Egalité hommes-femmes

Ne plus avoir à choisir entre famille et travail

En Afrique de l’Ouest comme dans de nombreuses régions du monde, les jeunes femmes ont souvent des problèmes pour trouver un emploi et, quand elles le trouvent, à le garder lorsqu’elles fondent une famille.

Reportage | 6 mai 2015
DAKAR (OIT Info) – «Après ma maîtrise, j’ai réussi le concours de la Fonction publique. J’ai été nommée conseillère dans un ministère.»

Pour cette jeune Dakaroise (que nous appellerons Kh.F pour préserver son anonymat), l’entrée dans la vie professionnelle dans son pays, le Sénégal, avait plutôt bien commencé. Mais les choses se sont dégradées deux ans après son entrée en fonction, suite à son mariage et à la naissance de son premier enfant.

Rapidement la vie a été faite de contraintes, «Je devais me lever à cinq heures du matin pour déposer ma fille chez ma mère puis me rendre au travail», se souvient-t-elle. «Je rentrais chez moi le soir vers 21 heures et devais alors m’occuper du dîner. Je ne me couchais jamais avant minuit.»

Très vite, ce surmenage l’amène à commettre des erreurs au travail et, en rentrant chez elle, elle doit encore subir les foudres de son mari, lui reprochant de ne pas s’occuper assez de lui, de sa fille et de la maison. Kh. F tombe alors en dépression, puis divorce. Elle ne doit alors de garder son emploi qu’à l’intervention d’un syndicat.

«Pourquoi devons-nous choisir entre notre travail et notre famille? C’est trop injuste», s’indigne-t-elle.

Pourquoi devons-nous choisir entre notre travail et notre famille? C’est trop injuste.»

Même si elle n’est pas toujours aussi tragique, l’histoire de Kh.F. est celle de nombreuses jeunes femmes dans le monde. Nombre d’entre elles n’ont pas accès à une période de congé payé avant et après l’accouchement, et beaucoup d’autres continuent à faire face au licenciement et à la discrimination au travail parce qu’elles sont, ou peuvent devenir enceintes. Lorsque le congé de maternité et les services de garde d’enfants n’existent pas ou sont insuffisants, que les services sociaux et les transports font défaut, que les hommes ne partagent pas de manière équitable les activités domestiques, les femmes sont en effet souvent obligées d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle.

Mais ces discriminations vont bien au-delà de la maternité. Ainsi, on constate qu’en Afrique de l’Ouest, les taux de participation à la main d’œuvre pour les jeunes femmes sont plus faibles que pour les jeunes hommes. Par exemple, au Sénégal, où la population féminine en âge de travailler est de 1,13 fois supérieure en nombre à celle des hommes, leur taux de chômage est supérieur (14,1 pour cent chez les femmes contre 9,9 pour cent chez les hommes).

Le reflet de la société

Dans un contexte de pauvreté, de chômage et de sous-emploi, les jeunes femmes sont ainsi particulièrement vulnérables. Les inégalités commencent avec l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle et prennent aussi leur source dans des modèles de sociétés basés sur une répartition des rôles entre les genres et à un partage des ressources inéquitables. Si, en Afrique de l’Ouest, davantage de femmes suivent désormais des études supérieures, les pratiques discriminatoires en raison du sexe influencent bien souvent le recrutement.

Ainsi beaucoup de jeunes filles sont cantonnées dans certains secteurs de l’économie qui leur confère un statut professionnel moins élevé. Les statistiques de l’OIT montrent qu’au Mali, au Niger et au Sénégal, comme dans la plupart des pays de la sous-région, les femmes qui travaillent sont concentrées essentiellement dans l’agriculture et l’élevage, le commerce, les activités de transformation et les activités de ménages. Par contre, d’autres branches sont fortement masculines comme les secteurs de la construction, des transports, de la pêche, de l’immobilier et de l’administration publique.

Cette sous-représentation des femmes est encore plus évidente dans le secteur privé. Ainsi, au Sénégal, la part des femmes qui travaillent dans l’administration publique est de 1,4 pour cent contre 3,7 pour cent des hommes. Dans le secteur privé, le rapport est de 7 pour cent d’hommes contre 3,2 pour cent de femmes. Par contre, cette tendance s’inverse dans les entreprises individuelles ou du ménage, où la proportion des femmes (92,3 pour cent) est plus importante que celle des hommes (18 pour cent).

Autre caractérisque: dans tous les pays de la région, les hommes sont mieux rémunérés que les femmes. Le différentiel de salaire est parfois très élevé. Au Bénin, dans la tranche des 15-29 ans, la rémunération des jeunes hommes est 35 fois supérieure à celle des jeunes femmes.

Des besoins spécifiques

Il faut donc rappeler que l’égalité entre hommes et femmes dans le monde du travail est non seulement un droit humain, une justice sociale mais aussi un enjeu de développement économique. De plus en plus, des études démontrent qu’éliminer la discrimination augmente le revenu national des pays et la productivité, la capacité à innover et la rentabilité des entreprises.

Pour permettre aux femmes de travailler dans des conditions dignes, d’avoir des enfants et de pouvoir en prendre soin, il faut donc d’abord, en amont du monde du travail, leur ouvrir l’accès à des possibilités de formation équitable et œuvrer à la participation des jeunes femmes dans les filières professionnelles dites masculines.

Par ailleurs, l’entrée massive des jeunes filles sur le marché du travail rend fondamentale la protection de la maternité au travail. La ratification et l’application de la Convention no 183 de l’OIT sur la protection de la maternité (2000) par tous les Etats de la sous-région iraient dans ce sens et seraient une avancée majeure.

Cet article est un condensé du dossier rédigé par Fatime Christiane Ndiaye dans la revue Travail Décent, publiée par l’OIT à Dakar.