XVIIe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail Touchés au plus près: Les experts de la sécurité au travail se rencontrent en Floride juste après l'ouragan Katrina

Le XVIIe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail, qui se déroule à Orlando en Floride cette semaine, est consacré à la condition des travailleurs qui meurent ou tombent malades pour des raisons professionnelles. Après le dévastateur ouragan Katrina, les dangers physiques et émotionnels auxquels sont confrontés les sauveteurs sur le terrain à quelques centaines de kilomètres d'ici donnent une tonalité grave au Congrès. BIT en ligne vous informe.

Article | 20 septembre 2005

ORLANDO, Floride (BIT en ligne) - Des semaines après que Katrina eut transformé la Nouvelle-Orléans en une Atlantide des temps modernes, les équipes de secours et de sauvetage n'ont qu'une chose en tête: sauver ceux qui sont à bout, malades, sans aide et qui ont réussi à tenir le coup jusque-là. Plus d'un million de personnes avaient dû fuir 90 000 mètres carrés de terre dévastée; elles commencent à reconstruire leur vie, mais le travail des sauveteurs est loin d'être terminé.

La région est sans dessus dessous. Les eaux du Lac Pontchartrain qui se sont déversées sur la Nouvelle-Orléans forment un bouillon de culture mêlant maladies et pollutions. L'eau charrie des restes humains, des débris dangereux, des déchets ménagers et des câbles électriques tombés à terre. La concentration de bactéries E. coli est dix fois supérieure au seuil de sécurité; les taux de plomb ont également atteint la cote d'alerte.

"Etant donné le très grand nombre de travailleurs impliqués dans les efforts de nettoyage, de remise en état et de reconstruction sur les côtes du Golfe du Mexique, il est essentiel de veiller à ce qu'ils opèrent en toute sécurité pour éviter des blessures inutiles. La sécurité et la santé de ceux qui travaillent à reconstruire les communautés dans les régions dévastées sont l'une de nos plus hautes priorités", a déclaré Elaine Chao, ministre américain du Travail.

A quelques centaines de kilomètres à l'Est, on s'attend à ce que les conséquences de Katrina pèsent sur les débats du XVIIe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail qui se tient ici du 18 au 22 septembre. Bien que le Congrès ait une portée globale, cette fois les problèmes touchent de très près nombre de participants qui ne vont pas seulement discuter des menaces qui pèsent sur les travailleurs lors de catastrophes telles que le cyclone Katrina ou le Tsunami en Asie du Sud-Est mais également de questions plus abstraites telles que la mondialisation.

L'ampleur du désastre a contraint des dizaines de milliers de travailleurs -militaires, fonctionnaires ou du secteur privé - à se coltiner les pires conditions qui puissent menacer la vie et la santé de ceux qui interviennent. En plus des 43 000 gardes nationaux et militaires sur le terrain, plus de 17 000 volontaires du secteur médical se sont inscrits auprès du seul ministère américain pour la Santé et les Services Sociaux. Les employés d'autres organisations, du secteur privé et des ONG ont été confrontés aux mêmes défis.

D'innombrables précautions doivent être prises pour la sécurité et la santé des équipes de secours et de reconstruction: équipements de protection adéquats, formation, vaccinations et respect de temps de repos pour éviter l'épuisement. En outre, ces sauveteurs sont vulnérables face à des dangers tels que le syndrome de stress post-traumatique. Ils ont besoin de conseils pour gérer leurs émotions. De nombreux secouristes ont eux aussi été victimes de la tempête.

"Les dimensions du chaos créé par l'ouragan Katrina défient l'entendement", a déclaré Juan Somavia, Directeur général du Bureau international du Travail (BIT), dans une déclaration publiée vendredi. "Nous avons une pensée particulière pour tous ces travailleurs qui ont perdu la vie ou leurs proches, ou qui ont vu leurs moyens de subsistance détruits. Nous saluons également les efforts héroïques de ceux qui apportent de l'aide et ramènent l'espoir aux rescapés de cette calamité. Pendant le processus de reconstruction, le BIT se tient prêt à apporter son expérience et ses capacités pour agir en faveur de la reconstruction de la manière la plus appropriée."

