93ème Conférence internationale du Travail Foire de la connaissance de l'OIT: unir travailleurs et employeurs pour relever les défis de l'économie informelle

Les récentes campagnes menées pour éradiquer la pauvreté ont montré qu'une cause commune unissait les peuples du monde: en marge de la Conférence annuelle de l'Organisation internationale du Travail, une foire de la connaissance, parrainée par le Secrétariat de l'OIT avec le soutien financier du Département britannique pour le développement international (DFID) a permis d'intéressantes rencontres. Peu après l'ouverture de la foire, un leader syndical mexicain a fait un rapport chaleureux sur les préoccupations communes échangées avec un leader syndical camerounais, en dépit de leur incapacité à parler couramment la langue de l'autre. Comment ont-ils franchi le fossé linguistique qui les séparait? Leur volonté d'atteindre le même objectif: la protection sociale et les droits des travailleurs hors de l'économie formelle. La manifestation a mis en exergue l'importance de l'action menée en faveur du travail décent et de l'économie informelle pour le combat contre la pauvreté. Au cours d'une table ronde tenue le 13 juin, employeurs et travailleurs ont insisté sur la nécessité de se pencher sur les causes de "l'informalité". Ils ont signifié leur engagement en faveur de la création d'emplois et de la protection sociale, tout en assurant, partout là où l'homme travaille, le respect de ses droits fondamentaux.

Article | 17 juin 2005

GENÈVE - L'Etat mexicain de Nuevo Léon mentionne de manière spécifique les travailleurs informels dans les amendements introduits dans la loi de l'Etat. C'est un succès significatif de la Fédération nationale des organisations de travailleurs non salariés du Mexique, qui n'a cessé de lutter pour améliorer les conditions de vie de tous ceux qui travaillent hors des structures formelles, où la protection sociale existe.

Gilberto Vazquez Muro, Secrétaire général de l'organisation, a rendu hommage aux efforts déployés par l'OIT pour faire face à la situation des travailleurs informels qui, a-t-il reconnu, pose de difficiles problèmes aux gouvernements et aux employeurs.

En 1982, la Fédération a commencé par aider les vendeurs de rue à s'organiser pour répondre aux menaces qui pesaient sur leur gagne-pain de la part de fonctionnaires locaux, n'hésitant pas, parfois, à détruire leurs marchandises.

Depuis, la Fédération s'est étendue, organisant et protégeant jusqu'à un million de personnes, entre autres, des personnes travaillant à domicile pour des usines, différents groupes d'ouvriers indépendants et d'artisans, ainsi que les vendeurs de rue. Les 10 000 qui paient officiellement leurs cotisations syndicales ne sont qu'une fraction de ceux qui se trouvent représentés, mais le fait même qu'ils sont organisés et en mesure de verser une contribution est déjà en soi un succès. Plusieurs de ces membres se sont affiliés à la suite d'anciennes campagnes marquées par la distribution de prospectus.

L'organisation travaille maintenant à la publication d'un magazine, qui fera état des progrès réalisés et informera les lecteurs de leurs droits. Et, comme dit M. Vazquez Muro, elle aimerait bien monter une exposition itinérante, comme celle qu'on a pu voir ces jours à la Conférence internationale du Travail.

A l'inverse des salariés de l'économie formelle, qui jouissent de divers avantages au Mexique, ceux qui travaillent hors de ce cadre n'ont qu'un accès limité, voire aucun, à la protection sociale. La Fédération des travailleurs non salariés a passé un accord avec le ministère mexicain des Affaires sociales, en vertu duquel les travailleurs du secteur informel peuvent bénéficier, contre versement de petites contributions, de certains avantages en matière de santé et de logement, mais cette pratique est limitée, pour l'instant, au nord du pays. Et, à Nuevo Léon, la loi protège aussi, à présent, les droits des vendeurs, définissant l'emplacement qu'ils occupent et le protégeant, et ce, contre le versement de près de deux jours de salaire minimum, soit environ cent pesos.

M. Vazquez Muro a découvert que les vendeurs de rue abondent aussi dans plusieurs pays africains et l'emploi y est également précaire. Aussi a-t-il eu une discussion nourrie avec son collègue du Cameroun. Et comme l'a souligné un autre syndicaliste africain, les vendeurs de rue paient aussi des taxes, même s'ils ne tirent pas toujours les bénéfices de leurs contributions civiques.

Le Secrétaire général de la Fédération panafricaine des employés de bureau basée au Togo, M. Chrysanthe Koffi Zounnadjala, a critiqué l'absence de services sociaux pour ceux contraints - afin de survivre - d'être vendeurs de rue ou travailleurs occasionnels, et fait remarquer que l'on attend de nombre d'entre eux qu'ils paient des impôts locaux et municipaux. Certains sont même imposés par l'Etat, mais en dépit de cela, a-t-il dit, les gouvernements font peu pour créer à leur intention des emplois stables.

