La responsabilité sociale des entreprises dans le secteur de l’informatique: peut mieux faire ?

Les entreprises multinationales ont joué un rôle crucial pour attirer les investissements étrangers, créer des emplois, former la main-d’œuvre et augmenter les salaires dans le secteur des industries de l’informatique au niveau mondial. Mais leurs activités font également émerger de considérables défis sociaux. Un nouveau rapport du BIT 1/, préparé pour une prochaine réunion tripartite, étudie les derniers développements d’une industrie des composants électroniques qui emploie environ 18 millions de personnes dans le monde.

Article | 13 avril 2007

Les entreprises multinationales ont joué un rôle crucial pour attirer les investissements étrangers, créer des emplois, former la main-d’œuvre et augmenter les salaires dans le secteur des industries de l’informatique au niveau mondial. Mais leurs activités font également émerger de considérables défis sociaux. Un nouveau rapport du BIT (Note 1) préparé pour une prochaine réunion tripartite, étudie les derniers développements d’une industrie des composants électroniques qui emploie environ 18 millions de personnes dans le monde.

GENÈVE (BIT en ligne) – Les ordinateurs personnels (lPC) sont construits à partir d’une batterie internationale de composants, produits et assemblés dans une dizaine de pays ou plus. La moitié du prix de vente est constitué du coût de tous les composants et services que les grandes marques doivent se procurer.

Dans ce système de production fragmenté, mondialisé, les sous-traitants se situent tout en bas de la chaîne de valeur de la production des PC. Ils sont impliqués dans des activités standardisées telles que la fabrication des cartes-mères, cartes de circuits imprimés et autres activités à forte intensité de main-d’œuvre qui leur vaut leur surnom «d’assembleurs de cartes».

Cela signifie que, pour des raisons de coût, les fournisseurs de produits de base sont souvent implantés dans les zones franches d’exportation des pays en développement où les salaires sont bas. «Le niveau le plus bas de la chaîne de valeur est donc particulièrement important lorsqu’on s’intéresse aux problèmes sociaux liés à la participation aux chaînes de valeur mondiales, et en particulier aux opérations des entreprises multinationales», explique Paul Bailey, expert en technologies de l’information auprès du BIT.

Intégrer les «assembleurs de cartes»

En réponse aux préoccupations sociales de l’industrie des produits électroniques destinés aux technologies de l’information et de la communication (TIC), de nombreuses multinationales ont adopté des programmes de responsabilité sociale et certaines d’entre elles participent maintenant à des initiatives sectorielles volontaires.

L’initiative mondiale des TIC pour le développement durable (GeSI en anglais) a créé un groupe de travail sur les chaînes d’approvisionnement. Ses membres, parmi lesquels la plupart des géants des industries de l’informatique et des télécommunications, examinent la manière dont les entreprises du secteur pourraient contribuer ensemble à une gestion plus efficace des questions sociales et environnementales dans leurs chaînes d’approvisionnement. En adhérant aux principes du développement durable, les membres de la GeSI contribuent au Pacte mondial des Nations Unies (Note 2).

La GeSI a établi une étroite relation de travail avec d’autres initiatives volontaires du secteur, notamment le Groupe du Code de conduite de l’industrie électronique (EICC). Ce groupe compte 26 entreprises qui se sont rassemblées pour garantir des conditions de travail sans danger, le respect et la dignité des travailleurs du secteur, ainsi que des procédés de fabrication respectueux de l’environnement.

«Lorsque nous avons lancé l’EICC en 2004, les entreprises fondatrices ont réalisé que même si nous venions d’horizons assez différents nous pouvions accomplir des progrès significatifs en travaillant ensemble», déclare Brad Benett, chargé du Développement durable chez Intel et président de l’EICC. «Si vous additionnez les chiffres d’affaires de ces sociétés, cela dépasse les 500 milliards de dollars», ajoute-t-il.

L’EICC a mis au point un questionnaire commun et un processus d’audit pour évaluer le respect du Code. L’espoir ultime des participants est que l’EICC produise ses effets sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement jusqu’à ce que tout le secteur s’empare du Code.

