Séminaire du BIT consacré aux stratégies de sortie de crise

Alors que la hausse massive du nombre de sans emploi liée à la crise économique mondiale a laissé certains pays vacillants sous le poids du chômage et de la récession, d’autres pays – y compris pour la première fois certaines économies émergentes ou moins développées – ont connu un processus de reprise plus rapide, sans heurt.

Actualité | 26 mars 2010

GENÈVE (Nouvelles de l'OIT) – Alors que la hausse massive du nombre de sans emploi liée à la crise économique mondiale a laissé certains pays vacillants sous le poids du chômage et de la récession, d’autres pays – y compris pour la première fois certaines économies émergentes ou moins développées – ont connu un processus de reprise plus rapide, sans heurt.

«Pour parvenir à une reprise durable et globale, il faut accumuler les expériences et partager les interventions politiques efficaces», a indiqué le Directeur général du BIT, Juan Somavia, s’exprimant lors d’un séminaire parrainé par le Brésil et la France sur le thème «Sortir de la crise de l’emploi: que sait-on des expériences qui marchent?». Cependant, M. Somavia a averti que «malgré des signes de reprise économique, la crise mondiale de l’emploi est loin d’être terminée».

Le séminaire, qui était organisé par l’Institut international d’études sociales (IIES), a également entendu les exposés d’experts venus de la République de Corée, du Brésil, d’Egypte, d’Allemagne et de France.

«C’est la première fois que la reprise économique mondiale s’enclenche dans les économies émergentes et moins développées», a constaté Marcio Pochmann, Président de l’Institut d’économie appliquée, IPEA, au Brésil.

M. Pochmann a souligné qu’entre 2000 et 2007, 75 pour cent de la croissance mondiale sont venus des pays les moins développés, en particulier du Brésil, de l’Inde et de la Chine.

Il a déclaré que, contrairement aux économies développées, les économies moins développées, comme le Brésil, n’ont pas été profondément affectées par la crise, bien que la reprise soit due, en partie, aux politiques mises en place. Evoquant l’expérience brésilienne, M. Pochmann a mis en exergue les politiques tournées vers les projets énergétiques et d’infrastructure et la génération de revenus, ainsi que la hausse du salaire minimum et la réduction de la pression fiscale dans les secteurs qui emploient une bonne partie de la main-d’œuvre.

Jong-Cheol Kim, de la République de Corée, a félicité l’OIT pour son Pacte mondial pour l’emploi, le décrivant comme «exhaustif et très pertinent au regard de la situation de crise». Il a ajouté que le Pacte avait été un outil analytique très utile pour trouver des sorties de crise.

M. Kim a expliqué que l’expérience de son pays pour surmonter la crise de 1997 avait été très précieuse pour gérer la récession actuelle. Il a précisé que la Corée du Sud avait construit un filet de sécurité sociale dans les années 1990 qui s’est révélé crucial pour récupérer de la crise en cours.

Il a également souligné que la reprise du marché du travail de la Corée du Sud dépend grandement d’une Nouvelle donne verte – un plan quinquennal de «croissance verte» présenté comme une réponse à la crise et qui est censé créer plus d’un million d’emplois.

Bruno Coquet, représentant du ministère français des Finances et président du Comité de l’emploi de l’UE, a déclaré que les expériences menées dans les différentes pays de l’UE étaient très variées, tant en termes d’impact de la crise que de reprise.

M. Coquet a fait part de différences marquées entre les pays de l’UE, principalement en termes de marge de manœuvre budgétaire, de compétitivité des entreprises et de rigidité/flexibilité du marché du travail. «Il existe aussi une différence en ce qui concerne l’exposition à la crise, a-t-il ajouté, en particulier pour ce qui est de l’état du système financier, de l’existence ou de l’absence d’un boom immobilier et selon que le moteur de la croissance était dépendant, ou non, des exportations ou du crédit.»

