient les artistes de la musique et du chant, et les artistes dramatiques, tandis que les emplois les plus représentés dans les professions techniques étaient les techniciens son, éclairage, vidéo et image. Environ 27 pour cent des techniciens et artistes intermittents du spectacle ont travaillé moins de 24 heures dans l'année. Le nombre annuel d'heures travaillées est de 400 heures en moyenne78. Il est important de rappeler une nouvelle fois que les travailleurs du secteur de la culture et de la création peuvent travailler un nombre important d'heures supplémentaires qui ne sont pas comptabilisées.
Éléments à retenir
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Afin d'établir des mesures plus générales à l’échelle nationale pour promouvoir et améliorer le droit du travail et la protection sociale, il pourrait être utile de mener une réflexion sur la classification erronée de l'emploi des travailleurs du secteur, notamment pour définir des critères clairs permettant de remédier aux situations de salariat déguisé, comme dans le cas de l'Allemagne. Il s'agit également de concevoir des mécanismes qui protègent tous les travailleurs contre une éventuelle classification erronée de leur relation de travail, en particulier en interdisant et en sanctionnant toute action visant à classer à tort les travailleurs79. Le recours à la technologie pourrait permettre de surveiller ces relations contractuelles de manière plus efficace, ce qui permettrait d’assurer un meilleur contrôle.
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Des cadres juridiques adaptés peuvent contribuer à combler les lacunes en matière de protection, en garantissant la couverture des travailleurs du secteur de la culture et de la création en général, ainsi que des travailleurs salariés et indépendants du secteur (voir les cas de la France ou de l'Uruguay).
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La législation sur la protection sociale pourrait, par exemple, garantir que les travailleurs du secteur, y compris les indépendants, soient couverts, notamment dans le cadre de régimes contributifs, tout en laissant une marge de manœuvre pour des ajustements nécessaires. Des approches novatrices pourraient être mises en œuvre à partir de l’expérience des pays concernant les professions d'autres secteurs ou les travailleurs indépendants en général80.
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couverture légale doit se traduire par une couverture effective dans la pratique et se fonder sur les principes d'égalité de traitement et d'adéquation de la protection. Les cadres juridiques nationaux en matière de protection sociale doivent comporter des mécanismes non contributifs afin que les travailleurs du secteur puissent tout du moins bénéficier des soins de santé essentiels et d’une sécurité de revenu élémentaire, en tant que droit, pour ainsi être protégés contre la pauvreté ou l'exclusion sociale.
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Adhésion et élargissement de l'affiliation à la sécurité sociale (dispositions administratives et simplification)
Éléments clés
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Dans certains cas, comme en Espagne, les institutions de sécurité sociale ont adopté des solutions numériques innovantes telles que l'envoi de SMS, l’accès numérique à des applications de création artistique ou le recours à des applications numériques pour faciliter l'adhésion, la sensibilisation, le recouvrement des cotisations et/ou le versement des prestations. Ce faisant, il convient de garantir le respect des principes de protection des données et de la vie privée81.
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De même, en Irlande, le gouvernement a mis en œuvre une procédure simplifiée à l’intention des jeunes artistes relevant du régime d'aide aux demandeurs d'emploi. En principe, les travailleurs doivent s'inscrire à une formation pour bénéficier de l'allocation, mais cette exigence a été levée pour les nouveaux artistes, afin qu'ils puissent consacrer plus de temps à leur travail. La réduction ou la simplification de certaines conditions d'éligibilité pour les travailleurs du secteur de la culture et de la création peut également contribuer à adapter la protection sociale aux besoins particuliers de cette catégorie de travailleurs.
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L'Inde a simplifié ses mécanismes de cotisation en permettant aux travailleurs de définir la fréquence à laquelle ils souhaitent cotiser, en fonction de leurs revenus. L'adaptation des mécanismes de paiement des cotisations est donc un autre moyen d'aider les travailleurs indépendants du secteur à accéder aux prestations de sécurité sociale.
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Espagne: tirer parti des nouvelles technologies pour sensibiliser le public
Dans un projet très récent qui vise à venir en aide aux ménages pauvres en Espagne, l'agence de sécurité sociale a envoyé un SMS à un grand nombre de potentiels bénéficiaires pour les informer de leurs droits et de la procédure à suivre pour s'inscrire et demander leurs prestations82. Cet exemple montre que les organismes de sécurité sociale peuvent tirer parti des nouvelles technologies pour simplifier les procédures administratives destinées aux travailleurs du secteur de la culture et de la création.
On peut noter que le recours aux technologies numériques doit aller de pair avec la garantie du respect de la vie privée et du droit à la protection des données, et notamment donner la possibilité aux personnes concernées de contrôler leurs informations personnelles et la manière dont leurs données personnelles sont utilisées83. À ce sujet, l'Union européenne a joué un rôle de premier plan dans la réglementation de ces droits au niveau régional, en particulier avec les dispositions des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Au niveau national, la grande majorité des pays ont réglementé cette question dans une certaine mesure84.
Il peut également s’avérer nécessaire d’organiser des consultations entre les organismes de sécurité sociale, les syndicats et les corporations, ainsi que les organisations d'employeurs, afin de promouvoir l'échange d'informations, de mieux faire connaître les conditions d'emploi des travailleurs du secteur et les procédures d'affiliation et de sensibiliser à l'utilisation appropriée des moyens de communication numériques.
Irlande: simplification de l'aide aux demandeurs d'emploi pour les artistes85
L'Irlande dispose d'un type particulier de programme sous condition de ressources destiné aux chômeurs ou aux chômeurs partiels (salariés et indépendants). Pour en bénéficier, les demandeurs doivent remplir certaines conditions de ressources, résider de manière permanente en Irlande, être aptes à travailler, être disponibles pour un travail à temps plein, être réellement en recherche d’emploi et se trouver totalement ou partiellement sans emploi (sans travail au moins quatre jours sur sept)86. On pourrait estimer que ce programme ressemble à un régime de chômage classique, mais il est à la fois plus vaste (couverture des salariés à temps partiel) et plus ciblé (vise en particulier les travailleurs en dessous d'un certain seuil de revenu) que d'autres régimes du même type. L'allocation hebdomadaire pour une personne de 25 ans et plus s’élève à 203 €87. Compte tenu des relations de travail particulières qui régissent la plupart des travailleurs du secteur, ce type d'aide peut s'avérer particulièrement utile, puisqu'elle peut compléter leur revenu.
Par ailleurs, à l'instar de la France, un régime spécifique a été conçu en Irlande pour simplifier l'aide aux demandeurs d'emploi pour les artistes. Les artistes plasticiens et les auteurs peuvent ainsi ouvrir leurs droits à cette allocation s'ils sont inscrits en tant qu’indépendants, et si au moins 50 pour cent de leurs revenus proviennent de leur travail en tant qu'artistes professionnels. Cette disposition s’applique notamment à la vente d'œuvres d'art, de livres ou d'éditions artistiques, aux redevances, aux bourses et aux subventions, aux revenus tirés de la lecture de livres, aux apparitions ou aux honoraires de conférenciers, à la rémunération d’une œuvre de commande, aux expositions, aux services de conseil, aux honoraires de participation à des panels de sélection ou de conseil artistique, aux programmes d'éducation et de sensibilisation, aux conseils en matière de design, aux récompenses et aux prix dans le domaine artistique, aux résidences artistiques, à l'aide technique et à l'installation88. Les bénéficiaires doivent en principe participer au programme d'activation, mais cette exigence peut être suspendue pendant un an pour permettre aux artistes de se concentrer sur leur travail artistique89.
Inde: flexibilité des cotisations
Au cours de la dernière décennie, le gouvernement indien a procédé à plusieurs ajustements du régime non contributif de pension de vieillesse90. La dernière réforme en date a instauré le programme Atal Pension Yojana (APY) en 2015, un régime de retraite ciblant les travailleurs informels et indépendants qui ne cotisent à aucun autre programme de retraite et ne paient pas d'impôt sur le revenu (les cotisants à d'autres programmes peuvent être affiliés, mais ne peuvent pas bénéficier des contributions du gouvernement). La pension de vieillesse varie de 1 000 à 5 000 roupies par mois à partir de 60 ans, en fonction du niveau de cotisations. Pour adhérer à l'APY, le travailleur doit être âgé de 18 à 40 ans; il devra cotiser pendant 20 ans. Le gouvernement versera une contribution équivalente à celle du travailleur, jusqu'à concurrence de 1 000 roupies par an, pendant les cinq premières années91.
L'une des principales caractéristiques du régime APY est sa flexibilité. Les cotisations peuvent être versées tous les mois, tous les trois mois ou même tous les six mois, ce qui facilite les versements pour les travailleurs indépendants et de l’économie informelle, y compris ceux qui exercent une profession dans le secteur de la culture et de la création92. En mars 2020, les actifs sous gestion de l'APY s'élevaient à 105,26 millions de roupies, et le régime comptait 21,1 millions de cotisants93.
