Egalité salariale

Discrimination salariale entre hommes et femmes en Jordanie: un appel au changement

L’Organisation internationale du Travail collabore avec le gouvernement jordanien et ses partenaires sociaux en vue de résorber les écarts de salaire entre hommes et femmes.

Reportage | 22 mai 2013
AMMAN (OIT Info) – Quand Amira*, une institutrice jordanienne, a demandé à son directeur une augmentation de salaire, elle lui a été refusée. Quelques mois plus tard, elle était renvoyée.

«Les raisons officielles avancées pour mon licenciement étaient peu probantes. Je suis sûre qu’ils voulaient me faire payer le fait d’avoir réclamé une juste rémunération pour mon travail», a-t-elle déclaré.

Je n’ai reçu qu’une augmentation de salaire d’environ 3 pour cent tandis que les employés hommes obtenaient 7 pour cent.»
Banan* travaille pour une société de presse et se plaint d’être payée au moins 30 pour cent de moins que ses homologues masculins pour effecteur le même travail.

«Tout le monde se voyait accorder une hausse de salaire mais je n’ai reçu qu’une augmentation d’environ 3 pour cent tandis que les employés hommes obtenaient 7 pour cent. Quand j’ai fait remarquer cette disparité à mon responsable, on m’a dit que c’était délibéré et que la place d’une femme mariée était à la maison avec ses enfants», raconte Banan.

Ces témoignages donnent un aperçu de la discrimination à laquelle font face de nombreuses femmes sur le marché du travail en Jordanie – en dépit du fait que le pays a ratifié la convention (n° 100) de l’OIT sur l’égalité de rémunération et la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession).

D’énormes écarts de rémunération


En moyenne, les hommes qui travaillent dans le secteur privé en Jordanie gagnent 41 pour cent de plus que les femmes. Dans le secteur public, les hommes touchent 28 pour cent de plus. Selon les chiffres officiels, l’écart de rémunération dans les usines est de 41,3 pour cent; dans le secteur de la santé et du travail social, il est de 27,9 pour cent et de 24,5 pour cent dans l’éducation.

La discrimination s’étend aussi aux avantages non salariaux tels que l’assurance santé et les remboursements de frais – auxquels les femmes n’ont pas droit. En outre, de nombreux employeurs n’octroient aucun congé de maternité, obligeant les femmes à subir de longues interruptions de carrière, ce qui leur fait prendre du retard en matière de rémunération et de promotion.

«Le problème de la discrimination salariale est un problème social: la société ne perçoit pas la contribution des femmes au marché du travail comme étant du même niveau ou de la même importance que celle des hommes», déplore la secrétaire générale de la Commission nationale jordanienne pour les femmes (JNCW en anglais), Asma Khader.

L’OIT travaille avec le ministère du Travail sur la question de l’égalité salariale depuis 2010. Par conséquent, en 2011 fut institué un Comité directeur national sur l’égalité de rémunération (NSCPE) dans lequel siègent des représentants du gouvernement, de la JNCW, des syndicats, des associations professionnelles, des employeurs, des groupes émanant de la société civile, des centres de recherche sur les femmes et des médias.

Son objectif est de promouvoir l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et de prendre l’initiative pour élaborer et mettre en œuvre un plan d’action en faveur de l’égalité salariale.

«La promotion de l’égalité salariale par le NSPCE va faire progresser la participation des femmes à la vie active sur un pied d’égalité», explique Reem Aslan, consultante nationale de l’OIT pour l’égalité salariale en Jordanie.

Modification de la législation


Le comité a révisé les lois nationales de Jordanie et, en collaboration avec l’OIT, a commandé une étude approfondie pour examiner la discrimination salariale liée au sexe dans l’enseignement privé en Jordanie. Elle a constaté que les hommes gagnaient 41,6 pour cent de plus dans les écoles privées et 23,1 pour cent de plus dans les universités privées.

Selon le rapport, ces divergences sont imputables à plusieurs facteurs, notamment une tradition qui tend à sous-évaluer les emplois et les qualifications des femmes, des facteurs sociaux et culturels et l’absence de lois nationales.

Renforcer la participation et la promotion des femmes sur le marché du travail ... est une priorité essentielle pour le ministère du Travail.»
Abeer Al-Akhras du Syndicat jordanien des enseignants pense qu’une partie du problème tient au manque de sensibilisation à cette question.

«La personne elle-même ne connaît pas toujours ses droits garantis par la loi et accepte tout. Parfois, c’est l’organisation qui est responsable des inégalités entre hommes et femmes. Elles estiment que les hommes sont les seuls soutiens de famille et doivent donc être mieux rémunérés.»

Le gouvernement se dit déterminé à s’attaquer au problème.

«Renforcer la participation et la promotion des femmes sur le marché du travail, et améliorer leurs perspectives d’avenir, est une priorité essentielle pour le ministère du Travail», a déclaré le secrétaire général du ministère du Travail, Hamada Abu Nejmeh.

Maher al-Mahrouq, directeur général de la Chambre jordanienne de l’industrie, affirme aussi la nécessité du changement.

«Du point de vue du secteur privé, surtout dans l’industrie, ces écarts de rémunération sont inacceptables. A la lumière de la constitution et du droit du travail, nous nous efforçons de parvenir à un niveau juste et égal pour chacun en termes de rémunération. L’important, c’est la productivité, quel que soit le sexe.»

Le NSCPE a préconisé des changements à apporter à la législation nationale pour renforcer le principe de l’égalité salariale pour un travail de valeur égale. Il a accueilli un colloque sur ce thème à Amman le 19 mai.

«Il est vital que tous les acteurs concernés coopèrent pour faire pression sur le législateur afin que la législation nationale soit amendée», a déclaré Mme Aslan de l’OIT. «Les employeurs doivent être encouragés à adopter des échelles de rémunération communes aux deux sexes, les syndicats devraient avoir le soutien de la négociation collective et les femmes être encouragées à négocier et revendiquer leur droit à l’égalité salariale.»

* Les prénoms ont été modifiés.