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L’administration et l’inspection du travail: des outils indispensables à une gouvernance globale de qualité

Le rôle important que jouent des systèmes d’administration et d’inspection du travail solides et efficaces dans un contexte de développement social et économique est reconnu par la Constitution de l’OIT, la Déclaration de Philadelphie et la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable. Les mêmes principes ont été repris par de nombreuses conventions, recommandations et autres normes de l’OIT. BIT en ligne s’est entretenu avec Giuseppe Casale, Directeur du Programme d’administration et d’inspection du travail (LAB/ADMIN).

Article | 31 mai 2011

Le Pacte mondial pour l’emploi, adopté par la Conférence internationale du Travail (CIT) en 2009, en réponse à la crise économique mondiale met en exergue l’administration et l’inspection du travail comme des facteurs clés pour surmonter la crise et promouvoir le développement social et économique. C’est pourquoi le Conseil d’administration du Bureau international du Travail (BIT) a décidé lors de sa session de juin 2010 d’ouvrir une discussion générale sur l’administration du travail et l’inspection du travail pendant la 100e session de la CIT.

Qu’est-ce que l’administration du travail?

Giuseppe Casale: Pour l’OIT, l’administration du travail se définit comme l’ensemble des activités de l’administration publique dans le domaine de la politique nationale du travail. Le système d’administration du travail comprend l’ensemble des organes d’administration publique responsables ou chargés de l’administration du travail – qu’il s’agisse de départements ministériels ou d’institutions publiques.

Fondamentalement, l’administration du travail contribue à faire du travail décent une réalité. Elle constitue une source majeure d’information pour les gouvernements, les employeurs et les travailleurs. C’est aussi un intermédiaire actif dans la prévention et le règlement des conflits du travail, ainsi qu’un observateur éclairé des tendances du marché du travail en vertu de ses liens privilégiés avec les partenaires sociaux. Dans de nombreux pays, l’administration du travail est chargée d’une part croissante des dépenses publiques, en particulier dans le domaine de la sécurité sociale et de la création d’emplois. Elle garantit aussi, à travers l’inspection du travail, que l’équité et «l’égalité des chances pour tous» sont respectées pour l’ensemble des travailleurs et des employeurs.

Quelles sont les normes pertinentes de l’OIT qui traitent de l’administration du travail?

Giuseppe Casale: Les normes fondamentales de l’OIT sur l’administration du travail sont la convention n° 150 et la recommandation qui l’accompagne de 1978. Ces normes définissent un cadre juridique international de base dans lequel peut fonctionner correctement n’importe quel système d’administration du travail. En outre, il existe d’autres instruments pertinents tels que la convention sur l’inspection du travail, la convention sur l’inspection du travail (agriculture), la convention sur les statistiques du travail et la convention sur les consultations tripartites.

Qu’est-ce que l’inspection du travail?

Giuseppe Casale: Pour l’OIT, le rôle de l’inspection du travail est de veiller au respect du droit du travail d’un pays en ce qui concerne les conditions de travail et la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. L’inspection du travail est l’une des fonctions essentielles d’un système d’administration du travail. Elle a toujours été au cœur du mandat de l’OIT, dès la création de l’Organisation en 1919.

Les inspecteurs du travail couvrent une gamme de thèmes qui varie d’un pays à l’autre mais qui comprend généralement la promotion de la santé et la sécurité au travail, la protection des salaires et des prestations de sécurité sociale, la promotion des droits fondamentaux au travail tels que la liberté d’association et la non-discrimination, ainsi que le fonctionnement approprié des relations professionnelles et du dialogue social. En menant leur mission, les inspecteurs du travail ont un impact direct sur le développement socio-économique du pays parce qu’ils réconcilient la protection et la sécurité des travailleurs avec la productivité et la compétitivité.

Quelles sont les normes pertinentes en matière d’inspection du travail?

Giuseppe Casale: Comme je l’ai déjà mentionné, les normes internationales dans ce domaine incluent la convention n° 81 sur l’inspection du travail et sa recommandation, ainsi que la convention n° 129 sur l’inspection du travail (agriculture) et sa recommandation. D’autres conventions comportent des dispositions qui traitent de l’inspection du travail: la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, et la convention (n° 178) sur l’inspection du travail (gens de mer), 1996.