Parallèlement à l'APY, on peut noter qu'il existe un régime de pension de vieillesse subventionné et non contributif pour les artistes depuis 1961, qui a été renommé "Artistes Pension Scheme and Welfare Fund" (Régime de pension et caisse pour la protection sociale des artistes) à la suite à la réforme de 2015. Il continue à délivrer des prestations aux bénéficiaires du régime de 1961, ainsi qu'à de nouveaux artistes bénéficiaires chaque année94, lorsque ceux-ci atteignent l'âge de 60 ans. Pour être éligibles, les artistes doivent avoir versé des cotisations jugées suffisantes et percevoir un revenu mensuel inférieur à 4 000 roupies95. La pension de vieillesse qu'ils touchent va de 500 à 4 000 roupies par mois96. De 2014 à 2017, 12 507 artistes ont bénéficié d'une pension dans le cadre du régime "Artistes Pension Scheme", pour un montant total de 525,4 millions de roupies97. Compte tenu du nombre d'artistes en Inde, la couverture de ce système est en réalité très limitée.
Éléments à retenir
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Il est particulièrement important de simplifier et d'encourager l'affiliation à la sécurité sociale des travailleurs du secteur de la culture et de la création, et de tirer le meilleur parti des technologies et des outils de la mondialisation. À cet égard, les plateformes informatiques pourraient être utilisées pour faciliter l'inscription des travailleurs du secteur et le paiement des cotisations de sécurité sociale98. Les organismes de sécurité sociale pourraient ainsi envisager des solutions numériques innovantes, telles que l'envoi de SMS, l'accès à des applications numériques de création artistique, ou le recours à des applications numériques pour l'inscription, le recouvrement des cotisations et le paiement des prestations.
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La simplification des mécanismes et des procédures administratives du système de protection sociale, comme en Irlande, peut également contribuer à fournir une protection complète et adéquate pour tous, ce qui peut en retour soutenir et protéger les travailleurs et les employeurs dans leur parcours personnel et professionnel99. Un exemple de mécanisme de prestation intégré est celui des "services à guichet unique" ou "
one-stop-shops ", qui ont été mis en place pour fournir une gamme complète de prestations et de services à un coût réduit et pour en faciliter l'accès, en particulier auprès des populations rurales100. Les mécanismes mis en place en Inde, en Mongolie, en Afrique du Sud et au Tadjikistan en sont des exemples. Ce type de dispositif pourrait être adopté ou reproduit pour combler les lacunes en matière de mise en œuvre et améliorer la communication avec les travailleurs du secteur qui sont très mobiles. -
Il est essentiel de poursuivre les partenariats avec les organisations de travailleurs et d'employeurs pour mettre en place des systèmes visant à simplifier l'inscription et à assouplir les conditions d'éligibilité et les mécanismes de cotisations (comme en Inde). La participation des travailleurs du secteur de la culture et de la création à l’élaboration de politiques et de dispositions administratives peut contribuer à porter à leur maximum les bienfaits potentiels de l'affiliation à la sécurité sociale. À cet égard, des mécanismes pilotes pourraient être utilisés pour faciliter l’inscription et l’affiliation des travailleurs du secteur; ils pourraient ensuite être étendus à d'autres secteurs où le travail indépendant est répandu.
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Une consultation entre les organismes de sécurité sociale et les gouvernements, et les syndicats et corporations du secteur, ainsi que les organisations d'employeurs (tels que les producteurs et les diffuseurs), permettrait de s'assurer que les voix de tous sont entendues au cours de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques. Les représentants des travailleurs et des employeurs du secteur peuvent également être invités à prendre part à la gestion des régimes de sécurité sociale, conformément au principe de gestion participative.
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Il est crucial que les artistes mobiles et les professionnels de la culture aient accès en temps utile à des informations transparentes, car des opportunités de tournée, de formation ou de travail dans un autre pays peuvent se présenter à la dernière minute. À cet égard, il serait important de garantir l'accessibilité et le partage des informations détenues par les systèmes de sécurité sociale.
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La coordination entre les administrations nationales et régionales permettrait d'obtenir des informations homogènes sur les questions relatives aux artistes mobiles. Au niveau national, les sites web et les portails peuvent aider à mettre à disposition des informations dans plusieurs langues.
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Améliorer la transférabilité des prestations de sécurité sociale entre les différents statuts d'emploi et les pays
Éléments clés
Il convient de se pencher sur deux questions concernant la transférabilité, à savoir: la mobilité des travailleurs entre les États, qui suppose une coordination entre les pays pour assurer la transférabilité des prestations et des droits; et le maintien des droits lorsque les travailleurs changent d'emploi, et donc de statut d’emploi, qui suppose l’harmonisation du système de sécurité sociale. Les principes relatifs au maintien des droits à la sécurité sociale, à l'égalité de traitement et à la transférabilité des prestations, notamment pour les travailleurs migrants, sont consacrés dans de nombreuses normes, y compris la convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, article 68; la convention (n° 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962; la convention (n° 157) sur la conservation des droits en matière de sécurité sociale, 1982, et la recommandation (n° 167) qui l'accompagne, 1983; ainsi que la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012.
Certaines professions du secteur de la culture et de la création se caractérisent par un niveau élevé de mobilité entre les pays (voir par exemple au sein de l'UE). Cela est particulièrement vrai à propos des chanteurs, des comédiens, des acteurs de cinéma, des photographes et des autres travailleurs des médias et de l'audiovisuel. Les obstacles à la mobilité des artistes et des travailleurs du secteur peuvent être liés à des difficultés à accumuler un volume de cotisations suffisant ou à faire valoir les droits acquis. Cette particularité peut également avoir une incidence sur des domaines autres que la protection sociale, en entraînant par exemple une double imposition, ce qui peut réduire le revenu des travailleurs, et indirectement leur capacité contributive.
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Dans certains pays, les artistes, tels que les musiciens, qui travaillent à l'étranger pour une courte durée en tant que résidents temporaires, doivent s’acquitter de cotisations à la sécurité sociale dans le pays d’accueil, mais peuvent ne pas être en mesure d'accéder à leurs droits, en particulier lorsque leur permis de séjour est associé à leur emploi. En outre, un artiste ou un professionnel de la culture peut exercer des activités simultanées dans deux ou plusieurs États (temps partiel) ou alterner en permanence entre plusieurs activités et statuts d'emploi, dans un ou plusieurs pays.
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L'Union européenne a établi certaines des règles les plus perfectionnées pour assurer la coordination de la sécurité sociale en matière de maladie, de couverture maternité, de vieillesse, d'invalidité et de pensions de survie, d'allocations de chômage, de prestations familiales et d'accidents du travail pour les travailleurs mobiles et les citoyens de l'Union européenne. Parmi les prestations non coordonnées, on peut citer l'aide sociale et les soins médicaux. La coordination des systèmes de sécurité sociale repose sur quatre piliers: la détermination de la législation applicable – les personnes ne doivent être soumises qu'à une seule juridiction nationale; l'égalité de traitement, indépendamment de la nationalité – les personnes travaillant dans un pays devraient avoir les mêmes droits et devoirs que les ressortissants de ce pays; la transférabilité des prestations101 - les travailleurs mobiles devraient pouvoir transférer leurs droits dans leur pays de résidence; et le cumul des cotisations – les périodes de cotisation dans différents pays devraient être comptabilisées dans le décompte des années de service pour calculer le montant des prestations de sécurité sociale dues. Ces piliers fondamentaux sont également énoncés dans les normes de l'OIT, comme indiqué ci-dessus.
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Les travailleurs du secteur de la culture et de la création peuvent rencontrer des obstacles à la jouissance de leurs droits pour plusieurs raisons, y compris
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le manque d'harmonisation entre les systèmes de sécurité sociale. La diversité des formes d'emploi a toujours caractérisé le secteur créatif et culturel. Les travailleurs de ces professions peuvent être indépendants ou engagés dans une relation de travail, avec un ou plusieurs employeurs, dans le cadre d'un emploi à durée indéterminée ou temporaire, pour des périodes souvent très courtes, à temps plein ou à temps partiel,
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et dans la plupart des cas, ils cumulent ces différents statuts. La fluidité croissante des relations de travail au sein du secteur pose également des d'importantes difficultés aux systèmes de protection sociale existants. Il est donc nécessaire de procéder à une harmonisation, notamment des droits et des mécanismes contributifs, de tous les régimes appartenant au système national de protection sociale. L'unification des différentes composantes du système de sécurité sociale pourrait également faciliter la reconnaissance des droits en la matière. En parallèle, il conviendrait de mettre au point des mécanismes efficaces pour faciliter les transitions sur le marché du travail.
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Union européenne: améliorer la transférabilité et combler les lacunes persistantes
L'Union européenne a instauré un système de libre circulation des personnes à l'intérieur de ses frontières, qui comprend la coordination entre les systèmes nationaux de sécurité sociale. Les cadres européens relatifs à la sécurité sociale régis par le règlement (CE) n° 883/2004 (en remplacement du règlement (CEE) n° 1408/71) et le règlement (CE) n° 987/2009 (en remplacement du règlement (CEE) n° 574/72) définissent les principes destinés à garantir les droits de sécurité sociale des travailleurs et des citoyens mobiles au sein de l'Union européenne, sans interférer avec les législations nationales. Ce cadre juridique garantit que les personnes qui se déplacent à l’intérieur de l'Union européenne, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège ou en Suisse sont soumises à la législation d'un seul pays.
