Juan Somavia

Directeur général de l'Organisation internationale du Travail, 1999-2012

Juan Somavia a été Directeur général du BIT de mars 1999 à septembre 2012. Il a mené une longue et brillante carrière dans les affaires publiques, politiques et internationales. Sa vaste expérience dans tous les domaines de la vie publique – en qualité d'ambassadeur, de président-directeur général et de décideur – et sa participation active à des organisations sociales, professionnelles, universitaires et de la société civile ont contribué à le convaincre de la nécessité d'assurer un travail décent aux femmes et aux hommes par un investissement productif dans l'économie réelle. M. Somavia est persuadé qu'à maints égards, la qualité d'une société dépend de la qualité de ses emplois. Il a été particulièrement actif dans le traitement de la question de la dimension sociale de la crise financière et économique actuelle.


Tout au long de sa carrière, M. Somavia a beaucoup écrit et donné de nombreuses conférences sur des thèmes divers: commerce et sécurité, questions sociales et économiques ou relatives au travail et aux droits de l'homme, et l'on ne compte plus les citations et récompenses qu'il a obtenues pour ses travaux dans les domaines de la paix, des droits de l'homme et du développement social.

Le 23 mars 1998, le Conseil d'administration a élu Juan Somavia Directeur général du BIT. Neuvième Directeur général de cette institution, M. Somavia est devenu le 4 mars 1999, date à laquelle il a pris ses fonctions pour un mandat de cinq ans, le premier représentant de l'hémisphère Sud à occuper ce poste. En mars 2003, M. Somavia a été réélu pour un deuxième mandat de cinq ans, et pour un troisième mandat le 18 novembre 2008. Il a renoncé à son poste de Directeur général en septembre 2012.

Depuis sa prise de fonction, M. Somavia a entrepris de relever le défi que la mutation rapide des économies représente pour l'OIT, organisation tripartite composée de gouvernements, d’employeurs et de travailleurs. En 1999, il a présenté à la Conférence internationale du Travail son Agenda du travail décent, que le Conseil d'administration et la Conférence ont adopté par la suite. L'Organisation a fait du «travail décent» l'expression contemporaine de son mandat historique.

À l'initiative de M. Somavia, l'OIT a créé en 2002 la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, composée de chefs d’Etats, de représentants d'employeurs et de travailleurs, de décideurs, d’universitaires et d’acteurs sociaux de tous les horizons. Cette commission a été le premier organe officiel chargé d’examiner de manière systématique les conséquences sociales de la mondialisation. Ses recommandations pratiques sur les moyens de parvenir à une mondialisation équitable créant des opportunités pour tous a reçu un large soutien, de la part notamment des Nations Unies et du G-20.

En juin 2008, la Conférence internationale du Travail a adopté la Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, qui a recentré la mission de l'OIT pour lui permettre, grâce à l’Agenda du Travail décent, de relever les défis de la mondialisation au XXIème siècle.

Avec le ferme soutien de chefs d'état et de gouvernement et de ministres du travail, de représentants des employeurs et des travailleurs et d'autres dirigeants présents au Sommet de l'OIT de 2009 sur la crise mondiale de l'emploi, l'Organisation a adopté un Pacte mondial pour l’emploi destiné à orienter les politiques nationales et internationales de relance économique, de création d'emplois et de protection des travailleurs et de leurs familles. Ce pacte a été salué par les dirigeants du G20 au Sommet de Pittsburgh, oò le Directeur général a été invité à présenter un rapport sur les politiques et les perspectives en matière d'emploi et de protection sociale. Sous la conduite de M. Somavia, l'OIT a été conviée à participer aux sommets ultérieurs du G20. De 2009 à 2012, M. Somavia a placé l’Organisation au coeur du débat mondial sur les réponses à la crise. Résumant son travail au BIT, il a déclaré: «Les maîtres mots sont ambition, leadership, innovation dans le domaine de la recherche du consensus et promotion des valeurs de l’OIT en période de changement et de crise».

Jusqu'en septembre 2012, M. Somavia a été pendant 13 ans membre du Comité intérimaire du FMI, puis de son successeur le Comité monétaire et financier international. En novembre 2010, l'OIT et le FMI ont organisé conjointement une réunion sans précédent sur les conséquences pour l'emploi de la crise financière et économique, à l'occasion de laquelle le Pacte mondial pour l’emploi de l'OIT a été approuvé. Tout au long de son mandat, M. Somavia a participé activement aux travaux du Forum économique mondial (dont le siège est à Genève) et à la réunion annuelle de Davos. Il a également participé aux premières réunions du Forum social mondial à Porto Alegre et à Bombay.

Avant son élection au poste de Directeur général du BIT, M. Somavia a été de 1990 à 1999 ambassadeur du Chili auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York, où il représentait le nouveau gouvernement démocratique du Chili.

Il a occupé plusieurs postes clés aux Nations Unies.

1993-95: président du comité préparatoire du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague (1995);

1993-94, 1998-99: président du Conseil économique et social de l'Organisation des Nations Unies;

1996-97: représentant du Chili au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies et président du Conseil de sécurité en avril 1996 et octobre 1997;

1991-92: président du Comité social du Conseil économique et social de l'Organisation des Nations Unies;

1990-91: président de la troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles.

