CLÔTURE DES TRAVAUX DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DU BIT

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Le Conseil d'administration du BIT, réuni à Genève du 7 au 21 novembre, a examiné un large éventail de questions touchant au monde du travail et aux programmes de l'Organisation internationale du Travail et a pris un certain nombre de décisions relatives aux droits des travailleurs et à la démocratie, à la promotion des normes internationales du travail et aux priorités pour l'action future.

Communiqué de presse | 21 novembre 1996

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Le Conseil d'administration du BIT, réuni à Genève du 7 au 21 novembre, a examiné un large éventail de questions touchant au monde du travail et aux programmes de l'Organisation internationale du Travail et a pris un certain nombre de décisions relatives aux droits des travailleurs et à la démocratie, à la promotion des normes internationales du travail et aux priorités pour l'action future.

A la demande du Groupe des travailleurs, appuyé par plusieurs gouvernements, le Conseil d'administration dans son ensemble a décidé de lancer un appel pressant au gouvernement du Nigéria, l'invitant à répondre le plus rapidement possible aux demandes réitérées qui lui ont été faites depuis novembre 1995, d'accueillir d'urgence une mission du BIT, afin que celle-ci puisse examiner les questions en suspens dans le cadre de la plainte et notamment rendre visite sans entraves aux syndicalites retenus en détention, et qu'elle puisse faire rapport dans les meilleurs délais au Comité de la liberté syndicale.

Le gouvernement du Nigéria avait été critiqué avec force par la Conférence internationale du Travail, en juin 1996, pour de très graves violations des droits de l'homme à l'encontre de syndicalistes ainsi que des principes fondamentaux contenus dans la Convention N 87 (1948) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

Questions juridiques et normes internationales du travail

La Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail a discuté du renforcement du système de contrôle de l'OIT, notamment en ce qui concerne le travail forcé et la discrimination, et a poursuivi le débat sur la révision des normes.

S'agissant de la première question, le Conseil a largement soutenu l'idée que le BIT a pour mandat de promouvoir de tels droits fondamentaux en faveur de tous les Membres, parallèlement à son obligation de veiller à l'application des conventions pertinentes dans les pays qui les ont ratifiées. Aucun consensus n'a toutefois pu être dégagé sur la base légale et les procédures spécifiques devant servir à transcrire cette idée dans la réalité. Poursuivant le débat, le Groupe de travail du Conseil d'administration sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international est convenu que le Conseil d'administration examinera diverses solutions possibles à sa prochaine session, en mars prochain, sur la base de propositions faites respectivement par les employeurs, les travailleurs et les gouvernements.

Le Groupe de travail sur la politique de révision des normes a examiné la révision éventuelle de 28 Conventions sur la politique de l'emploi, les conditions de travail, la sécurité sociale, l'emploi des femmes et des adolescents, les travailleurs migrants et les travailleurs des territoires non métropolitains. Il a également discuté de l'abrogation éventuelle de normes périmées.

Le Conseil d'administration a inscrit la question d'un amendement à la Constitution de l'OIT à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 1997. S'il était adopté, cet amendement permettrait à la Conférence d'abroger, à une majorité des deux tiers des voix des délégués, toute Convention devenue sans objet ou qui ne contribue plus utilement à la réalisation des objectifs de l'Organisation.

Liberté syndicale

S'étant réuni à l'occasion de la session du Conseil d'administration, le Comité sur la liberté syndicale a examiné 22 cas au total; il est arrivé à des conclusions définitives dans 17 cas et à des conclusions intérimaires dans les cinq autres.

Le Comité s'est notamment penché sur la plainte contre le gouvernement de l' Indonésie présentée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT) et le syndicat indonésien Serikat Buruh Sejahtersa (SBSI) alléguant: déni de reconnaissance d'un syndicat, ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales, harcèlement et détention de syndicalistes.

Rappelant son examen antérieur du cas, le Comité a souligné l'extrême gravité des allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs; il a déploré que pratiquement aucune mesure corrective ne semble avoir été prise par les autorités indonésiennes et que, au contraire, la gravité des nouvelles allégations conduit à penser que la situation générale des travailleurs de l'Indonésie n'a pas évolué et se caractérise toujours par des atteintes de plus en plus graves aux droits fondamentaux de l'homme et aux droits syndicaux et par des violations des principes de la liberté syndicale dans la loi comme dans la pratique.

Le Comité a insisté sur le fait qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et que le système démocratique est fondamental pour le libre exercice des droits syndicaux.

Le Comité a examiné une plainte récente relative à l'arrestation, le 30 juillet 1996, de M. Muchtar Pakpahan, secrétaire général du SBSI, et d'autres dirigeants syndicaux. Selon les allégations, un total de 30 militants du SBSI auraient été placés en détention dans différentes parties de l'Indonésie.