Les règles de coordination de la sécurité sociale s'appliquent aux prestations de maladie, de vieillesse, d'invalidité, de survivant, de chômage, aux prestations familiales et aux prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Parmi les prestations non coordonnées, on peut citer l'aide sociale et les soins médicaux. La coordination des systèmes de sécurité sociale repose sur les quatre piliers suivants:
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Détermination de la législation applicable: les personnes ne doivent être soumises qu'à la législation d'un seul pays.
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Égalité de traitement: indépendamment de leur nationalité, les personnes qui travaillent dans un pays doivent bénéficier des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations que les ressortissants de celui-ci.
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Exportabilité des prestations: les travailleurs mobiles doivent pouvoir transférer leurs droits pour y avoir accès dans leur pays de résidence.
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Cumul des cotisations: les périodes de cotisation dans différents pays doivent être comptabilisées lors du décompte des années de service pour le calcul des prestations sociales.
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Les travailleurs du secteur de la culture et de la création ont des besoins et des particularités qui limitent l'application de ces principes. Par exemple, ils sont plus susceptibles de relever des deux exceptions aux règles générales: le détachement dans un deuxième pays et la pluriactivité. Le détachement désigne les situations dans lesquelles une personne est envoyée par un employeur dans un autre État membre pour y effectuer un travail en tant que salarié, ou dans lesquelles un travailleur indépendant se rend dans un autre pays pour y travailler temporairement. La pluriactivité désigne les situations dans lesquelles une personne (un artiste ou un professionnel de la culture) exerce simultanément des activités dans deux ou plusieurs États (temps partiel) ou alterne en permanence entre plusieurs activités dans deux ou plusieurs États. La pluriactivité est complexe en cela qu'un artiste peut être indépendant dans un pays et salarié dans un autre, ou combiner deux emplois indépendants, ou deux emplois salariés, dans deux pays différents.
De ce fait, de nombreux travailleurs du secteur peuvent ne pas avoir réellement accès à leurs droits en raison de leur niveau élevé de mobilité géographique. Dans une enquête menée au niveau européen, 40 pour cent des artistes ont déclaré être très mobiles, tandis que 24 pour cent d’entre eux avaient travaillé dans un pays autre que leur pays de résidence plus de dix fois au cours des trois années écoulées102. Environ 60 pour cent des personnes interrogées se sont déplacés dans d'autres pays pour de courtes périodes, et 34 pour cent ont déclaré être restées entre une semaine et un mois dans le pays d'accueil. À cet égard, on peut noter qu'en dépit des réglementations en vigueur, certains artistes qui travaillent en tant qu'indépendants dans un pays et salariés dans un autre, sont tenus de cotiser dans les deux pays. Certains travailleurs du secteur ne savent pas exactement ce qui change entre leurs différents statuts (salarié ou indépendant) d'un pays à l'autre. Ainsi, malgré tous les efforts déployés pour mettre en place des mécanismes de coordination des droits et des obligations en matière de sécurité sociale, les travailleurs du secteur continuent de se heurter à d'importants obstacles. Il est nécessaire d'œuvrer à une intégration plus poussée des systèmes pour tenir compte de ce type de professions mobiles.
Les politiques envisageables pourraient viser à faciliter les transitions entre l'emploi salarié et l'emploi indépendant et la combinaison des deux. Lorsque les travailleurs changent de régime d'emploi, qu'ils combinent emploi salarié et travail indépendant ou qu'ils aient plusieurs employeurs et plusieurs emplois, des mesures doivent garantir la continuité de la couverture entre les différents statuts d'emploi, employeurs et systèmes de sécurité sociale. D’autres exemples pourraient être trouvés dans des stratégies plus larges axées sur l’extension de la couverture sociale aux travailleurs de l'économie informelle. Au Costa Rica, le régime général d'assurance sociale, qui couvre à la fois les salariés et les travailleurs indépendants, favorise la mobilité entre les différents statuts sur le marché du travail; aux Philippines, le gouvernement a adopté un système uniforme de numéro de sécurité sociale pour faciliter l'identification des travailleurs et le suivi de leurs dossiers d'assurance et de leurs droits tout au long de leur vie active103.
La complexité du débat sur la transférabilité des prestations entre différents régimes de sécurité sociale et statuts d'emploi pourrait bénéficier d'une plus grande participation des travailleurs et des employeurs du secteur de la culture et de la création. Cela contribuerait à réduire les lacunes de couverture et à garantir la continuité des prestations aux personnes qui changent d'emploi.104
Dans tous les cas, l'Union européenne est un exemple de coordination interétatique et régionale. De nombreux autres pays ont signé des accords bilatéraux ou multilatéraux en matière de sécurité sociale pour tenter de résoudre ces problèmes105. A ce propos, on peut également noter que la recommandation n° 167 comporte des dispositions types pour la conclusion d'instruments bilatéraux ou multilatéraux de sécurité sociale concernant toutes les éventualités, établit des règles sur la conservation des droits de sécurité sociale et le transfert des prestations, et fournit un accord modèle pour la coordination des instruments bilatéraux ou multilatéraux de sécurité sociale.
Éléments à retenir
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La question de la transférabilité relève d'un débat plus large sur la capacité d'un système de sécurité sociale à harmoniser les différents droits et dispositifs de cotisation entre les différents types de contrats et tout au long de la vie active d'un travailleur. Cela comprend la transition d'un emploi indépendant à un emploi dépendant, ou d'un pays à un autre, qui doit permettre au travailleur de bénéficier d'une protection tout au long de sa vie active et pendant sa vieillesse.
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Le dialogue social est essentiel pour assurer une meilleure coordination entre les différents mécanismes et institutions de protection sociale et la fourniture effective des prestations, pour faciliter la portabilité et le transfert des droits d'un régime à l'autre, ainsi que pour éviter les chevauchements et les lacunes en matière de couverture106. Des réformes en cours visent à simplifier l'inscription et les versements, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour combiner les mécanismes liés à l'emploi ou à la résidence, et pour étendre la couverture de la sécurité sociale aux nouvelles formes d'emploi du secteur de la culture et de la création107.
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Les syndicats de travailleurs et les organisations d'employeurs du secteur peuvent contribuer à ce que les besoins spécifiques du secteur soient pris en compte dans les discussions et les réformes. À ce sujet, des études menées dans d'autres secteurs font état des efforts conjoints déployés au Bangladesh, au Canada, en Croatie et au Ghana pour réduire la fragmentation, renforcer la coordination interne entre les différentes institutions et entre le gouvernement central et les autorités locales, et favoriser une approche plus intégrée et plus complète de la sécurité sociale – lesquels pourraient servir d'exemple108.
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La coordination entre les pays et entre les différents régimes de sécurité sociale contribuerait à la mobilité des travailleurs du secteur et aiderait à garantir la transférabilité de leurs droits et prestations. Ces mécanismes devront peut-être être adaptés aux travailleurs qui ont plusieurs employeurs et un statut professionnel variable, et qui se déplacent beaucoup.
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Il conviendrait d'assurer la cohérence entre la législation sur la sécurité sociale et les conditions de résidence, ainsi que de développer le recours à des accords bilatéraux et multilatéraux, ce qui contribuerait à coordonner la transférabilité des prestations sociales entre les États (par exemple, au sein de l'Union européenne).
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Méthodes d'action visant à accroître la couverture, l'adéquation, l'adaptabilité et la transférabilité des prestations de protection sociale
Alors que la section précédente recense les études de cas et examine les conclusions relatives aux différents aspects de la couverture sociale des travailleurs du secteur de la culture et de la création, la présente section résume les méthodes d’action possibles compte tenu de ces résultats et les met en lien avec le débat actuel sur la protection sociale.
Plusieurs des approches analysées se sont avérées utiles pour étendre la couverture des systèmes de sécurité sociale aux travailleurs du secteur et garantir qu'ils puissent bénéficier de leurs droits dans la pratique. Tout d'abord, les travailleurs du secteur engagés dans une relation de travail doivent avoir accès aux mêmes droits et prestations que les salariés.
En outre, d'autres méthodes, comme celles qui sont décrites ci-dessous, pourraient être envisagées pour contribuer à l'extension de la couverture sociale en tenant compte des particularités de l'emploi dans le secteur, et notamment du fait que ces travailleurs sont souvent indépendants, qu'ils peuvent ne pas être assujettis à une relation de travail ou qu'ils peuvent exercer un emploi indépendant déguisé109:
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Les systèmes de protection sociale, et les mécanismes contributifs en particulier, qui ont été adaptés aux modèles de revenu et d'emploi des travailleurs du secteur de la culture et de la création – notamment par l'assouplissement des critères d'éligibilité – favorisent l’extension de la protection sociale (voir le cas de l'Inde, de l'Argentine ou de l'Uruguay). Cela revêt un intérêt particulier pour les travailleurs du secteur qui ont des emplois occasionnels, à la demande ou temporaires. Dans ces cas, l'accès à la protection sociale des travailleurs indépendants du secteur a été soutenu moyennant la détermination de taux de cotisation correspondant à leurs capacités contributives.
