Handicap et travail

Contribuer à la réussite des personnes handicapées au Bangladesh en les aidant à trouver un emploi

Pour les personnes handicapées vivant au Bangladesh, trouver un emploi est un véritable parcours du combattant. Or, les comportements commencent à évoluer, le secteur privé étant de plus en plus convaincu des avantages qu’il y a à embaucher des travailleurs handicapés.

Article | 9 août 2018
DHAKA, Bangladesh (OIT Info) - Au milieu de l’agitation d’un restaurant très fréquenté de Dhaka, Mohsina Begum Liza prend la commande d’un client en lui expliquant qu’il faudra patienter 15 minutes avant d’être servi. Ce qui fait la particularité de cette scène, somme toute banale, c’est qu’elle se déroule en langage des signes. Mohsina est sourde-muette et, pourtant, elle comprend ce que les autres lui demandent; son handicap ne la gêne pas dans son travail.

Mohsina (à droite) prend une commande en langage des signes.
Souffrant d’un déficit auditif depuis la naissance, Mohsina, âgée de 30 ans, a réussi, à force de persévérance et parce qu’elle a su saisir l’opportunité qui lui était offerte, à obtenir un emploi au restaurant Angel Chef, avec l’aide de Parents Forum for Differently Abled (PFDA), une association qui vise à soutenir les parents et les enfants ayant des capacités différentes. Le restaurant est situé dans l’un des points de vente de la célèbre chaîne de distribution Shwapno, et ses clients sont contents de venir y manger un morceau.

L’OIT apporte son soutien à un cours de formation professionnelle de trois mois proposé par le PFDA, qui a permis à Mohsina d’acquérir les compétences et la confiance nécessaires pour trouver un emploi. Dans le langage des signes, Mohsina explique comment elle a grandi au rythme de «tu ne peux pas faire ci», «tu ne peux pas faire ça». Prouvant à tous les sceptiques de son entourage qu’ils avaient tort, elle a appris la cuisine, la pâtisserie et le service.

Ce qui a joué un rôle déterminant pour Mohsina et pour d’autres personnes handicapées comme elle, ce n’est pas tant la possibilité de recevoir une formation que l’intérêt croissant du secteur privé pour l’embauche de travailleurs handicapés, conjugué avec les efforts déployés pour faire évoluer les comportements à l’égard des personnes handicapées sur le lieu de travail.

Shwapno, avec ses 56 points de vente et ses 2500 employés répartis dans tout le Bangladesh, est un exemple de société qui a compris l’intérêt commercial d’embaucher du personnel handicapé.

Sabbir Nasir, directeur exécutif, se refuse à employer le terme «handicapé». «A mes yeux, ces personnes douées ont des capacités différentes», explique-t-il. «A ce jour, nous avons embauché 84 personnes dans cette situation. Et cela s’est avéré être un succès considérable, leur performance étant nettement supérieure à celle de la moyenne des salariés. Nous nous sommes fixé un quota de personnes ayant des capacités différentes, lesquelles représentent désormais 10 pour cent de notre personnel», précise-t-il.

Jannatul Ferdous, mère de deux enfants, est elle aussi est une employée de Shwapno. Malgré son handicap auditif, elle travaille depuis 6 mois comme caissière au sein de l’entreprise.

Jannatul (au centre) rend la monnaie à un client.
Après le décès de son mari, en janvier 2016, Jannatul a reçu une formation professionnelle dispensée par le PFDA, et elle a eu tôt fait de trouver un emploi. «Ça été le point de départ et, depuis, ma vie a changé. Je ne dépends de personne et je gagne de quoi subvenir aux besoins de ma famille ainsi qu’à l’éducation de mes enfants», se réjouit-elle.

Cette initiative a été soutenue par le projet de l’OIT Bangladesh-Skills for Employment and Productivity (B-SEP), financé par le Canada.

Ce projet facilite l’intégration sur le lieu de travail en renforçant les capacités des établissements d'enseignement technique et professionnel, et en rendant la formation accessible aux groupes défavorisés, en particulier les femmes pauvres, les personnes handicapées ou encore les jeunes des populations autochtones. Il encourage également la formation de femmes défavorisées à des métiers non traditionnels.

Avec le soutien du projet B-SEP, sur les 630 personnes handicapées ayant reçu une formation, 205 souffrant de troubles du développement neurologique ont suivi avec succès les cours de formation gérés par le PFDA. Sur ces 205 personnes, 174 ont trouvé un emploi ou se sont installées à leur compte. Dans l’intervalle, le projet B-SEP a soutenu des initiatives telles que le lancement, en 2016, du Bangladesh Business and Disability Network (BBDN) – un réseau d’employeurs qui embauchent ou cherchent à embaucher des personnes handicapées –, et il a aussi permis d’établir une passerelle entre le secteur privé et les personnes handicapées à la recherche d’un emploi. A ce jour, le réseau BBDN regroupe 38 entreprises membres, et il a aidé quelque 191 personnes handicapées dans tout le Bangladesh à trouver un emploi par le biais de salons de l’emploi et d’autres actions.

Kishore Kumar Singh, conseiller technique principal du projet B-SEP, explique que «d’après certaines études, 10 pour cent de la population du Bangladesh souffrirait d’une forme de handicap. L’OIT collabore activement avec le gouvernement et de nombreux partenaires pour aider à créer un environnement politique favorable et à prendre des mesures concrètes pour offrir aux personnes handicapées un accès à la formation et à l’emploi. Si on leur donne les clés pour ouvrir la bonne porte, ces personnes pourront obtenir un emploi décent, connaître l’épanouissement personnel, et apporter leur contribution à la société et à l’économie.»