VIH/sida

Une campagne d’affichage sur le sida en Russie

Le projet de nouvelle norme sur le VIH/sida qui est en cours de discussion à la Conférence internationale du Travail n’est pas seulement le premier instrument international des droits de l’homme explicitement consacré au VIH/sida. Il contient aussi des dispositions sur les programmes de prévention et les mesures antidiscriminatoires à l’échelle nationale et sur le lieu de travail, en vue de renforcer la contribution du monde du travail à la prévention, au traitement, au soutien et à la prise en charge du VIH/sida. Ce récit montre comment une approche participative et l’implication des partenaires sociaux ont permis de créer une campagne d’affichage efficace sur le VIH en Russie.

Article | 16 juin 2010

MOSCOU, Fédération de Russie (Nouvelles du BIT) – Bien que la prévalence du VIH soit relativement faible en Russie, le taux de croissance des cas de VIH déclarés est l’un des plus rapides au monde. L’un des défis qui se posent au pays, c’est d’étendre la mobilisation, sous forme d’interventions médicales et de santé publique ou dans la sphère sociale et le monde du travail, renforçant ainsi la prévention du VIH, la sensibilisation et l’éducation.

Financé par le ministère américain du Travail (USDOL) et mis en œuvre par l’OIT, le Programme d’éducation au VIH/sida sur le lieu de travail a été conçu pour éduquer les travailleurs d’entreprises pilotes situées dans les régions de Mourmansk et de Moscou aux méthodes de prévention du sida, afin de réduire les comportements à risque qui favorisent la propagation du VIH/sida et de prévenir les discriminations à l’encontre des travailleurs séropositifs.

«Le lieu de travail est l’endroit idéal pour éduquer les travailleurs à des comportements sains et à la prévention du VIH/sida, parce que le personnel est un groupe homogène dans ses caractéristiques socioculturelles et démographiques, et parce que les entreprises offrent un environnement bien structuré qui peut servir de base matérielle, juridique et normative à un dialogue social constructif», explique Irina Sinelina, coordinatrice du projet.

Pendant l’enquête initiale réalisée pour déterminer le niveau réel de sensibilisation au VIH parmi les travailleurs, les experts du BIT ont été surpris de constater le faible niveau de connaissances des groupes cibles sur le VIH/sida, d’une part, et combien ils étaient réfractaires à en parler, d’autre part.

«Chaque groupe invoquait ses propres “raisons” pour cela», déclare Vladlena Diachkova, formatrice. Un groupe de fonctionnaires par exemple pensait que le VIH/sida ne les concernait en rien; les employés d’une usine n’osaient pas s’exprimer en public, alors que les chauffeurs routiers, notre auditoire le plus expansif, ne prenait tout simplement pas au sérieux le risque du VIH.»

Cela a pris du temps et coûté des efforts aux formateurs et aux éducateurs de collègues pour créer une atmosphère de confiance et de franche discussion dans les groupes témoins. C’est ce qu’explique une employée: «Cela n’est pas bien vu de parler librement de sujets comme les préservatifs et leur mode d’emploi. J’avais honte d’aborder ces questions même avec mes enfants, sans parler d’évoquer le sujet dans une réunion – tout le monde semblait embarrassé et réticent à parler. Nous devons remercier les formateurs d’avoir su trouver les mots justes pour traiter ce sujet. Je sais maintenant comment parler de cela avec mon fils. Je veux l’avertir, l’aider – il y a tant de dangers qui guettent».

Le programme OIT/USDOL comporte une dimension novatrice: ce sont les partenaires sociaux et les travailleurs des entreprises pilotes, avec les spécialistes du BIT, qui ont déterminé le contenu de tous les matériels d’information. C’est ainsi qu’a été préparée une série de brochures, affiches et prospectus arborant le slogan Apprenez à le connaître au travail.

«Pourquoi des affiches? L’idée est venue des chauffeurs routiers, rappelle Vladlena Diachkova. En Russie, nous avons l’habitude de voir des affiches sur notre lieu de travail, ont-ils expliqué, il y en a toujours aux murs et ce n’est pas comme une brochure que certains peuvent avoir peur de prendre en public.»

L’affiche la plus accrocheuse intitulée «Contrôlez les gommes» a été conçue pour les travailleurs du secteur des transports: elle met l’accent sur l’importance de l’utilisation des préservatifs comme mesure de prévention du VIH/sida (en jouant sur l’ambivalence du terme pneu et caoutchouc en russe). Une affiche avec un test de vue disant «Voyez-VOUS un problème?» diffuse le message que le VIH est l’affaire de tous et que chacun doit se sentir concerné. Une série de cinq affiches encourageant à ne pas discriminer les travailleurs vivant avec le VIH/sida met en scène des personnes dans des situations de la vie courante (au travail, à la maison, dans une file d’attente à un guichet, etc.) et porte un slogan unique: «Ne nous excluez pas de la vie».

Nikolai Khlopkov de la société Idency, conceptrice des affiches, a changé d’opinion sur la façon d’organiser le travail: «Pour parler franchement, au début nous n’avons pas compris pourquoi les affiches devaient être discutées avec autant de partenaires. Nous sommes dans les affaires depuis assez longtemps et nous pensions savoir parfaitement comment présenter le problème du sida. Mais je dois maintenant l’admettre: cette approche participative a donné d’excellents résultats, nous permettant de toucher les groupes cibles, et les affiches produites sont super.»

Le Programme d’éducation au travail OIT/USDOL est à présent terminé, mais sa méthodologie, les publications et les affiches sont disponibles sur CD, et toute entreprise peut utiliser ce matériel pour éduquer ses employés à la prévention du VIH.

La vie des affiches suit son cours. En mars 2008, elles ont remporté le premier prix du Concours des régions des matériels publicitaires à Novosibirsk. La série a été récompensée par le premier prix dans la catégorie «Publicité sociale et non lucrative» et les fonds ont été versés par la Fondation AIDS Est-Ouest afin d’éditer 20 000 affiches supplémentaires; celles-ci ont ensuite été distribuées dans dix régions et ont touché plus de 100 000 travailleurs et leurs familles, ainsi que le grand public, en Russie centrale et en Sibérie.

Des affiches de l’OIT ont été récemment sélectionnées pour une exposition itinérante intitulée VIH/sida, une histoire en affiches qui est composée de 20 affiches en provenance d’Allemagne, de Belgique, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de Russie et de Moldavie, créées à différentes dates depuis le début de l’épidémie de sida. Chaque affiche évoque un aspect différent du VIH – prévention, sensibilisation et tolérance. L’exposition se trouve actuellement dans la ville d’Oryol. Pendant l’année 2010, elle sera montrée dans 11 villes de Russie, dans de grandes universités, des clubs de jeunes, des salles d’exposition, des musées et des galeries. Géographiquement, l’exposition va couvrir l’Extrême-Orient, la région de la Volga, la Sibérie, les villes du centre et du sud de la Russie.

«C’est peut-être le résultat le plus important de notre travail: les matériels de communication mis au point dans le cadre de notre projet sont toujours demandés et ils aident d’autres entreprises à organiser des programmes ciblés, rentables et durables de prévention du VIH», conclut Irina Sinelina.