Créer plus d’emplois et de meilleure qualité en partenariat avec les entreprises multinationales : l'Argentine montre la voie

Au cours des dix dernières années, le gouvernement argentin a joué un rôle moteur pour bâtir une alliance entre l'État et le secteur privé afin de lutter contre le chômage des jeunes et de promouvoir le développement des entreprises. Pour relever ces défis nationaux, les entreprises multinationales (EMN) se sont avéré des partenaires stratégiques. L'OIT a fourni une assistance technique pour soutenir les efforts du gouvernement dans la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité au sein des multinationales et de leurs fournisseurs dans le pays.

Présentation | 6 novembre 2020
Initiatives de RSE : le ministère du Travail aux commandes

Depuis 2005 en Argentine, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale guide les initiatives visant à inciter les entreprises multinationales (EMN) à promouvoir le développement des entreprises et à créer davantage d’emplois et de meilleure qualité, en particulier pour les nombreux jeunes chômeurs. En s'appuyant sur la Déclaration de principes tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (Déclaration sur les EMN), le Ministère a encouragé les partenariats entre de multiples parties prenantes, notamment les entreprises, les chambres de commerce, les organisations de travailleurs et d'employeurs, les représentants de la société civile, les universités et d'autres organismes gouvernementaux (ministère des Affaires étrangères et autres ministères), ainsi que les gouvernements des pays d'origine des EMN opérant en Argentine par l'intermédiaire d'organismes régionaux et internationaux (tels que l'Union européenne).

Le Ministère a placé les questions de travail au cœur des efforts de développement durable par le biais de plusieurs initiatives, notamment l’élaboration d’une politique nationale de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et d’un document de planification stratégique (Plan Estratégico) pour la période 2008-2011.

Il a également créé en 2006 une « Unité de coordination de la responsabilité sociale des entreprises et du travail décent » en son sein, pour diriger la promotion de pratiques de travail socialement responsables. Parmi les objectifs de l'unité figuraient la promotion du « travail décent et de la Déclaration de l'OIT sur les entreprises multinationales » et le renforcement de la capacité institutionnelle du Ministère dans le domaine du travail décent et de la RSE, par le biais de programmes de recherche, de partage des connaissances et de formation.

Le Ministère a participé à de nombreuses réunions nationales et internationales pour promouvoir la dimension du travail dans la RSE. Il a lui-même organisé un certain nombre d’entre elles. En 2010, il a réuni les neuf agences gouvernementales chargées des investissements directs étrangers et des opérations des entreprises multinationales, afin de les sensibiliser aux principes de la Déclaration des entreprises multinationales et de renforcer la cohérence des politiques dans le cadre de ses efforts plus larges en faveur de la coordination interministérielle. L'OIT a participé à ces réunions en tant qu'expert technique et a organisé conjointement plusieurs conférences de haut niveau, dont le Multi Forum Cono Sur (tenu en 2009) à l'occasion du 30e anniversaire de la Déclaration de l'OIT sur les entreprises multinationales. Lors de ce forum sous-régional, plus de 150 multinationales d'Argentine, du Brésil, du Chili, du Paraguay et de l'Uruguay ont discuté des moyens de mettre en place et de défendre des pratiques de travail socialement responsables, et de promouvoir une mondialisation équitable et la justice sociale en contexte de crise. Elles ont en outre partagé leurs expériences sur le rôle des politiques publiques dans la création d'un environnement favorable aux entreprises durables.

Dialogue et action conjointe sur la RSE et le travail décent

Le Ministère a facilité la mise en œuvre d'initiatives publiques et privées en faveur de la RSE, et a encouragé la création de liens entre les deux secteurs. Un « Réseau RSE et travail décent », qui offre une plate-forme multipartite à plus de 100 grandes entreprises et chambres de commerce, a été créé pour encourager le dialogue et l'action conjointe. Les entreprises étaient le plus souvent représentées par des cadres dirigeants, un signe de leur engagement à relever collectivement les défis nationaux grâce à une responsabilité sociale partagée. En 2007, elles ont signé une lettre d'« engagement en faveur de la RSE et du travail décent » en présence du président argentin ; elles ont déclaré à cette occasion que leurs politiques et leurs activités iraient au-delà du respect du droit du travail pour améliorer les relations de travail et promouvoir la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité garantissant l'égalité des chances.

Le Ministère a également organisé une série d'activités pour aider les entreprises à mettre en pratique leur engagement envers les principes de la Déclaration sur les EMN. Les partenaires sociaux et les entreprises multinationales ont été invitées à participer à des programmes et des ateliers interactifs, ainsi qu’à des forums de dialogue nationaux et internationaux de haut niveau afin d'aborder ensemble les problèmes du chômage des jeunes et du nombre de travailleurs dans l'économie informelle.

Investir dans la jeunesse

Le programme « Un avenir pour la jeunesse » (« Programa Jóvenes con Futuro ») a été lancé en 2006 pour renforcer l'employabilité des jeunes vulnérables et faciliter leur intégration sur le marché du travail formel. Les secteurs public et privé ont financé conjointement des initiatives offrant aux jeunes des conseils d'orientation professionnelle et des opportunités de formation professionnelle dans les entreprises multinationales participantes. À l'issue du programme, la moitié des participants (dont 40 % de femmes) se sont vu proposer un emploi dans les entreprises qui leur avaient dispensé une formation, et 10 % ont été embauchés par une autre entreprise du même secteur. Le Ministère a également encouragé les jeunes – filles et garçons – à retourner à l'école pour terminer leurs études secondaires, et a leur fourni un soutien à la recherche d'emploi en coordination avec les bureaux municipaux de l'emploi et les organisations de la société civile. Plus de 85 % des 2 000 participants sont retournés à l'école et 59 % ont trouvé du travail.