Le poids global des accidents et des maladies

Selon un nouveau rapport ( Note 1) publié par le BIT pour le Congrès, quelque 2,2 millions de personnes meurent chaque année d'accidents ou de maladies liés à leur travail, et ce chiffre est sans doute très largement sous-estimé. En moyenne, environ 5 000 hommes et femmes perdent chaque jour la vie du fait des risques de leur métier.

"Des progrès ont été accomplis sur de nombreux fronts dans le monde du travail, mais les décès, accidents et maladies professionnels restent des sujets de préoccupation majeure", a affirmé M. Somavia. "L'un des objectifs de ce Congrès est de s'appuyer sur les normes internationales de sécurité existantes et de renforcer les partenariats globaux afin de s'assurer qu'au XXIe siècle le travail sera synonyme de sécurité."

Les hommes courent particulièrement le risque de mourir à l'âge où ils sont encore actifs (avant 65 ans), alors que les femmes souffrent davantage de maladies professionnelles contagieuses, de facteurs psycho-sociaux et de troubles musculo-squelettiques. Dans plusieurs pays industrialisés, plus de la moitié des départs en retraite sont anticipés ou assortis de pensions d'invalidité. Bien que les raisons de ces tendances ne soient pas toutes liées à l'exercice professionnel, le lieu de travail est idéal pour la prévention et le maintien des capacités de travail grâce à un meilleur système de gestion.

"La triste vérité est que, dans certains endroits du monde, un grand nombre de travailleurs vont certainement mourir parce que la culture de la sécurité n'est pas suffisamment ancrée", a déclaré Jukka Takala, Directeur du Programme SafeWork du BIT. "C'est le coût faramineux d'un développement incontrôlé. Nous devons agir rapidement pour inverser cette tendance."

La collaboration est la clé

Le thème du Congrès mondial 2005 est La prévention dans un monde globalisé: réussir grâce aux partenariats. En raison de "la globalisation croissante des économies dans le monde, on mettra de plus en plus l'accent sur la coopération à l'avenir", a affirmé K.C. Gupta, Directeur général du Conseil national de la sécurité d'Inde. "La collaboration est la clé", a-t-il ajouté.

Plus de 3 000 professionnels des gouvernements, des organisations du travail et de l'industrie du monde entier sont attendus pendant les cinq jours de réunion. Au Congrès mondial, les participants "peuvent tirer les leçons de l'expérience et du savoir d'autres conseils de sécurité", a rappelé M. Gupta, dont l'organisation avait joué un rôle important dans la préparation du XIIIe Congrès en Inde en 1993.

C'est le 50e anniversaire du premier Congrès mondial qui s'était tenu en 1955 à Rome. Le Congrès se réunit aux Etats-Unis pour la première fois et seulement pour la deuxième fois en Amérique du Nord. Le Conseil national de sécurité et d'autres organisations ont commencé à travailler avec l'OIT et l'Association internationale pour la sécurité sociale (AISS) en 1999 pour faire venir le Congrès aux Etats-Unis. Les organisateurs ont officiellement accepté la proposition d'accueillir l'événement en 2001.

Cet événement marquera l'apogée de nombreuses activités de coopération menées au cours des quatre dernières années pour accroître la sécurité et la santé des travailleurs dans le monde", a déclaré Alan Mc Millan, Président du Congrès et Président du Conseil national de sécurité qui gère le Secrétariat du Congrès 2005. "Alors que les populations croissent et que les économies se développent, des millions de personnes dans le monde commencent un nouveau travail et prennent de nouveaux risques comme jamais auparavant. Notre but ultime est de faire des lieux de travail dans le monde des lieux sûrs et sains pour les travailleurs de chaque pays et de chaque profession. Sécurité et santé ne peuvent être négligées et considérées comme des données parmi d'autres dans le monde des affaires".

Le XVIIe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail ne va pas seulement offrir aux décideurs l'occasion d'échanger leurs expériences pratiques et techniques, mais il contribuera aussi à porter les questions d'accidents du travail et de maladies professionnelles et les nombreux problèmes qui restent à résoudre sur le devant de la scène.


Note 1 - Travail décent - Travail sûr, Rapport introductif du BIT au XVIIe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail, Orlando (Etats-Unis). www.ilo.org/safework.