Développement économique local au Sri Lanka

Paix, prospérité et papayes

Grâce au programme LEED, financé par l’OIT, qui stimule l’activité dans la pêche, le bâtiment et l’agriculture, une jeune veuve a réussi dans la culture de la papaye.

Reportage | Bangkok, Thailand | 2 février 2015
KILINOCHCHI, Sri Lanka (OIT Info) – Dans le Nord du Sri Lanka, le début de la saison des pluies a apporté à Vadiveel Selvarathy une nouvelle récolte fructueuse. Sur sa parcelle de 1000 mètres carrés, les papayes ont commencé à prendre leur forme bombée. Arrivées à maturité, elles prennent la couleur rouge qui donne son nom à la variété, «Red lady».


«Cultiver la papaye nous a été beaucoup plus profitable que d’autres cultures», explique Mme Selvarathy. «Maintenant je peux acheter tout ce que veux. Je suis confiante pour l’avenir.»

Le mari de Mme Selvarathy a été tué pendant la guerre civile. Quand les combats ont cessé, en 2009, elle est revenue au village avec ses trois enfants, espérant reconstruire une vie normale. Mais le toit de sa maison s’était envolé et ses champs étaient retournés à l’état sauvage. Cherchant à se forger un avenir, elle a imité beaucoup de ses voisins et a commencé à faire pousser des oignons. Mais, très vite, elle s’est rendue compte qu’elle n’arriverait pas à vendre sa récolte – le marché était submergé d’oignons. Les fermiers désespérés ont commencé à se débarrasser de leurs légumes.

«Nous avons été choqués de voir des agriculteurs déverser leur récolte sur la route: des aubergines, des haricots-asperges et des oignons. Ils n’arrivaient pas à trouver de débouché pour leur légumes et préféraient les jeter plutôt que de les vendre à trop bas prix», se souvient Nihal Devagiri, Coordinateur national du programme de l’Organisation internationale du Travail (OIT). «Cela a conforté la détermination de l’OIT à les aider.»

Le LEED construit des partenariats

Au Nord du Sri Lanka, trente ans de guerre civile et d’isolement ont détruit les infrastructures, les compétences techniques et les mécanismes commerciaux. Pour y répondre, le Bureau de l’OIT au Sri Lanka, avec le soutien du gouvernement australien, a lancé le projet d’Autonomisation locale via le développement économique (LEED en anglais) en 2011. Le LEED prévoit l’appui à quatre secteurs économiques dans le Nord dévasté par la guerre: rizières, pêche et agriculture, fruits et légumes, et construction.

Une composante essentielle de l’approche spécifique du LEED consistait à nouer des partenariats entre le secteur privé dans le Sud et les fermiers au Nord. Pour le projet relatif à la papaye, l’OIT a réuni CR Export (Pvt) Ltd, le leader de exportations de fruits basé à Colombo et la Coopérative des producteurs de fruits Vanuniya North, pour former la société North South Fruit Processors Ltd.

Les 200 fermiers de la coopérative cultivent la papaye et la société commune achète les fruits à un prix fixe. Les papayes sont ensuite empaquetées dans une entreprise de transformation et expédiées par bateau au Moyen-Orient où la Red Lady est très prisée par les consommateurs locaux.

Depuis 2012, plus de 1,3 million de kilos de papayes ont été produits et la coopérative a gagné 5,4 millions de roupies sri-lankaises (40 000 dollars). Mme Selvarathy gagne environ 40 000 roupies par mois (300 $). «La société vient ramasser les fruits chaque semaine et la semaine suivante je reçois le paiement sur mon compte bancaire», a-t-elle déclaré.

Des fruits pourvoyeurs d’un revenu régulier

Grâce à cette source de revenu régulière, la jeune veuve de 44 ans et sa famille ont constaté beaucoup d’améliorations dans leur vie. Sa maison est équipée d’un téléviseur, d’un réfrigérateur, d’une chaine hi-fi et d’un téléphone. Elle a récemment fait l’acquisition d’une motocyclette pour son plus jeune fils et elle prévoit d’envoyer sa fille âgée de 15 ans dans un internat en ville.

La CR Export (Pvt) Ltd a également bénéficié du partenariat. Grâce à l’accord sur un prix fixe passé avec les planteurs, la société a pu atténuer certains risques commerciaux. Son Président, Upali Ranasinghe, indique que la coopération Nord-Sud se passe bien. «L’OIT devrait être encore là pour deux ou trois ans au moins afin que les agriculteurs puissent acquérir les connaissances nécessaires pour résoudre les problèmes», a-t-il dit. «Je suis très heureux, les équipes de l’OIT sont très efficaces dans ces domaines.»

«L’intérêt du projet LEED est de bâtir des partenariats qui relient le Nord et le Sud, qui mettent en relation les producteurs et le marché et associent le secteur public et le secteur privé», rappelle Donglin Li, Directeur du bureau de l’OIT pour le Sri Lanka.

L’intérêt du projet LEED est de bâtir des partenariats qui relient le Nord et le Sud, qui mettent en relation les producteurs et le marché et associent le secteur public et le secteur privé.»

Li Donglin, Directeur du bureau de l’OIT pour le Sri Lanka
Les systèmes et les principes qui ont fait le succès des plantations de papayers ont aussi été appliqués dans d’autres secteurs. La Province du Nord du Sri Lanka est célèbre pour ses crabes bleus. Un grand nombre de personnes sont employées dans le secteur de la pêche, toutefois la guerre a détruit les bateaux et d’autres infrastructures halieutiques. Le remplacement de ce matériel a été coûteux parce que la région est relativement éloignée.

Encourager les constructeurs de bateaux

L’OIT a approché Neil Marine Ltd, une entreprise de construction navale de Colombo, qui a donné son accord pour former les constructeurs de bateau et fournir des services de conseil et de tutorat qui permettront de bâtir un chantier naval local. Le chantier a ouvert en mai 2012 et depuis lors 175 bateaux ont été mis à l’eau, suffisamment non seulement pour répondre à la demande locale mais aussi pour vendre aux régions avoisinantes.

Le système de chantier naval intégrait aussi des conditions préférentielles pour les pêcheurs afin de les aider à acheter un nouveau bateau. Peter Rajan est l’un des bénéficiaires: «J’ai acheté le bateau avec une subvention de 50 pour cent de l’OIT et un crédit pour l’autre moitié. Je peux faire de meilleures pêches grâce à ce bateau.»

Joseph Francis, président de l’Union des coopératives de pêcheurs, a décrit le chantier naval comme «un don de Dieu».

L’approche du LEED a également garanti que les pêcheurs qui reviennent avec leurs crabes n’avaient pas à se soucier des ventes. Une entreprise de transformation de crabe a été créée à proximité de la plage, et achète l’intégralité de leur pêche.

«Je suis ravi de voir les moyens de subsistance des populations du Nord s’améliorer grâce à nos efforts», se félicite Donglin Li. «Il est aussi très gratifiant de savoir que le gouvernement sri-lankais a commencé à dupliquer le projet ailleurs, ce qui permettra à d’autres personnes d’en bénéficier. Je crois que cette approche peut prendre racine, germer, s’épanouir et porter ses fruits à travers tout le pays.»