Notre impact, leurs histoires

Un programme d’apprentissage offre une alternative au travail des enfants en Jordanie

Un programme d’apprentissage pour les jeunes, lancé par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et la Fondation internationale pour la jeunesse, marque des points dans la lutte contre le travail des enfants en Jordanie.

Reportage | 6 mai 2016
Moutasem Yaghi is an apprentice at a chocolate factory in Amman. © ILO

AMMAN, Jordanie (OIT Info) – Moutasem Yaghi n’avait que 14 ans quand il a quitté l’école. Sans compétences ni qualifications, il a commencé à travailler avec son frère pour vendre des légumes dans les rues de la capitale jordanienne, Amman.

«J’ai quitté l’école parce que les études ne m’intéressaient pas. J’ai commencé à travailler avec mon frère et je dépensais ce que je gagnais en cigarettes», dit-il. «Ce n’était pas une vocation. C’était pour m’occuper».

Les travaux dangereux – vente ambulante, ramassage des ordures, travaux agricoles, menuiserie, réparation automobile et fonderie – posent de grandes difficultés aux jeunes travailleurs de Jordanie.

«En Jordanie, le travail des enfants est un sujet de préoccupation majeur. Il a considérablement augmenté au cours des dernières années et il continue de mettre en péril la vie et l’avenir d’un nombre grandissant d’enfants à risques», estime Insaf Nizam, conseillère technique en chef sur le travail des enfants en Jordanie pour l’OIT.

«C’est un facteur qui alimente le chômage des jeunes puisque les enfants prennent la place de jeunes en fournissant une main-d’œuvre bon marché et non réglementée», ajoute Mme Nizam.

Les enfants qui abandonnent l’école pour aller travailler ont rarement la chance de revenir en classe ou vers toute autre forme d’éducation. Mais grâce au programme d’apprentissage de l’OIT, qui est mis en place avec la Fondation internationale pour la jeunesse (FIJ), Moutasem, 16 ans, est devenu apprenti dans une fabrique de chocolats où il espère acquérir les compétences qui lui offriront un débouché à l’avenir.

Renforcer les compétences

Le programme concerne 160 jeunes des deux sexes qui sont soient exposés au travail des enfants soit vulnérables face à l’exploitation parce qu’ils travaillent au noir. Les deux organisations ont mis sur pied un programme d’apprentissage pour aider ces jeunes à renforcer leurs compétences et leurs qualifications et à accéder au marché du travail.

Depuis fin 2015, dans la capitale Amman et les villes d’Irbid, Zarqa, Ma’an et Tafileh, des jeunes ont été formés sur le plan théorique et pratique aux métiers de la couture, de la vente, de la mécanique, de la transformation alimentaire et de la menuiserie.

A l’aide de manuels de formation élaborés par l’OIT et la FIJ, les participants ont terminé leur session de formation théorique d’un mois.

«La formation comprenait ce que l’on appelle le «Passeport pour la réussite» qui s’efforce de donner aux jeunes les compétences essentielles dont ils ont besoin au travail et dans la vie», explique Alia Al Rawashdeh, coordinateur pour l’emploi à la FIJ.

«Ces compétences sont souvent le maillon manquant entre employeurs et jeunes demandeurs d’emploi et c’est pour cela que nous devons leur accorder la priorité. Nous nous sommes aussi engagés dans une formation en sécurité et santé au travail, un outil essentiel pour les apprentis», ajoute M. Al Rawashdeh.

Nida Al Masri, qui a quitté l’école à 15 ans pour prendre soin de sa mère malade, estime que la formation théorique avait renforcé sa confiance en elle: «Cela nous permet d’affirmer nos personnalités et nous aide à comprendre comment traiter avec la clientèle et avec notre employeur».

Après cette période de formation, les participants ont été placés dans 80 entreprises locales, essentiellement des petites et moyennes entreprises, avec douze tuteurs qui ont dispensé aux apprentis la formation technique de base.
Ahmad Akel (L), one of the mentors, discusses the progress of the programme with an apprentice and his employer. © ILO

«Nous devons veiller à ce que les apprentis reçoivent la formation pratique qui correspond à la formation théorique qu’ils ont suivie et nous assurer que cette profession leur convienne», résume Ahmad Akel, l’un des tuteurs du programme.

«Si un litige survient entre l’apprenti et l’employeur, nous essayons d’intervenir pour résoudre le problème».

Formation sur le tas

Avec l’aide de leur tuteur et de leur employeur, la plupart des apprentis se sont rapidement adaptés à leur nouveau métier. Pour beaucoup d’employeurs, accueillir des jeunes qui disposent des compétences élémentaires et savent en quoi consiste leur poste est d’un grand secours. Si l’objectif premier du programme est de venir en aide aux jeunes vulnérables, il a aussi pour ambition d’améliorer l’apprentissage de façon à ce qu’il soit bénéfique pour les employeurs et les entreprises.

«Ces jeunes sont arrivés dans l’optique de continuer avec nous et nous travaillons main dans la main avec eux pour les aider à grandir et à évoluer. Avec le temps, ils deviendront des travailleurs expérimentés dans l’usine», déclare Majdi Koura, gérant de la fabrique de chocolats Al Koura où sont employés Moutasem et Nida.

Enrayer la pauvreté

Dans la zone reculée de Meshara, dans la vallée du Jourdain, la pauvreté est très répandue et le chômage élevé – surtout chez les jeunes. Mais le programme d’apprentissage est porteur d’espoir pour les jeunes, femmes et hommes, de la région. Certains participent à un programme de cuisine tandis que d’autres travaillent dans des boutiques.

Tharwat Bsheri, vingt ans, travaille dans une cuisine où, avec plusieurs autres jeunes femmes, elle prépare des plats traditionnels – comme des légumes et des feuilles de vigne farcis – pour les vendre localement.

«Après avoir suivi la formation théorique, et maintenant que nous terminons la formation pratique, je me sens prête à entrer sur le marché du travail», dit Tharwat Bsheri.

Certificat en poche

Le 24 avril 2016, les apprentis ont été diplômés du programme et ont reçu leur certificat de l’OIT et de la FIJ. A ce jour, six d’entre eux travaillent toujours dans les entreprises qui participaient au programme d’apprentissage tandis que 66 autres ont trouvé du travail ailleurs.

Twenty-year-old Tharwat Bsheri (R) is working in a kitchen where she makes traditional dishes to sell locally. © ILO
«Le travail des enfants et le chômage des jeunes sont étroitement liés et devraient être abordés de front pour trouver des solutions plus efficaces. Ce programme a introduit un nouveau modèle pour appréhender le travail des enfants et accroître les possibilités de travail décent pour les jeunes. Il a substitué au travail des enfants et à l’exploitation l’apprentissage et le travail décent», onclut Insaf Nizam de l’OIT.

«Avec davantage de fonds des donateurs et l’engagement du gouvernement pour adopter et dupliquer ce modèle à travers le pays, les sourires que nous voyons sur les visages de ces 160 jeunes pourront illuminer les visages de milliers d’autres jeunes Jordaniens».

Cette initiative de formation fait partie d’un projet financé par le ministère du Travail des Etats-Unis “Moving Towards a Child Labour Free Jordan” (Vers une Jordanie sans travail des enfants)