L'afrique manque d'emplois décents malgré la reprise économique: Gouvernements, employeurs, travailleurs discutent un "portefeuille de mesures" pour réduire la pauvreté et générer des emplois décents

Une croissance économique généralisée et une meilleure productivité n'y ont pas suffit, l'Afrique est toujours confrontée à un nombre croissant de chômeurs et de travailleurs pauvres selon deux nouvelles études préparées par le Bureau international du Travail (BIT).

Communiqué de presse | 23 avril 2007

ADDIS-ABEBA, Ethiopie (Nouvelles du BIT) – Une croissance économique généralisée et une meilleure productivité n'y ont pas suffit, l'Afrique est toujours confrontée à un nombre croissant de chômeurs et de travailleurs pauvres selon deux nouvelles études préparées par le Bureau international du Travail (BIT).

De nouvelles données, publiées pour la 11e Réunion régionale africaine de l'OIT qui se tient à Addis-Abeba du 24 au 27 avril, établissent que les économies africaines devront générer quelque 11 millions de nouveaux emplois par an rien que pour ramener le taux de chômage de la région au niveau de la moyenne mondiale. Le BIT prévoit également qu'en dépit d'un léger fléchissement des taux de pauvreté le nombre réel de travailleurs pauvres va, lui, augmenter, ils seront 50 millions de plus en 2015.

Voilà, entre autres, les défis qui seront prioritairement abordés lors de la conférence quadriennale de l'OIT qui réunit travailleurs, employeurs et gouvernements des 53 pays membres de l'OIT en Afrique du Nord et Afrique subsaharienne. Cette année, la réunion accueille plus de 300 participants, dont des chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que des acteurs-clés aux niveaux régional et international.

«La croissance économique ne génère pas automatiquement des emplois en nombre suffisant, et la création d'emplois ne garantit pas une réduction de la pauvreté» déclare le Directeur général du BIT dans son rapport L'Agenda du travail décent en Afrique» (Note 1). «Pour être efficaces, les politiques de réduction de la pauvreté doivent être conçues et coordonnées de telle manière que les pauvres puissent profiter des offres d'emploi induites par la croissance, sortir d'une situation d'insuffisance et de précarité de revenu et exercer leurs droits.»

Tout soulignant les limites des données disponibles, le BIT estime le taux actuel du chômage en Afrique à 10,3 pour cent, à comparer avec le taux moyen du chômage mondial qui s'élevait à 6,3 pour cent en 2006.

Malgré la reprise économique de ces trois dernières années, les économies africaines faillent à générer des emplois, seuls 8,6 millions d'emplois sont créés par an. Pour ramener le taux de chômage en Afrique au taux moyen mondial de 6,3 pour cent d'ici à 2015, ce sont environ 11 millions d'emplois qui devraient être créés chaque année. (2015 étant la date fixée pour atteindre le premier objectif du Millénaire pour le développement: réduire de moitié l'extrême pauvreté.)

Le BIT rapporte également que, si les pourcentages de travailleurs pauvres devraient s'infléchir d'ici 2015, leur nombre réel va, lui, augmenter considérablement. Le BIT estime qu'entre 2006 et 2015 le pourcentage d'individus qui, tout en travaillant, vivent avec leur famille avec moins de 2 dollars par jour et par personne, passera de 78,6 pour cent à 76,4 pour cent. Mais leur nombre réel passera de 260,3 à 316,7 millions. Cependant que la proportion de travailleurs pauvres vivant avec moins d'1 dollar par jour et par personne diminuera de 46,2 à 44,1 pour cent, alors qu'en nombre réel ils seront 182,9 millions en 2015 contre 152,8 millions en 2006 (Note 2).

La région est également confrontée à d'autres défis:

  • Le VIH/sida décime le marché du travail. Selon les estimations de 2005, 9 millions d'hommes et environ 7 millions de femmes en âge de travailler – entre 15 et 64 ans – sont encore actifs et vivent avec le VIH/sida. Ces 16 millions de travailleurs représentent environ deux tiers de l'ensemble de la population active vivant avec le VIH/sida dans le monde (24,6 millions).
  • Les opportunités pour les femmes et les jeunes sur le marché du travail sont limitées. Les jeunes africains ont trois fois moins de chances de trouver un emploi que les adultes (+ de 25 ans), et la majorité des femmes africaines travaillent toujours dans l'agriculture vivrière de subsistance.
  • Le travail des enfants est un défi majeur dans de nombreux pays. Bien que la proportion d'enfants, âgés de 5 à 14 ans, économiquement actifs a diminué de 29 à 26 pour cent entre 2000 et 2004, on estime que leur nombre réel a augmenté de 48 à 49,3 millions au cours de la même période, eu égard à la croissance démographique.

Le rapport préparé pour la réunion régionale fournit un «portefeuille de mesures» à discuter pour faire du travail décent une réalité en Afrique. Le portefeuille de mesures cible quatre défis majeurs: assurer une croissance économique qui favorise le plein emploi; garantir le maintien et le respect effectif des droits au travail; étendre la couverture et améliorer la qualité de la protection sociale; promouvoir la bonne gouvernance en même temps que le dialogue social.

«Pour réduire l'extrême pauvreté de moitié d'ici à 2015, il faut adopter une stratégie de croissance axée sur l'emploi», dit le rapport, ajoutant qu'il faut «que les politiques tiennent davantage compte de l'incapacité des marchés du travail africains de créer davantage d'emplois mieux rémunérés pour les femmes et les hommes, et qu'elles visent à rendre la croissance économique plus favorable aux pauvres et à l'emploi; exploiter le potentiel de la mondialisation pour créer des emplois décents; transformer les économies rurales en vue de réduire le sous-emploi et la pauvreté; s'attaquer au chômage des jeunes; et favoriser l'investissement dans le secteur privé en vue de créer plus d'emplois» (Note 3).

L'OIT organise des réunions régionales en Afrique et dans les autres parties du monde afin de traiter des problèmes auxquels le monde du travail est confronté et d'examiner les activités de l'OIT dans les pays concernés. Les délégués recevront un rapport sur les activités du BIT en Afrique depuis les quatre dernières années. L'OIT est une organisation tripartite dont les réunions rassemblent des délégués des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, chacun d'eux ayant le droit de voter. Pour plus d'informations sur la 11e Réunion régionale africaine, veuillez consulter: /public/french/region/afpro/addisababa/arm/index.htm.


Note 1 - L'Agenda du travail décent en Afrique – 2007-2015, rapport du Directeur général pour la 11e Réunion régionale africaine, Addis-Abeba, avril 2007.

Note 2 - Tendances de l'emploi en Afrique, Bureau international du Travail, avril 2007. (Le nouveau rapport sur les tendances de l'emploi en Afrique fait partie des documents de référence qui seront discutés lors de la conférence régionale. C'est le premier rapport du BIT qui s'emploie à examiner la situation actuelle de l'emploi en Afrique.)

Note 3 - Pour plus de détails sur le portefeuille de mesures en faveur du travail décent pour l'Afrique, veuillez consulter: «L'Agenda du travail décent en Afrique – 2007-2015», partie II, p.31.