Cooperatives

Renouer les liens: syndicats et coopératives se retrouvent

Dans le monde entier, les syndicats et les coopératives se redécouvrent mutuellement et unissent leurs forces pour sauver des entreprises et des emplois.

Analyse | 22 mai 2014
GENÈVE (OIT Info) – Il fut un temps où les liens étaient clairement établis aux yeux de tous. Comme le souligne Pierre Laliberté, économiste au Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV) de l’OIT, «les relations entre les syndicats et les coopératives remontent aux origines des syndicats. En fait, il est juste de dire que les premières associations de travailleurs qui on vu le jour en Europe ressemblaient davantage à des coopératives qu’à des syndicats».

Mais les choses ont changé au fil des ans. «Malgré des origines et une histoire communes et bien qu’ils poursuivent le même objectif d’établir la sécurité économique et la démocratie au travail, nous pouvons affirmer qu’il n’y a guère eu de véritable collaboration entre syndicats et coopératives récemment», constate M. Laliberté.

Toutefois, il est peut-être temps pour les deux parties de se redécouvrir, ajoute-t-il. Il maintient que les travailleurs et leurs organisations doivent prendre vraiment conscience qu’une activité économique basée sur des principes éthiques et démocratiques est possible – et c’est justement ce que peuvent faire les coopératives, précise-t-il.

Exemples de coopératives

Il existe plusieurs initiatives intéressantes actuellement menées dans différentes régions du monde. Au Brésil, par exemple, le Syndicat des métallurgistes de l’ABC (SMABC) a réussi à sauver de la faillite la plus importante forge industrielle d’Amérique latine, Conforga, il y a plus de dix ans, en permettant aux travailleurs de devenir propriétaires de l’entreprise. Fort de cette expérience, il a ensuite aidé à établir la nouvelle Centrale des coopératives et entreprises solidaires. Au Paraguay, une grosse entreprise de céramiques fabriquant des tuiles a été sauvée par ses ouvriers et relancée sous la forme d’une coopérative dénommée Cerro Guy. On trouve des exemples comparables dans d’autres pays comme l’Uruguay et l’Argentine.

En Europe, les syndicats se sont aussi activement engagés dans ce type de projets. Les syndicats français ont joué un rôle fondamental dans plusieurs cas de faillites d’entreprise où les activités ont été reprises sous le statut juridique de SCOP (sociétés coopératives et participatives). Pour l’entreprise d’imprimerie Hélio-Corbeil, par exemple, la création d’une SCOP a permis de sauver 80 emplois.

L’entreprise textile Fontanille, basée en Auvergne, a vécu la même histoire. Après 150 ans de gestion familiale, elle a été sauvée de la faillite par sa transformation en coopérative Il y a deux ans. Les travailleurs ont investi leur prime de licenciement pour participer à la recapitalisation de l’entreprise.

De la faillite à un avenir possible

Ces cas démontrent qu’avec une direction appropriée et un plan d’affaires solide des entreprises qui semblaient condamnées à l’échec ont de l’avenir. Néanmoins, ces missions de sauvetage se heurtent à une tâche immense, faire tourner des entreprises qui ont déjà connu l’échec. Une approche plus active que simplement réactive du modèle coopératif d’entreprise de la part des syndicats est peut-être ce dont nous avons besoin.

C’est assurément ce que le Syndicat unifié des travailleurs de la sidérurgie (USW) aux Etats-Unis et au Canada a exploré avec l’idée du modèle hybride de «coopérative syndiquée», développé en partenariat avec la Fédération coopérative Mondragon, installée au Pays basque espagnol.

«Le modèle de coopérative syndiquée est une adaptation, aux Etats-Unis, du modèle Mondragon, qui remplace le conseil social par un comité de négociation syndicale, associant la propriété telle que la conçoit la coopérative à l’obligation de rendre des comptes propre à la négociation collective», explique Rob Witherell de l’USW.

L’USW a travaillé dur ces derniers mois pour aider à la création d’une nouvelle coopérative de blanchisserie verte dans la vieille ville industrielle de Pittsburgh. Des travaux ont aussi été entrepris à Cincinnati où se développe une initiative en faveur de la coopérative syndiquée de Cincinnati (CUCI) grâce à un partenariat entre syndicats et organisations communautaires.

«Les travailleurs qui s’engagent dans la négociation collective avec leur employeur peuvent sembler radicalement différents voire à l’opposé des travailleurs propriétaires associés au sein d’une coopérative, mais leur démarche profonde est la même – les travailleurs se soutiennent mutuellement pour améliorer leurs moyens de subsistance», explique Robert Witherell.

M. Laliberté, d’ACTRAV, invite les deux mouvements à constater la complémentarité de leurs rôles. «Heureusement, les bonnes pratiques abondent dans ce secteur de l’économie et devraient permettre aux syndicats entreprenants d’avoir des échanges nourris avec les coopératives», constate-t-il. Dans ce domaine, un des rôles d’ACTRAV sera de faire connaître ces expériences et de créer des plateformes pour les diffuser.