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Un calendrier de cotisation flexible permet d'ajuster le système aux fluctuations de revenus de certains types de travailleurs du secteur (comme en Uruguay ou en Argentine). Il peut tenir compte du revenu annuel plutôt que du revenu mensuel, prévoir des cotisations forfaitaires ou trimestrielles, et comprendre la possibilité de reporter les cotisations pendant les périodes sans emploi.
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Les travailleurs du secteur de la culture et de la création (en France, par exemple) bénéficient d'une couverture dans le cadre d'un régime spécial adapté à leurs besoins spécifiques et à ce type d’organisation du travail, tout en restant rattachés au système général. Dans d'autres cas, les gouvernements ont pris des mesures pour adapter les conditions d’ouverture des droits et les paramètres des prestations, ainsi que pour ajuster les modalités de financement et les processus d'inscription et de recouvrement des cotisations, afin de répondre aux besoins particuliers des travailleurs du secteur sans pour autant créer un régime spécial distinct (par exemple, en Allemagne). Dans tous les cas, il a été essentiel d'adapter le système de protection sociale aux spécificités des travailleurs du secteur de la culture et de la création, en assouplissant par exemple les critères d'éligibilité des mécanismes contributifs et/ou en les adaptant aux conditions propres à ce secteur. La coordination au sein des systèmes de protection sociale, entre les régimes et entre les systèmes contributifs et non contributifs est également cruciale pour garantir une couverture complète et adéquate de tous les travailleurs du secteur.
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L'utilisation de divers mécanismes de financement fondés sur le principe de solidarité s'est révélée très utile, en particulier en accordant la priorité aux régimes contributifs obligatoires, complétés par des mesures visant à subventionner les cotisations des travailleurs du secteur dont la capacité contributive est limitée. La conception, comme en Allemagne, de nouvelles méthodes de financement, telles que le recouvrement de contributions auprès des diffuseurs d'œuvres artistiques et des entreprises liées à l'art (y compris les radiodiffuseurs et les galeries d'art), a également joué un rôle essentiel à cet égard.
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L’évolution actuelle de la situation en Allemagne, en Uruguay ou en France montre que les droits à la protection sociale pour tous les travailleurs du secteur doivent s'inscrire dans un cadre juridique solide permettant d’étendre la couverture à tous les types de relations de travail, de clarifier la nature de la relation d’emploi des travailleurs du secteur et d’empêcher les erreurs potentielles en matière de classification de l'emploi. La couverture légale doit s'accompagner d'une couverture effective dans la pratique et de dispositifs adaptés pour relever les défis en matière de mise en œuvre. Dans ce contexte, le tableau 13 ci-dessous dresse la liste des difficultés rencontrées par les travailleurs du secteur en matière de couverture dans le cadre des régimes de protection sociale existants, et décrit des solutions possibles.
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La simplification des dispositions administratives et de financement (comme en France, en Inde, en Irlande ou en Uruguay) est essentielle pour l’extension de la couverture. Il convient également d'exploiter le potentiel des technologies numériques, comme l'inscription numérique ou via des applications mobiles, et de rendre les moyens d'information plus accessibles (comme en Espagne).
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Certaines des difficultés pointées mettent en évidence le fait que les régimes doivent s'adapter davantage aux travailleurs mobiles, ayant plusieurs employeurs et des statuts d'emploi variables, et comporter des mécanismes efficaces pour faciliter les transitions sur le marché du travail et garantir la transférabilité des droits et des prestations (par exemple, en France). Etant donné que les travailleurs du secteur sont souvent amenés à voyager d'un pays à l'autre, les mécanismes de coordination entre États, tels que les accords bilatéraux et multilatéraux, revêtent une importance particulière (voir par exemple les règles de coordination établies dans le cadre de l'Union européenne).
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La participation des syndicats et des corporations ainsi que des organisations d'employeurs (tels que les producteurs et les radiodiffuseurs) du secteur de la culture et de la création aux processus de dialogue social et de gestion participative est essentielle pour garantir que leur voix soit entendue au cours de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques.
En ce qui concerne l'adéquation, les études de cas par pays montrent qu'il est nécessaire de compléter les efforts en matière d’extension de la couverture par des mesures visant à garantir des prestations minimales, conformément aux normes internationales de sécurité sociale.
En outre, de nombreux observateurs s'accordent à dire que pour parvenir à la protection sociale universelle, il est indispensable de combiner les mécanismes de protection sociale contributifs et non contributifs (financés par l'impôt).
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Les régimes financés par l'impôt jouent un rôle important en garantissant à chacun un niveau de protection de base, en particulier les soins de santé essentiels et la sécurité élémentaire de revenu. Ceci est particulièrement important pour les personnes qui ne sont couvertes par aucun autre mécanisme de protection sociale.
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Les mécanismes contributifs sont essentiels pour fournir des prestations adéquates; ils permettent généralement d’offrir un éventail de prestations plus large et des niveaux de protection plus élevés.
Si les formes existantes de protection sociale perdent du terrain au profit de mécanismes d'épargne privés ou individuels dont le potentiel de mutualisation des risques et de redistribution est limité, il se peut que les niveaux de couverture et de prestations diminuent. En effet, les groupes de travailleurs vulnérables ne seront pas en mesure d'acquérir suffisamment de droits dans le cadre d'arrangements privés, en raison des modalités d’emploi qui leur sont propres et de la structure de leurs revenus. Les enseignements tirés de l'expérience internationale concernant l'extension de la sécurité sociale à certaines catégories de travailleurs soulignent l'effet potentiellement négatif que cette évolution peut avoir sur les inégalités, en particulier sur l'inégalité entre hommes et femmes110.
Tableau 13. Lacunes dans la couverture de certaines catégories de travailleurs et mesures visant à prévenir leur exclusion
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Abaisser les seuils en matière d’heures de travail ou de revenus. Trouver des solutions pratiques pour les travailleurs ayant plusieurs employeurs ou combinant travail salarié à temps partiel et travail indépendant. Faciliter la couverture des travailleurs à temps partiel de très courte durée moyennant des solutions d'assurance sociale adaptées ou une combinaison de mécanismes d'assurance sociale et de mécanismes financés par l'impôt. (Voir le cas de la France) |
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Abaisser les seuils relatifs à la durée de l'emploi afin d'étendre la couverture légale. Assouplir les exigences quant aux périodes de cotisation ouvrant droit aux prestations. Permettre la discontinuité des périodes de cotisation (par exemple, |
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Empêcher la classification erronée des travailleurs et assurer une protection adéquate des personnes exerçant une activité indépendante en situation de dépendance, notamment en définissant des critères permettant de classer ces travailleurs. Simplifier les procédures administratives d’affiliation et de paiement des cotisations. Garantir la non-discrimination et l'égalité de traitement. Adapter les mécanismes de sécurité sociale à la situation et aux besoins des travailleurs indépendants à leur propre compte. (Voir le cas de l'Uruguay ou de l'Argentine) |
Tiré de la publication du BIT,
Remarques finales
Les travailleurs du secteur de la culture et de la création font face à des obstacles importants dans l’accès à la protection sociale, notamment en raison des spécificités de leur travail et parce que les mécanismes de protection sociale sont parfois mal adaptés pour répondre à ces besoins particuliers. Dans ces professions, le paradoxe est que, bien que ces travailleurs aient tendance à être confrontés à des risques plus élevés, le niveau de protection sociale dont ils bénéficient est souvent inférieur à celui d'autres groupes.
Parmi les difficultés principales, on peut citer le caractère discontinu ou intermittent du travail, l'irrégularité des revenus, les périodes de travail non comptabilisées (par exemple, les études ou les répétitions), les multiples relations de travail, le statut d'emploi fluctuant, peu clair ou mal classé, la mobilité géographique et la diversité des régimes de travail dans le secteur.
Ces situations peuvent, pour diverses raisons, se traduire par une couverture sociale insuffisante ou inexistante. Dans certains cas, les systèmes de protection sociale peuvent exclure certaines catégories de travailleurs du secteur du champ d'application des cadres juridiques; la couverture peut aussi être volontaire, comme c'est souvent le cas pour les indépendants. Ce système revêt une grande utilité étant donné que, dans de nombreux pays, la proportion de travailleurs indépendants dans le secteur est supérieure à la proportion de travailleurs indépendants dans l'ensemble de l'économie. Le manque de clarté concernant les relations d’emploi et les statuts d'emploi variables peuvent également avoir une incidence sur l'application du droit à la sécurité sociale. Les cadres juridiques doivent par conséquent inclure les travailleurs dans toutes les formes d'emploi et contribuer à définir la nature des relations d’emploi des travailleurs du secteur.
