Questions and Answers

Reconstruire Haïti grâce aux programmes de formation et d’emploi

En réaction au séisme dévastateur qui a frappé Haïti en janvier 2010, la communauté internationale s’est engagée à financer plusieurs milliards de dollars de programmes. Cependant, le pays ne pourra faire fructifier ce soutien massif que s’il parvient à trouver du personnel technique et professionnel qualifié pour le mettre en œuvre. BIT en ligne s’est entretenu avec Michael Axmann, spécialiste des systèmes de développement des compétences au BIT, au sujet d’une nouvelle proposition du BIT pour un programme de formation et d’emploi de grande envergure en vue de renforcer l’employabilité des travailleurs et d’améliorer la productivité des entreprises en Haïti.

Article | 6 janvier 2012

Deux ans après le tremblement de terre, Haïti constitue-t-il encore un énorme défi pour la communauté internationale?

Michael Axmann: Avec 56 pour cent de sa population qui vit dans l’extrême pauvreté avec moins de 1,25 dollar par jour, Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Le marché du travail se caractérise par des taux élevés de chômage dans l’économie formelle et une vaste économie informelle. Le séisme qui a frappé le 12 janvier 2010 a aggravé une situation déjà difficile. Quelque 220 000 personnes ont été tuées et un million de personnes déplacées dans la région métropolitaine de la capitale haïtienne. Les dommages et les coûts de la reconstruction sont estimés à 11,5 milliards de dollars.

En quoi le tremblement de terre de 2010 a-t-il affecté l’économie haïtienne?

Michael Axmann: Avec 56 pour cent de sa population qui vit dans l’extrême pauvreté avec moins de 1,25 dollar par jour, Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Le marché du travail se caractérise par des taux élevés de chômage dans le secteur formel et une vaste économie informelle. Le séisme qui a frappé le 12 janvier 2010 a aggravé une situation déjà difficile. Quelque 220 000 personnes ont été tuées et un million de personnes déplacées dans la région métropolitaine de la capitale haïtienne. Les dommages et les coûts de la reconstruction sont estimés à 11,5 milliards de dollars.

Quel a été l’impact du tremblement de terre sur l’enseignement et la formation?

Michael Axmann: L’impact du séisme sur l’enseignement et la formation a été particulièrement dévastateur. Selon les estimations du gouvernement, plus de la moitié des infrastructures scolaires du pays sont situées dans la moitié Est d’Haïti. Dans cette région, plus de 80 pour cent des écoles ont été détruites ou gravement endommagées. Les équipements d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) ont été également fortement touchés: 8 institutions de formation publiques sur 9 et la totalité des 11 organismes privés ont été détruits ou gravement endommagés.

Ces dégâts ont provoqué un recul majeur d’un système éducatif déjà défaillant. Près de 40 pour cent des enfants âgés de 6 à 15 ans ne sont pas scolarisés. Avec moins de 9 pour cent des jeunes qui poursuivent leurs études dans des instituts de formation et moins de 1 pour cent à l’université, l’instruction et le développement des compétences de la prochaine génération d’Haïti représentent un immense défi.

Comment ce décalage de compétences se répercute-t-il sur l’économie haïtienne?

Michael Axmann: En Haïti, les faibles niveaux d’instruction et de formation se sont traduits par une pénurie de travailleurs qualifiés dans certains secteurs. Selon les estimations du gouvernement, sur le marché du travail, à peine 6 travailleurs sur 1 000 possèdent un diplôme ou un brevet dans un domaine technique ou professionnel. Le secteur dans lequel cette pénurie est particulièrement aigue, c’est la construction. Compte tenu de l’ampleur des dégâts provoqués par le tremblement de terre, les demandes de ce marché du travail de la construction ont considérablement augmenté au cours des deux dernières années.

Pour combler ces déficits, on a fait venir de l’étranger des travailleurs dotés des compétences techniques et de gestion dans la construction, notamment de la République dominicaine et du Brésil. Si Haïti veut être moins dépendant de l’expertise externe à l’avenir, il faut d’urgence lancer une initiative nationale pour la formation et l’employabilité dans le secteur de la construction.

Le BIT peut-il aider à combler le déficit en matière de formation dans le secteur de la construction?

Michael Axmann: En juillet 2011, l’OIT a conduit une mission en Haïti pour faire le point sur le volet demande du système de formation et pour identifier le potentiel d’emplois et les besoins de qualifications dans le secteur de la construction. A travers ses discussions avec les parties prenantes nationales et le personnel régional, la mission a confirmé qu’il était pertinent de choisir ce secteur comme point de départ en raison du grave déficit de compétences et du fort potentiel de création d’emplois qu’il recèle.

L’axe stratégique du projet repose sur deux grands piliers, la formation et l’employabilité, afin d’aider les travailleurs de l’économie informelle à bénéficier de meilleures opportunités professionnelles tout en aidant en parallèle à la reconstruction du pays. Le second pilier, lui, a pour objectif de lier la formation aux débouchés en matière d’emplois. Le projet tire toutes les leçons de l’expérience, des activités et des projets menés par l’équipe de crise du BIT en Haïti depuis septembre 2010.

Dans le domaine de la formation et de l’employabilité, l’OIT a accumulé une grande richesse d’expérience et d’expertise dans des contextes de pays très variés. Elle comprend la réforme des systèmes nationaux de formation, l’extension des apprentissages informels, la formation des entrepreneurs, et le développement d’une meilleure compréhension des services d’emploi. L’OIT va s’appuyer sur cette expertise pour adapter et intégrer les concepts pertinents dans le projet de coopération technique en Haïti et pour identifier des synergies et des complémentarités avec les projets d’autres agences de développement.

Le projet sera-t-il en ligne avec la stratégie de formation du G20?

Michael Axmann: Au cours du Sommet du G20 à Pittsburgh en 2009, les dirigeants mondiaux ont appelé à placer des emplois de qualité au cœur de la reprise et ont demandé à l’OIT, en partenariat avec d’autres organisations et avec les partenaires sociaux, d’élaborer et de leur soumettre une stratégie de formation. La stratégie de formation du G20 qui en a résulté, «Une main-d’œuvre qualifiée au service d’une croissance forte, durable et équilibrée», met en évidence neuf éléments indispensables à l’élaboration de solides stratégies de formation et de développement des compétences: anticipation des besoins de qualifications, participation des partenaires sociaux, approches sectorielles, information sur le marché du travail et services de l’emploi, qualité et pertinence de la formation, égalité hommes-femmes, accès élargi à la formation, financement et évaluation de la performance des politiques.

Un an plus tard, lors de la réunion du G20 à Séoul, en Corée, il a été décidé d’identifier des pays pilotes dans chaque région selon des critères spécifiques. L’OIT collabore avec d’autres organisations internationales afin de mieux coordonner leurs réponses à la demande de soutien pour contribuer au développement des compétences. Avec le nouveau gouvernement en place depuis le 19 octobre 2011, l’amélioration de la formation et des perspectives d’emploi est une priorité nationale. Les organisations de travailleurs et d’employeurs en Haïti ont aussi exprimé un soutien massif pour renforcer les compétences et se préparer à un nouvel essor de l’emploi dans la reconstruction.