CNUCED 14

Libérer le potentiel de travail décent en Afrique grâce au commerce et à l’investissement

Le commerce et l’investissement peuvent contribuer à forger une croissance inclusive au service d’un développement durable en Afrique, déclare le Directeur général adjoint pour les Opérations extérieures et les partenariats de l’OIT lors de la 14e Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement qui se tient du 17 au 22 juillet à Nairobi.

Editorial | 19 juillet 2016
Gilbert Houngbo, Directeur général adjoint pour les Opérations extérieures et les partenariats de l'OIT
La main-d’œuvre africaine qui s’accroît rapidement a besoin du travail décent. L’essor du commerce et de l’investissement peut contribuer à forger une croissance inclusive au service d’un développement durable, mais nous avons besoin de politiques plus intégrées pour réaliser ce potentiel.

Cela pourrait s’avérer vital pour la création d’emplois décents, en particulier pour des millions de jeunes Africains; c’est le message de l’OIT à la 14e Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED 14) , 17-22 juillet, Nairobi, Kenya.

Comment traduire ces décisions en actions concrètes après l’adoption du Programme des Nations Unies pour le développement à l’horizon 2030? Cette problématique sera au cœur des discussions entre les chefs d’Etat et de gouvernement, les ministres de l’économie et du commerce, entourés de dirigeants d’organisations internationales, d’entreprises, et de représentants de la société civile et de la presse.

Après des décennies à espérer que de bonnes politiques économiques, commerciales et d’investissement génèrent automatiquement de la croissance et par conséquent de l’emploi et du travail décent, le monde est devenu plus lucide. C’est pour cela que tous les Etats Membres ont explicitement fait de la croissance et du travail décent l’un des 17 objectifs de développement durable (ODD).

Le Programme pour 2030 est une approche intégrée du développement où la croissance économique, la protection de l’environnement et la justice sociale doivent aller de pair. Le plein emploi et le travail décent figurent au côté de la croissance économique au titre de l’ODD numéro 8 au cœur même du Programme pour 2030.

Se servir du potentiel commercial et d’investissement comme d’un important levier pour créer des emplois décents et favoriser le développement durable est une composante essentielle du partenariat mondial pour la mise en œuvre du programme pour 2030. L’OIT et son agenda pour le travail décent fournissent divers outils politiques interdépendants et recherches empiriques d’appui à ce nouveau partenariat mondial.

L’agenda pour le travail décent recouvre quatre objectifs, considérés comme d’importance égale et qui se renforcent mutuellement: Définir et promouvoir les principes et les droits fondamentaux au travail; accroître les possibilités pour les femmes et les hommes d’obtenir un emploi décent; étendre la couverture et l’efficacité de la protection sociale pour tous; et renforcer le tripartisme et le dialogue social – c’est-à-dire renforcer les organisations d’employeurs et les syndicats et leurs capacités à dialoguer entre eux et avec les gouvernements.

A travers l’Afrique, les travailleuses et les travailleurs reconnaissent la nécessité de ces politiques. La déclaration d’Addis Abeba lors de la 13e Réunion régionale africaine de l’OIT en décembre dernier l’a clairement énoncé: malgré une croissance forte et durable au cours de la décennie écoulée – en fait six des dix économies à la croissance la plus rapide se trouvaient en Afrique – les progrès restent insuffisants en matière de diversification des capacités productives, les inégalités se creusent et la pauvreté demeure l’une des plus élevées au monde.

La pénurie d’emplois et de travail décent pour les jeunes est le principal défi que doit affronter le continent. Le rapport de l’OIT sur les Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2015 a mis le doigt sur le fait que l’Afrique du Nord détenait le plus haut taux de chômage des jeunes au monde, avec plus de 30 pour cent, dont une majorité sont des chômeurs de longue durée. Si l’Afrique subsaharienne s’en sort mieux, avec 11,6 pour cent de chômage chez les jeunes – le chiffre pour le chômage de longue durée y est aussi très grave: 48,1 pour cent. Et c’est sans compter les millions de jeunes qui ont complètement abandonné toute recherche d’emploi. Si on les inclut, les chiffres doublent pratiquement dans les pays à bas revenu.

Avec ce sombre tableau fait de chômage et de sous-emploi élevés, les employeurs et notamment les investisseurs étrangers s’inquiètent aussi de ne pas trouver les travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. Cela témoigne d’un grave déficit de compétences – qui constitue sans doute un obstacle pour que les pays africains réussissent à participer aux chaînes d’approvisionnement mondiales, le mode de production, de commerce et de croissance qui domine aujourd’hui l’économie mondialisée.

L’OIT aide ses Etats Membres à faire face à ces multiples défis en prenant la tête de l’Initiative mondiale pour l’emploi décent des jeunes. Il s’agit d’un partenariat unique conclu par 21 agences des Nations Unies, une plateforme pour inciter tous les partenaires à investir et à soutenir l’emploi des jeunes dans le monde. Améliorer le développement des compétences, renforcer les liens avec les marchés mondiaux et les investissements figurent parmi les actions à mener dans le cadre de cette initiative.

Relever le défi d’assurer des progrès vers le travail décent tout au long des chaînes d’approvisionnement mondiales nécessitera de renforcer toute une série d’institutions du marché du travail, y compris les capacités des autorités publiques et des organisations d’employeurs et de travailleurs à contrôler efficacement et à faire appliquer les lois et réglementations. Ce fut l’une des conclusions des discussions de la Conférence internationale du Travail qui était réunie à Genève, en Suisse, le mois dernier.

Ces conclusions peuvent insuffler un nouvel élan aux perspectives commerciales et d’investissement pour le continent africain. Elles invitent les gouvernements à adopter une approche plus intégrée et coordonnée pour élaborer leurs politiques. Il est dès lors crucial de veiller à ce que tous les ministères concernés soient impliqués selon leurs portefeuilles respectifs quand leurs politiques s’influencent les unes les autres – et c’est bien sûr le cas pour les politiques relatives au commerce, à l’investissement et au travail.

Par Gilbert Houngbo, Directeur général adjoint pour les Opérations extérieures et les partenariats de l’Organisation internationale du Travail (OIT)