En ce qui concerne la transférabilité, tant sur le plan de la mobilité géographique que sur celui des différents emplois et statuts d'emploi, les efforts visant à étendre la couverture des travailleurs du secteur doivent s'accompagner de réformes de la protection sociale plus ambitieuses qui garantissent la transférabilité des droits et des prestations entre les emplois et les statuts d'emploi. Les normes internationales du travail consacrent des principes essentiels et fournissent même des modèles d'accords bilatéraux et multilatéraux pouvant être utiles à cet égard111. Cela permettrait à tous les travailleurs de contribuer à la protection sociale et d'en bénéficier, ainsi que de conserver leurs droits lorsqu'ils passent d'un emploi ou d'un contrat à un autre ou d’un emploi salarié au travail indépendant, tout en facilitant les transitions sur le marché du travail et la mobilité.
Même lorsqu'ils sont encadrés par une réglementation, ces obstacles peuvent se traduire par un déficit de couverture dans la pratique, dû par exemple au faible niveau de cotisation lié à un parcours professionnel discontinu et à des flux de revenus irréguliers, ou à l'impossibilité de cumuler les périodes de cotisation à différents régimes en raison des changements de statut d’emploi, de la mobilité géographique et de la fragmentation des systèmes de protection sociale. La capacité contributive restreinte qui découle du caractère ponctuel (pour un projet) ou à court terme de leurs contrats et de leurs faibles revenus, ainsi que les relations d’emploi complexes ou mal définies, limitent l'accès de ces travailleurs aux programmes de sécurité sociale à court et à long terme112.
Le débat plus large concernant la fluidité croissante des relations d'emploi et l'émergence de nouvelles formes d'emploi vient se rajouter aux difficultés que rencontrent ces travailleurs quant à l'extension de la couverture et à l'accès à des prestations de protection sociale adéquates. De ce fait, il sera donc important d'adapter les systèmes de protection sociale aux besoins et aux modes de travail propres aux professions du secteur.
Il faudra en outre recourir à divers mécanismes de financement, fondés sur le principe de solidarité énoncé dans les normes internationales de sécurité sociale, ainsi que sur des méthodes innovantes. Les moyens employés en Allemagne et en France pour percevoir des contributions auprès des diffuseurs d'œuvres artistiques et culturelles (tels que les radiodiffuseurs et les galeries d'art) constituent une piste intéressante, que d'autres pays pourraient explorer et qui pourrait éventuellement être étendue à d'autres secteurs.
Les organisations d'employeurs et de travailleurs du secteur de la culture et de la création devront également s'engager à remédier aux problèmes liés à l'exclusion de la couverture légale, aux coûts et aux modalités de financement inadéquates, au manque de conformité et à une organisation défaillante. Dans ce contexte, un dialogue social efficace, y compris la négociation collective, peut permettre d'élaborer des solutions afin de combler les lacunes de la protection sociale concernant les travailleurs du secteur, comme indiqué dans la recommandation n° 202.
La majorité des pays disposent de deux grands types de régimes de sécurité sociale: a) les régimes contributifs (généralement, l'assurance sociale), et b) les régimes non contributifs, soit sous la forme d'une aide sociale destinée aux personnes à faible revenu, soit sous la forme de régimes universels ou catégoriels offrant des niveaux de protection de base à de vastes segments de la population. Dans certains cas, les travailleurs du secteur peuvent se trouver dans la catégorie intermédiaire (le "chaînon manquant")113 située entre ces deux types de régimes: étant moins susceptibles de s’engager dans une relation de travail à temps plein et à long terme et disposant souvent de revenus faibles ou irréguliers, ces travailleurs peuvent ne pas avoir acquis suffisamment de droits pour bénéficier de l'assurance sociale, tout en n’étant pas "assez pauvres" pour bénéficier de l'aide sociale.
De nombreux travailleurs du secteur, en particulier ceux qui occupent des formes d'emploi plus flexibles ou les indépendants, ont une couverture insuffisante, voire inexistante, ou reçoivent de prestations qui ne correspondent pas à leurs besoins. Il sera donc nécessaire de mettre au point des systèmes de protection sociale complets et durables qui comportent à la fois des mécanismes contributifs et non contributifs.
Ces systèmes devraient notamment établir des socles nationaux de protection sociale conformes aux orientations de la recommandation n° 202 afin de garantir que les groupes de travailleurs du secteur vulnérables et à faible revenu bénéficient au moins du niveau minimal de protection sociale, en particulier s'ils ne sont pas couverts par un régime contributif existant. Il faudra également adapter les régimes contributifs et trouver des solutions sur mesure pour étendre la couverture aux travailleurs du secteur, y compris des mécanismes de financement novateurs, tels que les contributions versées par les diffuseurs d'œuvres artistiques, tout en veillant à respecter les principes de partage des risques, d'équité et de solidarité, entre autres, tels qu'ils sont énoncés dans les normes internationales de l'OIT en matière de sécurité sociale, et notamment dans la convention n° 102.
Compte tenu du large éventail de types d'emploi et de la diversité des régimes de travail au sein du secteur de la culture et de la création, les solutions doivent être adaptées aux difficultés que rencontrent les travailleurs du secteur. Comprendre ces défis et adapter les systèmes aux solutions proposées pour protéger les travailleurs créatifs et assurer leur couverture contribuera à enrichir le secteur et à sensibiliser ses parties prenantes. L'expérience de certains pays concernant l'extension de la protection sociale à des professions ou des statuts d'emploi particuliers pourraient être mise à profit pour combler les lacunes en matière de protection sociale dans le secteur114 et pour alimenter le débat en cours sur l'avenir du travail et la réalisation de la protection sociale universelle, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et aux normes internationales en matière de sécurité sociale.Annexe
Annexes
Annexe 1 - Les systèmes de sécurité sociale dans certains pays
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Argentine |
Couverture obligatoire Régime adapté: le système établit un nombre d’années de service spécifique pour les artistes Prestations couvertes: pension de vieillesse allocation d'invalidité pension de survivant prestation de maternité allocations familiales allocation de chômage indemnisation en cas d’accident du travail (les conditions particulières d’application de ce régime aux artistes sont définies par le pouvoir exécutif (loi 27203, art. 15)) *Les soins de santé relèvent de la loi sur le système national d'assurance maladie (n° 23661) |
Loi sur les acteurs, n° 27203 (2015) |
Est considéré comme acteur toute personne qui incarne un personnage dans une situation fictive ou basée sur des faits réels, ou qui substitue, remplace ou imite un personnage, ainsi que toute personne qui se représente elle-même, à partir d'un scénario, d'un livre ou d'idées, à l’occasion de représentations publiques, quels que soient le format et le support utilisés pour les diffuser et quels que soient le lieu et les moyens de réalisation de ces représentations. En outre, toute personne chargée de la direction, de l'animation ou de l'assistance à la direction ou à l'animation, ainsi que les membres d'un chœur ou d'une compagnie de danse, sont également assujettis à ladite loi. |
Article 13 Aux fins de validation des années de service ayant fait l'objet de cotisations en vertu de la loi 24241, de ses modifications et de ses avenants, pour accéder à la prestation universelle de base, à la prestation compensatoire, à la prestation supplémentaire de permanence et à la prestation de vieillesse, les services définis à l'article 12 seront comptabilisés comme une (1) année de service ayant fait l'objet de cotisations, à condition qu’une année civile ait comporté quatre (4) mois de travail effectif, ou l'équivalent de cent vingt (120) jours de travail effectif consécutifs ou non, pendant lesquels une rémunération a été perçue et les cotisations correspondantes ont été versées. |
Canada |
Régime adapté: certaines adaptations ont été apportées pour tenir compte de différents types de revenus artistiques pouvant, selon leur mode de répartition, avoir un effet sur le montant des prestations. |
Loi sur le statut de l'artiste, 1992: Loi concernant le statut de l'artiste et les relations professionnelles entre artistes et producteurs au Canada La loi reconnaît les droits des artistes et des producteurs à s'associer librement et donne aux associations d'artistes le droit de négocier des conventions collectives. La portée de cette loi est toutefois limitée car elle s’applique uniquement aux domaines relevant de la compétence du gouvernement fédéral, excluant de ce fait les producteurs privés, qui sont de plus en plus nombreux. |
La loi s’applique aux entrepreneurs indépendants:
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Liberté d’association 8 L’artiste a la liberté d’adhérer à une association d’artistes et de participer à la formation d’une telle association, à ses activités et à son administration. |
France (obligatoire) |
