Le Brésil étend son programme de Bolsa familia pendant la crise économique
Quand les premiers signes de turbulence financière se sont manifestés dans le monde industrialisé, il semblait que «l’effet de découplage» protégerait le monde en développement de la crise. Aujourd’hui, la crise économique est évidemment mondiale et aucun pays n’y échappe. Au Brésil, l’une des mesures clés a été l’extension d’un programme de transferts sociaux qui fonctionne bien – la Bolsa familia – à un plus grand nombre de familles démunies. La Bolsa familia a récemment fait l’objet d’une discussion pendant une session spéciale du Conseil d’administration du BIT.
GENÈVE – La Bolsa familia n’est pas un programme de transferts sociaux de plus. Avec plus de 11 millions de familles bénéficiaires, elle est le plus grand programme au monde et a fait des émules à travers l’Amérique latine et même aux Etats-Unis.
Lancée en 2003, elle offre un filet de sécurité incomparable pour un quart de la population brésilienne, fournissant un revenu social complémentaire à un coût équivalent à 0,4 pour cent du PIB du pays.
Le gouvernement brésilien – comme d’autres pays d’Amérique latine souffrant du ralentissement économique mondial – a maintenant décidé d’inclure 1,3 million de familles supplémentaires dans le programme.
«Un des aspects très positifs de la Bolsa familia – et des autres programmes de transferts sociaux également – est que tout en arrachant des millions de personnes à l’extrême pauvreté, elle en fait aussi des consommateurs et contribue ainsi à stimuler les économies locale et régionale», a déclaré le ministre brésilien du Développement social et de la Lutte contre la faim, Patrus Aranias, lors de sa présentation du programme à l’OIT.
L’idée est simple mais elle est efficace au plan économique. Puisque les familles à bas revenus ont une forte propension à consommer, le programme stimule la demande de produits alimentaires et de biens de consommation courante qui, pour la plupart, sont produits aux niveaux local et régional.
La Bolsa familia est peut-être le programme de transferts sociaux le plus visible du Brésil, mais il n’est ni le seul ni le premier. Dans les années 1990, les stratégies de réforme brésiliennes étaient axées sur le renforcement du régime par répartition et l’extension de la couverture de sécurité sociale.
Cela a conduit à une réduction de 0,7 point par an entre 2001 et 2007 du Coefficient Gini du Brésil qui mesure les inégalités de répartition des richesses. Dans des pays comme la Suède, les Pays-Bas, le Canada et la France, des baisses soutenues pendant de longues périodes du Coefficient Gini ont été associées au développement d’Etats providence forts.
«Le programme Bolsa familia satisfait une demande éthique et morale de protection des droits de l’homme. La construction d’une société plus juste devrait à coup sûr intégrer des programmes comme celui-là dans sa stratégie de développement», a indiqué M. Arnaldo de Souza Benedetti, représentant du Groupe des travailleurs à la session du Conseil d’administration et membre du Syndicat général des travailleurs du Brésil (UGT).
«Presque tous les pays qui ont réussi à éradiquer l’extrême pauvreté ont mis en place une politique de redistribution. Même dans les pays à hauts revenus, certains pans de la population ne peuvent plus assurer leur propre subsistance en travaillant. Gérer cette situation grâce à des programmes de transferts sociaux, c’est franchir une étape importante pour bâtir des sociétés plus justes», a ajouté le représentant des employeurs, M. Dagoberto Lima Godoy, Conseiller principal de la CNI (la Confédération nationale de l’industrie du Brésil). Il a également mis en évidence certaines marges de progression pour la Bolsa familia.
Contrairement aux programmes sociaux qui offrent une assistance universelle aux pauvres, la Bolsa familia est accordée sous conditions. Elle offre un soutien financier aux familles à condition qu’elles remplissent certaines exigences de développement humain, par exemple la scolarisation des enfants, la couverture vaccinale, la surveillance nutritionnelle, les tests pré et post-nataux.
La raison pour laquelle le programme a été conçu de cette manière est que les familles pauvres peuvent être piégées dans un cycle de transmission intergénérationnelle de la pauvreté si elles n’ont pas accès à des ressources telles que l’éducation, la santé, le capital financier et les réseaux.
«Les enfants pauvres sont susceptibles de devenir des adultes pauvres si rien n’est fait pour améliorer leurs qualifications, éviter le travail des enfants, et leur permettre de surmonter les barrières socio-économiques auxquelles se sont heurtés leurs parents. L’expérience brésilienne est un encouragement pour nous tous qui œuvrons en faveur de la sécurité sociale pour tous. C’est un bon exemple de la manière de mettre en œuvre un processus d’insertion sociale rapide et massive à un coût relativement faible. Cela confirme ce que disent plusieurs études conduites par le BIT qui montrent que les pays en développement sont capables de construire un système de protection sociale complet, même basique», déclare Assane Diop, Directeur exécutif de la Protection sociale du BIT.
«Compte tenu de son approche de l’emploi et de la sécurité sociale, l’expérience brésilienne des programmes de transferts sociaux peut être considérée comme une expression forte de l’Agenda national pour le travail décent», a-t-il ajouté.