Emplois Verts

Le développement écologique ne détruit pas l’emploi

Peter Poschen, Coordinateur du Programme des emplois verts de l’OIT, détaille les opportunités et les emplois qui pourraient découler d'une transition vers une économie plus verte.

Editorial | 27 février 2013
Peter Poschen
A mesure que s’amplifient les effets du changement climatique, nous prenons conscience de la nécessité de transformer l’économie mondiale pour qu’elle soit plus durable et respectueuse de l’environnement.

Mais combien cela va-t-il coûter? Les pays en développement, qui sont les plus durement affectés pas le changement climatique, en ont-ils les moyens?

La réponse est affirmative, à condition de bien agir.

Avec des politiques adaptées et une application idoine, la conversion à l’économie verte pourrait être doublement bénéfique – d’un point de vue environnemental et social. Grâce à celle, ce sont 15 à 60 millions d’emplois supplémentaires qui pourraient être créés au cours des vingt prochaines années par rapport au maintien en l’état du modèle actuel. Cela pourrait aussi permettre à des dizaines de millions de travailleurs d’échapper à la pauvreté.

Mais cela ne sera pas facile.

Des emplois seront supprimés, des entreprises disparaîtront, surtout dans les secteurs à fortes émissions de carbone qui représentent 10 à 20 pour cent des emplois dans la plupart des pays.

Mais de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises émergeront parce que la transition vers une économie plus respectueuse de l’environnement ouvre de nouveaux marchés, stimule l’innovation écologique et attire les investissements.

La plupart des scénarios prévoient que le marché du travail en tirera profit si l’on adopte les bonnes politiques pour orienter cette transition.

Des dizaines de millions d’emplois ont déjà été créés grâce à cette transformation. Des pays aussi divers que l’Allemagne, le Kenya et la République de Corée, par exemple, investissent dans l’exploitation des ressources énergétiques, dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Dans la seule Union européenne, on compte environ 15 millions d’emplois directs ou indirects liés à la protection de la biodiversité et à la restauration des ressources naturelles. En Allemagne, un programme de rénovation visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments crée quelque 300 000 emplois directs par an.

Le Brésil dispose de presque 3 millions d’emplois – près de 7 pour cent de l’emploi formel – dans des secteurs et des professions qui contribuent à réduire les dommages écologiques.

Aux Etats-Unis, environ 3 millions de personnes sont employées dans les secteurs produisant des biens et services verts.

L’impulsion est vraiment là, mais il faut redoubler d’efforts pour élaborer des stratégies nationales qui introduisent simultanément des technologies propres et des emplois verts.

La durée et la pénibilité de la transition dépendront dans une large mesure de la planification réalisée en amont. La formation est l’une des clés qui libérera le potentiel d’emplois d’une économie à faibles émissions de carbone.

Cela implique de doter aujourd’hui les jeunes des compétences qui leur seront demandées demain et de donner la priorité à tous les niveaux d’éducation, à commencer par sensibiliser les jeunes enfants au respect de l’environnement.

La pénurie de qualifications constitue déjà un frein à la conversion de la plupart des pays et des secteurs. Dans de nombreux cas, la demande a été sous-estimée et la formation qualifiante n’a pas permis de répondre aux besoins des secteurs verts et des professions qui contribuent au «verdissement» des entreprises dans l’ensemble de l’économie.

Le gouvernement et les instituts de formation doivent travailler en étroite collaboration avec l’industrie pour veiller à ce que les programmes tiennent compte des nouvelles technologies et des nouveaux métiers – comme les éco-concepteurs ou les consultants en bilan carbone, ainsi que des métiers dont les profils de poste ont sensiblement évolué, qu’il s’agisse des employés du bâtiment ou des logisticiens.

La crise mondiale de l’emploi des jeunes accroît encore l’acuité du problème. Les jeunes gens qui acquièrent des compétences pour l’économie verte disposent d’un avantage compétitif considérable sur un marché du travail restreint.

Dans les pays en développement, les investissements dans les secteurs verts peuvent susciter la création de nouvelles entreprises vertes offrant l’occasion tant attendue de créer des emplois. La formation à l’entreprenariat pourrait être d’une grande utilité à cet égard.

Au Kenya, par exemple, 6 000 jeunes hommes et femmes ont bénéficié d’un programme qui soutient le développement de l’entreprenariat vert parmi les jeunes gens. En Zambie, de nouveaux emplois et entreprises dans la construction de bâtiments durables sont créés afin de réduire de moitié la pénurie de logements.

Les défis que soulève l’abandon d’une économie à fortes émissions de carbone sont immenses. Mais c’est un investissement que nous avons les moyens de réaliser.

Cet article fait partie d’une série coproduite par le Huffington Post et l’Organisation internationale du Travail en hommage au Programme d’emplois verts de l’OIT.