Handicap et technologies

Internet accessible à tous: bon pour la société, bon pour les affaires

Mettre Internet à la portée des personnes porteuses de handicap est un devoir. Pour une entreprise, cela peut aussi générer plus de chiffre d’affaires et protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires.

Reportage | 11 mars 2013
GENEVE (OIT Info) – Pour la plupart d’entre nous, naviguer sur le web est presque devenu une seconde nature. Mais pour des millions de personnes handicapées, l’Internet demeure un territoire inhospitalier.

Cela ne devrait pas être le cas.

De grandes avancées ont eu lieu en matière de technologie qui permettent de donner accès au web à chacun. Beaucoup de grandes entreprises qui ont adapté leur site web affirment que l’effort en valait la peine en termes d’image, d’augmentation du trafic et, souvent, de profits supplémentaires.

Un site web accessible est souvent la meilleure façon de faire des affaires avec les personnes handicapées – par exemple celles qui ont du mal à se rendre dans un vrai magasin ou ne peuvent pas lire une documentation imprimée.

C’est un énorme marché potentiel, si l’on considère qu’environ un milliard de personnes dans le monde vivent avec un handicap.

Les réussites sont nombreuses.

Tesco, par exemple, a mis en place une version totalement accessible de son supermarché en ligne. Le développement du site a coûté 35 000 livres (52 000 dollars); il génère environ 1,6 million de livres de chiffre d’affaires annuel, selon une étude de cas citée par W3C, l’Initiative pour l’accessibilité au web du Consortium du world wide web.

Une autre société britannique, le groupe Legal & General, déclare qu’après avoir procédé à des modifications d’accessibilité en 2005, son site web a reçu près du double de visiteurs à la recherche de notations ou de produits financiers. Cette évolution a aussi réduit les coûts de maintenance de deux tiers, selon l’entreprise.

Parmi les technologies qui rendent le web plus accessible, on relève:
  • La synthèse vocale qui permet aux malentendants de lire des contenus audio grâce à leur ordinateur;
  • La commande vocale comme alternative à la souris pour les personnes à mobilité réduite;
  • Des logiciels de lecteur d’écran et de conversion de texte en braille qui permettent aux personnes malvoyantes d’utiliser des ordinateurs.
«L’accès aux technologies et aux télécommunications est vital pour notre réussite en tant que société et en tant que pays», déclare Jennah Bedrosian, de l’Association américaine des personnes handicapées (AAPD en anglais).


Un long chemin à parcourir

Malgré les progrès récents, il reste beaucoup de chemin à parcourir avant qu’Internet ne soit vraiment accessible à tous.

Selon Nigel Lewis, PDG de AbilityNet – une association basée au Royaume-Uni qui aide les personnes handicapées à utiliser l’informatique et l’internet – «à part quelques rares exemples positifs, beaucoup de systèmes et de contenus numériques restent inaccessibles à la majorité des personnes handicapées et des personnes âgées».

Si une informatique et des technologies de l’information et de la communication accessibles sont essentielles pour que les personnes souffrant de handicap puissent utiliser des ordinateurs, elles sont aussi bénéfiques pour les autres.

Avec le vieillissement de la population, par exemple, de plus en plus de personnes auront besoin de polices en gros caractères sur leurs ordinateurs portables, leurs tablettes ou leurs smartphones.

L’accessibilité recoupe souvent des fonctions utilisées par le grand public. La loupe par exemple est une fonction particulièrement utile pour une personne malvoyante mais elle aide aussi ceux qui travaillent avec un terminal portable comme les techniciens de maintenance aérienne.

Une étude menée par Microsoft Research en 2003 a montré que 57 pour cent des usagers d’ordinateur américains appartenant à la tranche d’âge 18-64 ans, soit plus de 74 millions de personnes, pourraient tirer profit d’une technologie accessible.

«Disposer de sites web accessibles permet de mettre les personnes handicapées sur un pied d’égalité en ce qui concerne l’accès à l’information, la recherche d’emploi, l’interaction sociale et l’accès aux sites marchands – pour ne citer que quelques grands domaines d’activité en ligne», explique Debra Perry, spécialiste principal de l’intégration du handicap à l’Organisation internationale du Travail (OIT). «Grâce à des sites web accessibles, les sociétés démontrent leur engagement en faveur de l’égalité et leur compréhension de la cause de l’accessibilité dans tous les domaines.»

Le Réseau mondial sur l’entreprise et le handicap de l’OIT a récemment coparrainé une conférence en ligne sur ce thème, en collaboration avec le Pacte mondial des Nations Unies et l’Initiative mondiale TIC pour tous (G3ict).

«Les entreprises peuvent élargir leurs horizons et réaliser de solides économies en transférant des contenus et services vers le web. Cependant, il est primordial qu’elles le fassent en garantissant la pleine accessibilité à l’ensemble de leurs clients – quels que soient leur âge, leurs capacités ou leur équipement préféré», déclare Rob Sinclair, chargé de l’accessibilité chez Microsoft. «En plus de prendre en compte l’impact sur leurs clients, les entreprises doivent être attentives à la multiplication des exigences législatives et réglementaires, aux besoins d’approvisionnement, qui peuvent sanctionner ou récompenser les entreprises pour leurs décisions dans ce domaine.»

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs affaires judiciaires ont visé des entreprises accusées de manquer à leur obligation de rendre leurs sites web publics accessibles aux personnes handicapées.

Pour Nicola Palmarini, Directeur Europe de l’équipe Human Centric Solutions d’IBM, l’accessibilité n’est pas seulement une question de profit ou de droit. «Le web est profondément ancré dans notre quotidien. Le rendre accessible, c’est comme de donner accès à nos vies.»

Et cela ne devrait pas être une réflexion a posteriori. «Ce n’est pas un outil que vous ajoutez, c’est quelque chose qui doit être intégré dès le tout début.»