Droits liés à la maternité

La protection de la maternité n’est pas une simple question personnelle

Beaucoup de pays ont ratifié les conventions de l’OIT sur la protection de la maternité mais les femmes restent confrontées à la discrimination sur leur lieu de travail lorsqu’elles tombent enceintes. A l’occasion de la Journée des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’OIT publie des directives concernant la mise en œuvre de politiques de protection de la maternité.

Reportage | 23 novembre 2012
GENÈVE (OIT Info) – A six mois de grossesse, il était devenu difficile pour Liani de supporter de rester debout des heures durant sur la chaîne de production dans une usine de plastique en Indonésie.

Son dos lui faisait mal et son corps était recru de fatigue mais, en l’absence de dispositions spécifiques en faveur des travailleuses enceintes, elle a dû poursuivre son travail.

Les équipes de nuit étaient encore pires: comme il n’y a pas de moyens de transport pour les travailleurs de nuit, la seule façon d’effectuer le trajet cahoteux entre la maison et le travail était à l’arrière de la moto de son mari.

Etudes de cas
  • En Italie, au moins 800 000 femmes ont été contraintes de démissionner de leur emploi parce qu’elles étaient enceintes, principalement après avoir dû signer des lettres de démission non datées lors de leur embauche. Ces lettres ont été utilisées par les entreprises qui souhaitaient les licencier.
  • Au Kenya, des femmes ont été contraintes de s’engager par écrit à ne pas tomber enceinte.
  • Au Honduras, des femmes de ménage se voient régulièrement soumises à des tests de grossesse, soit pour obtenir un poste, soit pour conserver leur emploi.
«En octobre, j’étais enceinte de six mois», confie-t-elle à OIT Info. «Un jour, je me sentais malade et j’ai demandé à la société de me laisser le temps d’aller chez mon docteur. Le bébé est né pendant la nuit. Il n’a vécu que deux heures.»

«Le docteur m’a dit par la suite que c’était dû à mon extrême fatigue. J’étais restée debout trop longtemps au travail et, pour me rendre à l’usine à moto, la route était défoncée et cahoteuse. Cela a été préjudiciable à ma grossesse.»

L’expérience de Liani n’a rien d’exceptionnel. Elle raconte qu’une autre ouvrière de l’usine est morte en accouchant. Le bébé n’a pas survécu.

Un problème qui se pose dans différents pays


Quelque 70 pays ont ratifié au moins l’une des trois conventions de l’OIT concernant la protection de la maternité. Mais en réalité de nombreuses femmes enceintes et de jeunes mères sont encore vulnérables sur leur lieu de travail.

La discrimination à leur encontre peut s’observer dans les nations riches, pauvres ou à revenu intermédiaire, et elle s’est aggravée avec la crise économique mondiale, déclare Laura Addati, spécialiste de la maternité à l’OIT.

«Avec la crise économique, on note une hausse des plaintes pour discrimination. Les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables. Elles ont tendance à souffrir de discrimination au travail où l’on considère que la maternité est une charge, a expliqué Mme Addati. Les femmes enceintes sont perçues comme un coût mais le fait est que la protection de la maternité recèle d’énormes avantages.»

Plaintes pour discrimination
  • Au Canada, la Commission des droits de l’homme du Saskatchewan affirme qu’une plainte sur dix pour discrimination au travail concerne la grossesse.
  • Les plaintes pour discrimination à raison de la grossesse ont grimpé de 35 pour cent aux Etats-Unis au cours de la décennie écoulée.
  • Depuis 2001, les tribunaux américains ont versé 150 millions de dollars de dommages et intérêts pour des cas de discrimination liée à la grossesse.
La recherche menée par l’OIT a identifié des cas de femmes victimes de harcèlement et licenciées quand elles sont tombées enceintes, contraintes de subir des tests de grossesse à la demande de leurs employeurs et se voyant refuser un congé de maternité rémunéré.

Dans certaines régions du monde, des travailleuses enceintes sont exposées à des produits chimiques dangereux qui pourraient porter préjudice au fœtus ou, comme Liani, sont obligées de rester debout toute la journée ou de travailler en équipe de nuit parce qu’il n’existe pas de dispositions spécifiques pour elles.

Impact sur le développement


Pour commémorer la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard de femmes, l’OIT, en collaboration avec plusieurs autres agences de l’ONU, a constitué une documentation qui aide les organisations, les ministères, les organisations syndicales et patronales à renforcer et étendre la protection de la maternité aux femmes au travail.

L’objectif de cette protection est de préserver la santé de la mère et de son nouveau-né et d’offrir une sécurité économique pour les femmes et leurs familles. Il peut être atteint grâce au congé maternité, aux prestations financières et médicales, à la protection de la santé au travail, à la protection de l’emploi, de la non-discrimination et de l’allaitement au travail.

Mais il ne s’agit pas seulement d’aider des individus, ajoute Mme Addati. La protection de la maternité a un impact significatif sur le développement, et la recherche montre qu’elle est de l’intérêt des employeurs comme des employés, parce qu’elle aide les entreprises et les organisations à conserver un personnel de valeur.

Handicap pour les femmes
  • Une étude du Royaume-Uni a établi que 22 000 femmes disaient avoir été désavantagées dans leur travail parce qu’elles étaient enceintes ou prenaient un congé maternité.
  • Deux tiers des jeunes femmes dans les pays arabes restent en dehors du marché du travail en raison d’une législation insuffisante en matière de discrimination sexuelle et du manque de solutions de garde d’enfants.
«La protection de la maternité est essentielle dans la lutte contre la pauvreté, pour l’insertion sociale, l’égalité entre hommes et femmes et la santé maternelle et infantile. Un lien existe entre le niveau de dépenses des politiques familiales, le niveau d’emploi des femmes et celui de la pauvreté infantile», ajoute Mme Addati.

«C’est pour cette raison qu’on ne peut résumer la protection de la maternité à une question personnelle. Elle contribue à la réalisation de plusieurs objectifs globaux de développement, il s’agit donc d’une responsabilité collective. Gouvernements, travailleurs et employeurs doivent participer ensemble à un dialogue social qui permette de trouver des solutions qui répondent aux besoins de toutes les parties.»