L'AJUSTEMENT STRUCTUREL RISQUE D'HYPOTHéQUER LES TRAITEMENTS DES ENSEIGNANTS ET LES EFFECTIFS DES CLASSES, SELON LE BIT

GENEVE (Nouvelles du BIT) - Dans un rapport qu'il publie aujourd'hui, le BIT fait observer que la réduction des dépenses publiques risque d'avoir de lourdes conséquences pour l'éducation et les enseignants, en particulier dans les pays en développement à court de liquidités. D'après ce rapport qui a été préparé en vue d'une réunion d'experts de l'éducation, la compression des dépenses publiques - qui résulte souvent des politiques d'ajustement structurel - se répercute dans une très large mesure sur les dépenses consacrées à l'enseignement.

Communiqué de presse | 22 avril 1996

GENEVE (Nouvelles du BIT) - Dans un rapport Note1 qu'il publie aujourd'hui, le BIT fait observer que la réduction des dépenses publiques risque d'avoir de lourdes conséquences pour l'éducation et les enseignants, en particulier dans les pays en développement à court de liquidités. D'après ce rapport qui a été préparé en vue d'une réunion d'experts de l'éducation, la compression des dépenses publiques - qui résulte souvent des politiques d'ajustement structurel - se répercute dans une très large mesure sur les dépenses consacrées à l'enseignement.

Les auteurs constatent que pendant la période allant de 1980 à 1990, la situation s'est détériorée dans les pays pauvres en ce qui concerne les traitements des enseignants, les dépenses par élève, la taille des classes, les taux de scolarisation ainsi que la qualité et la quantité de matériels pédagogiques. D'une manière générale, les salaires réels des enseignants ont fortement régressé par rapport à ceux du secteur privé.

Là où les dépenses publiques ont augmenté en chiffres absolus, celles consacrées à l'éducation ont aussi augmenté. D'une manière générale, les revenus réels des enseignants ont progressé dans les pays de l'OCDE et les économies nouvellement industrialisées d'Asie où les dépenses consacrées à l'enseignement se sont accrues pendant la période de référence.

«Cela ne pouvait pas manquer d'avoir de graves répercussions sur l'éducation et les enseignants car, dans la plupart des pays, une grande partie des dépenses publiques sont consacrées à l'éducation et les salaires des enseignants entrent pour une large part dans le budget de l'éducation», conclut le rapport.

Bien que les politiques d'ajustement structurel préconisent un transfert des dépenses de l'enseignement supérieur vers l'enseignement primaire, l'obligation faite aux gouvernements de réduire l'ensemble de leurs dépenses s'est le plus souvent traduite par une compression pure et simple du budget de l'éducation. Qui plus est, l'aggravation de la pauvreté et les inégalités de revenus ont elles aussi eu des répercussions défavorables sur l'éducation car les catégories à faible revenu ont de plus en plus été amenées à retirer leurs enfants de l'école.

Cette corrélation entre réduction des dépenses publiques globales et réduction des dépenses consacrées à l'enseignement existe dans la quasi-totalité des pays en développement, tous continents confondus. En Amérique latine, par exemple, des pays tels que la Colombie et l'Uruguay qui ont connu une forte croissance économique, ont généralement consacré une plus large part de leur PIB aux dépenses publiques, ce qui a permis à l'un et l'autre pays de relever de 5% et 4,3% par an, respectivement, les fonds destinés à l'enseignement. Des pays tels que El Salvador, le Guyana et le Mexique, dont les économies ont progressé lentement ou sont restées stationnaires, n'ont pas augmenté leurs dépenses publiques, voire les ont diminuées; cela s'est traduit par une régression annuelle des dépenses consacrées à l'éducation, qui a représenté respectivement 7,1%, 7,6% et 2,5%.

En Afrique, dans des pays tels que le Botswana et l'Ouganda, où le pourcentage du PIB qui est dévolu aux dépenses publiques a augmenté ces dix dernières années, le budget de l'éducation a progressé de plus de 10% par an. Dans les pays tels que la Sierra Leone et le Zaïre, où les dépenses publiques sont restées stationnaires ou ont diminué, le budget de l'éducation a régressé respectivement de 12,1% et 10,6% par an. Selon les auteurs du rapport, en Afrique, la baisse rapide du PIB et la réduction des dépenses publiques qui l'accompagne «ont réduit comme une peau de chagrin les ressources publiques disponibles pour l'éducation, même dans le primaire».

Ces dernières années, la plupart des pays africains ont réduit leurs dépenses par élève à tous les niveaux de l'enseignement et plus spécialement dans l'enseignement secondaire et supérieur.

En même temps que les traitements des enseignants et des dépenses par élève diminuaient, le nombre d'élèves par classe augmentait. Désormais, il n'est pas rare que le rapport enseignant/élèves soit de un pour 45 et plus. Dans les zones urbaines de l'Afrique, ce rapport est souvent de un pour 60 ou plus, dans certaines écoles du Guatemala, il est même de un pour 100 et au Bangladesh où il n'y avait déjà qu'un enseignant pour 54 à 63 élèves, la situation continue de se détériorer.

Les auteurs du rapport affirment que dans les années 80, les taux de scolarisation ont pâti de la compression des dépenses sociales.

Si l'on considère les pays à faible revenu autres que la Chine et l'Inde, la progression annuelle de la scolarisation dans l'enseignement primaire est tombée de 5,2% pour la période 1965-1975 à 2,7% pour la période 1980-1985, qui a été marquée par la récession, l'effondrement économique de certains pays et durant laquelle les effets de l'ajustement structurel ont commencé à se faire sentir. Si l'on inclut la Chine et l'Inde, la progression de la scolarisation est restée pratiquement stationnaire puisqu'elle est passée de 3,1% au cours de la première période à 0,6% au cours de la deuxième.

La tendance est particulièrement accentuée en Afrique où l'aggravation de la pauvreté semble s'être traduite par une montée en flèche de l'abandon scolaire. Selon le rapport, «les contraintes financières ont fortement freiné la scolarisation... C'est dans les pays africains qui ont enregistré à la fois des taux de croissance du revenu par habitant négatifs et une stagnation ou une diminution des dépenses publiques en pourcentage du PNB que cet effet a été le plus marqué».

La réunion d'experts de l'éducation, qui se tiendra du 22 au 26 avril au siège du BIT à Genève, rassemblera des représentants des gouvernements, des syndicats d'enseignants et des employeurs. Ils examineront la nature et la portée des réformes de l'enseignement induites par l'ajustement structurel.

Note1

Incidence de l'ajustement structurel sur l'emploi et la formation des enseignants, ISBN 92-2-209763-7. Programme des activités sectorielles, Bureau international du Travail, Genève, 1996.