Finance et travail des enfants

Les estimations globales de l'OIT sur le travail des enfants montrent qu'en 2016, 152 millions d'enfants travaillaient quotidiennement. Cette violation flagrante des droits de l'homme est toujours l'un des fléaux les plus déplorables de l'histoire moderne de l'humanité – mais le secteur financier pourrait contribuer à en faire de l’histoire ancienne.

Les estimations globales de l’OIT sur le travail des enfants montrent qu’au cours de l’année 2016, 152 millions d’enfants étaient chaque jour astreints au travail. Le travail des enfants n'est pas à prendre à la légère ; il prive les enfants de leur enfance, de leur potentiel et de leur dignité, et nuit à leur développement physique et mental. En tant que tel, il constitue une grave violation des droits de l'homme. Si le nombre d'enfants astreints au travail a considérablement diminué (ils étaient 245 millions en 2000), 73 millions d'entre eux travaillaient encore dans des conditions dangereuses en 2016 et près de la moitié des 152 millions de victimes du travail des enfants étaient âgés de 5 à 11 ans.

Le secteur financier doit se sentir concerné, car il peut encourager le travail des enfants. Les microentreprises en croissance peuvent avoir recours au travail familial non rémunéré, y compris celui des enfants mineurs, pour répondre aux besoins de main-d’œuvre supplémentaire. Au début, les enfants manquent l'école de temps en temps, mais ils peuvent ensuite l'abandonner, et l’expérience montre qu'ils y retournent rarement. Un cercle vicieux qui perpétue la pauvreté intergénérationnelle.

Cependant, le secteur des services financiers dispose aussi de nombreux moyens pour contribuer à l’élimination du travail des enfants. Toutes les parties prenantes, notamment les banques et les institutions de microfinance, les assureurs et les investisseurs peuvent s'engager activement. Avant de le faire, il est toutefois essentiel que les parties prenantes commencent par comprendre les causes du travail des enfants dans les zones géographiques et les chaînes de valeur qui les concernent. Les stratégies d'intervention ne seront fructueuses que si elles s'attaquent effectivement aux causes sous-jacentes, comme nous l’expliquons dans notre article « Responsible finance and child labour: quo vadis microfinance? ». Le schéma ci-dessous synthétise les enseignements de notre expérience de plusieurs années et vous incitera peut-être à vous engager !


