Les enfants de Santa Filomena ne travaillent plus à la mine

A Santa Filomena, petite cité minière isolée du Pérou, la recherche de l'or se poursuit mais, désormais, sans les enfants. En effet, grâce à l'aide de l'OIT, ce village de 1 500 habitants a pu déclarer au mois de juin qu'il ne faisait plus travailler aucun enfant.

LIMA - "Montres-toi petit morceau d'or, montres-toi!", criaient les enfants dans l'espoir de découvrir quelques particules d'or dans le mélange de mercure et de terre qui se trouvait dans leur tamis ou en fouillant de leurs mains les graviers et les cailloux.

Au Pérou, quelque 50 000 enfants, qui n'ont parfois pas plus de six ans, sont employés dans de petites mines d'or, travail qui est considéré comme l'une des pires formes de travail des enfants. Le Programme international du BIT pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) estime qu'11 000 enfants aujourd'hui âgés de moins de six ans, pourraient être embauchés prochainement.

Les habitants du village de Santa Filomena, eux, n'en sont plus là. Au mois de juin 2004, la ministre de la Femme et du Développement social, Ana Maria Romero, a déclaré que ce village était la première cité minière du Pérou à avoir totalement éliminé le travail des enfants.

"Les filles et les garçons de Santa Filomena ne seront plus exposés au mercure et n'auront plus à transporter des sacs de terre sur leurs épaules", a-t-elle déclaré lors de l'inauguration d'une petite usine de traitement de l'or, qui remplacera les enfants.

Santa Filomena se trouve dans la région d'Ayacucho, en pleine sierra péruvienne. Son histoire a commencé dans les années quatre-vingt, avec l'arrivée des premiers chercheurs d'or. Aujourd'hui, les enfants constituent 47 pour cent de la population du village et la plupart ont déjà travaillé.

Ce village fait partie du Programme du BIT pour l'abolition du travail des enfants dans l'industrie extractive d'Amérique du Sud, qui couvre la Bolivie, l'Equateur et le Pérou où 400 000 personnes dépendent directement ou indirectement de cette industrie et environ 200 000 enfants travaillent ou sont sur le point d'être embauchés dans les mines.

La vie de mineur

Le Pérou est le plus grand producteur d'or de l'Amérique latine et le septième à l'échelle mondiale. L'or est son principal produit d'exportation. Les petites exploitations minières en produisent 15 tonnes par an, soit 13 pour cent, ce qui représente 120 millions de dollars de recettes d'exportation par an. Le minerai fait vivre 30 000 familles.

La petite industrie extractive est à la fois un bienfait et un malheur pour le Pérou. D'un côté, elle crée des emplois, stimule le développement local, contribue à la réduction de la pauvreté et freine l'exode rural. En outre, elle rapporte des devises et permet d'exploiter des sites qui ne présentent pas d'intérêt pour l'exploitation industrielle en raison de leur faible rendement, des techniques rudimentaires employées et de leur intensité en main-d'œuvre. D'un autre côté, l'extraction de l'or est synonyme de pollution, de maladies et d'accidents du travail, de précarité. Et on trouve de plus en plus souvent des enfants sur des sites extrêmement dangereux.

Dans les petites mines, les enfants descendent dans les puits, inhalant un mélange de poussières et de gaz toxiques, ou travaillent à l'extérieur, dans les laveries, à des températures très élevées et sous des pluies torrentielles, respirant les gaz de mercure très nocifs qui émanent du mélange utilisé pour séparer les particules d'or.

"La santé des enfants est mise à rude épreuve", peut-on lire sur le site Internet du programme BIT/IPEC sur les petites exploitations minières.

Action locale

Selon Carmen Moreno, expert local du BIT/IPEC, "l'exemple de Santa Filomena a valeur de symbole car il prouve qu'avec le soutien des institutions locales et avec une démarche cohérente axée sur le développement durable de la communauté et des familles, il est possible de prévenir et d'éliminer le travail des enfants dans les petites mines d'or".

Les mineurs de Santa Filomena se sont organisés; ils ont formé une association pour obtenir l'autorisation d'utiliser des explosifs et réclamer de bons moyens de transports pour acheminer l'or vers les points de vente ainsi que d'autres améliorations indispensables pour leur permettre de travailler dans de meilleures conditions.

Pour éliminer et prévenir le travail des enfants à Santa Filomena, le BIT s'est appuyé sur cette association locale ainsi que sur l'ONG CooperAccion et sur les autorités péruviennes. Sa méthode a consisté à promouvoir le développement durable et la participation de la collectivité.

Ainsi, en modernisant la production, renforçant les capacités organisationnelles, améliorant la protection sociale, créant des sources de revenu pour les femmes, sensibilisant la population et mettant en place des services de santé, d'éducation et d'hygiène nutritionnelle, son projet a permis à plusieurs centaines de filles et de garçons de quitter la mine.

Le programme concernant les mines

Grâce au programme BIT/IPEC de promotion du développement durable dans sept cités minières de la Bolivie, de l'Equateur et du Pérou, 1 046 enfants ont été libérés du travail dans les petites exploitations minières et 6 265 autres y ont échappé.

Le programme sous-régional de prévention et d'élimination progressive du travail des enfants dans les petites mines d'or d'Amérique du Sud a débuté en avril 2000. Il est financé par le ministère du Travail des Etats-Unis (USDOL).

La stratégie adoptée dans ces pays est axée sur les conditions de travail, la situation des enfants, le développement des régions concernées et l'action des pouvoirs publics aux échelons national et local.

La sensibilisation des familles, le renforcement des institutions, l'amélioration des services et le perfectionnement des méthodes de production de telle sorte que les adultes gagnent mieux leur vie, sont des éléments clés du programme.

À Bella Rica, en Equateur, quelque 3 000 personnes cherchent fortune mais rares sont celles qui réussissent: le rendement est si faible qu'elles trouvent généralement tout juste assez d'or pour survivre. Les enfants trient et transportent des tonnes et des tonnes de terre et de cailloux.

Mais là aussi, le programme du BIT commence à changer les choses. Selon Bladimir Chicaiza, représentant du BIT/IPEC en Equateur, 230 enfants ont déjà été retirés des mines de Bella Rica. Cinquante travaillent encore car leurs parents craignent de perdre leurs revenus.