Juan Somavia a débuté sa carrière en tant qu'universitaire. En 1967-1968, il a été chargé d'enseignement sur les questions économiques et sociales dans le cadre des cours de politique commerciale du GATT à Genève. En 1971, il a été nommé professeur de politiques économiques et sociales internationales au département des sciences politiques de l’Université catholique du Chili; ce poste lui a donné l’occasion de mettre en relief l'importance de l'OIT et de sa structure tripartite, véritable modèle dans le domaine de la coopération internationale et de la résolution des conflits. De 1976 à 1990, il a été fondateur, directeur exécutif et président de l'Institut latino-américain d'études transnationales (ILET); durant cette période, il a réalisé plusieurs études sur les mouvements syndicaux et sociaux à Mexico et à Santiago. De 1996 à 1999, M. Somavia a été président du conseil de l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (UNRISD).

M. Somavia a toujours manifesté beaucoup d’intérêt pour la coopération au service du développement et pour les affaires économiques et sociales. A la fin des années 1960, lorsqu’il travaillait au GATT, il a encouragé la participation des pays en développement au Kennedy Round. De 1970 à 1973, il a été membre et président du conseil de la Société andine de développement à Caracas et a œuvré activement en faveur de l'intégration régionale. De 1977 à 1995, il a été membre du comité exécutif de la Fondation internationale pour un autre développement, à Nyon (Suisse); il a en outre fait partie pendant plus de 25 ans du comité consultatif de «Development Dialogue» (publié par la Fondation Dag Hammarskjöld en Suède). Pendant qu'il exerçait ses fonctions à l'ONU, M. Somavia, alors ambassadeur, a proposé et dirigé l’organisation du Sommet mondial pour le développement social qui s’est tenu à Copenhague en mars 1995 et auquel ont participé plus de 120 chefs d'Etat et de gouvernement. Cet événement, première initiative de la communauté internationale visant à assurer la prise en compte des grandes préoccupations des populations (l'emploi, la pauvreté et l’intégration sociale) par les instances décisionnelles mondiales, devait déboucher quelques années plus tard sur l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement. Juan Somavia est également un expert des questions de sécurité, qu’il s'agisse des conflits frontaliers d’Amérique du Sud, de la notion de sécurité humaine, qu'il a contribué à développer, ou des questions de sécurité mondiale traitées par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Juan Somavia a également exercé d’importantes responsabilités gouvernementales au Chili, notamment:

1968-1970: ambassadeur et conseiller principal du ministre chilien des Affaires étrangères pour les questions économiques et sociales, et notamment responsable des affaires multilatérales.

1970-1973: secrétaire exécutif de l’Association latino-américaine de libre-échange ; ambassadeur du Chili auprès du Groupe andin; membre et président du Conseil du Groupe andin.

La carrière aux multiples facettes de M. Somavia a été guidée par un ferme attachement à la cause de la justice sociale, de la paix et des droits de l'homme. Après dix années d’exil (de 1974 à 1983), il est retourné dans son pays où il activement participé au rétablissement de la démocratie. De 1983 à 1990, il a été président de la Commission internationale de la coalition démocratique du Chili ; de 1986 à 1990, il a également été fondateur et secrétaire général de la Commission sud-américaine pour la paix. La poursuite de ces idéaux lui a valu plusieurs citations et récompenses, dont le prix de la paix Leonides Proaño, décerné par l'Association latino-américaine des droits de l'homme, l'International Achievement Award, décerné par Inter Press Service, le Golden Dove of Peace international, et, plus récemment, le Silver Rose Award, que lui a remis Solidar pour sa vision du travail décent et sa défense des droits et des libertés des travailleurs. Il a récemment reçu un Life Achievement Award du Comité des prix des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), en reconnaissance des efforts déployés au service de la réalisation des OMD et de la promotion du développement social.

M. Somavia a été actif pendant de nombreuses années au sein d'associations commerciales, d’organismes financiers et d'organisations de la société civile. En tant que secrétaire exécutif de la Chambre de commerce Chili-Argentine, il a renforcé les liens entre les milieux d'affaires des deux pays. De 1976 à 1982, Juan Somavia a été coordinateur du Forum du Tiers Monde, réseau d'acteurs sociaux d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des Caraïbes. Il a également été membre du conseil et vice-président pour l’Amérique latine de l’agence de presse du Tiers Monde Inter Press Service, située à Rome. Avec Gabriel Garcia Marquez, lauréat du Prix Nobel, M. Somavia a représenté l'Amérique latine en tant que membre de la commission MacBride sur les communications internationales (1980-1982). Enfin, il a été président du Comité Action mondiale des parlementaires des Nations Unies.

Né le 21 avril 1941, Juan Somavia a fait ses études primaires et secondaires au Chili, aux Pays-Bas, en Belgique, aux Etats-Unis et en Equateur. En 1958, il est retourné dans son pays pour étudier le droit à l'Université catholique du Chili. Après avoir obtenu son diplûme en 1962, il a suivi des études supérieures en développement économique à la faculté de droit et de sciences économiques de l'Université de Paris, de 1964 à 1966. M. Somavia s’est vu décerner un doctorat honoris causa par le Connecticut College en 1996, par l'Université catholique du Pérou en 1999, par l'Université de Turin en 2001, par l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne en 2003, et, en 2009, par l'Université de Coimbra et l'Université de Kassel.

M. Somavia et son épouse Adriana Santa Cruz ont deux enfants et trois petites-filles.