Pour M. Zounnadjala, le problème trouve ses racines dans les effets des politiques d'ajustement structurel des institutions de Bretton Woods, mais il voit un espoir dans les efforts faits par le BIT pour promouvoir le dialogue social, qui encourage les gouvernements à favoriser la protection sociale et la création d'emplois, aidant ainsi les travailleurs dans l'économie informelle. Au Togo, des médecins expérimentés et d'autres diplômés ne peuvent trouver de travail et gagnent leur vie en faisant le taxi-moto. Et même eux sont harcelés par des fonctionnaires, a-t-il dit.

Mme Linda Wirth, directrice du Bureau de l'égalité entre hommes et femmes, note que nombre de femmes dans l'économie informelle sont les plus touchées dans leur lutte pour la survie de leur famille. Assurer le respect des droits, les sources de revenu et la protection sociale pour conforter la position des femmes et promouvoir l'égalité des sexes dans l'économie informelle est une des clés du combat contre la pauvreté.

Pour Daniel Funes de la Rioja, Vice-président (employeurs) du Conseil d'administration du BIT, "les employeurs ont deux priorités en relation avec l'économie informelle: influencer la législation et les décisions politiques du pouvoir de manière à créer un environnement propice à toutes sortes d'entreprises, étendre la représentation des organisations patronales à l'économie informelle et jeter des ponts entre les entités formelles et informelles". Lui-même et des collègues employeurs de Jamaïque (Mme Coke-Lloyd), du Kenya (M. Konditi) et de Mongolie (M. Ganbataar) ont donné des exemples concrets au cours d'une table ronde, organisée par la foire le 13 juin.

Au cours de cette même table ronde, le Vice-président (travailleurs) du Conseil d'administration du BIT, Sir Leroy Trotman, a fait l'éloge de cette foire, vitrine de ce que l'Organisation et ses partenaires font pour faire face à la mauvaise passe dans laquelle se trouvent tous ceux qui, par nécessité, sont pris dans l'économie informelle. "Nous devons apprendre les uns des autres ce qu'il est possible de faire, et ce qui peut réussir, pour introduire le travail décent dans différents contextes", a-t-il ajouté. Coordinateur d'un projet parrainé par la CISL (Confédération internationale des syndicats libres) et destiné à aider les travailleurs à s'organiser dans l'économie informelle, relativement nouvelle, en Europe centrale et orientale, M. Sergejus Glovackas, a indiqué qu'il apprenait beaucoup des expériences menées dans d'autres régions du monde.

La Foire de la Connaissance donne des exemples de bonnes pratiques et de résultats concrets obtenus suite aux programmes réalisés autour du globe par l'OIT et ses partenaires. Des propositions avancées par les bureaux régionaux de l'Organisation et le Siège ont été regroupées et couvrent quatre thèmes principaux: environnement politique, bâtir et renforcer la représentation, accroître les emplois et développer les marchés, améliorer les conditions de travail et la protection sociale. Dans la mesure où cette exposition est modulaire et multilingue, elle pourra servir, au-delà de la Conférence, pour inciter d'autres partenaires sociaux à s'attaquer aux problèmes soulevés. Ainsi, par exemple, un CD-ROM réunira les principaux documents et articles de fond de la foire après sa clôture le 15 juin.

L'exposition va être déplacée au siège du BIT à Genève pour coïncider avec la manifestation prévue les 20 et 21 juin sur la "Gestion de la connaissance pour le développement".

La foire illustre l'action entreprise par les organisations d'employeurs et de travailleurs, de concert avec les gouvernements, pour mettre en pratique le consensus sur le travail décent et l'économie informelle, intervenu au cours de la Conférence internationale du Travail de 2002. "L'économie informelle prend une importance croissante, et la foire montre un large éventail des actions concrètes menées par l'OIT et ses composantes pour y faire face", a expliqué Anne Trebilcock, directrice adjointe du Département de la politique d'intégration, qui organise la foire.

Cette manifestation souligne la nécessité d'intervenir sur trois fronts: mettre un coup d'arrêt à la tendance vers l'"informalité", formaliser les situations le plus possible et répondre aux besoins de ceux qui travaillent dans l'économie informelle. Outre la présentation multimédia, un journal, des panneaux, des banderoles et autres, elle offre des démonstrations en direct pour la consultation de la base de données du BIT sur l'économie informelle, source d'informations disponible au public qui recèle quelque 500 documents et outils sur la question.