«Travailler mieux» dans les chaînes de production mondiales: les travailleurs cambodgiens du secteur textile révèlent leurs talents

Souvent cité en exemple, le Projet d’amélioration des conditions de travail dans les usines du Cambodge est une initiative conjointe de l’OIT et de la Société financière internationale (SFI), l’institution en charge du secteur privé au sein du groupe de la Banque mondiale. Il illustre les progrès que l’on peut obtenir grâce à l’étroite coopération des deux organisations en matière de pratiques sociales et de compétitivité dans les chaînes de production mondiales. Cependant, les travailleurs recèlent leurs propres talents, comme l’a récemment démontré un concours de chant organisé parmi les employés du secteur de l’habillement. Reportage de BIT en ligne.

Article | 2 mai 2008

PHNOM PENH, Cambodge (BIT en ligne) – «On entendait la voiture quitter la maison, en route pour Phnom Penh. J’ai dit au revoir à mes parents, tristement, espérant rentrer à la maison avec de l’argent pour ma mère»: ce sont les premières paroles de la chanson «Je suis précieux» qui a remporté le premier prix lors d’un récent concours de chant et de stylisme qui s’est déroulé ici.

La gagnante n’est pas une chanteuse qui aurait participé à un radio-crochet, mais Touch Sreynith, employée du textile qui a écrit une chanson relatant son itinéraire, de chez elle à Phnom Penh, où elle est venue travailler et se bâtir un nouvel avenir.

Le concours a été organisé conjointement par le programme Better Factories Cambodia-BFC (Amélioration des conditions de travail dans les usines du Cambodge) de l’OIT et de la Société financière internationale (SFI), le Fonds de développement des Nations Unies pour la Femme (UNIFEM), le Magazine Precious Girl (dont le lectorat se recrute essentiellement parmi les employées du secteur de la confection), le ministère des Droits des femmes, l’Association des fabricants de vêtements du Cambodge, l’Agence française de développement et le Centre de productivité de l’industrie textile.

«La compétition est parvenue à réunir les acteurs clés du secteur», déclare Tuomo Poutainien, Conseiller technique en chef du Programme BFC. «C’est un excellent exemple de coopération réussie. Cela montre qu’en travaillant ensemble on peut apporter quelque chose de positif et de valable aux travailleurs cambodgiens de l’industrie du textile et de l’habillement».

En effet, ce récent concours était plus qu’une simple scène où des travailleurs du textile pouvaient exprimer leurs talents cachés. Il a montré comment l’industrie textile avait évolué pour améliorer la productivité et le marketing, ainsi que les conditions de travail.

En septembre dernier, le Forum des investisseurs internationaux à Phnom Penh, convoqué par BFC et la SFI, a souligné cette évolution. Selon Ros Harvey, responsable du programme mondial Travailler Mieux de l’OIT et de la SFI, le Forum des investisseurs a offert une chance à «tous les acteurs du secteur de se réunir et de discuter des questions touchant au programme BFC, ainsi qu’au secteur textile plus généralement. Le Forum est l’occasion pour les investisseurs internationaux de rencontrer gouvernements, fournisseurs et syndicats. Ensemble, nous pouvons élaborer des solutions communes. Le Forum a aussi permis au Cambodge de faire sa promotion auprès de nouveaux investisseurs».

Cette année, le Forum a accueilli 17 marques internationales de l’habillement, représentées par 43 distributeurs, dont la plupart sont membres du programme BFC. Les acheteurs viennent essentiellement des Etats-Unis et d’Europe, notamment Adidas, Gap, H&M, Wal-Mart, Levi Strauss & Co et Walt Disney.

Les investisseurs ont annoncé qu’ils continueraient à s’approvisionner en textile au Cambodge pour l’année à venir. Cette annonce est une bonne nouvelle pour l’industrie textile cambodgienne qui emploie plus de 340 000 personnes dans environ 300 usines. Le secteur avait craint de perdre des parts de marché en 2008 si les Etats-Unis avaient décidé de supprimer les quotas sur les importations chinoises. Cela aurait menacé la position qu’occupait le Cambodge en 2006 en tant que cinquième plus gros fournisseur des Etats-Unis, pour des exportations d’une valeur globale de 2,6 milliards de dollars.

Au même moment, les investisseurs ont souligné que l’existence du programme Better Factories et son orientation en faveur des conditions de travail et de la productivité étaient des raisons majeures d’opter pour le Cambodge. Ils ont fait part de la nécessité de soutenir le programme BFC jusqu’à ce qu’il devienne, dans un futur proche, une entité viable et indépendante.

Le programme BFC apporte ses bienfaits à l’industrie textile et à toute la société

Jusqu’ici, les espoirs de l’industrie et de ses employés n’ont pas été déçus, ou selon les termes de l’auteur de la chanson victorieuse: «Maman, reste à la maison et ne t’en fais pas. Ma vie a de la valeur. Travailler en usine, ce n’est pas honteux; c’est bon pour toute la société.»

Selon Ros Harvey, «ce n’est pas une surprise. Le programme BFC de l’OIT au Cambodge a conduit à des améliorations avérées des conditions de travail dans l’ensemble du secteur textile cambodgien, à la création de dizaines de milliers de nouveaux emplois et à une augmentation soutenue des exportations vers les Etats-Unis et l’Union européenne».

Lors d’une allocution récente devant le Conseil d’administration du BIT à Genève sur le renforcement des liens avec l’OIT, le Président de la Banque mondiale Robert Zoellick a développé ce thème, déclarant que Better Factories Cambodia avait contribué à «améliorer les pratiques sociales et la compétitivité dans la chaîne d’approvisionnement mondiale». Il a cité un certain nombre de domaines d’intérêt commun pour la Banque et l’OIT, y compris le développement des qualifications, l’accompagnement du changement pour les travailleurs et le renforcement de l’action sur les questions d’égalité hommes-femmes. Il a rappelé que la Banque et l’OIT joignaient leurs forces dans des programmes tels que l’initiative Travailler Mieux.

Se fondant sur les résultats positifs de BFC, Travailler Mieux, un projet conjoint OIT-SFI développe actuellement des outils mondiaux et pilote trois projets en Jordanie, au Lesotho et au Viet Nam avec la pleine coopération des organisations d’employeurs et de travailleurs. Le projet combine des évaluations du respect des normes du travail au niveau de l’entreprise, avec la formation et le renforcement des capacités. La première phase bénéficie directement à 1,2 million de travailleurs et pourrait en toucher des millions d’autres.