VIH/SIDA - Agir à l’échelle planétaire dès maintenant: le rôle du lieu de travail

Avec plus de 20 000 participants attendus, la 17ème Conférence internationale sur le Sida qui s’ouvre à Mexico City le 3 août est l’un des plus grands rassemblements jamais organisés sur le VIH/Sida. Pour l’OIT, la conférence offrira une plateforme mondiale pour intensifier la sensibilisation du rôle vital que joue le lieu de travail pour traiter un large éventail des problèmes liés au VIH/Sida. Un soutien de haut niveau sera apporté par le Directeur régional pour les Amériques, M. Jean Maninat, qui conduira la Délégation de l’OIT. BIT en ligne s’est entretenu avec Sophia Kisting, Directrice du Programme sur le VIH/Sida et le monde du travail au BIT (OIT/Sida), sur les buts et les objectifs de l’OIT lors de cette conférence internationale.

Article | 31 juillet 2008

BIT en ligne : Le VIH/Sida est désormais reconnu comme une question importante sur le lieu de travail. Quel est l’impact du VIH/Sida dans le monde du travail aujourd’hui ?

Dr. Sophia Kisting: Des millions de personnes dans le monde, vivant avec le VIH/Sida, sont en âge de travailler. Ils sont dans la période la plus productive de leur vie tout en étant dans la tranche d’âge la plus exposée et affectée par le VIH. Cela a des conséquences importantes dans la poursuite de l’objectif du travail décent, non seulement en termes de menaces qu’il fait peser, mais aussi en termes de possibilités de réponses. Parmi les entraves au travail décent figurent les discriminations auxquelles les personnes vivant avec le VIH font face en matière d’embauche et de renvois injustifiés. Pour ces raisons, le lieu de travail est un point d’accès essentiel pour aborder les questions liées au VIH/Sida, notamment par la diffusion d’information, l’incitation à la prévention, la lutte contre les discriminations et en facilitant l’accès au traitement. C’est pour cela que l’OIT est co-parrain de l’ONUSIDA, le programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/Sida.

BIT en ligne : Comme cela influe-t-il sur la stratégie de l’OIT de lutte contre le VIH/Sida ?

Dr. Sophia Kisting: L’OIT conjugue l’élaboration d’instruments normatifs avec une action pratique et efficace sur le lieu de travail. Cela est rendu possible par le rôle stratégique clé de nos partenaires tripartites – les ministres du Travail et leurs autorités, les employeurs et les travailleurs – qui facilitent et soutiennent notre accès aux lieux de travail. En s’appuyant mondialement sur l’approche tripartite du VIH/Sida, il existe une possibilité d’éviter les pires effets du Sida grâce à la conjugaison des objectifs du travail décent avec les réponses au VIH/Sida sur le lieu de travail.

BIT en ligne : Quel est le rôle de la prévention dans les interventions réussies sur le lieu de travail ?

Dr. Sophia Kisting: L’OIT a une longue expérience dans la mise en place de stratégies de prévention au travail. La prévention du VIH a été intégrée dans les services de médecine du travail et dans les structures d’hygiène et de sécurité au travail ; dans les programmes de formation à l’entrepreneuriat et d’apprentissage ; dans la formation des syndicalistes et des employeurs ; et de nombreux outils très utiles sont disponibles. Le Recueil de directives pratiques du BIT sur le VIH/Sida et le monde du travail, adopté en 2001, détermine un cadre de réponse pour les lieux de travail où qu’ils soient ; il a été traduit dans 54 langues à ce jour. Il fixe dix principes clés pour élaborer des politiques tout en donnant des conseils pratiques pour établir des programmes.

BIT en ligne : La Conférence de cette année se tient au Mexique. Quels sont les défis particuliers au regard du VIH/Sida et le milieu de travail en Amérique Latine ?

Dr. Sophia Kisting: En Amérique Latine, près de deux millions de personnes vivent avec le VIH, avec environ 350 nouvelles contaminations par jour. Dans le même temps, sur 239 millions de personnes économiquement actives, plus de 23 millions sont officiellement au chômage, et 103 autres millions travaillent dans le secteur informel, souvent sans droits sociaux ni protection sociale. Nous devons comprendre et agir sur les interconnexions entre le Sida, le travail et le développement. Les migrations de main-d’œuvre et le Sida sont une autre question émergente. Notre responsabilité pour mobiliser le monde du travail en faveur de la prévention est très claire, et nous nous réjouissons du soutien du Directeur régional de l’OIT pour les Amériques, M. Jean Maninat, qui prendra part à la Conférence. L’Amérique Latine et les Caraïbes disposent de l’infrastructure organisationnelle et des ressources humaines nécessaires pour mener des programmes pérennes afin de contrecarrer la maladie.

BIT en ligne : Vous venez d’Afrique. Qu’en est-il de votre continent ?

Dr. Sophia Kisting:Nous reconnaissons que les besoins du continent africain sont encore plus grands – et aussi les leçons que nous pouvons en tirer. La hausse significative du nombre de personnes sous traitement ne signifie pas seulement que des vies sont sauvées mais aussi que l’on commence à changer le regard sur l’épidémie et la séropositivité. Cependant, nos collègues et nos mandants en Afrique nous exhortent à agir partout, même la où la prévalence est basse, avant que l’épidémie ne gagne davantage ; c’est pourquoi le message fondamental de l’Afrique demande de se concentrer sur une prévention complète et efficace.

BIT en ligne : La réunion au Mexique comprendra un point d’information sur la proposition d’une nouvelle norme internationale du travail sur le VIH/Sida qui sera examinée par la Conférence internationale du Travail l’année prochaine. Quelles en sont les implications ?

Dr. Sophia Kisting: En juin 2009, la Conférence internationale du Travail – qui est vraiment le plus important « parlement mondial » sur le travail – va tenir une première discussion tripartite sur un nouvel instrument normatif international qui vise à étendre et à renforcer les réponses au VIH/Sida dans le monde du travail. Cette nouvelle norme devrait prendre la forme de ce que nous appelons une recommandation, qui devra être adoptée à l’issue d’une seconde discussion en juin 2010. Les recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes en elles-mêmes, mais elles fournissent une orientation de valeur et les Etats membres de l’OIT sont obligés de fournir des rapports sur leur application, donnant ainsi une précieuse information pour en contrôler l’application. Le processus de préparation est basé sur la consultation des gouvernements et des organisations de travailleurs et d’employeurs, tour à tour et entre eux ; ils sont encouragés à intégrer d’autres acteurs clés comme par exemple les associations de personnes vivant avec le VIH/Sida (PVVIH).