297e session du Conseil d'administration du BIT (2-17 novembre 2006) Le BIT prône "d'ambitieuses réformes" pour l'inspection du travail

Les 120 000 inspecteurs du travail dans le monde sont confrontés à d'immenses défis: prévenir 2,2 millions de maladies et d'accidents du travail mortels chaque année et contribuer à la lutte contre le VIH/Sida, le travail des enfants et le travail forcé. Le Conseil d'administration du Bureau international du Travail (BIT) a aujourd'hui lancé un appel en faveur d'une stratégie internationale pour moderniser et renforcer l'inspection du travail.

Article | 16 novembre 2006

GENÈVE (BIT en ligne) - Au Canada, l'embauche de 200 nouveaux inspecteurs du travail par le gouvernement provincial de l'Ontario au cours des deux dernières années a produit de formidables résultats: non seulement 9 000 blessés de moins par an mais également des économies d'environ 45 millions de dollars canadiens dans les coûts d'indemnisation des travailleurs.

"Cet exemple montre que renforcer l'inspection du travail non seulement prévient les accidents et sauve des vies humaines mais bénéficie aussi à l'ensemble des acteurs impliqués", déclare Gerd Albracht, expert du BIT en matière d'inspection du travail. "Suite à un accord de coopération innovant avec le gouvernement, le fonds de compensation provincial a versé les 28 millions de dollars canadiens pour payer les salaires des nouveaux inspecteurs qui n'ont ciblé que les entreprises ayant les moins bons résultats en termes de santé et de sécurité professionnelles."

L'Allemagne nous fournit un autre exemple. Là-bas, les inspecteurs de prévention de la mutuelle d'assurance HVBG ont identifié les glissades et les chutes comme source principale d'accidents et ont lancé une campagne de sensibilisation d'envergure nationale. Entre 2002 et 2004, les accidents du travail ont été réduits de 26 pour cent et les coûts d'indemnisation ont reculé de 80 millions d'euros.

Ce type d'inspection du travail efficace pourrait contribuer à prévenir beaucoup d'autres accidents du travail et maladies professionnelles et à lutter contre le VIH/Sida, le travail des enfants et le travail forcé, indique un nouveau rapport du BIT au Conseil d'administration ( Note 1).

Le rapport constate que plusieurs pays ont récemment commencé à revigorer leur inspection du travail ( Note 2). Voilà pour la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est que dans la plupart des pays d'Afrique anglophone par exemple, les administrations du travail ne reçoivent pas plus d'un pour cent du budget national. Dans certains cas, ce chiffre n'est que de 0,1 pour cent, commente M. Albracht.

Selon le rapport, la qualité d'ensemble du système d'administration du travail est vitale pour l'efficacité de l'inspection du travail. La convention (n°150) de l'OIT sur l'administration du travail de 1978 et la recommandation (n°158) qui l'accompagne définissent les devoirs globaux d'une administration du travail comme englobant l'inspection du travail. La convention (n°81) de l'OIT sur l'inspection du travail de 1947 et son Protocole de 1995 définissent les mesures spécifiques pour organiser l'inspection du travail.

Des inspections du travail sous dotées en personnel

Pour la première fois, le BIT a défini des "indicateurs raisonnables" relatifs au nombre d'inspecteurs du travail en fonction des effectifs de travailleurs dans son rapport. Mais de nombreux pays n'atteignent pas ces recommandations. Alors que les indicateurs du BIT varient de 1 inspecteur pour 10 000 travailleurs dans les pays industrialisés à économie de marché à 1 inspecteur pour 40 000 travailleurs dans les pays les moins avancés, dans la réalité, les ratios varient de 1 pour 5 500 en Malaisie à 1 pour 3 200 000 au Bangladesh.

Dans les pays en développement ou émergents, de nombreux inspecteurs compétents ont rejoint le secteur privé, attirés par des rémunérations plus élevées et de meilleures perspectives de carrière. Souvent, ces fonctionnaires ne reçoivent qu'une formation initiale limitée et ont peu de chances de bénéficier d'une formation continue. Cela nuit à la qualité des inspections menées, affirme le rapport.

"D'autres facteurs affaiblissent l'autorité et la crédibilité des services d'inspection du travail: la violence contre les inspecteurs et la corruption, la faiblesse des réseaux et l'impossibilité d'établir des bases de données électroniques qui puissent générer des rapports annuels et aider à identifier des priorités d'inspection, en particulier les lieux de travail à haut risque", déclare M. Albracht.

Selon le rapport, les inspecteurs du travail jouent également un rôle important dans la protection des travailleurs confrontés à la pandémie de VIH/Sida et dans la limitation de l'ampleur et des effets de l'épidémie. Parce qu'un tel rôle est relativement nouveau pour les inspecteurs du travail dans la plupart des pays les plus durement frappés, le BIT offre son soutien pour former les inspecteurs du travail sur la prévention et la réduction de l'impact du VIH/Sida, en s'appuyant sur un manuel spécialement développé pour les inspecteurs du travail ( Note 3).

Le rapport préconise un Système intégré d'inspection du travail (SIIT) qui réunit les dimensions administrative, procédurale et technique dans une approche holistique, cohérente et flexible de l'inspection du travail, depuis les politiques globales jusqu'au niveau opérationnel dans l'entreprise où la quantité et la qualité des inspections peuvent être considérablement améliorées.

"Par essence, un SIIT est utilisé pour sensibiliser le monde à la dimension sociale du lieu de travail, en plus des aspects économique, financier et environnemental. La mise en œuvre des normes du travail fondamentales au niveau national peut être significativement renforcée si les capacités et la qualité des inspections du travail nationales sont améliorées par des réformes ambitieuses comme nous l'avons déjà vu dans un certain nombre de pays", explique M. Albracht.

Le fondement de telles réformes est la convention n°81 de l'OIT ( Note 4) sur l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce. Avec 135 ratifications, elle est l'une des conventions de l'OIT les plus ratifiées à ce jour et a pour but de servir de référence internationale pour assurer la mise en œuvre des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs.


Note 1

Note 2

Note 3

Note 4 - Pour plus d'informations, voir Inspection du travail, Rapport III (Part 1B), Conférence internationale du Travail, 95e session, Genève, 2006. ISBN 92-2-216606-6-X. 25 francs suisses. Pour commander un exemplaire, veuillez consulter www.ilo.org/publns.