Journée internationale des peuples autochtones - 2005 Les droits des peuples indigènes et tribaux: un objectif encore lointain
GENÈVE (BIT en ligne) - L'OIT a adopté l'unique instrument juridique international désormais ouvert à la ratification qui concerne spécifiquement les 350 millions de personnes appartenant aux peuples indigènes et tribaux, à savoir la convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Elle a été ratifiée par 17 pays et elle est reconnue sur le plan international comme l'instrument le plus important sur ce thème. Elle couvre un large éventail de questions, y compris le droit de posséder des terres, l'accès aux ressources naturelles, le droit à la santé, à l'éducation, à la formation professionnelle, à de bonnes conditions d'emploi et aux contacts transfrontières.
GENÈVE (BIT en ligne) - L'OIT a adopté l'unique instrument juridique international désormais ouvert à la ratification qui concerne spécifiquement les 350 millions de personnes appartenant aux peuples indigènes et tribaux, à savoir la convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Elle a été ratifiée par 17 pays ( Note 1) et elle est reconnue sur le plan international comme l'instrument le plus important sur ce thème. Elle couvre un large éventail de questions, y compris le droit de posséder des terres, l'accès aux ressources naturelles, le droit à la santé, à l'éducation, à la formation professionnelle, à de bonnes conditions d'emploi et aux contacts transfrontières.
Le Projet pour la promotion de la politique de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux (PRO 169) a été lancé en 1996 pour protéger les droits de la personne des peuples indigènes et tribaux par le développement de législations et de politiques fondées sur les normes de l'OIT, et par le renforcement des capacités de ces peuples. Ce projet est financé par l'Agence internationale danoise de développement (DANIDA) ainsi que par l'Union européenne (Supplément Birgitte) et il cible principalement l'Afrique et l'Asie.
En 2004, le PRO 169 a mené à bien un programme de bourses d'une durée de trois mois destiné à ces peuples. L'objectif général était de doter les participants de compétences et de connaissances nécessaires à la promotion et à la protection des droits de leurs peuples. Le PRO 169 a interrogé deux participants du programme, à savoir Yuuki Hasegawa, un Ainu du Japon, et Tony Khular, de la communauté Lamkang à Manipur, Inde.
1. Vous venez de pays très différents.
La situation de vos peuples et les contextes dans
lesquels opèrent vos organisations sont
également très différents. Quelles
similitudes vous êtes-vous découvertes au
cours du programme et quelles sont les principales
différences qui vous distinguent?
Yuuki Hasegawa (YH): Il est vrai que les
deux groupes auxquels nous appartenons se trouvent
dans des situations très différentes. Par
exemple, les Ainus au Japon ont pratiquement perdu
leur langue et nous essayons maintenant de la
ressusciter. En revanche, les Lamkang en Inde ont
conservé leur langue et leur culture, et nous
pouvons tirer un enseignement de leur
expérience. Le niveau de reconnaissance dont
jouissent nos groupes et leurs droits sont
différents également. En Inde, un certain
nombre de dispositions constitutionnelles accordent
certains droits à des "tribus
énumérées". Au Japon, ces
droits n'existent pas. L'Inde a
ratifié au moins la
convention n° 107 de
l'OIT, et la sensibilisation à la
situation des peuples indigènes peut
s'inspirer de ces dispositions. Au Japon, la
ratification présente trop de difficultés
et il faut trouver d'autres moyens de
promouvoir les droits des indigènes. En
général, nos situations sont très
différentes, mais nos objectifs se
ressemblent, et nous travaillons par
l'intermédiaire du système des
Nations Unies pour les concrétiser.
Tony Khular (TK): Oui, en Inde, un certain nombre de dispositions constitutionnelles et la législation reconnaissent nos droits en tant que tribus "énumérées" mais non pas en tant que "peuples indigènes". Pourtant, l'application de ces dispositions reste très difficile. Dans les deux cas qui nous concernent, aucune organisation nationale n'assure la promotion de nos droits. Grâce à Walter Para, qui a également participé au programme de bourses, nous avons appris de l'expérience du Suriname, où il existe une organisation nationale indigène forte.
