Discrimination au travail

Un meilleur moral pour stimuler la compétitivité des entreprises

Un programme de l’OIT s’emploie à construire la confiance et à améliorer les conditions de travail grâce au dialogue et à la consultation sur le lieu de travail. Les entreprises en tirent profit.

Reportage | India | 1 février 2016
Rita répare une fraiseuse
NEW DELHI (OIT Info) – «C’était lié à mon apparence différente, à ma langue et au fait que je sois une femme», déclare Rita Natra Bahaduri, une travailleuse immigrée népalaise de 28 ans, se remémorant les railleries et les moqueries constantes de la part de ses jeunes collègues masculins qu’elle a endurées pendant un an et demi. «Chaque jour, je pleurais et je me maudissais puisqu’en tant qu’employée contractuelle, je ne pouvais risquer de perdre mon travail.»

Rita travaille chez Accura Industries Ltd à Chennai, une ville industrielle en plein essor, la capitale du Tamil Nadu, le deuxième Etat le plus puissant sur le plan économique. Les travailleurs immigrés comme elle, en provenance de l’Est de l’Inde et du Népal pour l’essentiel, représentent maintenant la majorité de la main-d’œuvre des petites et moyennes entreprises (PME) comme Accura Industries Ltd.

Hari Kumar, travailleur migrant de l’Etat de Bihar dans l’Est de l’Inde, travaille chez Shakti Engineering Works Ltd (SEW) où il a vécu une expérience comparable. «Les travailleurs locaux se plaignaient à leurs supérieurs hiérarchiques, affirmant que les performances de ma section étaient en chute à cause des travailleurs comme moi qui ne sont pas vraiment impliqués dans l’entreprise parce qu’ils ne viennent pas du Tamil Nadu», se souvient-il. Le mauvais environnement de travail était nocif pour lui comme pour son employeur. «Je croyais que je pourrais produire davantage pour mon employeur et gagner davantage d’argent. Mais je ne pouvais tout simplement pas.»

Améliorer la coopération

Mais Rita et Hari ont vu leur vie professionnelle évoluer de manière positive quand leurs employeurs ont adopté de nouvelles techniques en vue d’améliorer la coopération sur le lieu de travail. Les changements sont venus d’un programme de formation de l’OIT, Des entreprises durables, compétitives et responsables (SCORE). Cette formation pratique, modulaire et de consultation en entreprise, est conçue pour améliorer la productivité et les conditions de travail dans les PME. Le premier module de SCORE est consacré au développement de relations de coopération sur le lieu de travail qui favorisent la pérennisation de la productivité et de la compétitivité de l’entreprise.

Dans un premier temps, une Equipe d’amélioration de l’entreprise (EIT en anglais), une équipe transversale en termes de fonctions et de niveaux hiérarchiques, a été instituée aussi bien par l’employeur de Rita que par celui d’Hari. Les EIT ont confirmé que la mauvaise communication et le manque de confiance et de respect parmi les employés avaient un impact négatif sur la productivité. Les Equipes ont aussi offert aux employés un canal de communication qui a permis de résoudre leurs problèmes ensemble.

Plus de respect

Chez Accura Industries Ltd, Rita et certaines de ses collègues féminines ont bénéficié d’une formation sur site pour apprendre à faire fonctionner les fraiseuses. Elles ont par la suite été promues à la section de fraisage, envoyant un message fort en faveur de l’égalité entre hommes et femmes à l’ensemble du personnel.

Accura a aussi modifié les horaires de travail des femmes afin qu’elles puissent commencer 30 minutes plus tôt que les hommes et puissent ainsi revêtir leur tenue professionnelle sans avoir à partager les vestiaires avec les hommes.

Durga au travail
Ce sont les femmes elles-mêmes qui ont fait cette suggestion lors d’une des réunions de dix minutes des lignes de production introduites par SCORE pour favoriser l’implication des ouvriers dans leur organisation quotidienne.

«Auparavant, quand hommes et femmes avaient les mêmes horaires, les femmes avaient beaucoup de mal à se changer pour mettre leur tenue de travail puisqu’il n’y avait qu’un seul vestiaire dans l’entreprise. SCORE nous a offert une plateforme pour faire connaître nos opinions à la direction. Nous sommes entendus maintenant», explique Durga Dash, un travailleur migrant venu de l’Etat d’Odisha, dans l’Est de l’Inde.

Le bilan

Des études ont montré que de meilleures conditions sociales et environnementales permettaient d’améliorer la réputation de l’entreprise, de réduire les coûts et d’accroître la compétitivité. SCORE a aidé le direction d’Accura à le reconnaître et l’entreprise a également mis à disposition des toilettes séparées pour les femmes et renforcé l’accès à l’eau potable. Le moral des employés et leurs performances ont augmenté, ce qui s’est traduit par des progrès en matière d’organisation et de nettoyage des postes de travail, et par moins de temps de production perdu. Les employées femmes peuvent maintenant atteindre leurs objectifs de production en travaillant 10 heures par jour (dont 2 heures supplémentaires). En trois mois, la société a dégagé 20,4 mètres carrés d’espace et économisé 50 000 roupies indiennes (740 dollars) en se débarrassant des matériels indésirables et des machines obsolètes.

Hari Kumar, travailleur migrant de l’Est de l’Inde
Dans l’entreprise où travaille Hari, SEW, le programme SCORE a aussi engendré des progrès. En plus des changements pratiques, tels que la réduction des temps de production perdus, la motivation a aussi progressé. Lors d’une visite d’encadrement sur place, Venkat Subramani, formateur SCORE certifié par l’OIT, a préconisé que les employés de SEW observent deux minutes de silence en mémoire des victimes des séismes de 2015 au Népal et dans l’Est de l’Inde. Pour la première fois, le personnel local de SEW a vu comment leurs collègues népalais étaient touchés par la catastrophe. La direction s’est appuyée sur cette empathie en soutenant des activités de promotion du travail d’équipe, avec notamment la célébration des anniversaires du personnel.

Depuis 2012, SCORE a aidé plus de 90 PME indiennes à obtenir des gains de productivité de 15 à 20 pour cent grâce à des relations professionnelles plus coopératives et à de meilleures conditions de travail; 4 500 travailleurs en ont bénéficié et plus d’emplois de meilleure qualité ont été créés.

Le programme SCORE est opérationnel dans neuf pays: Afrique du Sud, Bolivie, Chine, Colombie, Ghana, Inde, Indonésie, Pérou et Vietnam. Il est financé par le Secrétariat d’Etat suisse à l’économie (SECO) et l’Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), le Canada étant le bailleur de fonds pour les activités du projet au Pérou.