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Instaurer un socle de protection sociale au Mozambique

Le Mozambique est un pays à bas revenu avec une forte prévalence de la pauvreté et de l’économie informelle et rurale. Très affectées par le VIH/sida et exposées aux aléas climatiques (inondations et sécheresses), les institutions du pays ont des capacités limitées pour faire face à ces crises et offrir une protection sociale à la population pauvre et vulnérable. Pour relever ces défis, un projet de coopération technique de l’OIT financé par le Portugal s’emploie, avec d’autres agences des Nations Unies, à améliorer les politiques publiques et à renforcer les capacités institutionnelles pour étendre la protection sociale au Mozambique et dans d’autres pays lusophones d’Afrique.

Article | 10 octobre 2011

MATOLA, Mozambique (BIT en ligne) – Angelina Joaquim Mate vit à Matola, dans une région rurale du sud du Mozambique.

Angelina partage une petite pièce avec son arrière-petit-fils Alberto, âgé de 8 ans. «Je vis avec mon arrière-petit-fils parce que ses parents sont partis travailler en Afrique du Sud», explique-t-elle.

Quand on l’interroge sur ses moyens de subsistance, elle répond: «Je vivais de la charité de mes amis et de mes voisins. Puis j’ai pris connaissance du PSA, un programme de subsides alimentaires, par mes voisins qui le touchaient déjà».

Angelina s’est rendu chez le travailleur social chargé du PSA, lui a expliqué sa situation et a rempli un formulaire. Quelques jours plus tard, le travailleur social lui a rendu visite pour examiner sa situation et envoyer les documents à l’administration du programme.

Avec l’argent de ce programme de transferts sociaux, elle achète du maïs qu’elle transforme en farine chez elle et qu’elle vend sur un étal installé devant sa maison.

«Accroître l’investissement public dans la protection sociale va permettre de réduire considérablement la forte proportion de personnes pauvres et vulnérables comme Angelina dans le pays», explique Philippe Mercadent, directeur du programme STEP Portugal de l’OIT (de l’acronyme anglais signifiant «Stratégies et outils contre l’exclusion sociale et la pauvreté»).

«Les programmes de transferts sociaux comme le PSA sont des instruments utiles pour instaurer des socles de protection sociale dans les pays à bas revenus qui, comme le Mozambique, se caractérisent par de hauts niveaux de pauvreté et d’emploi informel et rural», poursuit M. Mercadent, ajoutant que «l’extension de la protection sociale aux plus pauvres est indispensable pour réduire la pauvreté».

Un socle de protection sociale est possible

Quand on lui demande si l’extension de la protection sociale et l’instauration d’un socle de protection sociale sont possibles, M. Mercadent évoque l’expérience concrète de 35 pays en développement dans le monde qui ont réussi à augmenter de manière significative la portée de leur système de sécurité sociale au cours des dix dernières années. En ce qui concerne l’accessibilité, les études de coût menées par l’OIT dans sept pays d’Afrique subsaharienne et dans cinq pays asiatiques montrent que le coût brut initial pour l’ensemble du socle de protection sociale (en excluant l’accès aux soins médicaux primaires qui est déjà financé dans une certaine mesure) devrait varier de 2,2 à 5,7 pour cent du PNB.

Selon ce spécialiste de l’OIT, seuls 10 pour cent de la main-d’œuvre africaine environ, essentiellement dans le secteur informel, sont couverts pas des mécanismes de sécurité sociale. «Etendre la protection sociale est donc une priorité, à la fois pour concrétiser le droit universel à la sécurité sociale et pour garantir une santé, une alimentation et une éducation de bonne qualité; c’est la condition préalable à la transition d’activités faiblement productives vers un emploi décent et hautement productif», précise-t-il.

En mai 2008, le ministre mozambicain des Affaires sociales a adressé une requête à l’OIT pour qu’elle l’assiste dans la conception d’un socle de protection sociale. Le socle est une initiative des Nations Unies menée par l’OIT et l’OMS qui poursuit une approche normative de la protection sociale et comprend un ensemble minimum de droits et de transferts sociaux essentiels, en nature ou en espèces, pour assurer un revenu minimum et l’accès aux biens et aux services de première nécessité.

Reconnaissant l’importance stratégique et la nécessité de garantir une protection sociale universelle, le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination a adopté en avril 2009 l’Initiative mondiale pour un socle universel de protection sociale dans le cadre des neuf initiatives prises pour répondre à la crise économique et financière mondiale.

L’OIT a répondu à travers le projet STEP, un projet de coopération technique financé par le Portugal qui s’emploie à améliorer les politiques publiques et à renforcer les capacités institutionnelles pour l’extension de la protection sociale dans les pays d’Afrique de langue officielle portugaise.

STEP Portugal contribue à la mise en œuvre d’un socle de protection sociale mozambicain, principalement en renforçant les capacités des institutions publiques nationales responsables de l’élaboration et l’application de politiques de protection sociale et de la coordination de l’assistance apportée par les partenaires du développement international dans ce domaine.

Les activités du projet comprennent l’appui à la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la sécurité sociale de base et la conception de nouveaux programmes associés, en particulier les programmes d’assistance sociale productive et les transferts sociaux réguliers aux catégories vulnérables de la population. Le projet vise aussi à renforcer les capacités de distribution des prestations sociales, à mieux coordonner les appuis extérieurs, à accroître la place de la protection sociale dans les cadres nationaux de développement, et à encourager l’investissement de ressources fiscales supplémentaires dans la protection sociale.

Coordonner l’intervention avec les partenaires du développement

STEP a adopté un rôle éminent dans la coordination des interventions des différents partenaires du développement impliqués dans la protection sociale au Mozambique. Cela passe par la participation au groupe de soutien au Programme de subsides alimentaires qui associe le ministère des Femmes et de l’Action sociale du Mozambique, l’Institut national de l’action sociale, l’UNICEF, l’agence britannique de développement DFID et l’Ambassade des Pays-Bas, ainsi qu’au Groupe de travail des partenaires de l’action sociale pour l’élaboration des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).

En termes d’extension de la sécurité sociale de base, le Mozambique a fait l’expérience d’une augmentation progressive de la couverture du programme de subsides alimentaires, mais elle reste encore insuffisante à l’aune des besoins de ce pays. On estime que le nombre des bénéficiaires de ce programme est passé de 170 000 personnes en 2009 à 217 000 en 2010 (63 pour cent sont des femmes et 37 pour cent des hommes). Le gouvernement espère que la couverture atteindra 252 000 personnes d’ici à la fin 2011.

«L’expérience du Mozambique est reconnue comme l’une des expériences les plus innovantes en matière de socle de protection sociale. Elle a suscité un intérêt considérable de la part d’autres acteurs du développement international présents au Mozambique. A titre d’exemple, la Banque mondiale a invité le projet de l’OIT à faire part de son expérience et des enseignements qu’il en a tirés aux partenaires internationaux engagés dans un processus similaire en Angola», conclut Charles Dan, directeur régional de l’OIT pour l’Afrique.