L’eau et l’emploi

Des projets d’irrigation pour alléger la pression qu’exerce la crise des réfugiés syriens en Jordanie

Une initiative à haute intensité d’emploi de l’OIT visant à développer des systèmes de captage d’eau et d’irrigation goutte-à-goutte joue un rôle déterminant dans la création d’emplois décents dans le Nord de la Jordanie.

Reportage | 24 mars 2016
Le fermier Younes Shdeifat (à droite) auprès d’un récupérateur d’eau récemment installé sur sa ferme, avec l’appui de l’OIT.© ILO/Khalil Al Jermi
Jordanie (OIT Info) – En Jordanie, l’un des pays les plus pauvres en eau de toute la planète, il peut être difficile de maintenir une irrigation suffisante des cultures. C’est sans doute un défi pour Younes Shdeifat, un agriculteur du gouvernorat défavorisé et dépendant de l’agriculture de Mafraq, dans le Nord du pays.

Mais grâce à une initiative de développement à haute intensité de main-d’œuvre de l’OIT qui l’a aidé à construire un système simple mais efficace de captage des eaux de pluie, il devrait bientôt être capable de faire pousser des amandiers sur une parcelle de taille modeste, laissée en jachère pendant des années en raison de la rareté de l’eau dans la région, classée comme aride ou semi-aride.

M. Shdeifat dit qu’il n’aurait jamais pu commencer à cultiver cette terre sans le soutien du projet de l’OIT, un programme à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) qui s’efforce d’améliorer les infrastructures locales, en particulier pour les agriculteurs les plus faibles et les plus vulnérables.

«J’essayais de trouver quelqu’un pour m’aider à améliorer l’infrastructure de ma ferme depuis très longtemps», a déclaré m. Shdeifat. «Je ne peux pas planter d’arbres sans source d’eau. Au lieu de gaspiller l’eau de pluie chaque année, je veux l’utiliser pour la ferme. Le meilleur moyen pour le faire est d’utiliser les techniques traditionnelles de collecte de l’eau comme les récupérateurs d’eau».

Dans le cadre de l’initiative HIMO, qui est mise en œuvre avec le ministère de l’Agriculture et plusieurs partenaires locaux, M. Shdeifat a aussi aménagé des terrasses autour de sa ferme pour limiter l’érosion du sol.

Créer des emplois locaux
M. Shdeifat n’est pas le seul à bénéficier de ce projet. La communauté locale accueille un grand nombre de réfugiés fuyant la crise dans la Syrie voisine, ce qui pèse sur le marché du travail et les services publics locaux. Des travailleurs ont été recrutés sur place pour construire le récupérateur d’eau et les terrasses, ce qui a permis de créer des emplois et donc de contribuer à alléger la pression que provoque la crise des réfugiés sur la communauté d’accueil locale.

«Les agriculteurs choisis pour le programme possèdent de petites parcelles de terre qui ont besoin de captages d’eau pour les aider à stocker les eaux de pluie pour la saison chaude», a expliqué Awni Shdeifat, chef de la direction de l’agriculture de Mafraq. «Cela va aider les agriculteurs à optimiser leurs récoltes destinées à la vente et donc accroître leur revenu. Mais cela permet aussi de générer des emplois immédiats pour la population locale.»

Ces efforts relèvent d’une vaste réponse de l’OIT à la crise des réfugiés syriens dans le Nord de la Jordanie. L’OIT a choisi de travailler avec les agriculteurs sur des récupérateurs d’eau en se basant sur le constat effectué pour la stratégie de développement économique local pour Mafraq, élaborée avec l’OIT et la commission du développement économique local de Mafraq, qui regroupe des fonctionnaires gouvernementaux, des représentants des employeurs et des travailleurs, ainsi que des universitaires et des membres de la société civile. La stratégie a identifié l’agriculture comme un moyen efficace de génération de revenus nécessitant des investissements supplémentaires.

«Nous avons constaté que si la région dépend beaucoup de l’agriculture, elle souffre d’une aggravation du chômage et de la pauvreté, pour partie du fait d’investissements insuffisants. C’est pour cela que nous investissons dans ce secteur vital», a déclaré Maha Kattaa qui cordonne la réponse de l’OIT à la crise des réfugiés syriens en Jordanie.

Stimuler la production agricole
L’OIT et ses partenaires se focalisent aussi sur la maximisation de la production agricole par l’utilisation de serres et en dispensant une formation technique aux méthodes de gestion des serres, y compris l’utilisation de l’irrigation goutte-à-goutte.

«L’afflux de réfugiés s’est traduit par un surcroît de consommation d’eau, il nous a donc fallu trouver des méthodes pour rationaliser l’usage de l’eau», a précisé Saif Alqrem, ingénieur de la Division du développement agricole de l’Est de Mafraq qui travaille en étroite collaboration avec l’OIT pour fournir des possibilités d’emploi et de formation dans l’agriculture sous serre. «Nous avons choisi de mettre l’accent sur les serres parce qu’elles consomment moins d’eau que la production en plein champ. Nous avons opté pour l’irrigation goutte-à-goutte par rapport à d’autres formes d’irrigation parce que c’est aussi une façon d’économiser de l’eau et de l’énergie».

Les produits qui en résultent seront aussi transformés et commercialisés localement, pour contribuer à générer un revenu pour les familles qui travaillent dans les serres.

L’OIT espère étendre ces projets pilotes à d’autres régions qui ont été très affectées par l’afflux de réfugiés.

«Ces initiatives ont plusieurs résultats. L’un des plus importants est la création d’emplois, mais le renforcement de la cohésion sociale dans des régions qui ont supporté le poids de la crise des réfugiés syriens l’est tout autant», a précisé Mme Kattaa. «Les partenaires locaux reconnaissent ces résultats et sont désireux d’intensifier les efforts en cours».

L’OIT passe aussi en revue les principaux secteurs économiques afin de trouver des moyens pratiques pour intégrer les réfugiés syriens sur le marché du travail, de façon à combler les pénuries de main-d’œuvre, à profiter aux communautés locales qui accueillent les réfugiés et à contribuer à la productivité et à l’ensemble de l’économie du pays.