Régime adapté (un régime spécial distinct est prévu pour les allocations de chômage) par lequel l'État contribue au financement de la sécurité sociale des artistes, des auteurs et des diffuseurs. Il existe également des exceptions pour les artistes du spectacle et les techniciens sous contrat intermittent. Ce régime comprend les prestations suivantes: pension de vieillesse indemnité de maladie assurance maladie allocation d'invalidité pension de survivant prestations de maternité Allocations de chômage exclues, sauf allocation d'aide au retour à l'emploi Les auteurs et les artistes ne bénéficient pas de l’assurance générale en cas d’accidents du travail ou de maladie professionnelle, mais ils peuvent souscrire une assurance maladie volontaire. |
Code de la sécurité sociale, article L.382-1 sur les artistes auteurs |
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Les artistes auteurs d'œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés. |
Allemagne (obligatoire) |
Régime spécial pour les artistes et les auteurs, ainsi que pour les radiodiffuseurs et diffuseurs d'œuvres artistiques, financé par l'État. Il inclut les prestations suivantes: pension de vieillesse indemnité de maladie assurance maladie allocation d'invalidité pension de survivant prestations de maternité Les artistes et les auteurs indépendants affiliés à l’assurance sociale pour artistes bénéficient de la même protection que les artistes salariés pour ce qui est de la pension de vieillesse, des indemnités de maladie, des soins de santé, de l'allocation d'invalidité, de la pension de survivant et des prestations maternité. |
Loi sur la sécurité sociale des artistes (Kunstlersozialversicherungsgesetz) (1981) |
Tous les artistes et auteurs indépendants |
Les artistes et les auteurs sont obligatoirement affiliés au régime général d'assurance vieillesse, dans les mêmes conditions que les salariés. |
Inde |
Couverture volontaire Régime spécial. Il est prévu qu’à terme, le système soit général, mais pendant les 15 prochaines années, certains artistes bénéficieront du régime de retraite non contributif "Artists Pension Scheme and Welfare Fund". |
No.2-1212017-P. Arts Gouvernement de l'Inde - ministère de la Culture (2017) |
La contribution d'une personne aux arts et aux lettres doit avoir une certaine valeur. Les chercheurs traditionnels qui ont apporté une contribution significative dans leur domaine sont également éligibles, même s'ils n'ont pas publié d'ouvrages. Le revenu personnel du demandeur (y compris celui de son conjoint) ne doit pas dépasser quatre mille (4 000) roupies par mois ou quarante-huit mille (48 000) roupies par an. [Ce montant ne comprend pas la pension déjà perçue par un bénéficiaire de la pension pour les artistes fournie par le gouvernement (État concerné, administration d'un territoire de l'Union et/ou ministère de la Culture)]. |
Dans tous les cas, la contribution du gouvernement central et de l'ensemble des gouvernements des États et des territoires de l'Union ne dépassera pas 4000 roupies par mois et par bénéficiaire, et ne sera pas inférieure à 500 roupies par mois et par bénéficiaire. |
Irlande |
Couverture volontaire Régime adapté. Le système principal est général, mais une réforme récente permet aux artistes de bénéficier d'une prestation spéciale, l'aide aux demandeurs d’emploi (JobSeekers's Allowance) |
Aide aux demandeurs d’emploi (JobSeekers's Allowance) pour les artistes indépendants |
Les artistes disposent d'une période de 12 mois pour se concentrer sur le développement de leur activité avant d'être soumis aux politiques actives du marché du travail. Les demandeurs doivent satisfaire à toutes les autres conditions d'éligibilité de l'initiative pilote, y compris les conditions de ressources. Une déclaration doit être fournie par l'organisme Visual Artists Ireland ou l'Irish Writers Centre. Les artistes/auteurs doivent être inscrits en tant qu'indépendant auprès de l' administration fiscale (Revenue Commissioners). Ils doivent démontrer que 50 pour cent des revenus perçus l'année précédente proviennent de leur activité artistique. L’accès à l’aide aux demandeurs d'emploi (JobSeekers's Allowance) pendant un an sans "activation" signifie qu'ils ne sont pas tenus de chercher/d’accepter d'autres offres d'emploi. Ils doivent justifier qu'ils sont véritablement à la recherche d'un emploi. |
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Pérou |
Régime général Régime obligatoire |
Loi sur les artistes, n° 28131 (2003) |
Artiste (article 2 de la loi): s’entend de toute personne physique qui représente ou exécute une œuvre artistique, avec ou sans texte, en utilisant son corps ou ses compétences, avec ou sans instrument, qui est exposée ou montrée au public et donne lieu à une interprétation et/ou une exécution pouvant être diffusée par tout moyen de communication ou fixée sur un support approprié, créé ou à créer. Les professions visées par la loi sont notamment les suivantes: chanteur, musicien, acteur, danseur de tout type; chef d'orchestre ou d'un ensemble musical de tout type; interprète et exécutant d'œuvres folkloriques de tout type; directeur d'œuvres dramatiques, cinématographiques, télévisuelles et similaires. Technicien (article 1.2 de la loi): Les techniciens de l'industrie artistique entrent dans le champ d'application de la loi et comprennent entre autres, les professions suivantes: souffleur, assistant de direction, caméraman, directeur de la photographie, monteur son et image, scénographe, régisseur, maquilleur, concepteur d'effets spéciaux et éclairagiste dans le cadre de productions dramatiques, cinématographiques et télévisuelles, de cabarets, de cirques ou d'autres spectacles; machinistes. |
Les artistes sont soumis aux régimes obligatoires généraux de retraite et de soins de santé, ainsi qu'à ceux prévus par la loi 28131. Certaines exceptions s'appliquent aux artistes étrangers (loi 28131, article 39). Article 34: Le Fonds de solidarité pour les droits des artistes couvre les congés payés, les primes de juillet et de décembre et les indemnités pour ancienneté de service. Il est financé par l'employeur, qui contribue à hauteur de 2/12 du salaire mensuel. |
République de Corée |
Régime spécial pour les artistes et les auteurs, dans le cadre duquel l'État fournit un financement, ainsi que les diffuseurs ou exploitants d'œuvres artistiques Les prestations principales sont les suivantes (voir les autres dans la section correspondante): Pension nationale et assurance-chômage. Frais médicaux Accidents du travail et maladies professionnelles (la loi sur l’indemnisation en cas d’accidents du travail s'applique aux accidents dont les artistes sont victimes dans le cadre de leur activité artistique. Lorsqu'un artiste souscrit une assurance contre les accidents du travail, la Fondation coréenne pour la protection sociale des artistes (Korean Artists Welfare Foundation, article 8) peut subventionner partiellement les primes d'assurance contre les accidents du travail qui sont à la charge de l'artiste. |
Loi sur la protection sociale des artistes, 17 novembre 2011 (modifiée par la loi n° 12136, 30 décembre 2013, la loi n° 13970, 3 février 2016, la loi n° 15568, 17 avril 2018) |
Est considérée "artiste" une personne qui subvient à ses besoins en exerçant des activités artistiques, qui contribue à enrichir la culture, la société, l'économie et la politique coréennes et qui est en mesure de rendre compte de ses activités de création, de représentation, d'assistance technique, etc. dans le domaine de la culture et des arts, conformément aux dispositions du décret présidentiel. |
Article 7 (Protection des artistes en cas d’accidents survenant dans le cadre de leurs activités professionnelles)
Article 8 (Constitution en société, etc. de la Fondation coréenne pour la protection sociale des artistes) (1) La Fondation coréenne pour la protection sociale des artistes (ci-après dénommée "la Fondation") est constituée en société pour mettre en œuvre de manière efficace les projets de protection sociale des artistes. |
Uruguay |
Couverture volontaire Régime adapté: le système établit un nombre d’années de service spécifique pour les artistes. Les acteurs et les métiers assimilés sont régis par le Code du travail et le Code de la sécurité sociale, quel que soit leur statut professionnel: salarié ou indépendant. Prestations couvertes: pension de vieillesse indemnité de maladie assurance maladie allocation d'invalidité pension de survivant prestations de maternité allocations familiales indemnité de chômage indemnité en cas d'accident du travail |
Loi sur les acteurs et les professions assimilées (Nª 18.384), 2008 |
Toute personne qui joue un rôle, chante, récite, présente, interprète ou exécute de quelque manière que ce soit une œuvre artistique, la dirige ou exerce toute activité similaire à celles mentionnées, que ce soit en direct ou en différé, de quelque manière que ce soit, en vue d’une exposition publique ou privée. On entend par "métiers assimilés" les activités dérivées de celles définies au paragraphe précédent et qui comportent un processus créatif. |
Article 11. (Calcul des périodes d’activité). Pour calculer les périodes d’activité et déterminer les conditions d'éligibilité à la retraite, à la pension et à l’allocation transitoire en cas d'invalidité partielle, il est tenu compte des périodes de préparation à l'activité, conformément aux règles suivantes:
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Annexe 2 - Mesures de protection sociale prises face au COVID-19 dans certains pays
Soutien direct aux artistes |
Soutien financier aux entreprises du secteur culturel |
Promotion culturelle (activités) |
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Pays |
Bénéficiaires |
Conditions d'éligibilité |
Montant de la prestation |
Détails |
Montant |
Détails |
Budget total (millions d'euros) |
Argentine |