Causes du travail des enfants et interventions possibles des prestataires de services financiers
Causes du travail des enfants et interventions possibles des prestataires de services financiers
Travaux du programme Finance solidaire sur le sujet :
  • Inclusion financière. Dans le cadre de son programme de recherche-action La microfinance pour le travail décent, le programme Finance solidaire a travaillé avec trois institutions de microfinance pour les aider à lutter contre le travail des enfants parmi leurs clients. Au Nigéria, LAPO a lancé une campagne de sensibilisation contre le travail des enfants couplée à un prêt pour les dépenses scolaires. Au Pakistan, NRSP a étendu sa couverture d'assurance maladie. Au Mali, Nyésigiso a développé une formation pour ses clients sur l'entreprenariat, la gestion financière et le travail des enfants. Bien que chaque innovation ait modifié le comportement des clients, c'est l'assurance maladie au Pakistan qui a eu l'effet le plus important et a réduit le travail des enfants de 7 % en 2 ans et demi (étude d'impact du NRSP). Vous trouverez d'autres résultats dans notre rapport de synthèse. Actuellement, nous travaillons dans un certain nombre de pays africains pour accélérer les mesures visant à éliminer le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement (ACCEL). En Côte d'Ivoire, nous avons mené des recherches sur le terrain afin de comprendre les causes profondes du travail des enfants dans la chaîne de valeur du cacao et d'identifier les services financiers les plus appropriés pour y remédier. Le secteur financier passe d'une approche basée sur la production et orientée crédit à une approche plus holistique et centrée sur le client. En 2020, le volet « finance solidaire » du projet ACCEL se concentrera également en Ouganda et au Malawi sur les chaînes de valeur du café et du thé.
  • Investissement durable.
    • Dans le cadre de notre travail avec l’AATIF (Fonds d'investissement pour l'agriculture et le commerce en Afrique) et avec le CFC (Fonds commun pour les produits de base), nous avons développé des outils qui permettent aux investisseurs d'intégrer le facteur du travail des enfants dans leurs décisions d'investissement. L'assistance technique associée aux investissements et adaptée aux petits exploitants agricoles offre un grand potentiel de sensibilisation et de promotion de solutions alternatives au travail des enfants, tout en augmentant la productivité et donc les revenus des ménages de petits exploitants.
    • En collaboration avec le projet RICHES de la Grameen Foundation (Reducing Incidence of Child Labour and Harmful Conditions of Work in Economic Strengthening Initiatives), nous avons développé et testé des outils pour aider les parties prenantes à évaluer les risques pour la sécurité et la santé des adultes et des enfants dans le cadre des initiatives d'autonomisation économique des femmes. Ces outils comprennent des guides qui ciblent les investisseurs et les institutions de microfinance et qui fournissent des conseils sur la manière dont leurs processus, produits et services internes peuvent atténuer le risque de travail des enfants ou de conditions de travail néfastes dans le cadre de leurs opérations de prêt et investissements.
    • En 2021, nous avons mené une étude pour évaluer la responsabilité et les obligations légales des acteurs du secteur financier dans l'élimination du travail des enfants dans la chaîne d'approvisionnement du cacao en Côte d'Ivoire. Elle s'est concentrée sur les acteurs qui financent les transactions de cacao au niveau des exportateurs, des acheteurs et des coopératives. Cette Note de Finance Solidaire évalue les pratiques actuelles et le rôle potentiel des acteurs du secteur financier dans la lutte contre le travail des enfants dans ce contexte.
  • Repousser les frontières. Depuis le début de l'année 2020, l'OIT mène une étude sur la faisabilité d'une obligation d'impact ou d'un autre mécanisme de financement innovant pour lutter contre le travail des enfants dans la chaîne de valeur du cacao en Côte d'Ivoire. Dans la lutte contre le travail des enfants, nous devons sortir des sentiers battus et envisager des formes innovantes de collaboration afin d'atteindre la cible 8.7 des ODD : mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes d'ici 2025.
Autres travaux de l’OIT sur le sujet :
  • Depuis 2013, le Service des Principes et droits fondamentaux au travail de l'OIT (FUNDAMENTALS) abrite le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) de l'OIT. Pendant de nombreuses années, l'IPEC a été le plus grand programme de ce type au monde, réunissant des partenaires tels que les organisations d'employeurs et de travailleurs, les agences internationales et gouvernementales, les entreprises privées, les organisations communautaires, les ONG, les médias, les parlementaires, les représentants du système judiciaire, les universités, les groupes religieux et, bien sûr, les enfants et leurs familles, tous unis dans la lutte pour l'abolition du travail des enfants. En 2019, le Programme phare mondial IPEC+ a été lancé pour permettre à l'OIT de diriger les efforts de la communauté internationale visant à éradiquer toutes les formes de travail des enfants d'ici 2025 et toutes les formes contemporaines d'esclavage et de traite des êtres humains d'ici 2030.
  • L'OIT sert de secrétariat à l'Alliance 8.7, un partenariat mondial visant à atteindre la cible 8.7 des objectifs de développement durable. L'Alliance rassemble des acteurs dans le but de favoriser la collaboration, l’élaboration de stratégies, le partage de connaissances et, à terme, d'accélérer les progrès afin d’être en mesure de respecter cet engagement d'ici 2030. En 2020, elle compte 225 partenaires et 17 pays pionniers qui s'engagent à essayer de nouvelles approches et à collaborer avec d'autres pays.