Estimant qu'il existe une forte présomption, non infirmée par le gouvernement, que les accusations portées et les mesures prises contre M. Pakpahan, sous le prétexte d'activités subversives alléguées, sont liées à ses activités syndicales, le Comité (a) pri(é) instamment le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour la libération de M. Pakpahan et de fournir des informations sur toutes les mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau et les militants du SBSI à la suite des événements survenus en juillet 1996, notamment les arrestations, interrogatoires et accusations dont ces personnes ont fait l'objet.

Le Comité a également examiné une plainte, présentée par la CISL, contre le gouvernement de Cuba alléguant: lésions corporelles, détentions, actes d'intimidation, harcèlement et refus de reconnaissance de la personnalité juridique de la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC).

Notant que les personnes responsables de mesures antisyndicales doivent être sanctionnées, le Comité a déclaré que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. Il a demandé au gouvernement de Cuba de garantir dans la législation et dans la pratique le droit pour tous les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer, sans autorisation préalable, des organisations de leur choix, y compris en dehors de toute structure syndicale existante s'ils le désirent (...) ainsi que d'élire librement leurs représentants.

Au sujet d'une plainte contre le gouvernement du Maroc, le Comité a noté avec une profonde préoccupation que les allégations de ces cas se réfèrent à de nombreuses infractions à la liberté syndicale, dont des actes d'intimidation antisyndicale, l'intervention violente de la police, l'arrestation de grévistes et des sévices corporels. Ces allégations concernent notamment l'arrestation et le mauvais traitement de M. Moukhbir Mohammed, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT) à l'occasion d'une grève de 48 heures le 26 juillet 1994 à Sidi Slimane et l'arrestation de 11 autres travailleurs.

Notant que le gouvernement n'a pas présenté ses observations sur plusieurs cas examinés au cours des dernières années, le Comité prie le Directeur général de prendre toute mesure appropriée pour rétablir un climat de coopération avec le gouvernement, y compris si nécessaire par une mission de contacts directs.

Dans plusieurs cas, des recommandations antérieures du Comité ont été suivies. Le Comité note avec intérêt qu'un règlement est intervenu entre le gouvernement du Danemark et les associations professionnelles du pays au sujet de la législation prévoyant un salaire plafond pour les chômeurs de la fonction publique. En Malaisie et en Roumanie les licenciements de syndicalistes ont été annulés; en Inde les procédures engagées contre des syndicalistes ont été suspendues et, au Pakistan, le Tribunal d'appel du travail a formellement autorisé l'enregistrement d'un syndicat.

Programme et budget

Les programmes internationaux visant à promouvoir les droits des travailleurs et la démocratie, la création d'emplois et la lutte contre la pauvreté, des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes, l'élimination du travail des enfants, la promotion des petites et moyennes entreprises et l'amélioration de la sécurité et de la santé au travail figurent parmi les objectifs prioritaires de l'Organisation en 1998-99.

Dans le cadre de sa contribution au suivi de la 4e Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, septembre 1995), l'OIT a lancé un programme international pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes. Ce programme s'attaque notamment aux problèmes de la féminisation de la pauvreté et de l'exclusion. Ainsi, tous les programmes d'action de l'OIT comporteront des composantes qui s'adressent spécifiquement aux femmes et des ressources accrues seront attribuées aux efforts visant à promouvoir l'égalité.

L'élimination du travail des enfants demeurera l'un des objectifs prioritaires à l'avenir. Les efforts porteront notamment sur l'élaboration de nouveaux instruments juridiques internationaux s'attachant à l'élimination des formes les plus intolérables du travail des enfants, en particulier de celles qui présentent des risques et dangers graves.

Le Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT, qui est désormais appliqué dans quelque 25 pays, continuera à avoir pour but de renforcer la capacité nationale de traiter le problème et de promouvoir un mouvement mondial contre le travail des enfants.

Enfin, des ressources plus importantes du budget ordinaire seront consacrées aux travaux de recherche sur les implications économiques des politiques d'élimination du travail des enfants.

Le montant total du budget envisagé pour 1998-99 est de 557 millions de dollars, ce qui représente une diminution de 3,75 pour cent par rapport au budget pour 1996-97. Ce projet de budget sera examiné par le Conseil d'administration en mars 1997.

Le Conseil d'administration du BIT, qui se compose de 28 membres gouvernementaux, de 14 membres employeurs et de 14 membres travailleurs, se réunit trois fois par an. Le Conseil d'administration est présidé par M. Arrate McNiven (ministre du Travail et des Affaires sociales du Chili; M. William Brett (Royaume-Uni) est le Vice-président travailleur, et M. Jean-Jacques Oechslin (France), Vice-président employeur.