Journée internationale des migrants

Comment les Kiribati gèrent les effets des déplacements liés au changement climatique par le biais de l’émigration de travailleurs

L’OIT estime qu’il y a aujourd’hui plus de 150 millions de travailleurs migrants dans le monde. Le changement climatique pourrait accroître ce nombre au cours des prochaines années, accentuant la nécessité d’améliorer la gestion des migrations comme en témoigne les Kiribati, petit Etat insulaire du Pacifique.

Reportage | 18 décembre 2015
TARAWA-SUD, Kiribati (OIT Info) – «Aujourd’hui, la maison de ma famille va être inondée», déclare Newton Ioane, après avoir entendu un bulletin d’alerte à la marée sur la radio locale.

Cet étudiant gilbertin de 22 ans est habitué à voir la maison familiale balayée par les vagues et il sait qu’aujourd’hui sa famille va chercher refuge chez des parents avant de revenir réparer les dégâts dans quelques jours.

Les Etats insulaires de basse altitude du Pacifique, comme la République des Kiribati, sont les plus vulnérables face au changement climatique et à son impact sur l’environnement. Sur l’atoll de Tarawa-Sud – la capitale des Kiribati qui s’étend sur une mince bande de terre où résident plus de 60 000 personnes, soit la moitié de la population totale de l’archipel – la marée haute submerge quotidiennement la route étroite qui relie les îles.

Pendant les grandes marées et les tempêtes, ces mêmes vagues viennent se briser sur les digues, inonder les habitations et contaminer la nappe phréatique. En avril dernier, l’eau a envahi la cour de la maternité du seul hôpital de l’île, laissant ses occupants dans l’eau jusqu’aux genoux.

«On nous dit que les Kiribati vont bientôt cesser d’exister», explique Newton avec un rire nerveux, ajoutant: «Cela me rend triste… les autres pays ne nous écoutent pas. Et si rien ne change, cela va être le chaos ici.»

Se fixer un cap

Ce ne sont pas seulement des facteurs environnementaux mais aussi le manque de perspectives d’emploi sur les îles qui rendent la vie difficile pour les gens comme Newton.

Il est vital que les jeunes Gilbertins aient des débouchés, que ce soit ici dans le pays, ou en s’expatriant.»

Antoine Barnaart, Directeur de l’Institut de technologie des Kiribati (KIT)
«En raison de l’augmentation de la population, les possibilités d’emploi pour les jeunes des Kiribati sont très limitées», explique Antoine Barnaart, le Directeur de l’Institut de technologie des Kiribati (KIT). «Il est vital que les jeunes Gilbertins aient des débouchés, que ce soit ici dans le pays, ou en s’expatriant.»

Un projet mené aux Kiribati reconnaît l’importance des migrations de main-d’œuvre pour offrir des emplois décents à la main-d’œuvre gilbertine.

Le Projet sur le changement climatique dans le Pacifique et les migrations, financé par l’UE, est mis en œuvre par l’OIT, avec le concours de la Commission économique et sociale de l’ONU pour l’Asie et le Pacifique et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il a soutenu le ministère du Travail et du Développement des ressources humaines des Kiribati pour élaborer une politique nationale sur les migrations de main-d’œuvre, en rassemblant les agences gouvernementales, les organismes de formation, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile.

«C’est important d’avoir une vision, un cadre pour agir», a déclaré M. Barnaart au sujet de cette politique, «c’est un cap vers lequel doivent converger la formation que nous dispensons tout comme les perspectives d’emploi à l’étranger et l’action du gouvernement pour la promotion de l’émigration pour raisons professionnelles.»

C’est particulièrement crucial compte tenu de l’impact probable du changement climatique sur les déplacements forcés.

«Nous reconnaissons le rôle majeur des migrations internationales de main-d’œuvre pour lutter contre la pénurie d’emplois sur nos îles et pour favoriser le développement social et économique», note le Président des Kiribati, Anote Tong. «C’est aussi un élément déterminant du concept de Migration dans la dignité qui met l’accent sur la formation aux Kiribati pour permettre l’émigration d’une main-d’œuvre qualifiée en réponse aux menaces que fait peser le changement climatique sur les moyens de subsistance locaux.»

Le gouvernement du pays l’ayant adopté en octobre 2015, les ministres et les partenaires sociaux se mobilisent actuellement pour commencer de l’appliquer.

Protéger les travailleurs à l’étranger

La protection des travailleurs gilbertins à l’étranger est un pilier essentiel de la politique de migration économique.

La politique crée donc des mesures qui ne sont pas seulement destinées à promouvoir de nouvelles opportunités de migration, à renforcer les bénéfices des migrations pour le développement à long terme et à améliorer la coordination, mais aussi à protéger les personnes qui s’expatrient pour travailler. L’OIT a soutenu les Kiribati pour renforcer leurs capacités à fournir des services d’appui, notamment la formation pour la recherche et la promotion de l’emploi à l’étranger, ainsi que la formation des formateurs en matière de services d’orientation professionnelle aux travailleurs migrants.

Joyce et Newton
C’est une bonne nouvelle pour les jeunes comme Joyce Takautu, 21 ans, qui étudie la mécanique automobile au KIT. Elle est l’une de ces étudiants, de plus en plus nombreux, qui pourrait bénéficier des offres d’expatriation pour aider sa famille si elle n’arrive pas à trouver d’emploi sur le marché du travail limité des Kiribati. Joyce a déjà une sœur qui vit à Brisbane et travaille comme infirmière.

«Ma sœur mène une vie agréable en Australie et elle envoie de l’argent à notre famille», explique l’étudiante.

Comme de nombreux jeunes gens, Joyce et Newton sont confrontés à un avenir incertain dans leur pays; la gestion des migrations de main-d’œuvre n’a jamais été aussi importante dans ce pays insulaire isolé.