"L'avenir des femmes": les organisations d'employeurs se préoccupent de l'égalité entre hommes et femmes

Partout dans le monde - de la Norvège à la Nouvelle-Zélande, de la Croatie au Kenya, de la Jamaïque à la Malaisie et aux Philippines -, on prend conscience aujourd'hui que l'égalité entre hommes et femmes dans l'éducation, combinée à un meilleur équilibre entre travail et vie familiale, est un élément essentiel de l'égalité dans l'emploi. S'il est vrai que la situation des femmes diffère considérablement d'un pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que, comme le montre une nouvelle étude du BIT sur les organisations d'employeurs et l'égalité entre hommes et femmes, les efforts devraient être intensifiés dans la quasi-totalité des pays pour traduire cette notion dans la pratique.

Article | 20 juillet 2005

OSLO - Le 7 mars 2002, le gouvernement norvégien a fait part de sa décision d'imposer à partir de 2005 un quota de 40 pour cent de femmes dans le conseil d'administration de toutes les entreprises du pays. Cette décision sera appliquée si le pourcentage des femmes exerçant des fonctions de direction et siégeant dans les conseils d'administration n'augmente pas d'ici cette date. En 2002, les femmes représentaient 8,6 pour cent de l'effectif des conseils d'administration.

En réponse à la décision du gouvernement, la Confédération norvégienne du commerce et de l'industrie (NHO) a mené à l'automne 2002 une large enquête sur les entreprises du pays, d'où il ressort que 84 pour cent d'entre elles envisagent favorablement un accroissement de la place des femmes dans les postes de direction et les conseils d'administration. Cependant, les entreprises constatent en même temps une pénurie de candidatures féminines.

Le programme intitulé L'avenir des femmes, lancé par la NHO en mars 2003, visait à aider les membres de la confédération à accroître d'ici 2005 le nombre des femmes exerçant des fonctions de direction et siégeant dans les conseils d'administration. Ce programme avait pour but d'élargir le recrutement et la compétitivité des entreprises en diversifiant leurs équipes de direction.

Par cette action, la NHO souhaitait aider aussi bien les entreprises que les femmes compétentes. Le but n'était pas de nommer à tout prix des femmes dans les conseils d'administration. Comme le dit Benja Stig Fagerland, responsable des questions d'égalité entre hommes et femmes à la NHO, "C'est de talent qu'ont besoin les entreprises de demain - les préjugés sont un luxe que nous ne pouvons nous offrir".

Le programme de la NHO, qui s'est achevé en juin 2005, appliquait la stratégie dite du pêcheur de perles. "Les entreprises s'efforçaient de découvrir les femmes ayant les qualifications voulues, indique Mme Fagerland. Nous savons que ces femmes - les perles - existent, et nous avons voulu aider les entreprises à les trouver."

L'élément clé de cette stratégie était le suivant: par une lettre d'intention, les entreprises s'engageaient à sélectionner, à former et à désigner au moins trois candidates à un poste relevant du réseau national des conseils d'administration de la confédération. Les entreprises participantes devaient accroître le pourcentage des femmes exerçant des fonctions de direction et siégeant dans leur conseil d'administration dans un délai de deux ans après la signature de l'accord.

Les femmes occupant des postes de responsabilité se heurtent à un double problème: d'une part, elles ne sont pas suffisamment présentes dans les réseaux de leurs collègues masculins; de l'autre, elles travaillent souvent dans un environnement qui est dominé par les hommes, et où elles sont passablement isolées. Pour résoudre ces problèmes, la NHO a créé des lieux de rencontre, tant matériels que virtuels.

Outre les activités relatives aux conseils, qui se déroulaient dans le cadre de quatre sessions d'une journée, le programme prévoyait des manifestations mensuelles appelées les vendredis féminins, à l'occasion desquelles les participants étaient invités à échanger des informations professionnelles durant une journée. Ces vendredis féminins étaient complétés par des séminaires semestriels. Les deux initiatives offraient aux intéressés de larges possibilités d'étoffer leurs réseaux.

