Infrastructures et productivité en Jordanie

Grâce à une approche à haute intensité de main-d’œuvre, l’OIT soutient les agriculteurs jordaniens dans un pays aux ressources hydrauliques limitées

En Jordanie, un projet de l’OIT apporte son appui à des centaines d’agriculteurs locaux en construisant des citernes d’eau de pluie pour améliorer les infrastructures et la productivité agricole.

Reportage | 4 juin 2019


AL-AYES, Jordanie (OIT Infos) – Kifah Khreisat, un cultivateur de la ville méridionale d’Al-Ayes, dans le gouvernorat de Tafilah, cultive ses propres fruits et légumes pour nourrir sa femme et ses cinq enfants.

Il cultive un peu de tout: des concombres, tomates et poivrons aux oliviers, figuiers et abricotiers. Il raconte qu’il a appris les ficelles du métier dès l’enfance et qu’il les enseigne aujourd’hui à ses enfants.

«Le métier de cultivateur, c’est quelque chose qu’on m’a transmis; à mon tour de le transmettre à mes enfants… Cela exige beaucoup de patience, des années de dur labeur et de soins pour votre ferme», explique M. Khreisat.

Pourtant, il est difficile de trouver des solutions pour irriguer la végétation dans un pays aux ressources en eau limitées comme la Jordanie, une difficulté avec laquelle M. Khreisat se débat depuis de nombreuses années.

«Toute la Jordanie souffre de manque d’eau et les agriculteurs en souffrent aussi», a confié M. Khreisat à l’OIT. «Ici, dans les régions montagneuses, nous dépendons des pluies. Nous n’avons que l’eau de pluie».

Il explique qu’il faut beaucoup de capital pour construire une citerne d’eau, ce qu’un modeste fermier comme lui ne possède pas. A la place, il a essayé de construire un réservoir de fortune pour collecter les eaux de pluie pendant la saison hivernale afin de les utiliser pendant les mois d’été, torrides et secs.

«J’ai creusé un trou et l’ai recouvert de plastique (pour recueillir l’eau de pluie). J’y ai travaillé pendant un an. Mais tout ne s’est pas bien passé: l’eau s’évaporait parce que c’était un trou à ciel ouvert, les oiseaux venaient s’y abreuver et tombaient à l’intérieur. Nous avons eu des rats. Les insectes tombaient dans l’eau. Ce qui bouchait les conduites d’irrigation».

Cela veut dire que M. Khreisat a dû recourir à sa municipalité locale pour l’approvisionner en eau à un coût élevé; il était dès lors encore plus difficile de gagner sa vie grâce à ses cultures.

Finalement, en 2017, M. Khreisat a pris part à une initiative de l’OIT de développement à haute intensité de main-d’œuvre qui l’a soutenu pour bâtir une citerne de collecte des eaux de pluie afin de l’aider à satisfaire les besoins de sa ferme. «Ils m’ont aidé à construire un réservoir d’eau fermé pour recueillir l’eau. C’était un formidable projet, j’en ai tiré un grand bénéfice».

Cette initiative relève du Programme d’investissement à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) de l’OIT, financé par un projet Norvégien, qui aide les réfugiés syriens et les travailleurs jordaniens à accéder à des emplois décents de courte durée dans le secteur agricole. En plus de créer des emplois, le projet apporte un appui direct aux agriculteurs pour accroître leur productivité d’ensemble en améliorant leurs infrastructures locales grâce à des méthodes à haute intensité d’emploi.

Si M. Khreisat déclare dépendre encore en partie de sa commune pour s’approvisionner en eau, la nouvelle citerne lui a permis d’accroître ses rendements de production et d’économiser de l’eau et de l’argent. Cela lui a aussi permis de déployer un système simple d’arrosage goutte à goutte qu’il a construit et financé lui-même.

«En Jordanie, le secteur agricole est une importante source de revenus pour différentes catégories de la société, y compris les Jordaniens vulnérables, les travailleurs migrants et les réfugiés, et c’est pourquoi nous mettons en place des projets dans le cadre du Programme d’investissement à haute intensité de main-d’œuvre qui lient la création d’emplois décents à l’amélioration des infrastructures."

Maha Kattaa, Spécialiste régionale de la résilience et de la réponse à la crise de l’OIT
«Avec l’ancien réservoir, nous devions utiliser un moteur pour pomper l’eau, nous utilisions donc plus d’eau que nous ne le faisons aujourd’hui avec le système de goutte à goutte…. En outre, le nouveau réservoir est scellé, l’eau est donc propre et ne s’évapore pas».

M. Khreisat n’est pas le seul à avoir bénéficié de l’initiative, ce fut aussi le cas des autres membres de la communauté locale et des réfugiés syriens qui étaient employés sur sa ferme pour réaliser les travaux. «Il a fallu deux mois pour construire le réservoir d’eau. Nous avons fait venir des ouvriers, des Jordaniens comme des Syriens, pour participer à la construction de la citerne. Ils ont travaillé de manière très professionnelle. Nous l’avons depuis deux ans maintenant et nous n’avons été confrontés à aucune fuite ou autre problème».

Renforcer les infrastructures, améliorer la productivité

En construisant des citernes de collecte des eaux de pluie, le projet de l’OIT a bénéficié à plus de 263 fermes entre 2016 et 2018.

Une nouvelle évaluation de l’OIT, portant sur l’impact des citernes de recueil des eaux pluviales sur les moyens d’existence des agriculteurs, a constaté que 72 pour cent des agriculteurs interrogés avaient augmenté la surface cultivée dans leur ferme après avoir construit une citerne, avec 30 pour cent d’agriculteurs affirmant avoir réduit de 40 pour cent leurs coûts d’irrigation. De plus, 69 pour cent des agriculteurs ont vu leur revenu augmenter après la construction des citernes et, au total, 65 pour cent des agriculteurs employaient des ouvriers sur leur ferme, y compris des membres de famille, ainsi que des Jordaniens, des réfugiés syriens et des travailleurs migrants.

«En Jordanie, le secteur agricole est une importante source de revenus pour différentes catégories de la société, y compris les Jordaniens vulnérables, les travailleurs migrants et les réfugiés, et c’est pourquoi nous mettons en place des projets dans le cadre du Programme d’investissement à haute intensité de main-d’œuvre qui lient la création d’emplois décents à l’amélioration des infrastructures», a expliqué Maha Kattaa, Spécialiste régionale de la résilience et de la réponse à la crise de l’OIT. «Nous avons pu voir combien le soutien aux fermiers locaux pour l’identification de méthodes d’irrigation simples mais efficaces pouvait avoir un impact positif sur leur productivité globale et leurs revenus; ainsi que sur les moyens de subsistance de ceux qui les entourent, grâce à la création d’emplois, favorisant ainsi de meilleures conditions de vie pour toutes les personnes concernées».

Le projet, «Création d’emplois pour les réfugiés syriens et les communautés d’accueil jordaniennes grâce aux travaux écologiques dans l’agriculture et la foresterie», a bénéficié à des milliers d’hommes et de femmes, jordaniens et syriens, y compris à des personnes handicapées, dans de nombreuses régions à travers la Jordanie.