L’OIT aide à ouvrir les portes du monde du travail brésilien aux LGTBI

Un projet pilote phare inspire une stratégie plus vaste de promotion du travail décent et productif pour les groupes vulnérables.

Reportage | 16 août 2018
SÃO PAULO (OIT Infos) – «Les portes et les fenêtres s’ouvrent et se ferment, les rideaux ondulent au vent...» – Daniela Delli déclame les vers de Martha Medeiros, célèbre femme de lettres brésilienne, à l’occasion de la cérémonie de de remise des diplômes qui sanctionne la seconde session d’un cours de formation dispensé par l’OIT à l’intention des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGTBI) dans la ville la plus peuplée du Brésil.

«Ce poème traite de l’histoire de vie de nombreuses personnes transgenres et LGTBI qui sont victimes de transphobie et de discrimination de la part de la société et de leurs propres familles», explique Daniela. Elle-même a été chassée de chez elle à l’âge de 17 ans à cause de son identité de genre. Aujourd’hui, elle travaille en tant que coordinatrice à Casa 1, un lieu d’accueil et de culture destiné aux LGTBI à São Paulo.

Daniela Delli est l’une des 16 femmes travesties et transgenres ayant participé à la seconde session du cours d’aide-cuisinière organisé en avril 2018 dans le cadre du projet «Employabilité des personnes transgenres – Cuisine & parole». Cette initiative commune du ministère public du Travail brésilien et de l’OIT encourage l’intégration des personnes LGTBI sur le marché du travail officiel.

La formation propose des cours dans neuf matières, où sont transmises les compétences de base nécessaires pour travailler dans une cuisine de restauration: techniques d’assaisonnement des salades; préparation des poissons, viandes et légumes; gestion des déchets; et stockage des aliments. Un atelier de poésie a été organisé en présence de l’actrice et journaliste Elisa Lucinda et de sa compagne, l’actrice et réalisatrice Geovana Pires, en vue de développer les compétences en communication interpersonnelle et la confiance en soi.

«La poésie a beaucoup aidé les personnes ayant souvent des difficultés à prendre la parole, à communiquer et à s’exprimer», explique Thais Faria, la coordinatrice du projet de l’OIT.

Conformément aux principes du Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par les Nations Unies, aucun travailleur ne devrait être laissé de côté.»

Martin Hahn, directeur du bureau de pays de l’OIT pour le Brésil
Cette initiative conjointe est coordonnée par Paola Carosella, célèbre femme chef argentine bien connue au Brésil, qui s’est vu confier la charge d’élaborer le programme de formation. Avec son compagnon, l’entrepreneur Benny Goldenberg, elle a aussi mis en place un réseau de contacts avec des entreprises en vue d’offrir des emplois aux participants aux cours et de lancer des campagnes de lutte contre le préjudice transgenre.

Yasmin Bispo a participé en 2017 à la première session du cours d’aide-cuisinière. Cette année, elle a de nouveau intégré l’équipe «Cuisine & parole» pour sélectionner et soutenir les étudiants de la seconde session. «Il fallait qu’il y ait une personne transgenre dans l’équipe pour faciliter le dialogue avec les participantes. Cette expérience a été très enrichissante pour moi», déclare-t-elle.

«Le cours m’a offert de nouvelles perspectives pour ma vie personnelle; il m’a aidée à croire en mes capacités, à avoir une meilleure image de moi, à retrouver de la dignité; en effet, la société nous confisque notre droit d’être nous-mêmes et préfère oublier que nous existons.»

Vanessa Holanda était l’une de collègues de Yasmin lors de la première session du cours de formation: «Avant, je n’avais guère de chance de trouver un emploi formel.» Après avoir suivi avec succès la formation de l’OIT, elle a été embauchée par Sodexo, une société internationale qui gère également des restaurants au Brésil. «La réaction de la société a été extrêmement positive et, aujourd’hui, je me sens la bienvenue dans mon nouvel environnement de travail.»

La présidente de Sodexo Brésil, Andreia Dutra, considère l’embauche de Vanessa Holanda comme un indicateur de changement vers davantage de diversité dans la culture d’entreprise: «Je crois qu’avec cette nouvelle session du cours, nous allons pouvoir encourager d’autres entreprises à adhérer au projet et à s’unir pour promouvoir l’employabilité d’une partie de la population très douée et encore largement exclue.»

Elargir l’impact

Le projet «Cuisine & parole» a dispensé des cours au premier groupe d’étudiants à la fin de 2017 et permis à environ 70 pour cent des participants de trouver un emploi dans le cadre d’un réseau de sociétés partenaires.

«Ce mois d’août, les troisième et quatrième cours commenceront simultanément à São Paulo, ce qui signifie que, d’ici septembre, nous devrions avoir environ 40 nouveaux diplômés», explique Thais Faria. «Notre partenariat avec le Forum national des entreprises et l’association Droits des LGTBI englobe désormais plus de 40 multinationales et entreprises nationales.»

Pour la femme chef Paola Carosella, le projet «Cuisine & parole» peut encore largement se développer, et il œuvre au service de différents groupes de personnes, de différentes manières, afin de les aider à accéder au marché du travail. «Ce projet doit se développer et se poursuivre», dit-elle.

«Cuisine & parole» fait partie d’un projet national de l’emploi des LGTBI, et sa portée géographique devrait s’élargir à d’autres Etats du Brésil: Bahia, Rio de Janeiro, Goiás et Pará. Il pourrait aussi s’étendre à d’autres groupes cibles, comme les jeunes Noirs défavorisés.

L’initiative peut donc s’inscrire dans une stratégie plus générale visant à promouvoir les possibilités d’accès à des emplois décents et productifs pour les groupes vulnérables.

«Malgré les progrès accomplis, il reste encore beaucoup à faire pour que les lieux de travail soient davantage ouverts aux personnes LGTBI et à leurs familles. Conformément aux principes du Programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par les Nations Unies, aucun travailleur ne devrait être laissé de côté», conclut Martin Hahn, directeur du bureau de pays de l’OIT pour le Brésil.