Chapitre 7 - Suivi des effets du salaire minimum

Différentes théories économiques concernant l’impact du salaire minimum sur l'emploi

Selon la théorie économique néoclassique, une majoration du salaire minimum entraîne une baisse de l’emploi, et ce pour deux raisons. D'une part, elle contraint parfois les entreprises à augmenter le prix de leurs biens et services, ce qui peut inciter les consommateurs ou les acheteurs internationaux à réduire leurs achats («effet d’échelle»); par ailleurs, lorsque les travailleurs faiblement payés deviennent plus «coûteux» par suite de l’augmentation du salaire minimum, les entreprises peuvent décider de remplacer certains d'entre eux par des machines, conduites par quelques travailleurs qualifiés («effet de substitution»).

Si ces effets sont très marqués, le niveau global d'emploi des travailleurs faiblement rémunérés peut chuter. On peut également s’attendre à un effet intersectoriel, se traduisant par une baisse de l'emploi dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, où le pourcentage de travailleurs faiblement payés est plus élevé et où la masse salariale représente une part importante des coûts totaux de production. Dans d'autres secteurs, l'emploi peut rester constant, voire augmenter, les consommateurs achetant plus de biens et de services dont les prix sont moins sensibles à l’évolution du salaire minimum.

Il existe d'autres théories, fondées sur des hypothèses différentes. Plusieurs d’entre elles partent du principe que de nombreux employeurs exercent un certain degré de «pouvoir monopsone»; autrement dit, ils disposent d’un pouvoir de marché car ils embauchent localement certaines catégories d’employés dans un marché du travail donné (p. ex. les travailleurs du commerce de détail ou les aides-infirmières), et peuvent ainsi maintenir les salaires (le prix du travail) à un niveau inférieur à leur contribution à la productivité. Cette théorie implique que, lorsque leurs coûts salariaux augmentent, les employeurs sont parfois tentés de maximiser leurs bénéfices en augmentant la production et l'emploi («effet monopsone»). Les modélisations montrent également que, dans un marché du travail imparfait, une augmentation salariale pour les employés du bas de l’échelle peut, jusqu’à un certain point, être compensée de plusieurs manières: réduction des bénéfices, augmentations salariales moins importantes pour les cadres, ou autres mesures visant à réduire les coûts ou améliorer la productivité.

Selon ces théories macro-économiques, un salaire minimum plus élevé fait augmenter les coûts de main-d'œuvre pour les employeurs, mais stimule aussi la consommation des travailleurs faiblement rémunérés et de leur famille. En supposant que l’augmentation du salaire minimum n’a pas d’effets négatifs majeurs sur la compétitivité extérieure (ce qui peut être le cas dans les économies très orientées vers l'exportation) ou sur les investissements, cette «stimulation de la consommation» peut entraîner une hausse de la demande globale et de l'emploi. Les projections macro-économiques montrent que, même si certaines entreprises faiblement productives suppriment des emplois ou cessent leur activité, cela n’entraîne pas nécessairement une baisse globale de l'emploi; en effet, d’autres entreprises peuvent embaucher des travailleurs supplémentaires, et les salaires plus élevés attirent davantage de personnes sur le marché du travail.