Dans la section qu’il consacre à la main-d’œuvre, le Code recouvre certains principes fondamentaux et droits au travail de l’OIT comme l’emploi librement choisi, l’élimination du travail des enfants, la non-discrimination et la liberté syndicale. Les horaires de travail ne doivent pas excéder les 60 heures par semaine et les travailleurs doivent être rémunérés conformément aux réglementations relatives au salaire minimum et aux heures supplémentaires telles que définis par le droit national.

«Les syndicats et la société civile ont critiqué l’EICC au motif qu’elle ne respectait pas les normes internationales du travail, notamment les normes fondamentales du travail de l’OIT. Ainsi, il n’est fait nulle part mention de la reconnaissance effective du droit de négociation collective…», affirme Robert Steiert de la Fédération internationale des Organisations de la Métallurgie (FIOM).

La FIOM est membre de Goodelectronics, une vaste alliance d’ONG et de syndicats formalisée en août 2006. Ce réseau international a pour but d’améliorer les droits de l’homme et les conditions environnementales dans l’industrie de l’électronique en reliant les activités locales aux initiatives mondiales.

Le matériel à l’origine de la révolution informatique

Le nouveau rapport du BIT ne s’intéresse pas seulement aux questions de responsabilité sociale des entreprises. Il examine également les tendances récentes en termes d’emploi et d’économie dans la fabrication des composants et produits électroniques.

Selon le rapport, l’industrie des composants électroniques est le moteur de la révolution informatique. «Les exportations mondiales de ces produits ont augmenté en moyenne de 2,7 pour cent par an entre 1995 et 2004, atteignant des niveaux records l’année dernière. Cette industrie, matériel d’origine de la révolution informatique, employait 18 millions de personnes en 2004, chiffre sans doute encore plus élevé aujourd’hui», poursuit M. Bailey.

Depuis 1996, les exportations de produits des TIC ont doublé, progressant plus vite que celles de marchandises. Entre 1996 et 2003, les exportations de marchandises ont augmenté de 60 pour cent, alors que celles des produits des TIC ont crû de 100 pour cent. En 2003, ces exportations ont dépassé 1,1 billion de dollars, représentant 15 pour cent des exportations mondiales de marchandises.

«La valeur du commerce international des produits des TIC a donc dépassé la valeur combinée du commerce international de l’agriculture, du textile et de l’habillement», conclut M. Bailey. Alors que les Etats-Unis et le Japon restaient les principaux exportateurs jusqu’en 2003, la Chine s’est désormais placée dans le peloton de tête tant en termes d’emplois – plus de 6 millions en 2005 – que d’exportations – équivalant à 62,5 milliards de dollars en 2003. Néanmoins, cette croissance résulte principalement des investissements des entreprises multinationales étrangères, indique le rapport.

Parmi les principaux pays en développement qui exportent se trouvent la Chine, Hong-Kong (Chine), Singapour, la République de Corée, Taiwan (Chine), la Malaisie, le Mexique, les Philippines, la Thaïlande et l’Indonésie. Les acteurs européens sont l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France, l’Irlande, l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Finlande, la Suède, l’Espagne et l’Autriche qui, à eux tous, comptent pour 25 pour cent des exportations mondiales.

Une réunion tripartite se tiendra au BIT du 16 au 18 avril 2007, pour passer non seulement en revue les derniers développements du secteur mais également aborder la question du rôle du dialogue social lorsque les entreprises cèdent, restructurent ou externalisent la conception, la production et la fabrication, ainsi que celle de l’adhésion aux normes reconnues de l’ensemble des chaînes d’approvisionnement et celle des meilleures pratiques en termes d’apprentissage tout au long de la vie dans le secteur.


Note 1 - TLa production des composants électroniques pour les industries des technologies de l’information: évolution des besoins de main-d’œuvre dans une économie mondialisée. . Rapport aux fins de discussion lors de la Réunion tripartite sur la production des composants électroniques pour les industries des technologies de l’information: évolution des besoins de main-d’œuvre dans une économie mondialisée, Bureau international du Travail, Genève, 2007.

Note 2 - Le pacte mondial des Nations Unies, lancé en 2000, est un réseau d’agences des Nations Unies qui traitent de questions sociales et environnementales et offrent un cadre idéal pour la responsabilité sociale des entreprises. Le pacte mondial invite les entreprises à adopter dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales dans les domaines des droits de l’homme, des normes du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption.