Protection sociale

La Chine peut-elle concilier vieillissement et prospérité?

La Chine a déjà fait beaucoup pour adapter les marchés du travail et les systèmes de protection sociale à une société vieillissante. Mais elle devra en faire davantage pour équilibrer ses besoins sociaux et économiques.

Editorial | 7 novembre 2012
Par Aidi Hu, spécialiste de la sécurité sociale à l’OIT

En 2013, la Chine comptera plus de 200 millions de personnes âgées de 60 ans et plus. C'est plus que la population totale de l'Indonésie, du Japon, ou du Brésil ou même de la Russie qui pèsent parmi les pays les plus peuplés du monde.

D'ici à 2050, le nombre de personnes âgées en Chine devrait atteindre 487 millions soit environ un tiers de la population.

Le problème n'est pas seulement le nombre total de personnes âgées, mais également le rythme croissant auquel la société chinoise vieillit.

Ce phénomène résulte de la conjugaison de deux facteurs: le baby-boom des années 1950 à 1970, suivi de la brusque introduction de la politique de l'enfant unique à la fin des années 1970.


Une protection sociale pour tous nécessaire… mais suffisante?

Le vieillissement démographique rapide aura de profondes répercussions sur tous les aspects de la société chinoise, y compris le marché du travail et le système de protection sociale. Le bien-être de chaque Chinois, pas seulement des plus âgés, dépendra de la capacité du pays à relever ce défi.

La Chine est en passe de réussir l'extension universelle du régime des retraites à ses 200 millions de seniors, mais seul un tiers d'entre eux touche une pension qui couvre convenablement ses besoins essentiels. Les autres dépendent de leur famille pour joindre les deux bouts.

Il est vrai qu'accorder des retraites à tous contribue à réduire la pauvreté de la population plus âgée. Mais la somme relativement modeste que touchent deuxtiers des retraités explique, entre autres raisons, pourquoi la proportion de personnes âgées qui vit encore dans la misère reste bien plus élevée en Chine qu'au Japon.

Il est donc nécessaire de continuer à améliorer le niveau des pensions - et la qualité des services de soins de santé - en particulier pour les plus modestes, les habitants âgés des campagnes, les femmes et les autres catégories vulnérables.

Avec l'allongement de l'espérance de vie et de meilleurs services de santé, le recul de l'âge actuel du départ en retraite* ne semble pas seulement possible mais inévitable. Cela permettrait à la Chine de mieux faire face à la pression qui s'accroît sur le financement des prestations de sécurité sociale.

Une main-d'œuvre à "qualifier"

Le vieillissement démographique a aussi, et va continuer d'avoir, un fort impact sur la main-d'œuvre.

Le nombre de travailleurs chinois comparé à la population âgée décline(pas seulement en Chine mais dans bien d'autres sociétés). Ce ratio représente la capacité du capital humain du pays à produire le volume nécessaire de biens et services pour l'ensemble de la population.

Mais ce n'est que l'aspect quantitatif de la question. A l'ère de la mondialisation, une main-d'œuvre qualifiée est un facteur déterminant de la qualité comme de l'ampleur de la croissance économique.

La Chine ne peut se contenter d'être l'usine du monde. Elle doit investir davantage dans l'éducation et la formation de sa main-d'œuvre, afin de produire plus de produits et de services de meilleure qualité. Cela sera profitable pour toutes les catégories de la population, y compris les plus âgés. Ainsi, la Chine pourra s'enrichir et vieillir en même temps.

* L'âge normal du départ en retraite varie selon les divers critères: 50 ans pour les femmes, 55 pour les femmes «cadres» et 60 ans pour les travailleurs couverts par le régime de retraite des travailleurs urbains.

Les socles de protection sociale
En juin 2012, la 101e Conférence internationale du Travail de l'OIT a adopté une recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale en vue d'améliorer les normes internationales existantes en matière de sécurité sociale.

La recommandation stipule que la sécurité sociale est un droit humain fondamental etrequiert que les EtatsMembres de l'OIT élaborent et améliorent leurs systèmes de sécurité sociale pour garantir que tous les citoyens, y compris les plus âgés, les personnes handicapées, les enfants et les autres groupes vulnérables, auront accès à la sécurité du revenu et aux soins de santé, au moins à un niveau minimum défini à l'échelle nationale.

Si l'économie est en croissance et que les circonstances nationales le permettent, l'étendue et le niveau des prestations devraient progressivement se développer, conformément aux normes énoncées dans les autres conventions et recommandations concernant la sécurité sociale.