Un "programme de mentorat" a été mis en place, qui visait à créer un lien entre une personne exerçant des responsabilités et une personne aspirant à en exercer, en vue d'échanger des expériences, de favoriser le développement personnel et d'apporter un appui. Dans le cadre de ce programme, les candidates à L'avenir des femmes avaient leur propre mentor durant toute une année.

"Disposer ainsi d'un partenaire sur mesure représente une chance unique", estime Jean-François Retournard, directeur du Bureau des activités pour les employeurs du BIT (ACT/EMP). "L'aide reçue permet à la fois aux candidates de faire progresser leur carrière et de développer leur aptitude aux fonctions de direction."

Les entreprises participantes, parmi lesquelles certains des plus grands groupes norvégiens, mais aussi de nombreuses petites sociétés, ont été satisfaites du programme. "L'exemple norvégien et celui des autres pays, conclut M. Retournard, montrent que les actions volontaires sont plus efficaces que les mesures imposées par les autorités nationales. Les études de cas font notamment apparaître le caractère négatif des quotas, lesquels présentent l'effet pervers d'entraîner des discriminations à l'encontre de ceux mêmes qu'ils sont censés protéger."

Des signes de progrès

Tout en constatant la persistance des inégalités, les dix études de cas (dont celle de la Norvège) présentées dans la publication d'ACT/EMP font apparaître des progrès manifestes.

La Confédération des employeurs des Philippines (ECOP) note par exemple que "la répartition des tâches ménagères chez les jeunes couples est en train d'évoluer". L'ECOP présente certaines des initiatives qu'elle a prises au sujet de l'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale dans le contexte général de ses activités relatives à la responsabilité des entreprises.

Selon l'ECOP, "les travailleurs ne peuvent faire entièrement abstraction des questions familiales durant le travail. Si donc ces questions ne sont pas prises au sérieux, elles risquent de causer des problèmes susceptibles de nuire aux performances des intéressés".

D'autres études de cas (dont celles de la Jamaïque, du Kenya et de la Malaisie) considèrent que le harcèlement sexuel est un obstacle fondamental à l'égalité dans l'emploi et la profession, surtout pour les femmes. Il ressort de ces études qu'il est de l'intérêt des entreprises de lutter contre ce phénomène. Selon la Fédération des employeurs de Malaisie, le harcèlement sexuel entraîne une diminution de l'efficacité et de la productivité des travailleurs, une augmentation des congés de maladie et de l'absentéisme et une rotation élevée des effectifs, laquelle entraîne elle-même une augmentation des coûts de requalification et une détérioration du climat de travail.

Les dix études de cas évoquent la large gamme de mesures prises en matière d'égalité entre hommes et femmes par les organisations d'employeurs de pays situés à des niveaux de développement divers. Elles font apparaître les différentes raisons qui poussent les employeurs et leurs organisations représentatives à agir et à se faire entendre sur cette question importante.

Par ailleurs, elles mettent en évidence l'acceptation croissante du principe d'égalité entre les sexes à tous les niveaux de la société. Certaines de ces études mentionnent les normes de l'OIT, notamment la convention nº 100 sur l'égalité de rémunération et la convention nº 111 concernant la discrimination (emploi et profession), qui ont été ratifiées par plus de 90 pour cent des Etats Membres de l'OIT. Ces deux instruments font partie des conventions fondamentales retenues par la Déclaration de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

La Déclaration fait obligation aux Etats Membres de l'OIT de respecter et de promouvoir ces principes et droits, notamment en ce qui concerne l'élimination de la discrimination dans l'emploi et la profession, qu'ils aient ou non ratifié les conventions correspondantes. Cette Déclaration est assortie d'une procédure de suivi, qui comprend l'envoi de rapports par les gouvernements, les employeurs et les travailleurs sur les mesures prises pour faire mieux respecter les principes énoncés dans la Déclaration.


Note 1 - Employers' Organizations taking the lead on Gender Equality, Case studies from 10 countries, Bureau des activités pour les employeurs, Bureau international du Travail, Genève, 2005.