Convention du travail maritime

Charte internationale des gens de mer: à mi-chemin de l'application

Lorsque l'OIT a adopté la convention du travail maritime (MLC) le 23 février 2006, le Directeur général Juan Somavia avait parlé de moment historique pour plus de 1,2 million de marins dans le monde. Trois ans plus tard, en conformité avec le Plan d’action quinquennal du BIT, cet accord cadre fondamental a maintenant été ratifié par cinq grands Etats du pavillon et Membres éminents de l’OIT, représentant près de 45 pour cent du tonnage brut mondial. De nombreuses autres ratifications de membres soutenues par des accords professionnels internationaux sont déjà en cours.

Article | 23 février 2009

GENÈVE (BIT en ligne) – Dès l’origine, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et ses mandants gouvernementaux, employeurs et travailleurs se sont rendus compte que dans le monde du travail la situation des marins et des armateurs, l’un des premiers secteurs mondialisés, était singulière. Déjà en 1920, la Conférence internationale du Travail avait inscrit à son ordre du jour des sujets tels que les horaires de travail et les conditions d’emploi des gens de mer, interdisant l’embauche d’enfants de moins de14 ans à bord des navires, et envisageait la possibilité d’élaborer un code international pour les gens de mer.

Depuis 1920, l’OIT a adopté plus de 70 conventions et recommandations pour garantir aux marins des conditions de vie et de travail décentes, en mer ou à quai.

La MLC, 2006, est une convention «tout-en-un» qui regroupe et modernise la majorité de ces instruments juridiques. Elle a été spécifiquement conçue pour garantir des «chances égales pour tous» aux armateurs de qualité tout en contribuant à protéger plus de 1,2 million de gens de mer dans le monde. Elle couvre les exigences minimales pour les marins qui travaillent à bord d’un navire en termes de conditions d’emploi, horaires de travail et de repos, salaires, congés, rapatriement, hébergement, loisirs, alimentation et service de table, protection de la santé et de la sécurité au travail, soins médicaux, bien-être et protection sociale.

La convention établit également un solide mécanisme d’application et de respect basé sur un système d’inspection et de certification par l’Etat du pavillon des conditions de vie et de travail des gens de mer. Ce système s’appuie sur des inspections des navires par l’Etat du port pour garantir une conformité continue entre deux inspections. Le plan d’action quinquennal de l’OIT conçu pour garantir une entrée en vigueur de la MLC d’ici à 2011 a enregistré une avancée significative en septembre dernier avec deux grandes réunions d’experts tripartites en vue d’adopter des directives pour les inspections par les Etats du pavillon et celles des agents chargés du contrôle par l’Etat du port qui mènent des inspections en application de la MLC, 2006.

Ces directives, qui avaient été réclamées par une résolution de la Conférence internationale du Travail qui a adopté la MLC, 2006, offrent une assistance pratique aux pays qui ratifient et les aident à mettre en œuvre leurs obligations aux termes de la MLC, 2006. La convention encourage les inspections qui permettent le respect de ses exigences sur tous les navires étrangers qui visitent les ports d’un pays ayant ratifié la convention, même sur les navires originaires de pays qui n’ont pas ratifié la MLC, 2006.

Cependant, conformément aux autres grandes conventions du secteur, si un navire bat pavillon d’un pays qui a ratifié la convention et produit le certificat requis délivré par l’Etat du pavillon, l’agent de l’Etat du port doit accepter ces documents comme preuve de conformité, sauf en des circonstances particulières comme lorsqu’un inspecteur à de sérieux motifs de croire qu’un navire n’est pas conforme ou lorsqu’il reçoit la plainte d’un marin.

Le nombre grandissant d’immobilisations de navires dans de nombreux ports du monde montre le besoin permanent d’un tel système mondial d’inspections du port régulières. Dans l’Union européenne par exemple, le nombre d’immobilisations de navires pour une grande variété de motifs, notamment liés à l’environnement, à la sécurité et à la sûreté des navires et aux normes du travail, a augmenté pour la deuxième année consécutive, de 944 en 2005 à 1174 en 2006, et 1250 en 2007.

Une avancée importante vers le travail décent en mer

Alors que l’adoption des directives pour les agents chargés du contrôle par l’Etat du port et les inspections par l’Etat du pavillon a été considérée comme une avancée importante en direction d’une navigation de qualité et du travail décent en mer, de nouvelles ratifications par des Etats Membres de l’OIT mettent l’entrée en vigueur de la MLC, 2006, à notre portée.

L’entrée en vigueur de la convention sur le travail maritime, 2006, nécessite la ratification d’au moins 30 Etats Membres de l’OIT représentant une part d’au moins 33 pour cent du tonnage brut mondial. A ce jour, la convention a été ratifiée par le Libéria, la République des Iles Marshall, les Bahamas, et plus récemment le Panama et la Norvège.

Le Panama, le plus grand Etat du pavillon dans le monde, avec près de 25 pour cent de la flotte marchande mondiale qui arbore son pavillon était le quatrième grand pays maritime du monde à ratifier la MLC, 2006. Avec la ratification du Panama le 6 février 2009, l’une des deux conditions pour l’entrée en vigueur de cette convention est remplie. C’est donc à juste titre que le Panama avait endossé un rôle éminent lors de la réunion tripartite en vue d’adopter les directives pour les inspections des Etats du pavillon.

Le 10 février 2009, la Norvège fut le premier pays européen à ratifier la MLC, 2006. La Norvège a joué un rôle primordial dans la préparation de la convention et l’élaboration de directives internationales pour les inspections par les Etats du pavillon et les agents chargés du contrôle par les Etats du port menant des inspections en application de la MLC, 2006. Sa ratification va donner un signal fort aux autres pays européens pour les inciter à poursuivre leurs efforts en vue de la ratification et de la promotion du travail décent dans le secteur maritime.

Selon Cleopatra Doumbia-Henry, Directrice du Département des Normes internationales du travail au BIT, le secteur maritime a bénéficié presque plus que tout autre secteur de la mondialisation ces dernières années. «Mais cela l’a aussi fragilisé par rapport à la crise économique mondiale. Les tarifs du fret et des charters ont plongé, des emplois sont supprimés dans les compagnies maritimes et de nombreux navires sont mis au rencart pendant des mois. Dans ces circonstances, il est important de disposer d’un régime réglementaire international pour une navigation de qualité.»

De très nombreux pays de différentes régions du monde ont d’ores et déjà pris des mesures en vue de la ratification. En juin 2007, le Conseil de l’UE a adopté une décision autorisant tous les Etats membres de l’UE à ratifier la MLC, 2006, dans l’intérêt de la Communauté européenne avant le 31 décembre 2010. En décembre 2008, le Conseil est parvenu à un accord politique sur une proposition de Directive mettant en œuvre l’accord sur la MLC, 2006, conclu entre l’Association des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération des syndicats des transports de l’Union européenne.

«Nous espérons pleinement que la MLC, 2006, entrera en vigueur d’ici 2011», ajoute Mme Doumbia-Henry. Même en ces temps de difficulté économique, il est important et réconfortant de voir que les pays remplissent leur obligation internationale de parvenir à un travail décent protégé dans un secteur majeur au plan interne et crucial pour le système des échanges commerciaux à l’échelle mondiale. Avoir réussi à satisfaire si rapidement le préalable du tonnage brut pour l’entrée en force d’une convention aussi complète est une excellente nouvelle et un bon exemple pour d’autres secteurs.»