Journée mondiale de lutte contre le Sida

«Sortir» de l’isolement, de l’ostracisme et de la discrimination dans les Caraïbes

Les difficultés économiques actuelles dans le monde ont déjà contraint quelques gouvernements à réduire leurs programmes en matière de VIH/Sida. C’est pour cela que cette année la Journée mondiale de lutte contre le Sida est consacrée à l’accès universel à la prévention du VIH/Sida, aux traitements, aux soins et au soutien, comme droit fondamental de l’homme. Pour le BIT, le lieu de travail est au centre des efforts déployés pour garantir ce droit. Reportage de BIT en ligne sur les projets d’éducation au VIH/Sida sur le lieu de travail dans les Caraïbes.

Article | 30 novembre 2009

PORT OF SPAIN, Trinité-et-Tobago (BIT en ligne) – «C’est le bon moment pour s’affirmer sans être victime de discrimination», déclare David Soomarie, âgé de 35 ans et séropositif.

David porte le même prénom que son père: «Quand quelqu’un demande à mon père qui je suis, il dit fièrement: - Oui, c’est mon fils.» Selon David, cela montre qu’à Trinité-et-Tobago la société est de mieux en mieux informée, que «le VIH n’a pas de visage particulier; ce pourrait être n’importe qui».

Pour Madhuri Supersad, spécialiste du VIH/Sida au Bureau sous-régional de l’OIT pour les Caraïbes à Port-of-Spain, «l’OIT a beaucoup œuvré dans les Caraïbes en élaborant des politiques et des programmes sur le lieu de travail pour maintenir les personnes qui vivent avec le VIH dans l’emploi et pour leur éviter d’être discriminées».

L’OIT a élaboré, à titre de cadre institutionnel contre l’ostracisme et la discrimination au travail, des projets d’éducation au travail dans cinq pays caribéens – Bélize, la Barbade, le Guyana, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago, financés par le ministère du Travail des Etats-Unis. Ces programmes associent les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs et veillent à ce que les trois partenaires prolongent leur soutien aux programmes au-delà de l’engagement de l’OIT.

Dans le cadre du suivi du programme de l’OIT, le ministère du Travail et du Développement des micro et petites entreprises de Trinité-et-Tobago a lancé le 14 avril 2008 une politique nationale sur le VIH/Sida au travail: elle constitue une «étape essentielle vers la réduction de l’ostracisme et de la discrimination liés au VIH et contribue à la création d’un environnement favorable à la prévention, aux soins et au soutien».

Pour appuyer et institutionnaliser la nouvelle politique sur le lieu de travail à Trinité-et-Tobago, plus de 100 fonctionnaires du ministère du Travail ont été formés aux questions du VIH/Sida, alors que des membres des organisations non gouvernementales (ONG), des représentants des organisations patronales et syndicales, et près de 200 travailleurs ont été spécialement formés comme éducateurs pour leurs pairs.

Les conventions collectives contiennent de plus en plus de clauses relatives au VIH/Sida, davantage d’entreprises offrent une couverture maladie à leurs employés porteurs du virus, et des conseils relatifs aux comportements sexuels responsables sont dispensés au niveau de l’entreprise. Une société a même étendu son programme interne d’éducation aux jeunes qui quittent l’école et au grand public.

«En dépit de la création d’une politique et de programmes, nous savons que changer les comportements en profondeur prend du temps; cela rend indispensables les efforts de prévention», avertit Mme Supersad.

Au Guyana, le ministère du Travail, des Services sociaux et de la Sécurité sociale a lancé une politique nationale sur le VIH/Sida au travail le 30 mars 2009, avec l’objectif «d’atténuer l’impact du VIH/Sida sur le monde du travail». Au total, 23 entreprises du Guyana ont mis en place des politiques et des programmes sur le Sida au travail alors que «de plus en plus de grandes entreprises intègrent les questions de VIH/Sida dans leurs programmes de santé et de sécurité au travail (SST)», affirme Sean Wilson, coordinateur national du projet Sida de l’OIT au Guyana.

Le Congrès des syndicats du Guyana a obtenu l’intégration des questions de VIH/Sida dans les conventions collectives conclues avec les employeurs du pays.

Selon M. Wilson, le niveau global de discrimination liée à l’emploi à l’encontre des personnes vivant avec le virus ou malades du VIH/Sida a été considérablement réduit. «Un facteur d’explication important a été l’implication des personnes vivant avec le VIH/Sida dans la formation», constate M. Wilson.

«Nous avons fait un grand pas en avant qui nous permet, à moi et à une autre personne séropositive, de participer chaque semaine à un programme de la télévision nationale ici à Trinité-et-Tobago pour informer la population. Je reçois beaucoup de messages d’encouragement en retour», ajoute David Soomarie.

«Dans mon dernier emploi de consultant en communication, mon patron et mes collègues de travail connaissaient mon statut sérologique et je me sentais très à l’aise au travail», ajoute-t-il. M. Soomarie vit avec le VIH depuis 15 ans maintenant et, s’il a été plusieurs fois malade, il est en pleine forme depuis qu’il a gratuitement accès à un traitement antirétroviral grâce à un programme financé par le gouvernement.

Pourtant, M. Soomarie ne veut pas véhiculer l’idée selon laquelle les personnes porteuses du VIH/Sida vivent aujourd’hui dans un monde parfait. «Il y a beaucoup à faire et plus d’entreprises devraient s’engager dans des programmes d’éducation sur le lieu de travail», dit-il.

Pour Ansil Henry, qui a été testé positif en 2003, la vie ressemble à des montagnes russes depuis ce jour de «total désespoir», quand un infirmier d’un hôpital local a inscrit en rouge «VIH/Sida» sur sa carte d’hospitalisation. Aujourd’hui, il est conseiller dans un groupe de soutien d’une ONG, transmettant son expérience et ses facultés d’adaptation aux autres.

Pour Sophia Kisting, directrice du Programme du BIT sur le VIH/Sida et le monde du travail, «il est important d’entretenir et d’amplifier les progrès dans la lutte contre le Sida, même en période de crise. Notre message est que l’accès universel à la prévention, aux traitements, aux soins et au soutien est un droit fondamental de l’homme. Le lieu de travail a un rôle vital à jouer dans le combat plus large pour concrétiser ce droit et contrôler l’épidémie».

«Les périodes de crise ne doivent pas déboucher sur des compromis; le droit de travailler et de conserver son emploi pour les personnes atteintes par le virus du sida doit être pleinement reconnu», conclut-elle.