Kirghizistan

Sortir du travail des enfants pour aller à l’école: l’histoire d’Alimjan

La mère d’Alimjan ne voyait aucun mal à ce que son fils travaille, même s’il n’était encore qu’un enfant. Au contraire, elle pensait que plus tôt il apprendrait comment gagner sa vie, mieux ce serait. Découvrez comment un projet de l’OIT a permis à ce garçon de sortir du travail des enfants pour aller à l’école.

Reportage | 11 juin 2015
Cours de rattrapage pour les enfants qui travaillaient auparavant au Kirghizistan
BICHKEK, KIRGHIZISTAN (OIT Info) – Que ressent un enfant qui travaille quand il voit ses anciens camarades de classe rentrer à la maison après l‘école?
«Désespoir», «tristesse», «découragement» et «honte»: voilà quelques-uns des mots qu’Alimjan a utilisés pour décrire ce qu’il ressentait.

Alimjan réussissait bien à l’école mais il a dû la quitter quand son père a abandonné la famille et que sa mère est tombée malade. En tant qu’aîné, il est devenu le seul soutien de famille pour elle et ses cadets.

A l’âge de 15 ans, il a trouvé un emploi de porteur à la gare où il est devait transporter de lourdes charges, travaillant parfois jusqu’à 2 heures du matin. D’abord, Alimjan a essayé de suivre l’école, mais souvent il se réveillait trop tard et manquait les cours ou il s’endormait en classe.

La mère d’Alimjan ne voyait aucun mal à ce que son fils travaille. Au contraire, elle pensait que plus tôt il apprendrait à gagner sa vie, mieux ce serait.

«Malheureusement, cette façon de penser est assez courante au Kirghizistan, surtout dans les familles pauvres qui n’ont pas les moyens de payer les frais de scolarité dans le secondaire», explique Damira Kadyrshaeva, directrice d’école et contrôleuse bénévole du travail des enfants. «Ce que ces parents ne réalisent pas, c’est qu’ils reproduisent le cercle vicieux de la pauvreté: faute d’une véritable éducation, leurs enfants, en grandissant, auront une propension supérieure à rejoindre les rangs des marginaux, des chômeurs ou des travailleurs mal rémunérés».

Ce que ces parents ne réalisent pas, c’est qu’ils reproduisent le cercle vicieux de la pauvreté."

Damira Kadyrshaeva, directrice d’école et contrôleuse bénévole du travail des enfants
Selon le ministère de l’Education et de la Science, environ 80 000 enfants ne vont pas à l’école au Kirghizistan. Cela comprend des enfants qui doivent travailler et sont parfois employés dans des formes dangereuses du travail des enfants.

Depuis 2005, avec l’appui du Programme international pour l’élimination du travail des enfants (IPEC) de l’OIT, le gouvernement, les organisations d’employeurs et de travailleurs du Kirghizistan ont combattu le travail des enfants en mettant en place une série de projets.

L’un d’eux était le projet de l’IPEC Combattre le travail des enfants en Asie centrale – S’engager pur agir, financé par le gouvernement allemand.

Le projet donnait la priorité à l’éducation, entre autres sujets. Le partenaire principal pour le volet éducation non formelle du projet était le Syndicat des travailleurs de l’éducation et de la science du Kirghizistan, soutenu par le ministère de l’Education et de la Science.

L’école, un cadre idéal pour combattre le travail des enfants

«En tant que professionnels de l’éducation, les enseignants peuvent facilement apprendre et appliquer efficacement les techniques de formation participatives; ils guident et soutiennent les enfants, ils les informent des problèmes sociaux et des risques et, plus important, ils conseillent leurs parents.

"Collage" est un module du projet SCREAM destiné à stimuler le travail créatif en groupe.
Et bien sûr les enseignants sont les meilleurs contrôleurs du travail des enfants: qui d’autre qu’un professeur peut être le premier à remarquer les enfants qui manquent la classe et prendre des mesures préventives?», se demande Amina Kurbanova, Coordinatrice nationale du projet IPEC pour le Kirghizistan.

Mais la réintégration des enfants qui avaient précédemment quitté l’école n’est pas une tâche facile. Ces enfants sont généralement plus âgés que les autres élèves du même niveau, ne sont pas habitués aux horaires scolaires et ont du mal à s’intégrer. Beaucoup d’entre eux se sentent gênés d’assister aux cours en raison de leur âge et de leurs difficultés à répondre aux autres exigences de l’école.

C’est là que les techniques d’éducation non formelles, enrichies par la méthodologie SCREAM1 de l’IPEC se sont avérées des outils précieux pour les enseignants kirghizes. Les activités SCREAM ont aidé les enfants à surmonter les freins psychologiques et à s’exprimer sous différentes formes artistiques.

Les professeurs formés ont incorporé des sessions basées sur SCREAM dans les activités extrascolaires de 11 écoles pilotes et ont partagé leurs connaissances avec le reste du personnel de l’école. En 2013, le coffret pédagogique SCREAM et le manuel d’éducation non formelle ont été adaptés au contexte national et approuvés par l’Académie kirghize de l’éducation et leur usage recommandé par le ministère de l’Education et de la Science.

Un nouveau départ

C’est grâce à ce projet que la vie d’Alimjan a radicalement changé. Les contrôleurs du travail des enfants l’ont trouvé à la gare et l’ont invité à venir à l’école avec sa mère.

La réussite du projet devrait d’abord être attribuée à l’action nationale concertée à tous les niveaux."

Snezhi Badalli, responsable de l’IPEC
«Nous avons utilisé toutes les options et possibilités à notre disposition pour ramener cet enfant à l’école», se souvient Marina Kartanbaeva, une enseignante. «Nous leur avons montré, à lui et à sa mère, des vidéos de l’IPEC sur les travaux dangereux des enfants. Nous avons aussi parlé au conseil des parents qui lui a acheté des livres et d’autres fournitures scolaires. Les paniers alimentaires distribués dans le cadre du projet IPEC ont aussi été d’un grand secours pour la famille. Après les sessions SCREAM, on ne le reconnaissait plus, il était devenu tellement ouvert et sociable!».

Alimjan a terminé sa classe de 3ème et a rejoint un établissement d’enseignement professionnel où il sera formé pour devenir soudeur.

«La réussite du projet devrait d’abord être attribuée à l’action nationale concertée à tous les niveaux», déclare Snezhi Badalli, responsable de l’IPEC pour l’Europe, l’Asie centrale et les Etats arabes. «Les enseignants et les autorités éducatives sont les acteurs clés et leurs capacités ont été continuellement renforcées avec l’appui de l’IPEC. S’il reste encore beaucoup de choses à faire, les résultats du projet montrent que nous sommes sur la bonne voie».

Journée mondiale contre le travail des enfants – 12 juin

Pour célébrer le thème de la Journée mondiale Non au travail des enfants – Oui à une éducation de qualité, des centaines d’événements seront organisés dans 55 pays le 12 juin. A Genève, le lauréat du Prix Nobel de la paix, Kailash Satyarthi, et la Première Dame du Panama, Lorena Castillo de Varela, participeront à une table ronde en présence des délégués à la Conférence internationale du Travail.


1 La défense des droits des enfants par l’éducation, les arts et les médias (SCREAM) est une initiative de mobilisation éducative et sociale qui contribue à l’émancipation des enfants et des jeunes en leur apportant les connaissances et les compétences qui leur permettent de prendre une part active à la campagne mondiale contre le travail des enfants et de faire évoluer la société. Pour en savoir plus: ilo.org/Scream.