Amélioration des conditions de travail dans les chaînes d'approvisionnement

Un « Programme de formation conjoint pour une vision partagée » (« Ciclo de Formación Conjunta para una Visión Compartida ») a été dispensé pour développer une culture de la responsabilité sociale dans les entreprises visant à améliorer les conditions de travail tout au long des chaînes d'approvisionnement. Ce programme de formation annuel tripartite a été conçu pour instaurer la confiance entre les principales parties prenantes et renforcer les partenariats autour d'objectifs communs par le dialogue. Le programme a également contribué à encourager les entreprises participantes à travailler avec leurs fournisseurs et leurs syndicats, notamment en participant ensemble au programme de formation. Des sessions interactives animées par des experts ont permis d'identifier les principaux défis à relever dans les chaînes d'approvisionnement et de clarifier les rôles que les entreprises peuvent jouer dans la promotion du travail décent.

Sur les 23 entreprises et 14 syndicats ayant participé au programme de formation entre 2010 et 2015, 77 % des entreprises et 90 % des représentants des travailleurs ont déclaré que leur perception et leur compréhension mutuelles avaient changé. En outre, 96 % des participants ont déclaré que le programme incitait les entreprises à adopter un comportement responsable. Néanmoins, des obstacles subsistent pour agir au-delà des fournisseurs de premier niveau des entreprises. Il est plus difficile d’atteindre les fournisseurs de deuxième et troisième niveau qui relèvent souvent du secteur informel, où les manquements aux principes de travail décent sont plus susceptibles d'être constatés. Le programme a encouragé les fournisseurs à aborder des questions telles que la responsabilité des entreprises, la conformité et la compétitivité, et a soutenu leur processus de formalisation et leur intégration dans l'économie formelle.

Créer des ponts entre les pays d'origine et d'accueil des entreprises multinationales

Le réseau RSE du Ministère a également mis en place des canaux/plateformes de dialogue avec les chambres de commerce du Canada, du Danemark, de l'Allemagne, de la Norvège, de l'Espagne, de la Suède, du Royaume-Uni et des États-Unis – des pays qui représentent un pourcentage important des multinationales étrangères opérant en Argentine. Le réseau a souligné le rôle important de ces pays « d'origine » dans la promotion de pratiques de travail socialement responsables au sein de leurs entreprises, conformément aux recommandations de la Déclaration sur les EMN. Huit accords-cadres bilatéraux de coopération ont été signés entre le Ministère et les chambres de commerce. Ces chambres ont activement contribué à la promotion des pratiques de travail décent dans les EMN et leurs chaînes d'approvisionnement, et ont collaboré avec le Ministère dans le cadre du « Programme de formation conjoint pour une vision partagée » mentionné précédemment.

En 2008, le Dr Carlos A. Tomada, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, a prononcé un discours liminaire lors de la conférence de haut niveau sur la RSE organisée par l'OIT et l'OCDE à Paris. Il a présenté l’expérience de l'unité de coordination dans la promotion des partenariats public-privé pour encourager la RSE et le travail décent.

Au cours du mandat du ministre Carlos A. Tomada, de 2003 à 2015, 29 séminaires internationaux et tables rondes ont été organisés avec les chambres bilatérales. En 2011, une étude intitulée « Multinacionales en la Argentina : estrategias de empleo, relaciones laborales y cadenas globales de valor » a été réalisée pour évaluer le potentiel de la dimension du travail de la RSE dans les entreprises multinationales et leurs chaînes d'approvisionnement pour créer plus d’emplois et des emplois de meilleure qualité en Argentine. Le gouvernement s'est également engagé activement aux côtés d'autres organisations internationales, telles que l'Union européenne (UE) et l'Organisation des États américains (OEA), sur la RSE et le travail décent. Il a organisé plusieurs événements conjoints avec la Red Argentina del Pacto Global (pactoglobal.org.ar), coordonnés par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Lors de la 18e Réunion régionale américaine de l'OIT en 2014, le ministre Carlos A. Tomada a partagé l’expérience de l'Argentine avec les gouvernements, les employeurs et les travailleurs de la région à l’occasion d'une session spéciale sur la promotion et l'application de la Déclaration sur les EMN dans les Amériques, et a appelé à davantage de partage d'expériences interrégionales et internationales. L'expérience de l'Argentine dans la mise en œuvre de la Déclaration sur les EMN a également été présentée par le Dr Noemí Rial, secrétaire d’État argentine au Travail, lors de l'événement sur « Les entreprises et le travail décent » organisé parallèlement à la Conférence internationale du Travail de 2014.

Perspectives

Au cours des dix dernières années, la Déclaration de l'OIT sur les entreprises multinationales a fourni au gouvernement une feuille de route pour engager des actions avec les entreprises en faveur des objectifs prioritaires du travail décent, en transformant les recommandations de la Déclaration en objectifs et résultats concrets en Argentine. Sous la direction du ministère du Travail, des organismes gouvernementaux, des entreprises multinationales, nationales et locales, des universités, la société civile et des organisations de travailleurs et d'employeurs ont participé activement à un dialogue public-privé et à des projets pilotes pour améliorer les opportunités de travail décent. Bien que les multinationales ne représentent qu'un faible pourcentage des entreprises dans leur ensemble en Argentine, leurs efforts pour aligner leurs politiques sur les priorités du développement public et du travail décent en ont fait des moteurs du développement socio-économique du pays.