Travailleurs informels Travailleurs domestiques Microentrepreneurs |
Ressortissant national ou naturalisé argentin et résident, disposant d’un permis de séjour dans le pays depuis au moins 2 ans. Entre 18 et 65 ans. Le ou la bénéficiaire ou son groupe familial: |
10 000 pesos argentins (122,9 €) |
Prêt à taux zéro pour les personnes s’acquittant de la monotaxe et pour les travailleurs indépendants, dans les conditions établies par le chef du Cabinet des ministres et la Banque centrale de la République argentine; subvention de 100% du coût financier total. |
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ne doit pas avoir de revenu provenant d'un emploi salarié dans le secteur public ou privé, doit s’acquitter de l'impôt unique (catégorie C ou supérieure), ou être indépendant, |
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c) ne doit pas toucher d'allocation de chômage, |
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d) ne doit pas toucher de retraite, de pension ou de retraits, qu'ils soient contributifs ou non contributifs, au niveau national, provincial, municipal ou de la ville autonome de Buenos Aires. |
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e) ne doit pas avoir de revenu provenant des plans sociaux, des salaires sociaux complémentaires, des programmes "We Make Future", "Boost Work" ou d’autres programmes sociaux nationaux, provinciaux ou municipaux. |
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Argentine |
Le Fonds d'urgence pour les familles est compatible avec avec l'allocation universelle par enfant, l'allocation de grossesse et le programme "Progresar". |
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Brésil |
1. Justificatif des activités artistiques et culturelles menées au cours des 24 mois précédant immédiatement la date de publication de la loi; 2. Ne pas avoir d'activité ou d'emploi formel; 3. Ne pas disposer d’une sécurité sociale ou de prestations sociales ou être bénéficiaires d’une assurance chômage ou d’un programme fédéral de transfert de revenus, à l'exception du programme "Bolsa família"; 4. Revenu familial mensuel par habitant pouvant s’élever jusqu'à la moitié du salaire minimum ou revenu mensuel total de la famille pouvant s’élever jusqu'à trois fois le salaire minimum, le montant le plus élevé étant retenu; 5. En 2018, avoir perçu un revenu maximum imposable de 28 559,70 R$; |
600 R$ (environ 100 €) par mois, pendant 3 mois maximum |
Subvention mensuelle destinée à l’entretien d’espaces artistiques et culturels, aux micro et petites entreprises culturelles, aux coopératives, aux institutions et aux organisations culturelles locales dont l’activité s’est interrompue en raison des mesures de confinement |
3 000 -10 000 R$ (500€ –1 600€) |
Affichage public, annonces publiques, prix, acquisition de produits et de services en lien avec le secteur culturel et autres méthodes de préservation des agents, des espaces, des initiatives, des cours et des productions, développement d’activités liées à l’économie de la création et à l’économie solidaire, production audiovisuelle, événements culturels, ainsi que des activités artistiques et culturelles pouvant être diffusées via l'Internet ou les réseaux sociaux et autres plateformes numériques. |
100 (minimum) |
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Brésil |
6. Être inscrit à au moins un des registres énumérés à l'article 7, paragraphe 1 de la présente loi, et pouvoir présenter un justificatif de l'inscription; et 7. Ne pas être bénéficiaire de l'aide d'urgence prévue par la loi n°13 982, du 2 avril 2020. |
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France |
Artistes et techniciens temporaires du spectacle, titulaires de contrats intermittents: tous les travailleurs, les artistes et les professionnels du spectacle, inscrits en tant que demandeurs d'emploi. Toute personne bénéficiant des droits prévus aux annexes 8 et 10 du règlement d’assurance chômage, est tenue de suivre une procédure d’actualisation spécifique. |
Allocations de chômage pour les professionnels du spectacle prolongées jusqu’en août 2021 pour les artistes et les techniciens du spectacle titulaires de contrats intermittents, qui doivent cumuler un certain nombre d'heures pour ouvrir leurs droits à une aide financière. |
Cible : jusqu'à 10 salariés, chiffre d'affaires < 1 million €, et bénéfice inférieur à 60 000 € Conditions: perte de 50% du chiffre d'affaires en avril 2020 par rapport avril 2019, ou par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen en 2019, ou fermeture administrative. |
Jusqu'à 1 500 € pour les micro-entreprises ou les indépendants. Un montant supplémentaire de 5 000 € peut être ajouté par les autorités régionales. |
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Allemagne |
Chômage partiel (" sans activité. Dans ce cas, on utilise le terme " |
Au moins 10 % des salariés ont perdu plus de 10 % de leur salaire. Les heures supplémentaires et les crédits d'heures positifs des salariés ont été réduits (à quelques exceptions près). |
60 % des salaires nets au titre des indemnités de chômage partiel (67 % pour les salariés ayant au moins un enfant). Pour les salariés dont la rémunération est réduite d'au moins la moitié au cours du mois civil concerné, les dispositions suivantes s'appliquent: À partir du quatrième mois de référence, l'indemnité de chômage partiel s'élève à 70 % du salaire net (77 % pour les salariés ayant au moins un enfant). À partir du septième mois de référence, l'indemnité de chômage partiel s'élève à 80 % du salaire net (87 % pour les salariés ayant au moins un enfant). |
Les investissements dans les institutions culturelles dans le contexte de la pandémie visent à soutenir les institutions et les acteurs culturels en vue de la réouverture et de la reprise d’activité. Les fonds seront versés en premier lieu aux institutions dont les activités habituelles ne sont pas financées principalement par le secteur public, ainsi qu'aux centres socioculturels. Les financements sont par exemple destinés à l'installation de dispositifs de protection, à l'optimisation du contrôle des visiteurs et à la modernisation des systèmes de ventilation. L’entretien et le renforcement des infrastructures culturelles et l'aide d'urgence visaient à soutenir les nombreux projets et institutions culturels de petite et moyenne ampleur financés par des fonds privés dans la reprise de leurs activités artistiques et à attribuer de nouveaux contrats aux indépendants et aux professionnels à titre individuel. |
830 millions € |
Promotion d'appels à projet alternatifs, y compris numériques. 150 millions € sont disponibles pour les projet alternatifs, en particulier les projets numériques. Cela profite aux projets dans le cadre du programme Museum 4.0 ainsi qu'aux nombreuses nouvelles mesures fédérales en faveur de la numérisation visant à promouvoir, mettre en réseau et diffuser dans le domaine culturel. |
150 |
Allemagne |
En outre, un soutien a été apporté aux institutions culturelles financées par les gouvernements fédéraux et aux projets habituellement financés par les institutions culturelles afin de compenser les pertes de revenus et les dépenses supplémentaires liées au COVID-19. Le gouvernement fédéral contribue au financement des institutions et des projets soutenus par les États ou les municipalités. |
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République de Corée |
Tous les artistes, y compris les artistes indépendants |
Prêt d'urgence: Les représentations annulées sont considérées comme un justificatif d'activité artistique Fonds pour la création: processus de sélection Soutien aux jeunes artistes: identification des personnes les plus touchées et les plus exposées aux conséquences de la pandémie |
Prêt: 8 000 USD, intérêts (1,2 %), montant total emprunté: 5,9 millions USD (couvrant 1090 artistes) Fonds pour la création: 2 500 USD par personne. (7 535 artistes pour un total de 18,8 millions USD, premier semestre 2020) Jeunes artistes: subvention de 833 000 USD |
Subventions au budget de production et de promotion des spectacles Des consultations relatives aux subventions, ainsi que des conseils juridiques et comptables sont proposés aux artistes et aux petites et moyennes entreprises dans chaque secteur par le biais, entre autres, du Korea Arts Management Service (arts du spectacle et arts visuels), de la Korea Craft and Design Foundation (artisanat) et de la Korea Creative Content Agency (industries culturelles). |
Jusqu'à 16 700 USD par salle, soit 3,4 millions USD pour 200 salles de spectacle |
Aide à l'investissement dans les industries culturelles par le biais d'une "Caisse de fonds", afin d'encourager l'investissement en capital-risque. Le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme s'efforce également de favoriser le financement de la production de contenu en octroyant des incitations à l'investissement. Subventions des frais de location de salle Subventions du budget de production Subventions de la diffusion de spectacles en ligne |
Subventions de la location de salles (3,3 millions USD pour 800 spectacles) Budget de production ( 4,7 millions USD pour 110 spectacles) Subventions de la diffusion vidéo en continu des représentations en ligne (250 000 USD pour 15 spectacles) |
République de Corée |
Régime d'assurance chômage des artistes (en vigueur depuis décembre 2020): pour avoir droit aux allocations de chômage et aux allocations de naissance, les artistes doivent remplir les conditions requises concernant la période minimale de cotisation à l'assurance (9 mois sur 24) et la période minimale d'emploi (3 mois sur 24). |
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Espagne |