2. Que signifie pour vous le concept de
"peuples indigènes"?
TK: Le terme "indigène"
fait référence à un ensemble
extrêmement diversifié de groupes et
à leur lutte pour se faire une place sur des
scènes nationales très différentes.
Cette diversité est reflétée dans le
fait qu'il n'existe pas de définition
internationale généralement reconnue des
termes "peuples indigènes" et,
à juste titre, la convention no 169 de
l'OIT considère que
l'auto-identification est un critère
fondamental. En Inde, nous avons les
catégories de "tribus
énumérées" et de "castes
énumérées". Certaines personnes
s'identifient en tant qu'indigènes et
d'autres non.
3. L'OIT et la convention no 169 sont-elles
bien connues dans votre pays et par les membres de
vos communautés?
YH: Le Japon n'a pas encore
ratifié la convention no 169, et rares sont
les Ainus qui connaissent l'OIT et son mandat
à l'égard des peuples indigènes.
Les membres de ma communauté ne prennent
conscience que progressivement de la signification
des processus qui se déroulent au niveau
international et de la manière dont il faut
recourir aux organisations internationales.
Jusqu'à présent, seuls quelques Ainus
âgés ont participé à des
réunions des Nations Unies et je suis le
premier jeune d'entre eux à venir à
Genève. Curieusement, j'étais
déjà à Genève lorsque j'ai
pris contact avec l'OIT à Tokyo pour la
première fois. Cependant, j'espère
que nous aurons des discussions fructueuses avec ce
bureau à l'avenir.
TK: Les communautés Lamkang ne connaissent pas l'OIT ni la convention no 169. J'ai entendu parler de l'OIT et de ce programme de bourses uniquement par hasard, et à Delhi. Je suis aussi le premier jeune de ma communauté à venir à Genève. Il est possible que la situation soit différente dans d'autres Etats de l'Inde. Les peuples qui vivent dans les collines n'ont pas accès à l'OIT ni à ses conventions, et ils ne les connaissent pas. Lorsque je reviendrai chez moi, je partagerai les connaissances que j'ai acquises au cours du programme.
4. Que peut faire l'OIT pour mieux
sensibiliser le public aux droits des
indigènes et pour les promouvoir?
TK: La plupart des personnes de ma
communauté ne parlent pas l'hindi, et
Genève est très lointaine, tout comme
Delhi d'ailleurs. En fait, les communautés
indigènes du nord-est de l'Inde sont loin
de tout. Il faudrait traduire la convention no 169
de l'OIT et du matériel de soutien dans
nos langues. Il faudrait aussi créer des liens
entre les communautés locales et les
organisations internationales ainsi qu'entre
les peuples indigènes de pays différents.
Le programme de bourses contribue à ces deux
objectifs. Cependant, d'autres communautés
et d'autres peuples devraient avoir la
possibilité de participer et, pour cela, il
faut étendre le programme.
YH: J'estime, moi aussi, qu'il est important de renforcer le travail de réseau entre les diverses organisations indigènes et l'OIT. Je pensais que ce travail de réseau était déjà plus répandu et je me suis rendu compte qu'il n'en était pas ainsi au cours du programme. Le manque de détails opérationnels dans la convention no 169 rend difficile sa mise en œuvre effective. Par conséquent, l'OIT devrait lancer un projet visant à recueillir et diffuser les meilleures pratiques concernant la mise en œuvre de la convention et de ses dispositions, ainsi que des projets visant à créer de bonnes pratiques au Cambodge et au Cameroun. Grâce à ce programme, j'ai pris conscience également des limitations de l'OIT et des autres organisations internationales. A mon avis, la convention ne va pas assez loin en ce qui concerne la consultation et la participation dans les domaines de la législation et de la représentation politique. En outre, les diverses organisations devraient coopérer plus étroitement. Cependant, nous devons aussi comprendre que le système des Nations Unies n'est pas l'espace idéal pour faire valoir nos droits. Cela n'empêche pas que nous recourions aux mécanismes existants d'une manière plus efficace.