M. Coquet a affirmé que les disparités en matière de rapidité et d’ampleur de la reprise étaient un reflet des différents plans de relance mis en œuvre. «Premièrement, ces plans n’ont pas tous la même taille et n’ont pas tous été introduits à la même date. Les différents outils politiques utilisés constituent aussi un facteur d’explication.» Cependant, il a énuméré une dizaine d’instruments politiques clés qui semblent avoir fonctionné: investir dans la formation, soutenir le pouvoir d’achat des ménages, encourager l’aménagement du temps de travail, maintenir ou renforcer la protection sociale, etc.

L’Egypte – considérée comme l’un des exemples de réussite – s’est essentiellement consacrée aux dépenses d’infrastructures, à haute intensité d’emploi, selon le Dr El Hamaki, de l’Université Ain Chams du Caire et vice-présidente du Comité économique du Parlement égyptien.

L’Egypte a également accordé des subventions au secteur des exportations et renforcé des mesures comme l’aide alimentaire et la protection sociale. Mme El Hamaki a expliqué que l’Egypte avait mis un accent particulier sur les programmes de formation, en particulier ceux qui impliquent la société civile et les universités, qui s’emploient à développer l’esprit d’entreprise parmi les jeunes diplômés.

L’Allemagne est aussi créditée d’avoir su préserver la stabilité du marché du travail en dépit d’une croissance économique négative en 2009. Le Dr Ulrich Walwei, vice-directeur de l’Institut pour la recherche sur l’emploi (IAB), à Nuremberg, a affirmé: «La raison du succès de l’Allemagne, c’est une culture du dialogue social fortement ancrée qui permet de préserver l’emploi par le biais de contrats de courte durée.»

«Les politiques qui ont bien fonctionné en Allemagne ont consisté à adhérer aux réformes du marché du travail pour stabiliser les incitations au travail au fil du temps, et à faciliter le changement structurel de l’économie grâce à une formation efficace et en encourageant la mobilité de l’emploi», a ajouté M. Walwei.

Michael Sommer, président de la Confédération syndicale allemande (DGB), a souligné que le nouvel état d’esprit régnant parmi les travailleurs, les employeurs et le gouvernement était essentiel au succès de l’Allemagne. «Mais nous n’en avons pas encore terminé, a-t-il dit. Nous devons maintenant investir dans la prévention, dans les technologies propres et les emplois verts.»

M. Mdwaba, vice-PDG du groupe Kelly d’Afrique du Sud a rendu hommage à la rapidité avec laquelle son pays avait su répondre à la crise. Il a souligné que les dirigeants politiques devraient garantir la flexibilité du marché du travail en introduisant des mesures à court terme. «Il ne faudra pas regretter plus tard», a-t-il averti.

Le directeur de l’Institut international d’études sociales, Raymond Torres, a déclaré qu’à moyen, voire long terme, il n’y avait aucune contradiction entre viabilité budgétaire et politiques du marché du travail. Il a précisé que les pays qui ne disposent pas d’une latitude budgétaire suffisante peuvent s’inspirer de l’expérience de pays comme le Brésil, l’Egypte et la Corée du Sud. «En effet, ces pays ont ciblé des programmes qui ont contribué à la reprise tout en étant raisonnables en termes de coût», a-t-il dit.

Selon M. Torres, les pays doivent résoudre trois principaux problèmes afin de sortir de la crise. «Premièrement, nous devons soutenir que l’emploi fait partie des efforts de relance, et mettre en place des programmes pour combattre le chômage de longue durée, le sous-emploi et l’informalité. Deuxièmement, il est nécessaire de veiller à ce que la demande globale reste à flot grâce aux mesures d’incitation fiscale. Troisièmement, il est indispensable d’introduire des réformes financières, pas seulement du point de vue des pays développés mais d’un point de vue global, pour parvenir à une reprise durable.»

Dans son discours de clôture, M. Gilles de Robien, représentant du gouvernement de la France, a fait référence à quelques-unes des leçons à tirer des réponses qui ont permis de sortir de la crise. En particulier, il a mis en exergue des initiatives récentes dans lesquelles la protection sociale est respectueuse de l’emploi tout en fournissant une couverture adaptée aux besoins des plus démunis. «En Inde, la Garantie nationale de l’emploi rural et, en France, le Revenu de solidarité active, sont deux exemples intéressants à cet égard», a-t-il constaté.