Les travailleurs qui, à la suite de la crise sanitaire du COVID-19 n'ont pas pu continuer à exercer l'activité professionnelle qui leur ont permis de s’affilier au régime général en tant qu'artistes du spectacle (public), à condition qu'ils ne bénéficient pas ou qu'ils aient choisi de bénéficier de l'allocation ordinaire de chômage contributif prévue à l'article 262 et suivants du texte révisé de la loi générale sur la sécurité sociale. Ils ne sont pas visés par les procédures de suspension des contrats et de réduction des heures de travail réglementées par le décret-loi royal 8/2020, du 17 mars, sur les mesures urgentes et extraordinaires en réponse à l’impact économique et social du COVID-19. |
Au moins 20 jours de cotisation de sécurité sociale en 2019. |
735 € par mois pour un maximum de 4 mois si le nombre de jours de cotisation en 2019 était compris entre 20 et 54 jours (jusqu'à 6 mois au-delà de 54 jours) |
Un ensemble de garanties a été approuvé, avec une dotation d'un montant maximal de 100 000 millions €, bien que la première tranche activée se soit élevée à 20 000 millions €, dont 50 % serviront à garantir des prêts aux travailleurs indépendants et aux PME. Ces garanties seront gérées par l'Institut du crédit officiel et viendront compléter les financements accordés par les institutions de crédit, les établissements financiers, les entités et sociétés de monnaie électronique et les entités de paiement indépendantes. |
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Espagne |
La prestation est incompatible avec tout revenu provenant d'activités exercées pour son propre compte ou pour celui d'autrui, ainsi qu'avec toute autre prestation, revenu minimum, revenu d'insertion, salaire social ou aide similaire accordée par une administration publique. |
L'objectif est de couvrir les nouveaux prêts et autres formes de financement et les renouvellements accordés par les institutions financières aux entreprises et aux indépendants pour répondre aux besoins de financement découlant, entre autres, du paiement des salaires et des factures, des besoins de fonds ou d'autres besoins de liquidités, y compris ceux provenant des obligations financières ou fiscales. Avec cet ensemble de garanties, le gouvernement offre aux entreprises des secteurs de la culture et de la création et du sport la possibilité d'accéder à la liquidité économique. Ce secteur est principalement composé de petites et micro-entreprises (seulement 0,7% des entreprises ont plus de 50 travailleurs). |
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Suisse |
Travailleurs culturels, définis comme des résidents suisses indépendants, qui exercent leur activité professionnelle principale dans le secteur culturel |
L'aide d’urgence est octroyée sous conditions de ressources. |
Maximum de 196 CHF par jour, jusqu'à un revenu annuel de 60 000 CHF (personne célibataire) ou 80 000 CHF (couple marié). Pour chaque membre supplémentaire de la famille à charge, le seuil de revenus peut être augmenté de 15 000 CHF. |
Un soutien financier peut être fourni pour compenser les pertes. Une aide financière peut être fournie aux entreprises et aux professionnels de la culture qui ont été contraints d'annuler ou de reporter des événements et des projets ou de fermer leur entreprise. L'indemnisation en cas d’annulation couvre à hauteur de 80 % de la perte financière encourue. Le manque à gagner éventuel n'est pas compensé. |
145 millions CHF |
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Royaume-Uni |
Artistes créatifs dont l’activité principale est axée sur les formes d'art et les disciplines suivantes: musique théâtre danse arts plastiques littérature arts combinés pratiques muséales bibliothèques (activité contribuant à la réalisation du projet Universal Library). Ces activités comprennent les professions suivantes: chorégraphe, écrivain, traducteur, producteur, éditeur, éducateur indépendant dans les disciplines et les formes d'art soutenues, compositeur, réalisateur, designer, artiste, artisans et conservateur. |
Jusqu'à 2 500 £ (2 760 €) |
L'ensemble des mesures prises par le Conseil des arts apportera un soutien financier à plus de 800 organisations dans le cadre de son portefeuille national, parmi lesquelles le Southbank Centre, le Yorkshire Sculpture Park et la Whitechapel Art Gallery. Un montant supplémentaire de 50 millions £ (58,5 millions USD) est mis à la disposition des organisations qui ne bénéficient pas d'un financement régulier du Conseil des arts. |
90 millions £ (99 millions €) |
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États-Unis d'Amérique |
Entrepreneur indépendants, à temps partiel, personne travaillant à son propre compte et travailleurs des plateformes numériques |
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600 USD par semaine pendant 13 semaines maximum dans le cadre du nouveau programme d'indemnisation du chômage en cas de pandémie (PEUC) |
Cela comprend 75 millions USD chacun pour le National Endowment for the Arts et pour le National Endowment for the Humanities, 50 millions USD pour l'Institute of Museum and Library Services, 25 millions USD pour le Kennedy Center et 7,5 millions USD pour la Smithsonian Institution. |
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États-Unis d'Amérique |
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États-Unis d'Amérique |
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Références
ActualidadEmpleo. n.d. “El INSS anuncia que mandará un SMS a los beneficiarios del Ingreso Mínimo Vital”. https://www.actualidadempleo.es/el-inss-anuncia-que-mandara-sms-a-beneficiarios-del-ingreso- minimo-vital/.
Behrendt, Christina et Quynh Ann Nguyen. 2018 “Innovative approaches for ensuring universal social
protection for the future of work”, Future of Work Research Paper No. 1.
Boudreau, James N., Kelly Dobbs Bunting, Katie P. Reed, Monica P. Schulteis. 2020 “The CARES Act and the
Self-employed: A primer”,
Brown, Kate. 2020 “Germany Continues to Lead the Way in Culture Aid, Doling Out Another €1 Billion to the Sector and Lowering the Tax Rate on Art”, Artnet News, 4 juin 2020.
Business Standard. n.d. “A total of 12507 artists have benefitted under the Artistes Welfare Fund and Pension Scheme from 2014-15 to 2017-18”. https://www.business-standard.com/article/news-cm/a-total-of-12507-artistes-have-benefitted-under-the-artistes-welfare-fund-and-pension-scheme-from-2014-15- to-2017-18-118031400837_1.html.
Centre National de Danse. “Régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle » , Fiche Droit, juillet 2019. https://www.cnd.fr/fr/file/file/1431/inline/regimeinterjuillet2017.pdf.
Citizens Information. n.d. “Professional artists on Jobseekers Allowance”. https://www.citizensinformation.ie/en/social_welfare/social_welfare_payments/unemployed_people/jobseekers_allowance_professional_ artists.html.
D’Amours, Martine and Marie-Hélène Deshaies. 2012
Demartin, Maxime, Marie Le Sourd et Elena Di Federico. 2014
England Art Council. n.d. “Financial support for artists, creative practitioners and freelancers”. https://www.artscouncil.org.uk/funding/financial-support-artists-creative-practitioners-and-freelancers#section-1 .
Union européenne, Direction générale des politiques internes 2013.
Union européenne, Statistiques culturelles - emploi culturel, base de données Eurostat, consulté le 28 janvier 2021.
EY. 2015
France, Pôle Emploi. n.d. « Actualisation et changements de situation pour les intermittents du spectacle ». https://www.pole-emploi.fr/spectacle/covid-19---mesures-exceptionnell/covid-19--procedure-dactualisati.html.
France, Pôle Emploi. « L’Emploi intermittent dans le spectacle, au cours de l’année 2018 », novembre 2019. https://www.pole-emploi.org/statistiques-analyses/entreprises/emploi-intermittents-du-spectacl/lemploi- intermittent-dans-le-spectacle-au-cours-de-lannee-2018.html?type=article.
Fulton, Lionel. 2018
Espagne, ministère du Travail et de l’Economie sociale, n.d. « Acceso Extraordinario a la prestacion por desempleo de los artistas ». https://www.sepe.es/HomeSepe/COVID-19/acceso-extraordinario- prestacion-desempleo-artistas.
Inde, ministère de la Culture (2017), n.d. “Scheme for Pension and Medical Aid to Artistes”. https:// www.indiaculture.nic.in/scheme-pension-and-medical-aid-artistes.
Irlande, n.d. “Jobseeker’s Allowance – How to qualify”. https://www.gov.ie/en/service/1306dc-jobseekers-allowance/#how-to-qualify.
Irlande, n.d. “Jobseeker's Allowance – Rates of payment”. https://www.gov.ie/en/service/1306dc-jobseekers-allowance/#rates-of-payment.
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Work: The “Independent Worker”. The Hamilton Project, Discussion Paper.
Hirose, Kenichi, Miloš Nikacˇ et Edward Tamagno, 2011,
BIT, 2007, Résolution sur la mise à jour de la Classification internationale type des professions.
—, 2016,
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—, 2019, Déclaration du centenaire pour l’avenir du Travail, Conférence internationale du Travail, 108e session.
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—, n.d. « COVID-19 et le monde du travail ». https://www.ilo.org/global/topics/coronavirus/lang--fr/index.htm.
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Remerciements
Les auteurs remercient les experts qui ont contribué à élaborer la présente publication. Quynh Anh Nguyen et Kroum Markov, sous la direction de Christina Behrendt du BIT à Genève, ont joué un rôle de taille en fournissant des contributions et en améliorant la qualité technique de son contenu. Les auteurs sont sincèrement reconnaissants à Carlos Carrión Crespo et à Pascal Annycke pour leur examen collégial de la publication. Toute erreur engage uniquement la responsabilité des auteurs.]