5. Quels sont les mécanismes que vous jugez
utiles?
YH: Les organes de surveillance de
l'application des traités de Nations
Unies, par exemple. Au cours des années
quatre-vingt, le gouvernement japonais n'a pas
mentionné une seule fois les Ainus. C'est
alors que le Comité des droits
économiques, sociaux et culturels a
exprimé sa préoccupation concernant la
discrimination dont sont victimes les Ainus en tant
que "groupe minoritaire", et il a ouvert
le débat. Aujourd'hui, le gouvernement
accepte le fait que les Ainus constituent une
minorité légitime, tandis que le
comité estime que les Ainus sont un peuple
indigène. Le comité a demandé des
données sur les Ainus au gouvernement
japonais, mais il n'en a pas.
L'organisation dont je fais partie veut mener
à bien une étude sur la situation
socio-économique des Ainus et soumettre les
données que nous rassemblerons au comité.
Dans l'ensemble, les Nations Unies constituent
un système utile.
6. Que peut faire l'OIT pour vous et pour
votre peuple, et quel est le rôle des bureaux
régionaux de l'OIT dans ce processus?
YH: L'OIT peut travailler avec les
gouvernements par le truchement de ses bureaux
régionaux. Les gens au Japon éprouvent
beaucoup de difficultés à accéder
à des organisations dont le siège est
à Genève, et il serait utile de pouvoir
établir des liens à travers les bureaux
régionaux de l'OIT. Après tout,
l'OIT est l'unique organisation
internationale dotée d'un mandat normatif
concernant les peuples indigènes. Maintenant
que nous avons établi le contact avec le
bureau de l'OIT à Tokyo, nous pouvons
entamer une coopération plus étroite.
Nous ne sommes qu'une petite organisation non
gouvernementale, mais l'OIT est une
organisation internationale. Ensemble, nous avons
de bonnes chances d'influencer le gouvernement.
TK: Le programme nous offre une excellente opportunité de coopérer plus étroitement avec l'OIT et les autres organisations du système des Nations Unies, et je pense que ces organisations peuvent faire beaucoup pour ma communauté. Cependant, les peuples qui vivent dans les collines ne peuvent pas avoir accès à ces organisations. Ils sont très nombreux à ne même pas connaître leurs droits en vertu de la Constitution de l'Inde et il est important de le leur enseigner. Désormais, je suis en contact avec le bureau de l'OIT à Delhi. Je m'y rendrai pour discuter avec le personnel de la meilleure manière de coopérer à l'avenir. J'espère que les membres du personnel de ce bureau pourront soutenir mon projet visant à mieux sensibiliser au droit à l'éducation parmi les membres de ma communauté.
YH: Les droits ne suffisent pas. Un droit ne se mange pas. Nos organisations sont faibles et il est très difficile de trouver des fonds et de former du personnel. Si nous disposions de davantage de compétences et de davantage de personnel, nous serions plus forts et nous pourrions travailler plus indépendamment.
7. Que ferez-vous lorsque vous retournerez dans
votre pays?
YH: D'abord, j'informerai
l'organisation à laquelle j'appartiens
et les autres Ainus intéressés de ce que
j'ai appris ici. Ensuite, je veux discuter avec
le bureau de l'OIT à Tokyo et
également, si possible, avec les syndicats et
d'autres organisations non gouvernementales
japonaises pour mobiliser un soutien pour mon
projet.
TK: Je me rendrai d'abord au bureau de l'OIT à Delhi. A partir de là, je déciderai de la manière de poursuivre. Chez moi, on m'attend pour apprendre ce qui s'est passé au cours de mon voyage et pour partager les connaissances que j'ai acquises ici à Genève. Je projette d'organiser un atelier et de préparer un bulletin afin de diffuser cette information.
Pour de plus amples renseignements sur la convention no 169 et sur le PRO 169, s'adresser à: www.ilo.org/indigenous.
Note 1 - Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Danemark, Dominique, Equateur, Fidji, Guatemala, Honduras, Mexique, Norvège, Paraguay, Pays-Bas, Pérou et Venezuela.