Pour être précis, la convention n° 81 définit les trois principales fonctions des inspecteurs du travail: contrôler l’application de la législation, conseiller les employeurs et les travailleurs et fournir des informations aux autorités compétentes. Elle fixe aussi leurs pouvoirs, comme celui d’entrer sur les lieux de travail, de mener des enquêtes, de poser des questions, d’examiner des documents et de prélever des échantillons; ou celui de donner des instructions pour remédier aux défaillances et de décider s’il est approprié de donner un avertissement et de prodiguer des conseils, ou de lancer ou recommander une action juridique. En retour, les inspecteurs sont tenus de respecter certaines obligations: ils ne peuvent avoir aucun intérêt direct ou indirect dans les entreprises qu’ils contrôlent et ne doivent divulguer aucun secret commercial des entreprises qu’ils inspectent ni révéler l’auteur des plaintes.

Quels problèmes l’administration et l’inspection du travail rencontrent-elles?

Giuseppe Casale: Les principales difficultés pour l’administration du travail sont liées à des capacités parfois limitées des ministères du Travail en matière d’élaboration des politiques. Cela est souvent dû à un manque de ressources humaines et financières, un accès limité à des données fiables ventilées par sexe ou des technologies de l’information inadaptées. Les systèmes nationaux d’inspection du travail souffrent aussi de l’absence d’une autorité centrale qui se traduit par des difficultés à faire respecter le droit du travail. Ajouté à cela, le développement des initiatives privées d’inspection du travail menace la fonction publique des ministères et des inspections du travail. Parmi les autres défis que doivent relever les inspecteurs du travail figurent la faiblesse de l’administration, les nouvelles formes d’emploi, le travail non déclaré, les nouvelles technologies et les nouveaux procédés industriels.

La récente crise économique et sociale a-t-elle eu des répercussions sur les services d’administration et d’inspection du travail?

Giuseppe Casale: La détérioration des conditions économiques provoquée par la crise a poussé de nombreux pays à adopter des mesures de sauvetage. Cela a renforcé le rôle et la position des administrations du travail en tant qu’institutions clés pour répondre à la crise, en particulier en ce qui concerne les licenciements, les allocations chômage et les programmes de création d’emplois. Sur ce dernier point, les services publics de l’emploi (SPE) illustrent comment l’une des caractéristiques les plus anciennes et traditionnelles de l’administration du travail a dû s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et réorganiser ses fonctions pour y répondre. Cependant, les activités des systèmes d’administration et d’inspection du travail ne sortent pas indemnes de la tendance actuelle aux restrictions budgétaires et à l’adoption de mesures d’austérité.

De ce fait, les ministères du Travail, y compris les SPE et les inspections du travail, font de plus en plus l’objet de coupes budgétaires, ce qui crée des difficultés supplémentaires pour des systèmes d’administration du travail déjà surchargés.

Quelles mesures l’OIT a-t-elle adoptées en vue de renforcer ces services?

Giuseppe Casale: La Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable de 2008 a reconnu la nécessité de «renforcer la capacité de l’OIT à aider ses Membres dans leurs efforts pour atteindre les objectifs de l’OIT dans le contexte de la mondialisation» et a identifié l’administration et l’inspection du travail, à travers le tripartisme et le dialogue social, comme domaines de première importance pour parvenir à ce but.

Mon Département (LAB/ADMIN), qui a été créé en avril 2009, reflète l’engagement constant de l’OIT envers le renforcement des capacités des systèmes d’administration du travail pour mettre en œuvre l’agenda de l’OIT pour le travail décent grâce à l’élaboration et l’application de politiques du travail. Nous nous employons aussi à renforcer les systèmes d’inspection du travail pour qu’ils deviennent des outils de gouvernance modernes et efficaces. Cela passe par l’établissement et le renforcement du cadre juridique et institutionnel des systèmes d’administration et d’inspection du travail. Cela suppose aussi de garantir une coordination efficace des diverses administrations et agences qui s’occupent des questions et des politiques sociales.

Il convient de noter que cela se fait grâce à la consultation et à la participation des travailleurs et des employeurs. LAB/ADMIN conduit les activités du BIT en termes d’appui technique et de services consultatifs dans l’administration et l’inspection du travail; il mobilise les compétences requises au sein du Bureau et travaille en réseau avec différents secteurs techniques et régions pour renforcer l’assistance aux mandants.