Gawanas Bience: «Le travail décent, c'est de réaliser à quel point chacun d'entre nous peut apporter une contribution à l'ensemble de la communauté»

En septembre dernier, Mme Gawanas Bience, une juriste de Namibie et médiatrice dans son pays depuis sept ans, a été élue Commissaire pour le travail et les affaires sociales de l'Union africaine (UA). «BIT en ligne» l'a rencontrée pour l'interroger sur différents sujets comme l'emploi, les normes internationales du travail, la protection sociale et le dialogue social. La Commissaire souhaite promouvoir à l'intérieur de l'Union africaine les questions sociales que l'Union africaine ne place pas, pour l'instant, à leur juste valeur.

Article | 23 avril 2004

COTONOU, Bénin – En septembre dernier, Mme Gawanas Bience, une juriste de Namibie et médiatrice dans son pays depuis sept ans, a été élue Commissaire pour le travail et les affaires sociales de l'Union africaine (UA). «BIT en ligne» l'a rencontrée pour l'interroger sur différents sujets comme l'emploi, les normes internationales du travail, la protection sociale et le dialogue social. La Commissaire souhaite promouvoir à l'intérieur de l'Union africaine les questions sociales que l'Union africaine ne place pas, pour l'instant, à leur juste valeur.

Quelle est votre vision pour la Commission du travail et des affaires sociales de l'UA?

J'ai travaillé de nombreuses années au service de la population namibienne. J'ai écouté la voix des Namibiens qui venaient se plaindre auprès de moi. J'ai vu le désespoir des gens qui voulaient que leur vie change. Pour moi, travailler pour l'Union africaine veut dire m'occuper du continent tout entier et réaliser que les gens ont besoin de plus que de notre compassion, ils ont besoin d'actions. Certains principes sont fondamentaux. J'envisage les problèmes sociaux sous l'angle des droits humains. Ce ne devrait pas être un privilège pour les gens de devoir demander un toit, d'avoir accès à l'eau potable, une meilleure couverture de santé, ou un travail décent, tout cela doit figurer sur un agenda de développement établi à partir d'une perspective des droits de l'homme.

De quelle façon êtes-vous liée aux objectifs de l'OIT?

Personnellement, je suis familière du BIT. J'étais dans cet immeuble du BIT, à Genève, en 1982, en tant que stagiaire pendant mes études de droit. Il n'y a pas de doute que les normes de l'OIT sont des normes qui s'appliquent dans le monde entier, que ce soit l'Asie, l'Amérique ou l'Afrique. Ce que nous voulons faire dans le cadre de l'Union africaine est de parvenir à ce que les gouvernements mettent en application les conventions sur le travail aussitôt qu'elles sont ratifiées. Beaucoup de gouvernements ont ratifié des conventions sur les droits de l'homme mais beaucoup existent seulement sur le papier. Le défi pour l'Union africaine et la Commission des affaires sociales est de traduire ces décisions dans des faits tangibles, favorables aux gens. Je sais que c'est une perspective idéale mais si vous n'avez pas d'idéaux vous n'irez jamais nulle part. Finalement, l'Union africaine et l'OIT partagent les mêmes objectifs.

Qu'est-ce que pour vous le travail décent?

Je suis une travailleuse moi-même. Dans le contexte de la Namibie, j'ai vu des gens traités sans respect de leur propre dignité. Pour moi, l'emploi décent c'est reconnaître la dignité de l'être humain. Et j'insiste sur le mot «décent». Je suis aussi un employeur. J'ai une femme de ménage qui s'occupe de ma maison. Nous ne devons jamais envisager le travail décent comme quelque chose de désincarné, d'abstrait. Comme employeur, nous devons respecter les gens qui travaillent pour nous, dans nos maisons. C'est une question fondamentale pour moi.

De quelle façon le travail décent est-il un outil de développement?

Qu'est-ce que le droit au développement? Cela va de soi. Pour moi, le développement intervient à tous les niveaux, au niveau physique, spirituel, mental: les êtres humains ont besoin de se réaliser. Vous ne devez pas être un grand manager, vous devez simplement sentir que vous êtes en train d'apporter une contribution. Vous pouvez être secrétaire ou tout autre chose, aussi longtemps que vous êtes satisfait de ce que vous faites. Il y a une façon d'encourager les gens dans ce domaine. Nous parlons toujours d'implication. Est-ce que l'implication, c'est de faire des profits? Ou est-ce que l'implication envers l'employé est de faire en sorte que la personne sente qu'elle est en train d'apporter une contribution à l'entreprise? Finalement, l'emploi décent, c'est réaliser combien chacun peut faire une contribution à l'ensemble de la communauté.

Vous dirigez la Commission à Cotonou et vous organisez le Sommet extraordinaire sur l'emploi et la pauvreté en septembre à Ouagadougou, quel est votre défi personnel?

J'aimerais vraiment que ce Sommet extraordinaire donne des résultats. Ce Sommet devrait donner des résultats qui aient un sens pour les Africains. Je veux que l'on regarde vraiment les problèmes, je veux voir l'interdépendance entre ces différents problèmes que nous discuterons: entre la réduction de la pauvreté et l'emploi. Je veux vraiment constater que nous allons au-delà des discussions et que le Sommet implique autant de partenaires que possible. J'espère que ce sera différent et qu'il donnera des résultats tangibles.

Quel devrait être le rôle des mandants de l'OIT, des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, de la préparation et la suite à donner à ce Sommet?

Il y aura un partenariat de l'Union africaine avec l'OIT, avec le pays d'accueil, le Burkina Faso, et les autres partenaires. Il n'y a pas de doute que l'Union africaine est une institution jeune, c'est une institution en expansion, nous sommes toujours dans un processus d'adaptation et de restructuration.