Les Gonaïves se préparent à la prochaine grosse tempête
A l’arrivée de la saison des ouragans, les habitants des Gonaïves, dans le nord d’Haïti, se préparent au pire. Il y a cinq ans, l’ouragan Jeanne a déferlé sur les côtes, précipitant des murs d’eau et des coulées de boue sur les pentes alentour et bouleversant la physionomie de la ville pour toujours. Un projet géré par l’Organisation internationale du Travail (OIT) a aidé les habitants de la région à s’organiser pour établir des réseaux de contrôle de l’érosion afin de protéger la ville des coulées de boue et des lourds sédiments. Mais comme le montre le reportage de BIT en ligne, le défi ne s’arrête pas aux collines.
Gonaïves, Haïti (BIT en ligne) – Quand l’ouragan Jeanne s’est abattu sur Haïti en septembre 2004, il a trouvé dans la ville côtière des Gonaïves le site parfait pour une catastrophe. Située au-dessous du niveau de la mer, avec ses collines infertiles qui n’offrent aucune protection naturelle contre les pluies diluviennes et les coulées de boue, la ville s’est rapidement transformée en marécage. Plus de 3 000 personnes ont trouvé la mort; des milliers d’autres se sont retrouvées sans abri.
Après l’ouragan Jeanne, chaque nouvelle grosse tempête a été source d’angoisse pour la population des Gonaïves. Cependant, elle n’est pas restée inactive. Depuis 2006, les habitants ont restauré et amélioré la ligne de partage des eaux autour de la ville dans le cadre d’un projet de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et en collaboration avec le ministère haïtien du Plan et de la Coopération extérieure. Le projet est cofinancé par le Programme des Nations Unies pour le développement et le Programme alimentaire mondial.
En échange de nourriture et d’un salaire, les travailleurs effectuent un certain nombre de tâches: ils creusent des fossés horizontaux et les renforcent avec des rochers, ils assemblent des barrages de pierres, de petites digues, et améliorent les fossés de drainage sur les terrains plats.
Mais le projet va bien au-delà de la prévention et de la gestion de la catastrophe.
«Il s’agit aussi de réhabiliter l’environnement, de promouvoir l’emploi local, de renforcer les capacités et l’organisation sociale, ainsi que de préserver les moyens d’existence des générations futures en régénérant les ressources naturelles», explique Emmanuel Rubayiza, du Programme d’investissement dans l’emploi du BIT.
La dégradation de l’environnement a longtemps été un problème aux Gonaïves et alentour. Tout en réhabilitant les collines autour de la ville, les travailleurs ont été aussi très occupés à lutter contre la déforestation grâce à des pépinières et des replantations, à la conservation de l’eau et du sol, et à réaménager les collines et les rives de la rivière «La Quinte», toutes choses qui concourent à l’objectif à plus long terme de création d’emplois.
«Les Gonaïves sont devenues l’exemple-type de la contribution que les emplois verts peuvent apporter à la restauration d’un environnement de qualité tout en fournissant un emploi décent, dit Emmanuel Rubayiza. Le projet a également contribué à renforcer la prise de conscience sur les questions d’environnement qui sont un élément clé pour le développement durable et la préservation des moyens d’existence à venir».
L’héritage laissé par le projet est tout aussi important que les emplois qu’il a générés. L’utilisation de techniques basées sur les ressources locales et la passation de contrats au sein de la communauté ont été des éléments essentiels. Sept associations professionnelles ont été créées et six fédérations d’associations locales les ont aidées à recruter des travailleurs, à sélectionner des chefs d’équipe et à veiller au paiement des salaires.
Quand le projet touchera à sa fin, l’expertise en termes d’organisation, de gestion et de technique demeurera la propriété de la population des Gonaïves.
«L’approche contractuelle du projet signifie que les travailleurs, les organisations locales, les autorités locales et les directions techniques régionales ne se forment pas seulement aux techniques de protection de l’environnement et aux systèmes de maintenance, mais qu’ils découvrent aussi leurs rôles, responsabilités, droits et obligations. Voilà ce que recouvre la notion de renforcement des capacités», ajoute Emmanuel Rubayiza.
La phase I du projet, qui s’est achevée en décembre 2007, a obtenu d’intéressants résultats, parmi lesquels: plus de 566 kilomètres de murs d’enceinte pour la protection des collines ont été construits, plus de 14 600 mètres cubes de murs en maçonnerie sèche ont été érigés et 360 000 journées de travail – soit l’équivalent de 900 personnes employées quotidiennement pendant une période de 20 mois – ont été créées.
Cependant, si d’impressionnants travaux ont été réalisés et des emplois créés, il s’agissait d’une phase d’expérimentation et beaucoup reste à faire. En 2008, les Gonaïves ont été à nouveau frappées par de violentes tempêtes, notamment les ouragans Fay, Gustav, Hanna et Ike. Les dommages ont été moindres qu’en 2004 mais la ville est toujours inondée et les traces de catastrophe sont visibles partout. De nombreux citoyens, en particulier les jeunes, ont quitté les Gonaïves à la recherche d’une vie meilleure dans d’autres régions d’Haïti ou à l’étranger.
La seconde phase du projet doit s’achever à la fin de l’année. Les résultats ont jusqu’ici été encourageants, mais ils sont bien modestes au regard de la véritable somme de travail qui reste à accomplir. Selon les propres termes d’Emmanuel Rubayiza, «le défi, c’est d’être prêt pour la prochaine grosse tempête, mais surtout d’aider les habitants des Gonaïves grâce à un vaste programme d’investissements qui réponde aux énormes besoins environnementaux en créant des emplois dont ils ont bien besoin, et dont la nécessité s’est maintenant accrue avec la crise économique, et qui porte la société au-delà du redressement, sur la voie du développement durable».