Populations autochtones

OIT : Le Bureau des activités pour les employeurs publie un rapport sur la convention n° 169 et sa mise en œuvre dans quatre pays d'Amérique latine

L'étude examine, du point de vue des employeurs, les processus de réglementation des consultations préalables, leur impact sur les projets d'investissement dans quatre pays d'Amérique latine, ainsi que les principales difficultés identifiées. Elle fournit également des recommandations visant à faire progresser la mise en œuvre de la convention n° 169.

Actualité | 4 août 2016
SANTIAGO DU CHILI (OIT Info) – Le Bureau des activités pour les employeurs (ACT/EMP) de l’OIT et le Confédération chilienne de la production et du commerce (CPC) ont publié le 4 août dernier un rapport régional intitulé «Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et consultation préalable des populations autochtones dans les projets d'investissement».

Les représentants des organisations d'employeurs d'Amérique latine ont été invités à la présentation de ce rapport, qui comprenait une séance de commentaires sur le document.

Le rapport présente l'inventaire des études menées entre 2013 et 2014 sur la mise en place
de consultations préalables, comme le prévoit la convention n° 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, dans quatre pays d'Amérique latine: le Chili, la Colombie, le Costa Rica et le Guatemala. Il met l'accent sur l'impact que peuvent avoir ces processus sur les projets d'investissement.

Ces études examinent les principaux problèmes auxquels sont confrontés les Etats pour entreprendre des consultations préalables, et elles comprennent des données relatives aux processus mis en place aussi bien dans les pays sélectionnés qu'à l'échelon régional.

Selon le rapport, la profonde méfiance que se témoignent les parties prenantes (Etats, populations autochtones et entreprises privées) est l'un des principaux obstacles à la mise en œuvre de consultations préalables en Amérique latine, et elle ne facilite ni le dialogue ni les possibilités de parvenir à un accord.

En outre, compte tenu de l'absence d'espaces permanents de dialogue entre l'Etat et les populations autochtones, les consultations sur les projets d'investissement sont le seul cadre où les revendications historiques des populations autochtones sont susceptibles d'être entendues, ce qui accroît les tensions et les pressions exercées sur ces projets d'investissement.

Autre aspect essentiel: l'absence de données systématisées sur les populations autochtones, leurs traditions, leurs activités et leurs espaces culturels complique l'analyse des conséquences de tout projet d'investissement potentiel ¬ et se solde souvent par l'engagement d'actions devant les tribunaux.

Le rapport met aussi en évidence les coûts élevés de mise en œuvre des consultations (frais de mise en place, indemnités de repas, recrutement de sous-traitants extérieurs pour les populations autochtones, etc.).

Les employeurs ont insisté sur le fait que les retards dans la mise en œuvre de consultations préalables sur les projets d'investissement ont une incidence directe sur l'économie et la main-d'œuvre et occasionnent un manque à gagner à l'échelon local.

Quant aux projets d'investissement dans la production d'énergie et les infrastructures, ils peuvent avoir des répercussions sur les prix de revient et de vente de l'énergie et sur la connectivité.

En ce qui concerne les aspects institutionnels, le rapport souligne l'absence de structures de consultation, de procédures officielles et d'agents suffisamment qualifiés pour contrôler ces processus.

Le texte examine également les attentes des populations autochtones à l'égard des processus et de leurs résultats, notamment en ce qui concerne leur droit de veto sur tout projet d'investissement (possibilité qui n'est pas prévue par la convention n° 169). Dans ce contexte, le transfert des responsabilités de l'Etat vers les entreprises privées est l'un des principaux problèmes rencontrés lorsqu'il s'agit de prendre en considération les attentes des populations autochtones.

Le rapport analyse les processus de réglementation des consultations préalables, leur mise en œuvre dans les quatre pays à l'étude, ainsi que les principales difficultés concernant en particulier les projets d'investissements publics et privés, et il formule les recommandations suivantes aux Etats:
  • 1. Mettre en place des espaces permanents de dialogue entre les Etats et les populations autochtones. Pour remédier au climat de méfiance actuel, les Etats doivent mettre en place des cadres de dialogue permanents et institutionnalisés avec les populations autochtones en tenant compte des revendications historiques de ces dernières, établir des mécanismes de dialogue adaptés relatifs à leurs terres et territoires, et encourager la participation des acteurs et entreprises de la société civile.
  • 2. Favoriser les demandes de participation à la planification du territoire. Les populations autochtones doivent participer à l'aménagement du territoire, de sorte que leurs préoccupations, leurs espoirs et leurs perspectives puissent être pris en considération par l'Etat lorsqu'il s'agit de favoriser le développement sur les territoires autochtones.
  • 3. Harmoniser, coordonner et mettre à jour un registre des populations autochtones, afin de les faire mieux connaître au sein de la société, et prendre en considération les organisations chargées de les représenter dans les processus de dialogue et de consultation.
  • 4. Examiner les ressources nécessaires à la mise en œuvre de consultations préalables. Cela exige d'engager des ressources pour mettre en place des processus adaptés à la réalité des populations autochtones, par exemple en créant des ateliers et en envoyant, si nécessaire, des fonctionnaires, des experts et des éléments moteurs.
  • 5. Reconnaître, respecter et promouvoir le renforcement des organisations représentatives des populations autochtones. La réussite d'un processus de consultation et de dialogue exige des interlocuteurs organisés et légalement reconnus. Il est recommandé que les Etats facilitent l'accès des populations autochtones et de leurs organisations aux outils de renforcement des capacités et de gouvernance interne.
  • 6. Etudier les mécanismes institutionnels permettant aux populations autochtones de bénéficier des projets mis en place sur leurs terres. La responsabilité de l'Etat de faire participer les populations autochtones aux avantages découlant de la prospection et de l'exploitation des ressources naturelles, comme le prévoit l'article 15 de la convention n° 169, ne saurait être transférée à des entreprises privées, au motif que cela créerait à la fois des attentes difficiles à satisfaire pour les entreprises et des conflits entre organisations représentatives des populations autochtones.
  • 7. Créer une institution compétente chargée de la mise en œuvre de consultations préalables. L'expérience des pays ayant mis en place une réglementation interne sur la base de critères généraux en vue d'entreprendre des consultations préalables montre que ce type de réglementation favorise la mise en œuvre de consultations préalables, car il permet de clarifier des termes qui, en règle générale, sont ambigus et donnent lieu à des interprétations et des attentes différentes, ce qui peut entraîner des conflits.
  • 8. Promouvoir la formation et la capacité de diffusion en ce qui concerne la convention n° 169. L'Etat a la responsabilité d'encourager les processus de formation des populations autochtones ainsi que des fonctionnaires et du grand public, favorisant ainsi un processus de consultation mené en connaissance de cause et en conformité avec la convention.

L'étude résulte d'une demande formulée par les organisations d'employeurs, à savoir qu'ACT/EMP devrait examiner les enjeux réglementaires et institutionnels de la mise en œuvre de la convention n° 169 et du droit à la consultation préalable dans la région.

Il convient de faire observer que, depuis son adoption en 1989, la convention n° 169 a été ratifiée par 22 pays (parmi lesquels 15 sont des Etats d'Amérique latine).